24/03/2022, 14:20
Tiens je me décide à mettre aussi un de mes paragraphes pour me fouetter, pour l'instant une AVH en pause. C'est un univers avec un peu de fantastique, probablement une uchronie aussi. Pour l'instant le titre est Yōkai.
-----------------------
Osaka, vers 1898
L'air chaud et humide s'étend comme du miel sur la ville. De gros nuages cendrés se sont immobilisés, incertains, comme s'ils attendaient l'événement prodigieux qui signalera la tourmente à déclencher. Sur le pont Ebisubashi, des flâneurs déambulent, discutent, retiennent leur souffle. Soudain, une main de porcelaine se glisse hors des rideaux de soie ; les porteurs déposent le palanquin orné de grues blanches sur un paysage de jade et d'or. Comme à l'habitude, vous escortez Itsuko, lorsque l'envie lui prend de se balader au crépuscule. La fille du daïmio descend de sa litière pour profiter de la faible brise et observer la rivière yodo-gawa, tandis que le sapientissime Shinju demeure prostré dans la pénombre des pans colorés. L'enchanteur personnel d'Itsuko est un homme mystérieux, rébarbatif, auquel il vaut mieux ne pas chercher d'ennuis. Il accompagne sa maîtresse comme l'ombrelle d'une journée ensoleillée.
Vous admirez discrètement le visage parfait d'Itsuko, son teint de craie, ses cheveux de jais relevés en chignon et piqués d'épingles raffinées, ses habits de brocart azur, rehaussés de perles roses. Son regard se porte sur le cours d'eau où des chalands à vapeur dérivent mollement et croisent des péniches vétustes. De nouvelles constructions bordent le canal ; ce sont des tours de béton et d'acier qui s'étiolent, crachent des fumées charbonneuses, assiègent les temples bouddhistes aux magnifiques toitures en pignons.
— Tetsu, que penses-tu de ces manufactures qui poussent comme des champignons ?
— Dame Asuku, je crois que le progrès est un mal nécessaire, ne serait-ce que faire contrepoids aux puissances étrangères.
— S'il en avait le pouvoir, mon père les ferait bombarder par d'antiques catapultes ; c'est un homme attaché aux traditions...
— Et quel est votre avis sur la question, si je puis me permettre ?
— Mon avis n'a aucune importance, tranche Itsuko, avant d'ordonner le retour au palais.
Nous en sommes à mi-chemin lorsque des coups de feu déchirent le silence étouffant, et qu'une ligne de corail repousse les rouleaux noirs qui mâchurent l'horizon. Soudain, un garde Konoda surgit ventre à terre d'une avenue latérale.
— On attaque le palais ! ... beugle-t-il entre deux inspirations.
— Il n'y a pas un instant à perdre. Trouvez des chevaux, et conduisez dame Asuku en sécurité à Toyono.
Itsuko proteste, mais l'enchanteur Shinju se range à mon avis, et je m'élance vers la résidence du clan Konoda.
Les pavillons en flammes se tordent comme des vers sous la chaleur écrasante du soleil ; dans les bassins les grenouilles de bronze crachent des jets d'obsidienne liquide. Vous vous précipitez au palais, vous enjambez les corps et traversez les cloisons déchirées. Les hommes du daïmio ont été massacrés : certains sont tombés sous les balles, d'autres gisent dans des positions grotesques, pareils à des pantins désarticulés. Vous entrez dans la grande salle dorée : c'est un capharnaüm de morts, de tables de santal fracassées, de porcelaines brisées. Les prostituées déguisées en geishas maculent de lotus rouges les riches tapis tissés de blanc et d'or, tandis que le seigneur Asuku semble tétanisé, agité de soubresauts, vautré parmi ses concubines. Votre regard se porte sur Tenji : une lame l'a cloué au magnifique relief gravé dans le bois de cyprès, représentation de l'épopée de Susanoo et du serpent géant à huit têtes. Tenji murmure votre nom et pointe une ombre qui se glisse discrètement hors de la salle.
