Compte-rendu des soirées jeux de plateaux
Retour de Paris est ludique, le festival du jeu où l'on joue.

J'ai eu l'occasion de testé les jeux suivants :

- Waalo (2020), éditeur : Les Jeux du Sénégal, autrice : Yambaye Marième Seck.
- Watergate (2020), éditeur : Iello, auteur : Matthias Cramer.
- La Bête : traque au Gévaudan an l'an de grâce 1764 (2022), éditeur/studio : Sweet November / Sweet Games / multivers.games, auteur : Charlec Couronnaud.
- Spy Connection (2021), éditeur : Pegasus Spiele / FunForge, auteurs : Matthew Dunstan et Brett J. Gilbert.
- Asante (2014), éditeur : Filosofia, auteur : Rüdiger Dorn.


Waalo, nom d'un royaume historique au nord de ce qu'on appelle aujourd'hui le Sénégal, est un jeu de cartes à rôle asymétrique, sur le thème de la traite négrière.
L'univers de jeu est plus ou moins le Sénégal du début de l'époque du commerce triangulaire (XVIe siècle), mais un peu fantasmé, avec des libertés prises avec la réalité historique (y a un personnage qui historiquement était du XIXe siècle, le négrier blanc se fournit en esclaves essentiellement en attaquant et capturant des sujets libres alors qu'historiquement les Européens achetaient des esclaves aux autorités locales et il y a une héroïne aux cheveux verts et bikini de plates qui est, je pense, totalement fictive)

Chaque joueur incarne un personnage qui a ses propres ressources de départ et ses propres objectifs : 
- la Reine Ndaté (personnage historique du 19e siècle qui opposa une résistance héroïque aux colonisateurs français), reine guerrière, qui doit réunir suffisamment d'armes et de guerriers,
- le roi du Kongo, roi conquérant, qui doit capturer plusieurs villages pour agrandir son territoire,
- le Bourba Djolof, roi d'un vaste territoire pauvre, qui doit remplir ses caisses pour doubler ses finances,
- le Damel du Cayor, roi d'un nouveau pays récemment indépendant du Djolof, qui doit augmenter le nombre de ses sujets pour cultiver ses territoires,
- le Capitaine, un négrier portugais, qui doit embarquer 800 personnes sur son bateau, dont au moins 25 mercenaires européens, le reste en Africains,
- la Libératrice, une héroïne révoltée par l'injustice de l'esclavage, qui doit libérer 300 personnes capturées.

Certains (la Reine Ndaté, le roi du Kongo et le Bourba) peuvent aussi gagner avec un objectif alternatif : atteindre 10 points de moralité, sachant que chaque fois qu'on libère un groupe d'esclaves, on gagne 1 point de moralité. (La Libératrice commence directement à 10 points de moralité et ne peut pas gagner si elle tombe en dessous de 10. Les trois autres commencent à 3 points de moralité. Le Capitaine commence à 1 seul point et ne peut pas gagner de cette façon.)

Chaque joueur fait une seule action à son tour : 
soit il tire une carte et applique son effet, soit il attaque un autre joueur pour essayer de lui piller des ressources, soit il tente de négocier avec un autre joueur des ressources contre d'autres, soit il marchande des ressources contre la monnaie du jeu, les cauries.

Jeu intéressant mais un poil simpliste. Pas sûr qu'il soit très utile en éducatif vu les libertés prises avec l'Histoire et peut-être un thème un peu "lourd" pour ceux qui voudraient juste s'amuser dans un univers fictif.
On jouait avec une règle d'accélération de partie pour les démos en stand (une attaque militaire réussie permet de piller 3 ressources, normalement c'est obligatoirement des ressources différentes, mais ici on pouvait piller trois fois la même), mais le fait que Skarn, avec la Reine Ndaté, a réussi à gagner en deux tours, me fait un peu peur sur l'équilibre du jeu.
D'autant qu'on a ignoré sa victoire, et juste après, le Roi du Kongo a gagné aux points de moralité : il lui a suffi de libérer un groupe d'esclaves à chaque tour vu qu'il y en avait assez dans ses ressources de départ. Faire la même action à chaque tour et gagner sans opposition. Passionnant (bon j'imagine que des joueurs plus expérimentés l'auraient piller pour l'empêcher d'avoir les ressources suffisantes, mais bon...)
En tant que Capitaine, je me suis pris une attaque dès le début qui a pillé mes ressources de départ en dessous de mon minimum vital, ce qui fait que j'ai commencé dès le début avec des pénalités, et comme je n'avais aucune marchandise de départ à troquer contre des esclaves, ma seule solution c'était d'attaquer les joueurs les plus faibles pour leur voler des sujets. J'ai donc pas vraiment trouvé avoir une grande liberté d'action.
J'ai bien tiré les cartes pour leurs effets, mais je ne suis tombé que sur des cartes qui m'ont forcé à attaquer de toute façon.
Sympathique, mais pas super convaincu ni sur l'aspect éducatif, ni sur l'aspect gameplay, du coup il ne reste pas grand chose. Les illustrations sont bien, un peu livres d'Histoire pour enfants des années 80.
Je crois que Skarn a un avis un peu plus positif que moi.


Watergate, était une bonne surprise.
C'est un jeu en duel (deux joueurs donc), l'un des joueurs, dit "Nixon", représentant l'administration Nixon et ses conspirateurs, et l'autre joueur, dit "le Rédacteur", représentant les deux journalistes du Watergate et la presse en général.

Il y a deux parties essentielles sur le plateau : la partie "enquête" et la partie "tableau des preuves".

