[YAZ 2024] La Pagode de Vent-Noir

[grattepapier]

Attention, peut être qq SPOILERS dans mon retour : Cette nouvelle AVH de Fitz est une histoire marquante, qui aurait d'ailleurs pu faire un bon roman "traditionnel" (à condition de choisir la fin tragique, la n°2), tant par certains aspects elle rompt avec les "canons" traditionnels des LDVELH "classiques". Ici pas d'heroic fantasy, de science fiction, ni même (attention SPOILER) de fantastique, malgré les fausses pistes que l'auteur s'évertue à faire naître chez le lecteur. C'est aussi une AVH qui se mérite, au charme insidieux, et qui ne prend tout son sens que dans les derniers paragraphes. Ce qui me frappe une fois de plus, comme dans les précédentes AVH de Fitz que j'ai lues, c'est la finesse de la description des sentiments, des états d'âme, des liens qui les unissent des personnages entre eux. Cette empathie, c'est un peu je trouve la marque de fabrique de Fitz depuis ses premières AVH, et ça donne une force particulière à ses histoires dans lesquelles l'émotion affleure souvent. Il n'y a pas plus puissant ressort narratif pour embarquer le lecteur dans un récit que l'émotion. Et c'est sans doute dans cette histoire que Fitz a décidé de faire de l'interaction entre les six personnages le coeur de son récit. On est donc en face d'une AVH purement "sociale". L'AVH peut être divisée en 3 parties : 1/ Les préparatifs du départ jusqu'au décollage de l'avion, 2/ L'arrivée en Chine jusqu'à la forêt, 3/ Le trek dans la foret et la pagode. Une AVH traditionnelle (comme "Le dieu perdu" ou "le temple du dieu néant") se serait concentrée sur la 3e partie, la plus aventureuse, et aurait fait l'impasse sur les 2 premiers parties, peut être trop "ordinaires" (dans le sens où elles nous font vivre des péripéties que tout un chacun peut vivre dans la vraie vie). Mais Fitz fait le pari de se concentrer sur la mise en place de la situation et de développer longuement ses personnages, grâce à ces deux premières parties. C'est intéressant car cela produit encore plus d'attente, et titille l'imaginaire du lecteur sur cette mystérieuse pagode. Et puis il y a ces beaux portraits de personnages, que l'auteur par son talent arrive à nous rendre si proches. Au final c'est une belle réussite, et probablement l’œuvre la plus personnelle de Fitz. Je peux me tromper mais j'ai l'impression qu'il a mis beaucoup de lui dans ce récit, y compris ses souvenirs de voyage, et peut être un peu des petits clins d'oeil sur le caractère de certains de ses proches, voire une déclaration d'amour bien cachée dans le portrait de cette "chinoise canon" (sic).

Quelques détails pour pinailler (et me la jouer "baroudeur spécialisé en technique de survie")
p. 147 : "Effrayé par le cliquètement du bâton (...), (...) un serpent s’enfuit entre les herbes."
Les serpents n'ont pas d'oreilles et pas plus d'ouie. Ils ressentent seulement les vibrations sur le sol. Peut être que les coups du bâton sur le sol ont pu effrayer le reptile, mais le bruit de la crécelle en osselets qui est fixée dessus surement pas...
p. 150 : "dorénavant, ils sortiront les provisions des sacs chaque soir et les entasseront comme ils pourront à l’abri avec eux"
S'il y a des ours dans les parages c'est la dernière chose à faire que de mettre les provisions dans la tente ! Les ours sont attirés par la nourriture et n'hésiteront pas à attaquer les humains. Il faut au contraire installer la nourriture loin du campement, hors de portée des ours, soit dans une cage prévue pour cela (dans les parcs américains) soit (si on n'en a pas) en hauteur dans un arbre.
p. 231 : Attention maintenant un gros SPOILER. Là c'est très suggestif, mais l'explication des motifs du meurtrier m'a un peu déçu. Pas qu'elle ne soit pas crédible : il est facile de trouver plein d'exemples contemporains de meurtriers machiavéliques qui ont planifié froidement le meurtre d'un proche des mois à l'avance. Personnellement, j'aurais juste trouvé cela plus "romanesque" (parce que je préfère la fiction à la réalité ?) que cela soit la promiscuité avec son ex et la jalousie par rapport à son mari, qui le plonge lentement dans la folie et dans le meurtre. Il est dommage que la malédiction de Vent-Noir ne joue pas complétement son rôle dans le récit (si ce n'est celle de fausse piste). Cette histoire de démons, combinées aux tensions dans le groupe et aux difficultés inattendues du trekk, aurait pu impressionner davantage l'esprit du meurtrier et lui faire perdre la boule jusqu'à lui faire commettre l'irréparable.