05/01/2023, 00:40
Le web anglophone a une compétition de fiction interactive, l'IFComp, à laquelle participent chaque année plusieurs dizaines d'œuvres. Cactus Blue Motel, Yaz de bronze 2016 après avoir été traduit en français par Skarn, avait été écrite à l'origine pour l'IFComp 2016 (où elle avait également remporté la troisième place).
Pourquoi est-ce que je parle de ça ? Au cours des dernières années, j'ai lu un certain nombre des œuvres participant à l'IFComp. Elles couvrent un spectre très large, mais j'ai été frappé par le grand nombre d'entre elles qui s'attachaient presque uniquement à raconter une histoire et n'ajoutaient pas de réel aspect ludique. La linéarité y était très forte (avec beaucoup de choix ayant peu ou pas de conséquences réelles) et le challenge était quasi-inexistant. Bref, le côté interactif portait surtout sur la façon de lire et non pas sur le rôle que jouait le lecteur vis-à-vis de l'histoire.
À partir de ces observations, je me suis demandé s'il était faisable d'écrire une œuvre qui donne franchement l'impression au lecteur d'être plongé dans un livre tout en lui offrant fréquemment la possibilité de faire des choix dotés de conséquences réelles, incluant des déroulements différents du scénario et la possibilité de voir le personnage principal échouer ou mourir.
Grâce à cette AVH, j'ai désormais la réponse : ce mariage idéal de la narration et de l'interaction est effectivement possible.
De toute évidence, ça nécessite certaines conditions, à commencer par de grandes qualités d'écriture. Le vecteur XX1 n'en manque pas. Le style de Fitz me semble avoir atteint un niveau encore plus élevé qu'auparavant, ce qui n'est pas peu dire. Les scènes sont très vivantes, les personnages superbement décrits et on se plonge avec une aisance stupéfiante dans la peau de notre héroïne.
Il n'y a pas - et c'est assez remarquable - un seul paragraphe qui paraisse plus banal ou plus terne que le reste. Quels que soient nos choix (et indépendamment du fait que certains sont meilleurs que d'autres), on rencontre toujours la même qualité stylistique et le même soin apporté à la narration. C'est l'une des raisons pour lesquelles on a à ce point l'impression d'évoluer dans un livre.
J'ai fait quatre tentatives. Je m'en suis rendu compte plus tard, mais j'ai en fait failli réussir du premier coup : lors de ma tentative initiale (scientifique), je m'en suis si bien tiré pendant si longtemps que j'ai fini par prendre une décision manifestement risquée juste pour voir ce qui se passerait... et il s'est passé qu'Hélèna s'est immédiatement fait tuer. Ce que j'ai découvert ensuite, c'est que j'étais littéralement parvenu à la confrontation finale et qu'il ne me restait plus grand-chose à faire pour atteindre l'épilogue.
Rétrospectivement, je pense que c'est une chance que je n'ai pas réussi du premier coup. Ça m'a permis de mieux découvrir les divers itinéraires possibles et de prendre davantage conscience de la difficulté bien réelle. Lors de mes deux tentatives suivantes, la littérature n'a pas brillé autant que la science puisque mon héroïne est morte deux fois dans la première moitié de l'aventure (la première fois pour s'être crue immunisée au monoxyde de carbone, la deuxième parce qu'elle avait un score de Latence trop élevé). Pour ma quatrième tentative, j'ai choisi d'attacher moins d'importance au mens sana qu'au corpore sano et ça m'aura permis de terminer l'aventure (sans le vouloir, j'ai de nouveau trop monté ma Latence, mais j'ai cette fois su éviter le passage où ça se révèle fatal).
Le cadre est riche, vivant et créatif, avec un caractère dystopique fort crédible. Sa description trouve un très bon compromis entre le trop et le pas assez, montrant ses différents aspects de façon suffisamment détaillée pour intéresser le lecteur, tout en évitant les excès qui auraient pu alourdir inutilement le récit.
Le joueur peut éviter la plupart des mauvais choix en se servant de sa tête et en raisonnant logiquement, ce qui est bien sûr appréciable. Je suis cependant tenté de dire que la difficulté pourrait être légèrement plus élevée : comme je le mentionnais, j'ai vraiment failli réussir du premier coup et ça aurait été dommage. Mais ça peut se discuter.
L'aventure a bien sûr des aspects dirigistes. Même si on peut faire un nombre de choix très correct, certaines décisions importantes de l'héroïne (orientant de façon significative le déroulement de l'histoire) sont imposées au lecteur. Je soupçonne cependant qu'il aurait été impossible de faire autrement sans sacrifier le côté "roman" qui m'a tellement plu.
L'aventure aurait pu être légèrement plus longue, même si ça se discute. La confrontation finale est palpitante, mais le passage à l'épilogue est peut-être un peu soudain. J'ai eu le sentiment qu'il aurait été très possible de rajouter une dernière partie à l'aventure après la course-poursuite.
