Compte-rendu des soirées jeux de plateaux
Sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, je m'étais arrêté ce soir là à la très réputée Abbaye de Saint-Galbert.
Le père Abbé, très chaleureux, m'avait invité à dîner, ainsi que d'autres pèlerins : Frère Romain, Frère Éric, Frère Florent et Frère Adrien. Alors que nous mangions notre plat de lentilles, le sonneur, Frère Martin, vint nous avertir de l'horrible nouvelle : Frère Anselme venait d'être retrouvé mort, en bas de la falaise, visiblement assassiné.
Cette nouvelle me troubla au plus haut point. Non pas à cause de la mort du Frère Anselme : c'était un sale prétentieux fort désagréable que je haïssais depuis que je l'avais aperçu en entrant, mais parce que je savais que l'Abbé déciderait de boucler les portes de l'Abbaye et d'empêcher quiconque de sortir, tant qu'on n'aurait pas trouvé le coupable. Et c'est exactement ce qu'il fit.
Or, il était urgent que je reprisse mon chemin vers Saint Jacques !

Après une courte mais bonne nuit de sommeil, je me levai d'un geste ferme et assuré : j'avais pris la décision de faire moi-même mon enquête pour accélérer les choses.
Quand je croisai le regard des autres pèlerins lors de la messe des Matines, je compris vite qu'ils avaient tous pris la même décision !

Incontestablement, le plus étrange d'entre eux semblait être Frère Éric. Avant même la première messe du matin il s'était déjà confessé - deux fois - auprès de deux confesseurs différents... Il devait certainement avoir quelque chose à se reprocher. Si je n'avais pas su avec certitude qu'il était aussi innocent que moi...

Mes premières découvertes commençaient bien. J'avais déjà réussi à réunir des preuves qui me permettaient à coup sûr d'innocenter quatre des moines, parmi les frères et les jeunes novices. Pendant que mes confrères allèrent s'enfermer dans le scriptorium pour examiner je ne sais quel vieux livre poussiéreux dans je ne sais quel but, je me rendis au parloir dans l'espoir d'obtenir quelques contacts avec l'extérieur.

Par chance, j'arrivai au moment où la sœur de Frère Béranger venait lui apporter quelque nourriture. Je proposai de la décharger, et en profitai pour engager la conversation avec elle. Elle me révéla par inadvertance que Frère Béranger avait une peur panique du vide. J'étais donc certain qu'il n'avait pas pu précipiter Frère Anselme dans le vide... Je décidai de faire vœu de silence sur cette triste faiblesse du Frère Béranger. Cela aurait toujours pu troubler l'assassin qu'il crût que je considérasse encore suspect un innocent... Bien sûr, cela avait pour effet secondaire de ralentir l'enquête de mes confrères, mais c'était un prix que j'acceptais de payer.

Frère Éric était toujours plus étrange. Il sembla être pris d'une étrange ferveur sensuelle après avoir relu le cantique des cantiques. Un personnage vraiment déviant ! Mais sans doute inoffensif...

Le Frère Romain clama peu après avoir réussi à innocenter deux des six Pères présents à l'Abbaye. Cela me rassura de savoir que les probabilités que l'assassin se trouvasse parmi les plus instruits et les plus sages d'entre nous se réduisaient ! Mais nous étions encore loin du compte...

Nous étions tous un peu excités de jouer ainsi les perceurs de mystère. Lors de la messe, supposée silencieuse, les chuchotements allaient bon train, chacun échangeait des informations, se vantait d'avoir innocenté tel ou tel, en apprenait à son tour...

Après les Laudes, alors que mon enquête avait peu avancé, je découvris avec horreur qu'on avait forcé la serrure de ma cellule, fouillé ma chambre, et emporté certaines de mes notes ! Miséricorde ! Tant de travail à recommencer !
Mais qui avait bien pu se permettre ?