- La partie "enquête" est un jeu de "tire la corde" entre les deux joueurs (l'une des utilisations des cartes en main permettant de tirer certains éléments de son côté), sur trois éléments différents : l'Initiative, l'Opinion (publique) et des jetons Preuves.
Quand un élément tombe du côté d'un joueur, ou qu'à la fin de la manche il est plus près d'un joueur que l'autre, ce joueur gagne cet élément.
En gros, si l'un des deux gagne le jeton Initiative, il jouera en premier à la manche suivante et jouera 5 cartes au lieu de 4 (si l'Initative tombe au milieu, c'est le joueur qui n'avait PAS l'initiative qui la gagne). Si le pion Opinion ou des jetons Preuves tombent au milieu, ils sont juste défaussés et remis en jeu, personne ne les gagne, sinon, un joueur les gagne.

- La partie "tableau des preuves" est un réseau de connexion de la périphérie (divers informateurs possibles) au centre (Nixon), où sont placés les jetons Preuves gagnés (généralement) dans la partie Enquête : face visible pour ceux placés par le Rédacteur ou face cachée pour ceux placés par Nixon.

Le but de Nixon : obtenir une 5e fois le pion Opinion publique. (Quand le Rédacteur gagne le pion Opinion publique, ça lui donne juste des bonus).
Le but du Rédacteur : connecter deux informateurs, face visible, à Nixon sur le tableau de preuves, avec des jetons Preuves face visible (les jetons face cachée placés par Nixon sont des obstacles qui "coupent" les chaînes de connexion).
Nixon gagne aussi si on doit placer un nouveau pion d'Opinion publique et qu'il y en a plus, donc le Rédacteur ne peut pas temporiser éternellement en gagnant le pion Opinion publique mais sans progresser sur le tableau de preuves.

Le jeu se joue essentiellement en une série de manches où, chacun leur tour, les joueurs jouent une carte d'action et appliquent leur effet.
Un très bon point : AUCUNE CARTE N'EST INUTILE, même si certaines ont un effet qui nécessite un prérequis ou dépend du contexte.
En effet, une carte a toujours deux utilisations possibles : soit sa valeur, soit son effet.
Comme exemple d'effet : le Rédacteur peut recruter un informateur (donnant un nouveau point de départ sur le tableau des preuves), Nixon peut au contraire en neutraliser un, on peut déplacer plusieurs éléments d'un coup (l'Initiative de 2 cases, l'Opinion d'une case et 2 jetons Preuves reviennent au milieu, par exemple), un obstacle placé par Nixon peut être retiré ou on peut piocher plus de cartes. Il y a également un certain nombre de cartes "contre" ou "réaction" (annuler l'action d'un Conspirateur de Nixon, annuler le déplacement d'un élément vers l'adversaire et le déplacer vers soi de la même distance à la place). La situation sur la piste d'enquête est donc assez dynamique !
Mais il y a des fois où l'effet serait inutile : recruter un informateur qui a déjà été éliminé, par exemple, ou bien, remettre le jeton Initiative sur la position 0 alors qu'il était déjà positionné avantageusement pour nous.
Mais dans ce cas il reste l'utilisation alternative de la carte : sa valeur. Utiliser une carte pour sa valeur permet de déplacer un jeton Preuves de la couleur correspondante d'1, 2, 3 ou 4 (selon la valeur de la carte), sachant que certains jetons sont bicolores et qu'il existe des cartes "Joker" qui peuvent déplacer les jetons de n'importe quelle couleur. Et s'il n'y a aucun jeton de cette couleur, pas de problème, le coup n'est pas perdu : on peut alors déplacer au choix le jeton d'Initiative ou d'Opinion à la place.

Les cartes qui sont utilisées pour leur valeur sont défaussées, elles pourront donc revenir en cours de partie quand les pioches seront remélangées (la pioche de Nixon et la pioche du Rédacteur sont différentes). Au contraire, quand une carte est utilisée pour son effet, elle est généralement retirée du jeu, mais il y a des exceptions (les Événements, majoritaires, sont uniques, mais les personnages, Journalistes ou Conspirateurs, restent en jeu). Et il existe au moins une carte qui permet de reprendre une carte "retirée du jeu".

Le jeu est très très serré !
Lors de ma partie contre Skarn, j'incarnais la presse tandis qu'il incarnait l'adminstration Nixon, et ça s'est joué à un cheveu. Il me restait une seule action à faire pour gagner, et j'ai perdu immédiatement quand Skarn a obtenu son 5e pion d'Opinion.
De ce point de vue, c'est similaire à Mare Nostrum, où chaque joueur s'approche petit à petit de la victoire jusqu'à ce qu'il y a un moment où ça "pète".
Je n'ai pas l'impression qu'on peut vraiment partir dans un effet de "spirale de l'échec", même si un joueur peut prendre de l'avance et qu'un "bon coup" pour l'un peut être un "coup dur" pour l'autre. Un retournement est toujours possible !

On a remarqué aussi que les cartes côté Nixon favorisaient plutôt le gain du pion d'opinion, alors que les cartes côté Rédacteur favorisaient plutôt le gain de l'Initiative.
Sur 6 manches, j'ai gagné une seule fois l'Opinion publique, à l'avant-dernière manche, et j'ai conservé l'Initative sur toutes les manches à part la dernière.

Petite pause, et je commenterai les jeux suivants dans un prochain post...
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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RE: Compte-rendu des soirées jeux de plateaux - par Lyzi Shadow - 03/07/2022, 19:44



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