[m-yaz 2024] A vendetta
#31
@Astre*Solitaire, voici quelques précisions sur certains points que tu as évoqués :

(14/07/2024, 23:13)Astre*Solitaire a écrit : Ghjuvan Battista Rossi m’a été relativement vite antipathique – comme à peu près tous les personnages de ce récit – parce que la violence qui est présentée et l’attitude générale des individus croisés en regard de cette dernière m’est odieuse. Néanmoins, s’il n’y a pas vraiment de prise de position directe de l’auteur en regard des exactions des uns et des autres, une légère forme de morale couplée aux conséquences absurdes de la vendetta viennent un peu rééquilibrer le tout.

Je peux comprendre ton ressenti, mais c'est celui d'un continental du XXIe siècle, pas d'un insulaire du XIXe qui a baigné toute sa vie dans cette culture très particulière. En l’occurrence, dans cette histoire, selon moi, mes personnages sont tout autant prisonniers et victimes qu'acteurs de cette culture de la violence. De mon côté j'aime mes personnages, même ceux qui peuvent se comporter comme des salauds. Plutôt que des les rendre sympathiques ou antipathiques, j'essaie surtout de les rendre crédibles et humains.

(14/07/2024, 23:13)Astre*Solitaire a écrit : En effet, au début de notre histoire, le jeune héros va devoir s’enfoncer dans le maquis montagneux avec des tueurs à ses trousses et, évidemment, il pense à emporter une blague à tabac et une fiole d’eau bénite. Vraiment ?
De plus, il ne peut prendre que deux objets… Pourquoi que deux ? Une fois nantie de la blague et de la fiole, n’a-t-il plus assez de place pour la pièce de 10 francs ? Ses parents, qu’il ne reverra plus jamais, seraient-ils trop pingres pour la lui donner ? Alors que part la suite, il n’aura aucun problème pour transporter une bible ou un stylet. Je suis un peu taquin, là. Pardon. Et effectivement, en terme de mécanique de jeu, on comprend bien le pourquoi du comment. Je dirais même que l'on y est habitué. Trop peut-être, car c'est le vraisemblable qui dès lors en pâtit.

Dans mon esprit, le personnage est pauvre est ne possède en fait que deux des objets cités dans cette liste. Il n'en emporte pas davantage, car il n'en possède pas plus. C'est donc le lecteur qui décide quels sont les objets qu'il possède et fait le choix d'équiper son personnage de tel ou tel objet, comme dans d'autres aventures il lui attribuerait telle ou telle compétence.

(14/07/2024, 23:13)Astre*Solitaire a écrit : Dans le même ordre d’idée, au paragraphe 46, il est écrit que : « Il y a eu un bruit sec quand sa tête a cogné le pavé du quai, et la silhouette n’a plus bougé ». Un frère de moins ! On affronte l’autre au paragraphe 5 et « avec leur aide [des marins], nous avons dissimulé le cadavre de Filippu ». Et donc, l'autre cadavre, lui, on le laisse sur le quai ? Un léger oubli, probablement (ou alors il y a quelque chose que j'ai ratée).

On peut présumer que l'homme dont on a cogné la tête sur le sol n'est pas mort mais seulement assommé. il n'est donc pas nécessaire de faire disparaitre son cadavre.

(14/07/2024, 23:13)Astre*Solitaire a écrit : Enfin, il y existe des choix particuliers à réaliser pour atteindre la dernière fin ; et ils semblent vraiment contre-intuitifs au vu de la situation – comme d’aller faire un détour auprès de sa belle – ou qui nous sont faussement présentés. C'est notamment le cas du paragraphe 10 : « Mais où m’abriter ? Sous un arbre [...] ? C’était le meilleur moyen de mourir foudroyé, ou assommé par une branche cassée. Sous un rocher [...] ? Des fleuves de boue dévalaient des hauteurs, trempant tout sur leur passage, rendant illusoire la possibilité de rester au sec. ». Tout ici nous incite à prendre l’autre solution (ne pas s’abriter). C’est pourtant une erreur : il faut chercher à s'abriter.

J'aime bien brouiller les cartes, et souffler le chaud et le froid pour embrouiller le lecteur. Si le choix le plus naturel semble aussi le plus sûr, le lecteur prudent ou flemmard va le faire, et va peut être trop rapidement trouver le meilleur chemin...

(14/07/2024, 23:13)Astre*Solitaire a écrit : J’espère, Grattepapier, que mes remarques ne te sembleront pas trop sévères, car j’ai vraiment passé un excellent moment à me carapater au sein du maquis corse et je prends toujours beaucoup de plaisir à lire tes AVH. Merci à toi.

