Le Démon dans l'escalier suivi de A la cour du Roi des Rats, publiés dans le même volume chez Posidonia, sont les deux premiers tomes de ce qui s'annonce comme une série. D'ailleurs en googlant pour trouver quelques détails sur l'auteur, Julien Noël, je tombe sur La Nuit du seum, « Mauvais sorts tome IV » (il y a donc un 3ème tome) et sur des couvertures alternatives aux éditions 3D.
L'auteur ? Julien Noël est prolifique dans le genre du livre-jeu, aussi bien que dans le thème de la sorcellerie, de la magie noire, du conte de même couleur. Sa fiche Babelio annonce 10 titres parus, dont deux résumés d'œuvre pour un éditeur scolaire (type "profil d'une œuvre").
Début 2021, j'avais eu le plaisir de partager la même table ronde (virtuelle) que Julien Noël, à l'invitation de l'autrice de romans Céline Badaroux, et avec DoublureStylo, Hugo Labrande, Betty Piccioli :
Ecoutez Julien Noël à partir de 41mn et quelques.
DE QUOI QUE ÇA CAUSE ?
Dans les deux histoires du recueil, Le Démon dans l'escalier et A la cour du Roi des Rats, nous suivons l'itinéraire d'un jeune sorcier (belge) dans notre monde contemporain. « Un jeune crétin », comme le décrit l'auteur, qui ne peut donc qu'évoluer. Vous imaginiez un Harry Potter bis ? Déso mais pas déso, ce n'est pas la bonne inspiration. L'ambiance ici est dark et le personnage ne l'est pas moins. A la lecture, j'imaginais un emo mal dans sa peau, dégingandé et toujours dans des coups mal fourrés.
INTRIGUE
L'intrigue est d'une simplicité biblique : le héros se fait embaucher dans une taverne de sorciers (clin d'œil au cliché méd-fan qui veut qu'on n'a qu'à poser son postérieur sur un tabouret d'auberge pour se voir proposer trois missions par des mages sur le retour ?). Embaucher par un dénommé Patte-de-Bouc, dont le patronyme ne laisse planer aucun mystère sur la particularité physique la plus marquante.
Kukkrapok, le monstre de "South Park" qui a une main en céleri et une jambe en Patrick Duffy,
est un très grand fan de Patte-de-Bouc.
Embaucher pour quoi, me direz-vous ? Pour... heu... tuer un lapin.
Ben oui.
Un lapin.
Vous savez c'quon dit, hein. Y a pas d'sot métier. Y a qu'de bas salaires.
Alors tout de même, le lapin est un démon. Le genre gremlin faiseur de farces et amateur de gestes grossiers. Il trouble la vie d'un quartier en hantant un escalier du genre de ceux de Montmartre. Ce n'est pas que Patte-de-Bouc ait pitié des riverains, mais ce genre de manifestation finirait par attirer l'attention sur l'existence des sorciers, alors la guilde veut y mettre bon ordre. Ce qu'il y a à gagner ? Un peu de reconnaissance, commencer à grimper les échelons, notre personnage étant pour le moment une sorte de niveau 1.
L'intrigue elle-même aura un côté frustrant, sans doute un peu volontaire, à amener le joueur à s'y reprendre à plusieurs reprises, plusieurs soirs de suite, pour réussir à BUTTER CE LAPIN, qui en finit par devenir ENERVAAAAAANT ! C'est d'ailleurs sa raison de vivre. Pour réussir, il faudra faire plus ample connaissance avec le milieu de la magie, les pratiques, etc.
L'AMBIANCE
L'histoire étant assez fine, le livre un peu court (c'est une intro à la saga), l'intérêt est ailleurs. Ce qui saisit vraiment l'attention, c'est l'ambiance nocturne, façon gravure 19ème. Ça ne se déroule pas à Paris mais on pense à ces romans de Hugo ou d'Eugène Sue montrant les bas-fonds, la lie, les guildes, leurs liens troubles avec l'autorité (lire le 27), leurs signes à la craie sur les murs, leur argot, les chausse-trappes dans lesquelles tombe tout débutant dans le milieu...