Quoi qu'il en soit et pour résumer ma pensée, cette AVH n'est pas seulement de très grande qualité : elle ouvre en plus aux livres-jeux une voie pleine de potentiel.
Pourquoi est-ce que je parle de ça ? Au cours des dernières années, j'ai lu un certain nombre des œuvres participant à l'IFComp. Elles couvrent un spectre très large, mais j'ai été frappé par le grand nombre d'entre elles qui s'attachaient presque uniquement à raconter une histoire et n'ajoutaient pas de réel aspect ludique. La linéarité y était très forte (avec beaucoup de choix ayant peu ou pas de conséquences réelles) et le challenge était quasi-inexistant. Bref, le côté interactif portait surtout sur la façon de lire et non pas sur le rôle que jouait le lecteur vis-à-vis de l'histoire.
À partir de ces observations, je me suis demandé s'il était faisable d'écrire une œuvre qui donne franchement l'impression au lecteur d'être plongé dans un livre tout en lui offrant fréquemment la possibilité de faire des choix dotés de conséquences réelles, incluant des déroulements différents du scénario et la possibilité de voir le personnage principal échouer ou mourir.
Grâce à cette AVH, j'ai désormais la réponse : ce mariage idéal de la narration et de l'interaction est effectivement possible.
De toute évidence, ça nécessite certaines conditions, à commencer par de grandes qualités d'écriture. Le vecteur XX1 n'en manque pas. Le style de Fitz me semble avoir atteint un niveau encore plus élevé qu'auparavant, ce qui n'est pas peu dire. Les scènes sont très vivantes, les personnages superbement décrits et on se plonge avec une aisance stupéfiante dans la peau de notre héroïne.
Il n'y a pas - et c'est assez remarquable - un seul paragraphe qui paraisse plus banal ou plus terne que le reste. Quels que soient nos choix (et indépendamment du fait que certains sont meilleurs que d'autres), on rencontre toujours la même qualité stylistique et le même soin apporté à la narration. C'est l'une des raisons pour lesquelles on a à ce point l'impression d'évoluer dans un livre.
J'ai fait quatre tentatives. Je m'en suis rendu compte plus tard, mais j'ai en fait failli réussir du premier coup : lors de ma tentative initiale (scientifique), je m'en suis si bien tiré pendant si longtemps que j'ai fini par prendre une décision manifestement risquée juste pour voir ce qui se passerait... et il s'est passé qu'Hélèna s'est immédiatement fait tuer. Ce que j'ai découvert ensuite, c'est que j'étais littéralement parvenu à la confrontation finale et qu'il ne me restait plus grand-chose à faire pour atteindre l'épilogue.
Rétrospectivement, je pense que c'est une chance que je n'ai pas réussi du premier coup. Ça m'a permis de mieux découvrir les divers itinéraires possibles et de prendre davantage conscience de la difficulté bien réelle. Lors de mes deux tentatives suivantes, la littérature n'a pas brillé autant que la science puisque mon héroïne est morte deux fois dans la première moitié de l'aventure (la première fois pour s'être crue immunisée au monoxyde de carbone, la deuxième parce qu'elle avait un score de Latence trop élevé). Pour ma quatrième tentative, j'ai choisi d'attacher moins d'importance au mens sana qu'au corpore sano et ça m'aura permis de terminer l'aventure (sans le vouloir, j'ai de nouveau trop monté ma Latence, mais j'ai cette fois su éviter le passage où ça se révèle fatal).
Le cadre est riche, vivant et créatif, avec un caractère dystopique fort crédible. Sa description trouve un très bon compromis entre le trop et le pas assez, montrant ses différents aspects de façon suffisamment détaillée pour intéresser le lecteur, tout en évitant les excès qui auraient pu alourdir inutilement le récit.
Le joueur peut éviter la plupart des mauvais choix en se servant de sa tête et en raisonnant logiquement, ce qui est bien sûr appréciable. Je suis cependant tenté de dire que la difficulté pourrait être légèrement plus élevée : comme je le mentionnais, j'ai vraiment failli réussir du premier coup et ça aurait été dommage. Mais ça peut se discuter.
L'aventure a bien sûr des aspects dirigistes. Même si on peut faire un nombre de choix très correct, certaines décisions importantes de l'héroïne (orientant de façon significative le déroulement de l'histoire) sont imposées au lecteur. Je soupçonne cependant qu'il aurait été impossible de faire autrement sans sacrifier le côté "roman" qui m'a tellement plu.
L'aventure aurait pu être légèrement plus longue, même si ça se discute. La confrontation finale est palpitante, mais le passage à l'épilogue est peut-être un peu soudain. J'ai eu le sentiment qu'il aurait été très possible de rajouter une dernière partie à l'aventure après la course-poursuite.
Quoi qu'il en soit et pour résumer ma pensée, cette AVH n'est pas seulement de très grande qualité : elle ouvre en plus aux livres-jeux une voie pleine de potentiel.