11/08/2017, 13:44
Le Clan des Sangliers
Septième aventure publiée en 2014 dans la collection Rendez-vous au 14 de l'éditeur Walrus, écrite par Joël Ollivier. 231 sections.
Nous incarnons Roko-celui-qui-fait-rêver-la-roche, membre de la tribu préhistorique du clan des Sangliers. Alors que l'hiver s'annonce difficile, dans la mesure où le gibier se fait rare, l'ensemble des hommes du clan a été décimé dans un combat contre un groupe de babouins. Seul le vieux Zorn et Roko ont survécu, et ils se retrouvent à devoir assurer la survie des femmes et enfants de leur clan. Alors que Zorn décide d'aller négocier avec d'autres tribus la dispersion en leurs seins du clan des sangliers afin d'en assurer la survie des individus, nous prenons le contrôle du destin de Roko. Assez vite, nous serons amenés à effectuer un voyage au-delà des limites de notre petit territoire afin de trouver notre propre solution pour permettre la survie de notre tribu. Le thème classique du voyage du héros pour la survie de son peuple, dans un cadre préhistorique donc.
Péripéties et rencontres
J'ai identifié quatre parties à cette aventure, la première, où on doit prendre la décision de notre départ, et s'y préparé. Alors que la seconde partie de l'aventure prend des atours de récit de survie d'un homme seul dans un milieu hostile, avec les inévitables problématiques d'alimentation et de protection contre les prédateurs, Roko se retrouvera rapidement confronté à d'autres humains: les clans des aigles, des chiens de mer et des mangeurs de miel, qui lui paraitront plus qu'étranges. Ainsi, cette troisième partie, bien plus conséquente, de l'aventure consistera à nouer le contact avec ces inconnus. La quatrième partie pourra prendre différentes formes selon les choix que l'on a fait.
La première partie est assez courte. Elle permet d'en apprendre plus sur les membres qui composent le clan, ce qui pourra avoir son utilité. La seconde partie demeure assez classique et prévisible, chasser, pêcher, explorer, bivouaquer, ne pas se faire bouffer. Comme toutes les aventures de cette collection, pas de règles complexes pour simuler tout ça, le tout est géré par nos choix et le récit. Toute cette partie serait presque pédagogique, tant l'efficacité, ou la non-efficacité, de nos choix est assez bien justifiée a posteriori pour certain aspect (comment gérer une course poursuite avec un lapin, ou s'occuper d'un ours qui rode autour de notre camps par exemple). J'ai trouvé la troisième partie encore plus intéressante, cest même le cœur de l'aventure, les échanges avec les nouveaux humains rencontrés par Roko sont très difficiles au début, et leur étrangeté aux yeux de Roko est très bien retranscrite. Parfois il est vraiment difficile de comprendre ce qu'ils foutent, mais on finit pourtant par saisir ce qu'il en est vraiment, là encore a posteriori. De plus, c'est dans ce cadre que le surnom de « celui-qui-fait-rêver-la-roche » de Roko prendra tout son intérêt, sa fonction de peintre rupestre étant exploitée astucieusement dans ses échanges, avec les vivants, mais aussi les ancêtres.
La dernière partie de notre aventure sera assez influencée par les choix que nous avons faits et les informations que nous avons glanées aux cours de l'aventure.
On a donc affaire à une histoire finalement simple dans son déroulement, mais avec une progression et mise en scène qui l'a rend intéressante.
Des choix qui ne pardonnent pas
Pour l'aspect jeu, c'est un peu le gros défaut du livre. On a affaire a une aventure plutôt linéaire, si ce n'est vers la fin où nos choix peuvent nous amener dans des péripéties totalement différentes, avec des conclusions qui le sont tout autant. Mais en dehors de ça, la majorité des situations, qui sont souvent critiques, où nous devons choisir, propose des options immédiatement mortelles. En fait, qualifier l'aventure de linéaire ne serait pas juste, car il y a bien des embranchements qui bifurquent vers des situations différentes non mortelles, et qui parfois ont un impacts beaucoup plus tard, mais elles sont écrasées de part leur faible nombre par les choix potentiellement mortels. A la louche, je dirais que le ratio de choix à options mortelles par rapport aux choix « véritables » est de 5 pour 1. forcément, j'en suis venu à m'autoriser les retours arrières au lieu de reprendre le livre depuis le début, car sinon il m'aurait fallut une bonne quinzaine de tentatives pour arriver à une des fins positives. Après, comme je l'ai dit, les justifications sont très bien amenées a posteriori, donc c'est peut-être aussi un peu moi qui aurait fait un bien piètre chasseur préhistorique . De plus, les PFA sont biens écrits, et mènent vers des PFA générique qui varient selon la façon dont on a trépassé (héroïquement ou ridiculement, au service de notre clan ou à celui d'un autre …). Cet aspect en demeure néanmoins frustrant, et l'aventure aurait gagné à avoir une structure plus ouverte et moins implacable.