La magie est très différente du standard soft du côté Harry Potter. J'ai eu l'impression en lisant que l'auteur avait potassé son sujet. La sorcellerie est ici affaire très corporelle, elle se pratique avec le sperme, la pisse, le sang, et tutoie par bien aspects le fétichisme, le sploshing*, le gore. Ainsi, l'un de nos initiateurs est l'un des derniers « soupeurs », je vous laisse découvrir dans le livre de quoi il s'agit.
*faites la recherche de ce mot sur Google Images. Riez nerveusement.
Puis effacez votre historique.
REGLES
Il y en a peu, car qui dit règles dit scores, qui dit scores dit optimisation, personnage qui se renforce de tome en tome. Le but est plutôt de laisser le héros et le joueur dans une incertitude face au danger, dans une absence de maîtrise. Une optique anti-Grosbill.
Ici il s'agit surtout de garder quelques notes, et d'utiliser un dé comme générateur de hasard dans les péripéties. Ceci tient aussi au fait que la première idée était d'en faire un eBook comme ceux des (défuntes) éditions Walrus.
Une particularité de la série est que chaque tome inclut une partie d'un jeu de société (mise en abyme ?). Dans le tome II c'est une partie de 421, dans le tome IV du tarot (comme la partie de poker de L'Homme au Cheval de Brume, tome 3 des "Messagers du Temps"). La règle du jeu n'est pas donnée, il faut la deviner au fur et à mesure, comme dans le jeu d'Eleusis. Et devinez quoi ? J'ai rien pigé au 421. La même logique sert quand on doit deviner la suite d'un rituel faits de formules rimées d'une certaine manière. Bon, là par contre, l'auteur de La Marque (poétique) de Cthulhu a maîtrisé le game.
LE TOME II
Plus long, avec une intrigue plus... intrigante.
Même taverne, même clientèle, même chat sur le comptoir (quoique), même Patte-de-Bouc. Le commanditaire est devenu une sorte de mentor paradoxal pour le héros. Imaginez un Merlin sadique qui ne tiendrait qu'à moitié à Pip, et n'aurait pas trop d'état d'âme à le laisser mourir... Un Merlin qui trainerait un lourd passé et ne tiendrait pas à en parler (chaque personnage interrogé nous livre d'ailleurs une version différente de l'origine de sa patte caprine).
Le jeu nous mènera à explorer des égouts, puis à nous infiltrer dans une école de formation pour grands ados / jeunes adultes (parodie de Poudlard ?) pour démasquer le Roi des Rats. Le hasard nous fait trouver un horcruxe, pardon, un objet magique, que les autres personnages de l'histoire n'auront de cesse d'essayer de nous arracher
Passage intéressant, un début de lutte entre le bien et le mal, avec le personnage du prêtre (il ressemble à Pazuzu sur l'illustration du 107). Le héros a l'air de devoir choisir entre lui et Patte-de-Bouc comme mentor. Mention au passage sur les pouvoirs comparés de la foi et de la magie aux 105, 167.
Les illus de ce tome ont une stylisation un peu 1900, un peu art nouveau.
L'OBJET-LIVRE
La couverture Posidonia m'évoque celle du Métro du cauchemar de F. Cuvilly, chez Megara. Le titre en lettres de sang n'est pas super lisible. Les couv' alternatives des éditions 3D m'ont davantage plu.
Les illustrations intérieures sont de l'auteur. La technique semble être du grattage ou de la gravure. Le niveau n'est pas encore pro, le trait et le fini sont assez variables d'une illustration à l'autre, mais quelques unes ont un petit quelque chose de marquant : je pense à l'illu du 44, du 89 et du 91.
MON AVIS
Ce livre a les mêmes qualités et défauts que Les Reliques de la cité rouge de Cédric Zampini (son inverse angélique) : un univers original avec des choix d'écriture assumés, des personnages secondaires hauts en couleurs et marquants ; le but final de l'intrigue est légèrement flou pour le joueur, faute d'une intrigue assez serrée, d'un fil rouge bien marqué. Dans les deux cas on sent une patte d'auteur (pas de bouc), on regrette que la couv' comme les illus intérieures, sans démériter, n'aient pas toutes le niveau pro.