Si vous vous portez au secours du daïmio, rendez-vous au 2 ; si préférez venir en aide à votre ami Tenji, rendez-vous au 4 ; si vous souhaitez poursuivre l’intrus, rendez-vous au 3.
-----------------------
Osaka, vers 1898
L'air chaud et humide s'étend comme du miel sur la ville. De gros nuages cendrés se sont immobilisés, incertains, comme s'ils attendaient l'événement prodigieux qui signalera la tourmente à déclencher. Sur le pont Ebisubashi, des flâneurs déambulent, discutent, retiennent leur souffle. Soudain, une main de porcelaine se glisse hors des rideaux de soie ; les porteurs déposent le palanquin orné de grues blanches sur un paysage de jade et d'or. Comme à l'habitude, vous escortez Itsuko, lorsque l'envie lui prend de se balader au crépuscule. La fille du daïmio descend de sa litière pour profiter de la faible brise et observer la rivière yodo-gawa, tandis que le sapientissime Shinju demeure prostré dans la pénombre des pans colorés. L'enchanteur personnel d'Itsuko est un homme mystérieux, rébarbatif, auquel il vaut mieux ne pas chercher d'ennuis. Il accompagne sa maîtresse comme l'ombrelle d'une journée ensoleillée.
Vous admirez discrètement le visage parfait d'Itsuko, son teint de craie, ses cheveux de jais relevés en chignon et piqués d'épingles raffinées, ses habits de brocart azur, rehaussés de perles roses. Son regard se porte sur le cours d'eau où des chalands à vapeur dérivent mollement et croisent des péniches vétustes. De nouvelles constructions bordent le canal ; ce sont des tours de béton et d'acier qui s'étiolent, crachent des fumées charbonneuses, assiègent les temples bouddhistes aux magnifiques toitures en pignons.
— Tetsu, que penses-tu de ces manufactures qui poussent comme des champignons ?
— Dame Asuku, je crois que le progrès est un mal nécessaire, ne serait-ce que faire contrepoids aux puissances étrangères.
— S'il en avait le pouvoir, mon père les ferait bombarder par d'antiques catapultes ; c'est un homme attaché aux traditions...
— Et quel est votre avis sur la question, si je puis me permettre ?
— Mon avis n'a aucune importance, tranche Itsuko, avant d'ordonner le retour au palais.
Nous en sommes à mi-chemin lorsque des coups de feu déchirent le silence étouffant, et qu'une ligne de corail repousse les rouleaux noirs qui mâchurent l'horizon. Soudain, un garde Konoda surgit ventre à terre d'une avenue latérale.
— On attaque le palais ! ... beugle-t-il entre deux inspirations.
— Il n'y a pas un instant à perdre. Trouvez des chevaux, et conduisez dame Asuku en sécurité à Toyono.
Itsuko proteste, mais l'enchanteur Shinju se range à mon avis, et je m'élance vers la résidence du clan Konoda.
Les pavillons en flammes se tordent comme des vers sous la chaleur écrasante du soleil ; dans les bassins les grenouilles de bronze crachent des jets d'obsidienne liquide. Vous vous précipitez au palais, vous enjambez les corps et traversez les cloisons déchirées. Les hommes du daïmio ont été massacrés : certains sont tombés sous les balles, d'autres gisent dans des positions grotesques, pareils à des pantins désarticulés. Vous entrez dans la grande salle dorée : c'est un capharnaüm de morts, de tables de santal fracassées, de porcelaines brisées. Les prostituées déguisées en geishas maculent de lotus rouges les riches tapis tissés de blanc et d'or, tandis que le seigneur Asuku semble tétanisé, agité de soubresauts, vautré parmi ses concubines. Votre regard se porte sur Tenji : une lame l'a cloué au magnifique relief gravé dans le bois de cyprès, représentation de l'épopée de Susanoo et du serpent géant à huit têtes. Tenji murmure votre nom et pointe une ombre qui se glisse discrètement hors de la salle.
Si vous vous portez au secours du daïmio, rendez-vous au 2 ; si préférez venir en aide à votre ami Tenji, rendez-vous au 4 ; si vous souhaitez poursuivre l’intrus, rendez-vous au 3.