Une écriture au service du ressenti du personnage
Généralement, je m’abstiens d'aller au delà d'un laconique « le style est bon » pour parler de l'écriture en tant que telle. J'ai tendance à m'en tenir à l'idée qu'un bon style est un style qui arrive à nous faire oublier assez vite qu'on est en train de lire, et je m'attarde assez peu dessus. Néanmoins, je n'ai pas pu passer à côté ici, car sa particularité est vraiment de nous transmettre le ressentis du héros par rapport aux situations vécus. À la troisième personne et au présent, on a néanmoins l'impression qu'il s'agit d'une première personne cachée, un peu à la façon du cliché de l'homme préhistorique naïf qui parle de lui à la troisième personne en rappelant systématiquement son nom et avec des phrases, qui sans être excessivement courtes, se focalisent sur une seule idée. Cela ne rend donc pas la lecture pénible, tout en lui donnant une saveur particulière. J'ai mis quelques extraits un peu plus loin.
Sinon, la plupart des situations ne sont pas explicitées de façon à ce qu'on les comprennent immédiatement avec nos yeux contemporains. Seuls quelques indices nous permettront de comprendre certaines choses (par exemple, on finit par comprendre que les membres du clan des sangliers sont en fait des Homo neanderthalensis, et que les nouveaux humains rencontrés par Roko sont des Homo sapiens). Cela est particulièrement efficace pour la description de comportements qu'on ne finit par saisir que bien plus tard. Par contre, il y a un truc que je n'ai pas toujours saisis, c'est que sont les « Ours-Taupes » ? J'ai pensé à des sables mouvants, mais certains trucs ne collent pas. Je vous en donne une description, si quelqu'un a une idée :
Sinon, je ne peux m’empêcher de montrer des choix, qui, s'ils ne sont absolument pas typiques du livre, sont assez amusants (une → indique un choix).
Dans l'exemple suivant, un des deux choix est mortel ...
Réalité historique et comparaison
Je ne suis pas spécialiste en matière de préhistoire, donc difficile à dire si c'est réaliste scientifiquement. Certaines situations sont forcément excessives. Mais à côté certains points liés à l'actualité scientifique récente du domaine sont évoqués (par exemple, les recherches sur la possibilité de l'interfécondité des néandertalien et des sapiens). De l'autre, on peut parfois avoir l'impression que l'auteur veut démonter certains clichés sur les humains de la préhistoire. Par exemple, dans nos échanges avec les autres, que ce soit les membres de notre clan et des autres clans, et tout particulièrement lors de rapport de séduction, l'option négociation à base de coups de gourdin sur le crâne est parfois proposée. Pour ceux qui auraient un doute, je mets en spoiler,
Par contre, certains points me semblent plus douteux, comme le fait que les Sapiens ont de plus grandes connaissances que les néandertaliens (ils connaissent le développement durable, à se demander si ce sont vraiment nos ancêtres).
Autre chose qui pourrait être intéressante, c'est de comparer avec d'autres ldvelh basés sur la préhistoire. Le seul titre que je connaisse de nom, c'est Le Gand Mammouth, et je ne l'ai pas joué. Si je me base sur les critiques que Fitz et Sunkmanitu en ont fait, le Clan des Sangliers s'en distinguerait par son côté interaction avec d'autres humains. Ça tombe bien, c'est le point fort du livre.
Conclusion
Un ldvelh dans un contexte préhistorique que j'ai apprécié, avec une histoire classique, mais bien construite dans sa narration, et bien écrite. Elle fait la part belle aux échanges avec d'autres personnages, d'une façon assez remarquable qui m'a convaincu. Dommage qu'il n'en soit pas de même dans la structure interactive, qui souffre d'un trop gros nombres de choix mortels, ce qui s’avérera rédhibitoire pour ceux qui tiennent à jouer à la loyale.
Septième aventure publiée en 2014 dans la collection Rendez-vous au 14 de l'éditeur Walrus, écrite par Joël Ollivier. 231 sections.
Nous incarnons Roko-celui-qui-fait-rêver-la-roche, membre de la tribu préhistorique du clan des Sangliers. Alors que l'hiver s'annonce difficile, dans la mesure où le gibier se fait rare, l'ensemble des hommes du clan a été décimé dans un combat contre un groupe de babouins. Seul le vieux Zorn et Roko ont survécu, et ils se retrouvent à devoir assurer la survie des femmes et enfants de leur clan. Alors que Zorn décide d'aller négocier avec d'autres tribus la dispersion en leurs seins du clan des sangliers afin d'en assurer la survie des individus, nous prenons le contrôle du destin de Roko. Assez vite, nous serons amenés à effectuer un voyage au-delà des limites de notre petit territoire afin de trouver notre propre solution pour permettre la survie de notre tribu. Le thème classique du voyage du héros pour la survie de son peuple, dans un cadre préhistorique donc.