C'est un bon souvenir de lecture et je m'en rappellerai bien plus que d'autres lectures plus consensuelles.
L'auteur ? Julien Noël est prolifique dans le genre du livre-jeu, aussi bien que dans le thème de la sorcellerie, de la magie noire, du conte de même couleur. Sa fiche Babelio annonce 10 titres parus, dont deux résumés d'œuvre pour un éditeur scolaire (type "profil d'une œuvre").
Début 2021, j'avais eu le plaisir de partager la même table ronde (virtuelle) que Julien Noël, à l'invitation de l'autrice de romans Céline Badaroux, et avec DoublureStylo, Hugo Labrande, Betty Piccioli :
Ecoutez Julien Noël à partir de 41mn et quelques.
DE QUOI QUE ÇA CAUSE ?
Dans les deux histoires du recueil, Le Démon dans l'escalier et A la cour du Roi des Rats, nous suivons l'itinéraire d'un jeune sorcier (belge) dans notre monde contemporain. « Un jeune crétin », comme le décrit l'auteur, qui ne peut donc qu'évoluer. Vous imaginiez un Harry Potter bis ? Déso mais pas déso, ce n'est pas la bonne inspiration. L'ambiance ici est dark et le personnage ne l'est pas moins. A la lecture, j'imaginais un emo mal dans sa peau, dégingandé et toujours dans des coups mal fourrés.
INTRIGUE
L'intrigue est d'une simplicité biblique : le héros se fait embaucher dans une taverne de sorciers (clin d'œil au cliché méd-fan qui veut qu'on n'a qu'à poser son postérieur sur un tabouret d'auberge pour se voir proposer trois missions par des mages sur le retour ?). Embaucher par un dénommé Patte-de-Bouc, dont le patronyme ne laisse planer aucun mystère sur la particularité physique la plus marquante.
Kukkrapok, le monstre de "South Park" qui a une main en céleri et une jambe en Patrick Duffy,
est un très grand fan de Patte-de-Bouc.
Embaucher pour quoi, me direz-vous ? Pour... heu... tuer un lapin.
Ben oui.
Un lapin.
Vous savez c'quon dit, hein. Y a pas d'sot métier. Y a qu'de bas salaires.
Alors tout de même, le lapin est un démon. Le genre gremlin faiseur de farces et amateur de gestes grossiers. Il trouble la vie d'un quartier en hantant un escalier du genre de ceux de Montmartre. Ce n'est pas que Patte-de-Bouc ait pitié des riverains, mais ce genre de manifestation finirait par attirer l'attention sur l'existence des sorciers, alors la guilde veut y mettre bon ordre. Ce qu'il y a à gagner ? Un peu de reconnaissance, commencer à grimper les échelons, notre personnage étant pour le moment une sorte de niveau 1.
L'intrigue elle-même aura un côté frustrant, sans doute un peu volontaire, à amener le joueur à s'y reprendre à plusieurs reprises, plusieurs soirs de suite, pour réussir à BUTTER CE LAPIN, qui en finit par devenir ENERVAAAAAANT ! C'est d'ailleurs sa raison de vivre. Pour réussir, il faudra faire plus ample connaissance avec le milieu de la magie, les pratiques, etc.
L'AMBIANCE
L'histoire étant assez fine, le livre un peu court (c'est une intro à la saga), l'intérêt est ailleurs. Ce qui saisit vraiment l'attention, c'est l'ambiance nocturne, façon gravure 19ème. Ça ne se déroule pas à Paris mais on pense à ces romans de Hugo ou d'Eugène Sue montrant les bas-fonds, la lie, les guildes, leurs liens troubles avec l'autorité (lire le 27), leurs signes à la craie sur les murs, leur argot, les chausse-trappes dans lesquelles tombe tout débutant dans le milieu...
