[YAZ 2022] Les neuf dernières heures de la nuit (Outremer)
#14
Une aventure hors du commun, autant par son thème, son ambition, son originalité que par sa taille. A ce sujet, l'avertissement liminaire n'est pas inutile. En plus d'être dotée de 500 paragraphes détaillés, il faudra en lire au moins les trois quarts pour en voir le bout.

Le tout début m'a décontenancé par sa difficulté, un système de dye and retry où il faut se frayer un chemin parmi les chausse-trappes avant d'arriver au sommet du hangar. Rien de rédhibitoire car l'extrême simplicité des règles rend les relectures aisées et rapides. Ce passage introductif est légèrement frustrant. Mais comme la plume est belle et que l'ambiance mystérieuse donne envie d'en savoir plus, la sensation n'a pas duré, d'autant plus que ça coule mieux à partir de l'échafaudage.

J'ai commencé à être vraiment captivé par l'identité de l'héroïne, son passé dont les décors du "monde réel" tendraient à nous donner des indices. Quand je découvrais une photographie, un petit mot personnel, je construisais en imagination ce qui avait bien pu m'arriver pour m'enfermer dans ce dédale de solitude marqué par le refus de l'introspection. J'avais hâte d'en savoir plus ses mes sentiments, ce qui m'avait ait tellement souffrir et mes compagnons de vie. A ce titre, j'ai particulièrement aimé l'atmosphère de la véranda ou du chalet.

La première histoire dans l'histoire m'a surpris : procédé innovant et ingénieux pour transcender le genre ludo-littéraire en impliquant le lecteur dans un rôle d'auteur. D'autant plus que peu à peu, j'ai réalisé que le fond de ces aventures de fiction avait un rapport évident avec notre histoire personnelle, que la manière dont on faisait réagir nos héroïnes avec un impact ou plutôt, un écho, sur la psyché de l'héroïne principale, nous-même. Chacune de ces mini-AVH se différencie par de nombreux aspects, celui de la progression du style littéraire entre la 1ère et la 4ème étant le plus impressionnant. Un beau tour de force.

Cependant, j'ai eu un problème avec ces histoires interruptives. Quand elles surgissaient, je ressentais un léger agacement. J'étais tellement captivé par l'intrigue principale que je n'avais pas envie d'une parenthèse. Même si chacun de ces petits scénarios a son charme (mentions à l'intrigue des dieux grecs et à celle avec Nyx pour son cadre SF brillamment décrit), j'avais du mal à m'y investir totalement. C'est très personnel. Sans doute parce que je suis plus films que séries, AVH que mini-AVH, gros jeux que jeux d'apéro, romans que nouvelles, ces brèves inachevées heurtaient presque ma lecture. Je ne sais pas si ça parlera, mais pour trouver une métaphore littéraire, j'avais un peu la même sensation que pendant ma lecture du Trône de Fer, quand survenait un chapitre non plus sur Westeros, mais consacré à Daenerys dans les terres de l'est.

Alors, après m'être évanouie/endormie une quinzaine de fois, avoir parcouru entre 300 et 350 paragraphes (comme c'est très agréable à lire et que je raffolais des petits détails du monde réel, j'ai même lu les paragraphes que je devinais piégeux en dehors de mes essais concrets) et obtenu cinq codes spéciaux, quand je passe enfin la porte de l'horizon... et comprends qu'il faudra impérativement lire les quatre autres fictions pour parvenir à la conclusion, je me suis découragé.

Le problème vient aussi du format électronique couplé à la taille énorme de l'aventure. Je suis sûr qu'avec l'aventure en livre papier je serais allé au bout du concept, comme ça m'est arrivé par exemple avec Nils Jacket 1 a posteriori. Peut-être aussi ai-je besoin d'un véritable challenge, d'une sensation de danger,de perte ou de réussite.  On est ici plus dans une trame exploratoire, qui fait certes marcher les méninges et ravit les sens de l'amateur de littérature. Je ne sais pas comment parler de la dimension onirique, poétique, métaphorique, voire philosophique qui imprègne l'ouvrage sans en galvauder l'esprit. Mais le tout au détriment d'une certaine force narrative.

Je suis néanmoins allé voir l'épilogue, que j'ai réussi à obtenir après trois mauvais choix. J'aurais bien aimé avoir plus de détails sur l'héroïne au final. Mais non, ce n'était pas le but. L'idée est d'accomplir notre propre voyage intérieur, qui peut concerner n'importe quel lecteur au cours de son existence. Je n'ai pas saisi ni cherché à comprendre l'ensemble des allusions et des paraboles qui parsèment l'aventure. Malgré tout, j'ai ressenti une approche très personnelle, très intime. J'ai l'impression que c'est dans ces écrits, Romain, tu es toi-même allé très loin au fond de ta propre personnalité. C'est touchant. Je suis d'autant plus frustré d'avoir la sensation de n'avoir qu'effleure du doigt tout ce que tu y exprimes.
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RE: Les neuf dernières heures de la nuit (Outremer) - par Fitz - 12/12/2022, 18:16



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