03/01/2025, 10:10
J'ai enfin terminé cette longue aventure, ô combien riche et originale. Et tout simplement réussie. Pour changer, je parle de mes légers regrets en premier. Terminer le feedback par du négatif ne rendrait pas justice à Iacchos et ne reflèterait pas ma satisfaction et mon plaisir à l'avoir grandement parcourue (environ 75% des sections de lues).
Lister les bémols est assez rapide :
- le mélange des genres mythologie classique / anticipation me semble affaiblir un tantinet l'efficacité générale. Je n'avais déjà pas trop accroché à ce concept sur ton AVH techno-romaine. J'aurais été curieux de voir ce genre de scénario dans un contexte et avec des ressorts purement SF.
- les choix "à l'aveugle" dans la partie flashback, du genre jouer à la dinette ou faire de la peinture, raconter une histoire de sorcière ou de villageois communautaires, même si on se doute qu'ils ont une dimension symbolique, font perdre en intensité. Ils cassent le rythme effréné de la course-poursuite. J'ai préféré les séquences de la partie présent à celle passée.
- vers la fin, une fois que les enjeux si mystérieux de l'histoire se dévoilent enfin, les échecs à répétition sont une source de (léger) agacement. J'avais hâte de trouver le bon code pour parvenir au fin mot de l'histoire
- une complexité telle qu'elle m'a laissé une impression de ne pas être assez intelligent quand je suis parvenu pour la première fois au 100 (peut-être n'était-ce pas qu'une impression! )
Mais tout ça est très mineur, le vrai point qui m'a empêché d'adorer cette AVH et de seulement l'aimer est quelque chose de très subjectif, auquel il ne faut donc pas accorder une importance exagérée car ça ne va pas concerner grand monde. J'ai eu du mal à m'identifier à l'héroïne, à vibrer pour son sort, à me connecter à son âme.
C'est quelque chose que j'ai déjà ressenti sur certains de tes écrits passés. Autrefois, je mettais ça sur le compte de la féminité du personnage. Comme si j'avais plus d'atomes crochus avec un héros qu'une héroïne. Mais c'est plus subtil que ça. J'ai une nette préférence dans les histoires pour les personnages socialement courageux, parfois torturés, qui considèrent leurs amis et amours avec intensité, quitte à s'y brûler les ailes. Ici l'héroïne dégage une certaine froideur, comme une coquille psychologique protectrice qui la tient à l'écart de ses pairs. Elle regarde les gens avec un brin de cynisme, toute sa volonté et son altruisme sont focalisés sur ses objectifs (sauver la terre avec ses actions militantes) et elle semble immunisée à ces faiblesses humaines qui sont les très forts liens affectifs, exception faite bien entendu de son amour maternel. Quand arrive le retour à sa vie étudiante et donc l'occasion de découvrir son passé d'un point de vue affectif, c'est le néant à ce niveau. On en apprend sur ses actions militantes, sur la libraire pour qui elle a de l'affection, on peut même échanger avec de jeunes hommes de notre passé, il est fait en trois mots référence à ceux qu'on a pu accueillir dans notre chambre d'étudiante, mais en vrai, on est en quelque sorte spectatrice extérieure de ce monde universitaire plus qu'actrice à part entière.
C'est une particularité qui ne va pas aussi loin que dans Fleurir en Hiver, où j'avoue que Xi Mei Mei m'était presque antipathique à force de prendre plaisir à observer, tirer les ficelles, s'amuser des relations amoureuses des autres et de n'avoir aucun attachement, même amical, dans la cité. (ce qui ne m'a pas empêché d'apprécier l'aventure pour toutes ses autres qualités).
Et par contre, dans Labyrinthe, c'était tout le contraire. Le destin de l'héroïne ma captivait car ses émotions étaient au centre de l'histoire. C'est pour ça que cette aventure m'avait tant chamboulé.
J'avais écrit au début de ma lecture sur la qualité du style dès les premières sections. C'est une constante qui ne faiblit pas jusqu'à la fin. J'ai été très impressionné par le champ lexical utilisé à certains moments pour être raccord avec l'ambiance Grèce classique, des métaphores en adéquation avec ce thème et des tournures très originales pour décrire les changements d'attitude des personnages. Ton style ne cesse de s'améliorer.