Péripéties et rencontres
J'ai identifié quatre parties à cette aventure, la première, où on doit prendre la décision de notre départ, et s'y préparé. Alors que la seconde partie de l'aventure prend des atours de récit de survie d'un homme seul dans un milieu hostile, avec les inévitables problématiques d'alimentation et de protection contre les prédateurs, Roko se retrouvera rapidement confronté à d'autres humains: les clans des aigles, des chiens de mer et des mangeurs de miel, qui lui paraitront plus qu'étranges. Ainsi, cette troisième partie, bien plus conséquente, de l'aventure consistera à nouer le contact avec ces inconnus. La quatrième partie pourra prendre différentes formes selon les choix que l'on a fait.
La première partie est assez courte. Elle permet d'en apprendre plus sur les membres qui composent le clan, ce qui pourra avoir son utilité. La seconde partie demeure assez classique et prévisible, chasser, pêcher, explorer, bivouaquer, ne pas se faire bouffer. Comme toutes les aventures de cette collection, pas de règles complexes pour simuler tout ça, le tout est géré par nos choix et le récit. Toute cette partie serait presque pédagogique, tant l'efficacité, ou la non-efficacité, de nos choix est assez bien justifiée a posteriori pour certain aspect (comment gérer une course poursuite avec un lapin, ou s'occuper d'un ours qui rode autour de notre camps par exemple). J'ai trouvé la troisième partie encore plus intéressante, cest même le cœur de l'aventure, les échanges avec les nouveaux humains rencontrés par Roko sont très difficiles au début, et leur étrangeté aux yeux de Roko est très bien retranscrite. Parfois il est vraiment difficile de comprendre ce qu'ils foutent, mais on finit pourtant par saisir ce qu'il en est vraiment, là encore a posteriori. De plus, c'est dans ce cadre que le surnom de « celui-qui-fait-rêver-la-roche » de Roko prendra tout son intérêt, sa fonction de peintre rupestre étant exploitée astucieusement dans ses échanges, avec les vivants, mais aussi les ancêtres.
La dernière partie de notre aventure sera assez influencée par les choix que nous avons faits et les informations que nous avons glanées aux cours de l'aventure.
On a donc affaire à une histoire finalement simple dans son déroulement, mais avec une progression et mise en scène qui l'a rend intéressante.
Des choix qui ne pardonnent pas
Pour l'aspect jeu, c'est un peu le gros défaut du livre. On a affaire a une aventure plutôt linéaire, si ce n'est vers la fin où nos choix peuvent nous amener dans des péripéties totalement différentes, avec des conclusions qui le sont tout autant. Mais en dehors de ça, la majorité des situations, qui sont souvent critiques, où nous devons choisir, propose des options immédiatement mortelles. En fait, qualifier l'aventure de linéaire ne serait pas juste, car il y a bien des embranchements qui bifurquent vers des situations différentes non mortelles, et qui parfois ont un impacts beaucoup plus tard, mais elles sont écrasées de part leur faible nombre par les choix potentiellement mortels. A la louche, je dirais que le ratio de choix à options mortelles par rapport aux choix « véritables » est de 5 pour 1. forcément, j'en suis venu à m'autoriser les retours arrières au lieu de reprendre le livre depuis le début, car sinon il m'aurait fallut une bonne quinzaine de tentatives pour arriver à une des fins positives. Après, comme je l'ai dit, les justifications sont très bien amenées a posteriori, donc c'est peut-être aussi un peu moi qui aurait fait un bien piètre chasseur préhistorique . De plus, les PFA sont biens écrits, et mènent vers des PFA générique qui varient selon la façon dont on a trépassé (héroïquement ou ridiculement, au service de notre clan ou à celui d'un autre …). Cet aspect en demeure néanmoins frustrant, et l'aventure aurait gagné à avoir une structure plus ouverte et moins implacable.
Une écriture au service du ressenti du personnage
Généralement, je m’abstiens d'aller au delà d'un laconique « le style est bon » pour parler de l'écriture en tant que telle. J'ai tendance à m'en tenir à l'idée qu'un bon style est un style qui arrive à nous faire oublier assez vite qu'on est en train de lire, et je m'attarde assez peu dessus. Néanmoins, je n'ai pas pu passer à côté ici, car sa particularité est vraiment de nous transmettre le ressentis du héros par rapport aux situations vécus. À la troisième personne et au présent, on a néanmoins l'impression qu'il s'agit d'une première personne cachée, un peu à la façon du cliché de l'homme préhistorique naïf qui parle de lui à la troisième personne en rappelant systématiquement son nom et avec des phrases, qui sans être excessivement courtes, se focalisent sur une seule idée. Cela ne rend donc pas la lecture pénible, tout en lui donnant une saveur particulière. J'ai mis quelques extraits un peu plus loin.