Merci à toi aussi pour ton retour, et content que cette histoire t'ait transporté dans un autre espace-temps !
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#32
Personnellement, je ne suis pas du même avis concernant l'utilisation du passé composé (oui en effet je l'ai moi-même employé Smile)
Il a de très bons romans modernes qui l'utilisent, et je trouve beaucoup plus vivant, plus près du lecteur, comme un ami qui me raconterait une histoire. Dans mon cas, l'immersion est donc plus forte qu'avec l'emploi du passé simple (et de loin).
[+] 2 personnes remercient Flam pour ce message !
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#33
Avant de me lancer dans la lecture des œuvres en compétition pour le YAZ de cette année, je voulais revenir sur cette mini-AVH. Je l’avais lue à l’époque, mais, comme bien souvent, rattrapé par mes propres démons, j’avais sombré dans une de ces trop familières périodes d’apathie, digne du grand ancien de la cité de R’lyeh.

Un des textes que j’ai préférés est, sans conteste, A Vendetta. Car, et c’est très personnel, cette AVH coche beaucoup des cases qui correspondent à mes attentes de lecteur, sur ce format.
Déjà, j’aime quand le style est au service de l’histoire et de la narration, quand une cohérence s’impose immédiatement et donne du « corps » au récit. Dans cette fuite éperdue, le style ciselé, concis mais expressif, est d’une redoutable efficacité. Phrases courtes, maîtrise du rythme, descriptions visuelles : tout résonne parfaitement avec le thème de cette vengeance insulaire (mention spéciale pour les dialogues) et l’urgence qui imprègne chaque scène.

L’ambiance oppressante s’installe dès les premiers paragraphes, avec une densité qui se niche dans les détails. Même les personnages secondaires – la mère sévère, le père taiseux – sont crédibles et participent à la profondeur du récit. Peut-être que le format restreint empêche de développer une complexité morale plus marquée, ce qui aurait permis d’échapper tout à fait aux clichés.

Après cette plongée initiale dans les traditions et les injonctions familiales, les éléments fantastiques liés à la Corse se mêlent progressivement à l’exode forcé, dans une gestion de la tension intense, qui va crescendo. Le carcan des 50 paragraphes rend toutefois délicate l’introduction du fantastique au cœur d’un réalisme jusqu’alors dominant.

J’ai pris beaucoup de plaisir à relire A Vendetta. La prose est solide, le sujet difficile, voir « casse-gueule », en raison de son universalité et du risque de tomber dans des stéréotypes. Ce risque est encore plus marqué lorsqu’on s’attaque à des régions fortement imprégnées de cultures ancestrales, souvent bien plus complexes que ce qu’elles laissent entrevoir au voyageur pressé, qui ne s’attarde, le plus souvent, que sur des poncifs ou un apparent exotisme.

Le dernier point sur lequel je voulais insister, c’est le style. L’écriture est vraiment maîtrisée, empreinte d’un classicisme très élégant. Si je devais formuler une critique mineure, je dirais qu’elle est presque « trop » maîtrisée. Mais, encore une fois, c’est extrêmement subjectif. Peut-être une piste de réflexion : l’émotion d’un texte, et de ses personnages qui le peuplent, réside aussi dans les fêlures, les hésitations, les approximations, les nébulosités si chères aux impressionnistes ! Ces zones floues, ces silences, ces respirations que le lecteur peut s’approprier pour y laisser vagabonder ses propres projections, ses propres couleurs, en dessiner les contours, insufflant à cet homoncule littéraire une étincelle de vie !

Merci, Grattepapier, pour cette AVH qui démontre tout ton talent d’auteur.
[+] 1 personne remercie Gwalchmei pour ce message !
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#34
Merci Gwalchmei pour ce long retour qui fait rudement plaisir ! Et ce d'autant plus qu'il vient de toi. Tu connais l'admiration que je porte à la qualité de ta prose, et (je ne m'en cache pas) "A vendetta" a été écrite comme une espèce d'hommage à ton "Tan Noz". J'aime beaucoup cette AVH qui propose une mécanique de création du personnage très originale, un personnage d'écrivain un peu torturé, une utilisation rare du folklore breton et un fin assez ambiguë. Je prends bonne note de tes remarques sur le style "trop maîtrisé "comme une piste d'amélioration. En effet, j'ai sans doute tendance à vouloir tout expliquer, tout signifier trop clairement au lecteur, au lieu de laisser ce dernier tirer de lui-même ses propres conclusions. Un peu plus de finesse, de subtilité ou d'ambiguïté ne ferait pas de mal. À méditer...
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