La structure complexe de l'histoire est l'oeuvre d'une grande maîtrise. On sent que c'est réfléchi depuis très loin en amont, avec une assurance d'embarquer le lecteur là où tu souhaites le conduire. La première partie par exemple est un point particulièrement fort. Le mélange évasion trépidante et installation des éléments mystérieux donnent forcément envie d'en savoir plus à chaque changement de section. Je pense que tu as fait une forme de plan pour la résidence de Haudricourt, c'est ce qui donne aussi tellement de puissance à ce qui n'est finalement qu'une histoire de course-poursuite. Si la partie suivante vers l'université perd en intensité avec ces choix exploratoires beaucoup moins impactants (même si j'ai perdu la première fois en me faisant coincer dans l'université elle-même), cela reprend ensuite presque sur les chapeaux de roue quand on cherche notre ancien mentor. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé les descriptions sur le quartier populaire avec ses immenses tours reliées les unes aux autres, je les visualisais très bien.
A propos, les éléments d'anticipation sur le monde du futur sont distillés de manière discrète et élégante. On n'a pas droit à énormément de nouveautés technologiques ou sur les changements des modes de vie. Par contre, le tableau social, politique et environnemental est impressionnant. La direction dans laquelle est partie notre monde donne du poids au combat de Lise, puis plus tard aux motivations de ses filles. C'est quelque chose qui peut paraître simple à mettre en place, mais ça ne l'est pas. Il fallait régulièrement montrer de nouveaux éléments au lecteur (sans radoter) pour qu'il comprenne la mesure de l'enjeu, que ces éléments soient crédibles sans être exagérés, et tu y as parfaitement réussi. Il se dégage de l'ensemble une impression de fatalisme (dont notre némésis est l'avatar numéro 1) qui souligne le propos général de l'histoire : l'humanité se laisse emporter par un destin qu'elle a initiée et dont elle n'a pas vraiment l'envie de sortir.
J'ai adoré cette finalité. C'est un propos ambitieux, mâture et intelligent, qu'on ne trouve même pas souvent dans de purs romans.
Enfin, n'oublions pas l'essentiel, l'aventure est tout simplement très agréable à lire et à jouer. Parce qu'elle est bien écrite, évidemment. Et aussi de par sa structure qui, bien que linéaire, donne toute satisfaction aux amateurs de livres-jeux. Iacchos n'est pour moi en aucun sens un roman déguisé.
Lister les bémols est assez rapide :
- le mélange des genres mythologie classique / anticipation me semble affaiblir un tantinet l'efficacité générale. Je n'avais déjà pas trop accroché à ce concept sur ton AVH techno-romaine. J'aurais été curieux de voir ce genre de scénario dans un contexte et avec des ressorts purement SF.
- les choix "à l'aveugle" dans la partie flashback, du genre jouer à la dinette ou faire de la peinture, raconter une histoire de sorcière ou de villageois communautaires, même si on se doute qu'ils ont une dimension symbolique, font perdre en intensité. Ils cassent le rythme effréné de la course-poursuite. J'ai préféré les séquences de la partie présent à celle passée.
- vers la fin, une fois que les enjeux si mystérieux de l'histoire se dévoilent enfin, les échecs à répétition sont une source de (léger) agacement. J'avais hâte de trouver le bon code pour parvenir au fin mot de l'histoire
- une complexité telle qu'elle m'a laissé une impression de ne pas être assez intelligent quand je suis parvenu pour la première fois au 100 (peut-être n'était-ce pas qu'une impression! )
Mais tout ça est très mineur, le vrai point qui m'a empêché d'adorer cette AVH et de seulement l'aimer est quelque chose de très subjectif, auquel il ne faut donc pas accorder une importance exagérée car ça ne va pas concerner grand monde. J'ai eu du mal à m'identifier à l'héroïne, à vibrer pour son sort, à me connecter à son âme.
