Oyez, voici l'annonce tant attendue après 6 semaines de votes des mini-Yaz 2023. Pour cette douzième édition, nous avons eu 13 votants : Fitz, Outremer, Skarn, Flam, Astre*Solitaire, Kraken, steflip, Salla, Loi-Kymar, fifre, grattepapier, Lady V et gynogege.
Comme déjà rappelé, les avh des auteurs votants se voient accordées deux points supplémentaires.
Après validation des scores avec mes deux compères Kraken et Merlinpinpin, voici sans plus attendre notre classement :

À la onzième place ex æquo, avec 0 point :

L’Escouade Geister est le second acte de la saga Dans le Nid du Mal. Sorti en 2022, on retrouve seulement Guillaume Gagnon à l’écriture. L’aventure fait 190 paragraphes, numérotés de 157 à 386, c’est-à-dire en reprenant la numérotation là où le premier acte l’avait arrêté. Le livre inclus aussi un interlude de 22 paragraphes (numéroté de AA à VV) à jouer une fois l’acte 2 terminé.

Premier point surprenant, les règles ne sont pas rappelées et il n’est a priori pas permis de commencer l’aventure par ce livre. Il faut donc reprendre notre personnage de l’acte 1. Il y a par contre des règles additionnelles : dès le début, on nous demande de constituer une escouade de quatre hommes à choisir parmi neuf personnages. D’autres règles additionnelles impliquant des dés spéciaux promotionnels sont aussi proposées. Bon, si vous lisez mon retour du premier tome, le principal reproche était la faible utilisation des règles, avec seulement trois tests effectués au cours de mon parcours. Donc commencer par l’addition de nouvelles règles, alors même que j’ai le sentiment de ne pas avoir suffisamment utilisé celle de bases, ça fait un peu drôle. Néanmoins, l'utilisation de cette escouade se fera intelligemment, et n'occupera qu'une petite partie de l'aventure.

Néanmoins, l’aventure ne tombe pas dans le même écueil que le premier acte. Ici l’aventure est plus linéaire, et donc beaucoup plus longue. Lors de mon premier parcours (qui fut victorieux), je suis passé par environ 60 paragraphes et effectué une quinzaine de tests. Enfin, le système de règles commence à se justifier. Il y a quand même un certain nombre d’embranchements et donc une rejouabilité qui n’est pas nulle non plus, sans égaler celle du premier acte, bien sûr.

Quant à l’intrigue, elle commence 6 mois après la fin de l’acte 1, en décembre 1941. Après avoir réfléchi comment combattre le phénomène étrange découvert en juin, le Leutnant Beck se voit confier la charge de former une escouade pour faire y faire face militairement. Alors que l’URSS entre en guerre contre le IIIe Reich, c’est sur le front de l’est, où d’étranges morts ont été reportées, similaire à celles qui ont initié l’intrigue, que cette escouade Geister sera déployée.

Mais Beck devra suivre un autre chemin pour mener son enquête. Ici, l’hostilité qu’éprouve Beck pour la gestapo et le nazisme, s’affirme de plus en plus, alors même qu’il y est encore plus soumis, et on le voit envisager enfin de se sortir, lui et sa famille, de l’emprise du régime. Malgré tout, ça reste un militaire avec un tempérament autoritaire pour lequel il est difficile d’avoir beaucoup de sympathie. Heureusement, sa confrontation à l’horreur que cause le phénomène mystérieux qui l’obsède depuis 6 mois reste suffisamment palpitante pour qu’on reste accroché à l’histoire.

En effet, cette fois-ci, il y aura une part encore plus belle à l’action et à l’horreur. Des passages en huis clos, d’autres de pleine action sur le champ de batailles ou de course poursuite, et bien entendu des révélations sur ce que nous combattons. Les paragraphes sont d’ailleurs assez longs, comme pour le premier acte. Les jets de dés pour tester nos compétences seront nombreux. J’ai réussi la plupart de ces tests, avec une importante utilisation des points d’adrénalines (je les ai presque tous utilisés), laissant penser un équilibrage plutôt à l'avantage du joueur, ce qui ne me déplait pas.