La magie est très différente du standard soft du côté Harry Potter. J'ai eu l'impression en lisant que l'auteur avait potassé son sujet. La sorcellerie est ici affaire très corporelle, elle se pratique avec le sperme, la pisse, le sang, et tutoie par bien aspects le fétichisme, le sploshing*, le gore. Ainsi, l'un de nos initiateurs est l'un des derniers « soupeurs », je vous laisse découvrir dans le livre de quoi il s'agit.
*faites la recherche de ce mot sur Google Images. Riez nerveusement.
Puis effacez votre historique.
REGLES
Il y en a peu, car qui dit règles dit scores, qui dit scores dit optimisation, personnage qui se renforce de tome en tome. Le but est plutôt de laisser le héros et le joueur dans une incertitude face au danger, dans une absence de maîtrise. Une optique anti-Grosbill.
Ici il s'agit surtout de garder quelques notes, et d'utiliser un dé comme générateur de hasard dans les péripéties. Ceci tient aussi au fait que la première idée était d'en faire un eBook comme ceux des (défuntes) éditions Walrus.
Une particularité de la série est que chaque tome inclut une partie d'un jeu de société (mise en abyme ?). Dans le tome II c'est une partie de 421, dans le tome IV du tarot (comme la partie de poker de L'Homme au Cheval de Brume, tome 3 des "Messagers du Temps"). La règle du jeu n'est pas donnée, il faut la deviner au fur et à mesure, comme dans le jeu d'Eleusis. Et devinez quoi ? J'ai rien pigé au 421. La même logique sert quand on doit deviner la suite d'un rituel faits de formules rimées d'une certaine manière. Bon, là par contre, l'auteur de La Marque (poétique) de Cthulhu a maîtrisé le game.
LE TOME II
Plus long, avec une intrigue plus... intrigante.
Même taverne, même clientèle, même chat sur le comptoir (quoique), même Patte-de-Bouc. Le commanditaire est devenu une sorte de mentor paradoxal pour le héros. Imaginez un Merlin sadique qui ne tiendrait qu'à moitié à Pip, et n'aurait pas trop d'état d'âme à le laisser mourir... Un Merlin qui trainerait un lourd passé et ne tiendrait pas à en parler (chaque personnage interrogé nous livre d'ailleurs une version différente de l'origine de sa patte caprine).
Le jeu nous mènera à explorer des égouts, puis à nous infiltrer dans une école de formation pour grands ados / jeunes adultes (parodie de Poudlard ?) pour démasquer le Roi des Rats. Le hasard nous fait trouver un horcruxe, pardon, un objet magique, que les autres personnages de l'histoire n'auront de cesse d'essayer de nous arracher
Passage intéressant, un début de lutte entre le bien et le mal, avec le personnage du prêtre (il ressemble à Pazuzu sur l'illustration du 107). Le héros a l'air de devoir choisir entre lui et Patte-de-Bouc comme mentor. Mention au passage sur les pouvoirs comparés de la foi et de la magie aux 105, 167.
Les illus de ce tome ont une stylisation un peu 1900, un peu art nouveau.
L'OBJET-LIVRE
La couverture Posidonia m'évoque celle du Métro du cauchemar de F. Cuvilly, chez Megara. Le titre en lettres de sang n'est pas super lisible. Les couv' alternatives des éditions 3D m'ont davantage plu.
Les illustrations intérieures sont de l'auteur. La technique semble être du grattage ou de la gravure. Le niveau n'est pas encore pro, le trait et le fini sont assez variables d'une illustration à l'autre, mais quelques unes ont un petit quelque chose de marquant : je pense à l'illu du 44, du 89 et du 91.
MON AVIS
Ce livre a les mêmes qualités et défauts que Les Reliques de la cité rouge de Cédric Zampini (son inverse angélique) : un univers original avec des choix d'écriture assumés, des personnages secondaires hauts en couleurs et marquants ; le but final de l'intrigue est légèrement flou pour le joueur, faute d'une intrigue assez serrée, d'un fil rouge bien marqué. Dans les deux cas on sent une patte d'auteur (pas de bouc), on regrette que la couv' comme les illus intérieures, sans démériter, n'aient pas toutes le niveau pro.
C'est un bon souvenir de lecture et je m'en rappellerai bien plus que d'autres lectures plus consensuelles.