Frère Éric tomba bientôt sur un livre à caractère... comment dire... disons que les enluminures en étaient particulièrement osées !
Je succombai, je l'avoue. Je ne sais l'expliquer. Désireux d'en lire davantage, je suppliai Frère Éric de me remettre l'ouvrage tentateur, et il accepta, à condition que je lui remisse certaines des preuves que j'avais accumulées dans mes recherches. J'eus la faiblesse de lui obéir.
Je ne pus profiter longtemps de ces malsaines lectures, cependant. Frère Romain me prit sur le fait et me confisqua le livre avec un sermon mémorable ! Je mourrais de honte...
...jusqu'à ce que je ne commençasse à soupçonner Frère Romain d'être lui-même hypocrite. En effet, j'entendis bientôt des rumeurs que le livre passait de main en main, troqué entre les frères pèlerins contre la moindre information. Bientôt, toute l'Abbaye l'avait lu, à part Frère Florent.

Des rumeurs plus folles circulaient. On racontait que Frère Adrien avait trouvé un passage secret entre le scriptorium et la crypte où sont entreposées les reliques de Saint Galbert. Sornettes !

À la troisième messe de la journée, le Père Abbé eut enfin assez des moines qui brisaient la consigne de silence pour discuter du meurtre ! Pour l'exemple, il envoya aussitôt Frère Éric et Frère Romain faire pénitence dans leurs cellule, se flageller et se meurtrir dans leur chair. J'eus presque de la peine pour eux...
...mais je compris bien vite qu'ils avaient simulé leurs blessures pour pouvoir poursuivre leurs recherches tandis que nous autres étions encore tous à l'église !

Frère Adrien devint de plus en plus silencieux. Nous le soupçonnions de préparer quelque chose. Frère Florent le surprit alors qu'il était sur le point d'entrer dans la salle du chapitre et déranger l'abbé. J'ignore ce qu'il lui dit alors, mais Frère Adrien, rouge de honte, se précipita aussitôt faire une prière de pénitence à l'église !

De mon côté, je réussis à pénétrer dans la bibliothèque interdite dans la plus grande discrétion. J'ouvris au hasard un de ces livres maudits... ces mots païens étaient tellement impies qu'ils me tournèrent la tête et que, quand j'ouvris de nouveau les yeux, je me retrouvai au parloir !

Bientôt, Frère Romain vint me presser de questions. Je compris à celles-ci qu'il soupçonnait Charles, un jeune novice, d'être l'assassin ! Et qu'il essayait désespérément d'obtenir la moindre preuve qui aurait pu infirmer sa théorie ! Je sus ce qu'il me restait à faire... Mais le temps commençait à manquer... Tempus Fugit comme on dit en latin !

Vers quinze heures, si tôt après l'office de None, Frère Éric, pris d'une étrange ferveur, un morceau du squelette de Saint Galbert dans la main, se rua chez le Père Abbé, bousculant Frère Adrien et Frère Romain.

"Père Abbé ! cria-t-il. Je sais qui est le coupable ! C'est le novice Charles !"

Le Père Abbé se retourna vers nous.
"L'un de vous veut-il défendre le novice Charles ?"
Aucune réponse. Pas l'un d'entre nous n'avait trouvé un alibi pour le jeune novice.

Le jeune homme s'écroula en sanglots et avoua tout. Il avait tué le Frère Anselme, c'était vrai - et pour une simple histoire de bûche de Noël !

Mais je perdis aussitôt tout intérêt dans cette affaire. Pendant que Frère Éric obtint tous les honneurs, et la gratitude éternelle du père Abbé - sous les regards lourds de haine et de jalousie de Frère Adrien et de Frère Romain -, je ne me réjouis que d'une chose : je pouvais enfin sortir de cette Abbaye de malheur, et poursuivre mon chemin de pèlerinage.
Mr. Shadow

"Ce n'est pas un dragon martien...
-Alors il vient d'où ?
-Les dragons les plus grands et puissants naissent sur Terre... Mais ils viennent hiberner ici, sur Mars. Et tous les un-certain-nombre de milliers d'années, ils redescendent sur Terre."
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RE: Compte-rendu des soirées jeux de plateaux - par Lyzi Shadow - 25/09/2015, 23:33



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