Le livre, lui aussi de 45 €, est tout aussi luxueux que le premier, il reprend la même mise-en-page et la même valorisation de la documentation que pour le premier acte, avec ces encadrés qui viennent émailler le texte de l’intrigue pour fournir précision historique. À noter que si le premier acte était un projet auto-édité, c’est Posidonia qui est l’éditeur pour ce second volume.

Alors que le troisième acte est encore attendu, et que je ne sais pas vers quelle conclusion l’intrigue nous amène, j’ai du mal à avoir un avis définitif. Ce second volume corrige les travers du premier, tout en reprenant les qualités et ambitions. Reste qu’au final, on aura une aventure d’environ 600 paragraphes pour 135 €, certes dans un écrin luxueux, accompagné d’un système de règles potentiellement réutilisable et accompagné d’un travail de documentation historique (même si pour ce dernier point, il est bien précisé que ce n’est pas un livre d’Histoire, mais bien une œuvre de divertissement).

Mission Terra incognita comporte une erreur de renvoi : les sorties du paragraphe 17 sont de toute évidence inversées. Mais ce n'est pas ca qui me chiffonne avec cette aventure. En fait, sans vouloir froisser Fredlgil, j'ai un problème général avec ses AVH, petites ou grandes. J'ai toujours péniblement passé la barrière d'une écriture qui croit visiblement créer du style en empilant les expressions toutes faites jusqu'au non-sens, sacrifiant les personnages et les situations sur l'autel d'un n'importe-comment verbal qui les discrédite régulièrement, les errements de la langue française et de la ponctuation n'arrangeant rien. C'est d'autant plus regrettable que, si la production encore jeune d'AVH de Fredlgil est pour le moins inégale, manifestement sous l'influence du ventre mou de la série Défis fantastiques, un travail soutenu pour rendre son écriture moins ampoulée et plus scrupuleuse lui rendrait clairement service, en lui permettant au moins de faire accepter les (nombreux) scènes relevant des clichés les plus éculés, voire son regard un brin sexiste où seules les femmes ont droit à une ligne de description sur leur physique (pour les autres, il faut être extra-terrestre).

Mission Terra incognita n'est pas la première AVH de SF de Fredlgil ; on sent que le genre l'attire, quitte à faire le cadre de ce qui, au cinéma, serait une série Z. Il faut passer le postulat ultra-simpliste : dans un futur proche, la guerre froide engendrée par le conflit ukrainien se cristallise autour de l'apparition d'un astre inconnu dans l'orbite de la Terre, et c'est VOUS, le héros un peu trop cool pour être vrai de la NASA, qu'on envoie le coloniser au nom du monde occidental. S'ensuit une aventure dans la moyenne du genre, faite essentiellement d'exploration et de choix entre foncer ou se replier. Les choix s'avèrent souvent intéressants, cependant la structure de l'AVH m'a paru un peu étrange à plusieurs endroits, avec des recoupements semblant forcés (on pourrait discuter des convergences, par exemple, vers le 46). Quelques combats et autres jets de dés se présentent, mais il m'a semblé qu'on pouvait en éviter la plupart si ce n'est tous. Seulement, cette aventure, il faut la traverser en endurant courageusement - ou, à défaut, en survolant - ce style désespérément lourd qui empêche de s'investir dans ce qu'on lit. Et puis, l'AVH trébuche sans rémission sur sa fin : trois choix ultimes dont un menant à un PFA ridiculement absurde, faute qui doit moins à la limite de 50 paragraphes qu'à la tare dont j'ai déjà trop parlé et sur laquelle un travail devrait décidément être fait par l'auteur.

Dans le Nid du Mal est une série de livre-jeu en trois actes prévus. Rongé de l’intérieur, le premier acte, est écrit par Patrick Boulanger et Guillaume Gagnon et fait 156 paragraphes. Il est sorti en 2019, après un financement participatif réussi en 2016.