C'est quelque chose que j'ai déjà ressenti sur certains de tes écrits passés. Autrefois, je mettais ça sur le compte de la féminité du personnage. Comme si j'avais plus d'atomes crochus avec un héros qu'une héroïne. Mais c'est plus subtil que ça. J'ai une nette préférence dans les histoires pour les personnages socialement courageux, parfois torturés, qui considèrent leurs amis et amours avec intensité, quitte à s'y brûler les ailes. Ici l'héroïne dégage une certaine froideur, comme une coquille psychologique protectrice qui la tient à l'écart de ses pairs. Elle regarde les gens avec un brin de cynisme, toute sa volonté et son altruisme sont focalisés sur ses objectifs (sauver la terre avec ses actions militantes) et elle semble immunisée à ces faiblesses humaines qui sont les très forts liens affectifs, exception faite bien entendu de son amour maternel. Quand arrive le retour à sa vie étudiante et donc l'occasion de découvrir son passé d'un point de vue affectif, c'est le néant à ce niveau. On en apprend sur ses actions militantes, sur la libraire pour qui elle a de l'affection, on peut même échanger avec de jeunes hommes de notre passé, il est fait en trois mots référence à ceux qu'on a pu accueillir dans notre chambre d'étudiante, mais en vrai, on est en quelque sorte spectatrice extérieure de ce monde universitaire plus qu'actrice à part entière.
C'est une particularité qui ne va pas aussi loin que dans Fleurir en Hiver, où j'avoue que Xi Mei Mei m'était presque antipathique à force de prendre plaisir à observer, tirer les ficelles, s'amuser des relations amoureuses des autres et de n'avoir aucun attachement, même amical, dans la cité. (ce qui ne m'a pas empêché d'apprécier l'aventure pour toutes ses autres qualités).
Et par contre, dans Labyrinthe, c'était tout le contraire. Le destin de l'héroïne ma captivait car ses émotions étaient au centre de l'histoire. C'est pour ça que cette aventure m'avait tant chamboulé.
J'avais écrit au début de ma lecture sur la qualité du style dès les premières sections. C'est une constante qui ne faiblit pas jusqu'à la fin. J'ai été très impressionné par le champ lexical utilisé à certains moments pour être raccord avec l'ambiance Grèce classique, des métaphores en adéquation avec ce thème et des tournures très originales pour décrire les changements d'attitude des personnages. Ton style ne cesse de s'améliorer.
La structure complexe de l'histoire est l'oeuvre d'une grande maîtrise. On sent que c'est réfléchi depuis très loin en amont, avec une assurance d'embarquer le lecteur là où tu souhaites le conduire. La première partie par exemple est un point particulièrement fort. Le mélange évasion trépidante et installation des éléments mystérieux donnent forcément envie d'en savoir plus à chaque changement de section. Je pense que tu as fait une forme de plan pour la résidence de Haudricourt, c'est ce qui donne aussi tellement de puissance à ce qui n'est finalement qu'une histoire de course-poursuite. Si la partie suivante vers l'université perd en intensité avec ces choix exploratoires beaucoup moins impactants (même si j'ai perdu la première fois en me faisant coincer dans l'université elle-même), cela reprend ensuite presque sur les chapeaux de roue quand on cherche notre ancien mentor. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé les descriptions sur le quartier populaire avec ses immenses tours reliées les unes aux autres, je les visualisais très bien.
A propos, les éléments d'anticipation sur le monde du futur sont distillés de manière discrète et élégante. On n'a pas droit à énormément de nouveautés technologiques ou sur les changements des modes de vie. Par contre, le tableau social, politique et environnemental est impressionnant. La direction dans laquelle est partie notre monde donne du poids au combat de Lise, puis plus tard aux motivations de ses filles. C'est quelque chose qui peut paraître simple à mettre en place, mais ça ne l'est pas. Il fallait régulièrement montrer de nouveaux éléments au lecteur (sans radoter) pour qu'il comprenne la mesure de l'enjeu, que ces éléments soient crédibles sans être exagérés, et tu y as parfaitement réussi. Il se dégage de l'ensemble une impression de fatalisme (dont notre némésis est l'avatar numéro 1) qui souligne le propos général de l'histoire : l'humanité se laisse emporter par un destin qu'elle a initiée et dont elle n'a pas vraiment l'envie de sortir.
J'ai adoré cette finalité. C'est un propos ambitieux, mâture et intelligent, qu'on ne trouve même pas souvent dans de purs romans.
Enfin, n'oublions pas l'essentiel, l'aventure est tout simplement très agréable à lire et à jouer. Parce qu'elle est bien écrite, évidemment. Et aussi de par sa structure qui, bien que linéaire, donne toute satisfaction aux amateurs de livres-jeux. Iacchos n'est pour moi en aucun sens un roman déguisé.