Sinon, la plupart des situations ne sont pas explicitées de façon à ce qu'on les comprennent immédiatement avec nos yeux contemporains. Seuls quelques indices nous permettront de comprendre certaines choses (par exemple, on finit par comprendre que les membres du clan des sangliers sont en fait des Homo neanderthalensis, et que les nouveaux humains rencontrés par Roko sont des Homo sapiens). Cela est particulièrement efficace pour la description de comportements qu'on ne finit par saisir que bien plus tard. Par contre, il y a un truc que je n'ai pas toujours saisis, c'est que sont les « Ours-Taupes » ? J'ai pensé à des sables mouvants, mais certains trucs ne collent pas. Je vous en donne une description, si quelqu'un a une idée :
Le Clan des Sangliers a écrit :015Les marais ont mauvaise réputation : on les dit hantés par des prédateurs souterrains aveugles et poisseux que, faute de mieux, on nomme les ours-taupes. Ces êtres terrifiants, que nul homme n’a jamais contemplés, s’enfouissent dans la terre meuble et patientent à l’affût des imprudents qui oseront s’aventurer sur leur territoire. Quand l’un d’eux passe à leur portée, ils l’agrippent à l’aide de leurs tentacules griffus et l’attirent dans les profondeurs pour le dévorer vivant. On ne sait pas comment les vaincre. On sait en revanche qu’ils sont peu mobiles et ne survivent que dans la vase puante des marécages. Roko promène autour de lui un regard circulaire. Comme on ignore où se situe la frontière du domaine des ours-taupes, peu de chasseurs se risquent aux alentours, du coup le gibier y pullule.
[...]
Sinon, je ne peux m’empêcher de montrer des choix, qui, s'ils ne sont absolument pas typiques du livre, sont assez amusants (une → indique un choix).
Le Clan des Sangliers a écrit :044[...]Jeûner c’est s’affaiblir. Roko décide de tenter sa chance dans un des innombrables cours d’eau stagnante : peut-être pourra-t-il trouver un peu de terre ferme et y cueillir quelques baies. Roko pousse sur sa perche, dès le premier méandre un joli marigot lui tend son bras sinueux.
→ Roko se laisse tenter.
→ Non : il préfère attendre le suivant qui lui semble plus arboré.
→ ou celui-ci qui est plus odorant.
→ Ou celui-là qui est plus bruissant.
→ Peut-être cet autre qui est incontestablement plus charmant.
→ Ou cet autre encore qui paraît inexplicablement bien séduisant.
→ Et là-bas ! Comment passer à côté de ce dernier qui est si engageant.
[...]
Dans l'exemple suivant, un des deux choix est mortel ...
Le Clan des Sangliers a écrit :031La chute est interminable. Le choc d’une violence inouïe.
→ Roko est un dur à cuire !
→ Roko est un dur au mal !
Réalité historique et comparaison
Je ne suis pas spécialiste en matière de préhistoire, donc difficile à dire si c'est réaliste scientifiquement. Certaines situations sont forcément excessives. Mais à côté certains points liés à l'actualité scientifique récente du domaine sont évoqués (par exemple, les recherches sur la possibilité de l'interfécondité des néandertalien et des sapiens). De l'autre, on peut parfois avoir l'impression que l'auteur veut démonter certains clichés sur les humains de la préhistoire. Par exemple, dans nos échanges avec les autres, que ce soit les membres de notre clan et des autres clans, et tout particulièrement lors de rapport de séduction, l'option négociation à base de coups de gourdin sur le crâne est parfois proposée. Pour ceux qui auraient un doute, je mets en spoiler,
Autre chose qui pourrait être intéressante, c'est de comparer avec d'autres ldvelh basés sur la préhistoire. Le seul titre que je connaisse de nom, c'est Le Gand Mammouth, et je ne l'ai pas joué. Si je me base sur les critiques que Fitz et Sunkmanitu en ont fait, le Clan des Sangliers s'en distinguerait par son côté interaction avec d'autres humains. Ça tombe bien, c'est le point fort du livre.
Conclusion
Un ldvelh dans un contexte préhistorique que j'ai apprécié, avec une histoire classique, mais bien construite dans sa narration, et bien écrite. Elle fait la part belle aux échanges avec d'autres personnages, d'une façon assez remarquable qui m'a convaincu. Dommage qu'il n'en soit pas de même dans la structure interactive, qui souffre d'un trop gros nombres de choix mortels, ce qui s’avérera rédhibitoire pour ceux qui tiennent à jouer à la loyale.