L’histoire se déroule dans le cadre sombre de la Seconde Guerre Mondiale. Nous y incarnons le Leutnant Beck, un officier allemand de la Wehrmacht, blessé au combat, qui doit, en juin 1941, reprendre du service pour mener une enquête sous les ordres des sinistres Müller et Heydrich : un étrange phénomène a causé la mort d’une vingtaine de personnes à Leipzig, dont plusieurs agents de la Gestapo. Notre personnage est dans ce qu’on pourrait appeler une zone grise. Il ne partage pas l’idéologie antisémite et le projet de génocide que les nazis ont déjà mis en application. Les relations qu’il entretiendra avec divers agents de la Gestapo sont ambivalentes, parfois conflictuelles, parfois soumises. Mais il reste au service de l’armée allemande, ne voyant pas d’opportunité pour lui et sa famille de survivre autrement. L’enquête qu’il mène va rapidement virer au paranormal. Le phénomène étrange auquel il est confronté est pour le coup étonnant et reste très mystérieux dans ses intentions. Dans ce premier tome, nous n’y comprenons pas grand-chose. Bien que le phénomène semble horrifique et meurtrier, sa malveillance demeure relative face à celle de ceux que Beck sert. Le « Nid du Mal » du titre de la série, c'est bel et bien le IIIe Reich.

Présenté comme « une campagne de jeu de rôle en solo », les règles sont plutôt simples, mais la feuille d’aventure à des proportions effectivement plus comparables à celles d’un jeu de rôle qu’à celle d’un livre-jeu. Nous avons 8 caractéristiques ainsi que 14 compétences, dont 5 cachées à débloquer au cours de l’histoire. Régulièrement, il nous sera demandé de faire des tests demandant de tenir compte de certaines caractéristiques, certaines compétences et d’un éventuel malus contextuel. Il faudra que la somme de tout ça additionné à 3d10 face plus de 20 pour réussir un test. Deux barres de santé, physique et mental, et un score d’adrénaline qu’on peut dépenser pour réussir les tests les plus tendus. D’autres règles optionnelles sont proposées, et il est possible de choisir entre le personnage prétiré, ou construire le sien. Pas de PFA, mais il est possible de mourir si un des deux scores de santé tombe à zéro.

Je me lance donc dans ma première tentative qui me mènera à une fin au bout de 14 paragraphes et après n’avoir fait que 3 tests (1 raté et 2 réussis), avec le personnage prétiré. Mon premier réflexe a été de penser « toutes ces règles pour ça ? ». En fait, l’aventure est très peu linéaire. Après vérification, il y a beaucoup d’embranchements et de cheminements possibles. Il se trouve que j’ai l'impression d'avoir quand même obtenu un des meilleurs chemins en termes d’intrigue et de récompenses (oui, il y a aussi un système d’xp).

En fait, ce livre peut être considéré comme une introduction, presque une démo de ce que veut proposer la saga intégrale. Ce reproche d’histoire trop courte a été fait aux auteurs, qui ont affirmé en tenir compte pour les deux autres tomes. On verra ce qu’il en sera.

Maintenant, on ne peut pas non plus passer à côté de l’autre ambition de cet ouvrage. Déjà, c’est un livre de luxe, qui coûte 45 €, très grand format, couverture rigide cartonnée, pages tout en couleur. Il propose de nombreuses illustrations, à des dessins illustrant l'intrigue, mais surtout des images d’époque (photo, affiche, cartes), et aussi un vaste travail de documentation mis en valeurs par de nombreux encarts qui viennent commenter des éléments de l’intrigue et du cadre de l’histoire. On apprend donc beaucoup de chose sur le régime nazi, à commencer bien entendu par ses crimes, le fonctionnement de l’armée allemande, l’impact du nazisme et de la gestapo sur la société civile et militaire… Bref, les amateurs d’Histoire devraient apprécier.

Pour conclure, une aventure introductive qui ouvre la voie à une intrigue potentiellement intéressante et à un système de règle suffisamment versatile, mais trop peu utilisé, et donc dont l’intérêt se mesurera à celui de ses suites.

L'auteur d'AVH anglophone Stuart Lloyd vient de publier en ligne Ravages of Hate, un livre-jeu se présentant comme un reboot des deux Destins de Mark Smith, l'Étoile de la Destinée et le Peuple Maudit, fusionnant et étendant donc les deux intrigues qui se passaient dans le même univers. Le résultat, une AVH de 1330 paragraphes.
D'après Dave Morris, le projet est même approuvé par Mark Smith, et il est question d'un prochain financement participatif pour publier une version papier avec potentielles nouvelles illustrations.