Bon désolé, c'est un pavé.
---
Deepsea Horizon, Golfe du Mexique, 19 avril 2010.
Ca a commencé par un lendemain de tempête ayant contraint l'équipe de plongée à vérifier l'alignement du forage. Et la visite inopportune de l'inspectrice de l'ONU, que le directeur, arrivé en hélico comme par miracle ce matin-là, vous a demandé de guider personnellement. Deepika Bringer est une femme acariâtre ayant juré la clôture de la plateforme pétrolière pour des raisons écologiques - ce en quoi elle n'a pas tort, mais votre rôle se limite à protéger les vingt soldats et quatre-vingt civils sous votre responsabilité, pas à essuyer les aquilons de sa haine.
Une matinée de dispute quant à ses droits d'accès aux parties sensibles: arsenal, salle des machines, salle de vidéosurveillance, bureaux d'administration. Le directeur a baissé le pantalon sur tout.
Et puis, ca a continué avec un accident mortel parmi les plongeurs: de l'eau pour le moulin de l'inspectrice Bringer.
« Attaqué par un animal INCONNU!»: rapport d'autopsie passionné du médecin-biologiste, mais cela n'arrange pas les affaires du directeur. Il a fallu ruser pour le maintenir confidentiel. Et l'inspectrice flairant ce qu'on veut lui cacher, qui fait une fixation sur l'accident.
Et pour clore la mauvaise journée, l'idée du directeur d'organiser une cérémonie à la mémoire du défunt pour « remonter le moral du personnel », et pour « montrer à l'inspectrice l'importance et l'étroitesse des relations humaines au sein de l'entreprise ». Quoi, malgré le cyclone annoncé pour ce soir? Oui, malgré le cyclone.
Une des pire tempêtes ayant jamais secoué la plateforme, dont les grincements métalliques vous pénètrent jusqu'à la moëlle. Le vent siffle et rugit dans les antennes, les grues, les cables, le derrick. Des vagues gigantesques viennent s'abattre contre le flanc de Deepsea Horizon, leurs embruns fouettent la baie vitrée du réfectoire, où quatre-vingt-dix personnes attendent que Tian-Tian, l'expert chinois en télécommunications, finisse de régler le micro du directeur. La sono sature dans les graves, crachote, couine. Puis, enfin, le directeur commence.
Vous aviez cru que préparer la sécurité de cette réunion, avec l'inspectrice sur le dos vérifiant le respect des normes à chaque étape, avec le directeur vous ayant tout délégué pour se « recueillir pour son discours du soir », avec les heures de retard accumulées, serait la dernière épreuve de cette journée épuisante, mais ce qui vous achève, c'est d'écouter ça à 23h45:
« C'était un homme de la mer, qui avait passé dix-sept ans comme sous-marinier au service d'ORC [Oil Refinery Company], et la mer l'a accueilli une dernière fois, c'était sa vie, c'était là qu'il voulait y mourir, comme les marins qui y destinent leur vie. C'est toujours dur de voir partir les meilleurs d'entre nous, c'était un homme courageux, stoïque, un bon père de famille, … »
Phrases usurpées d'un homme creux. Qu'en sait-il, de la mort, de la noyade, de la vie, des valeurs humaines?
Vous vous tournez vers la baie vitrée pour ne plus écouter. Les montagnes liquides se soulèvent et vous font face en se fracassant l'une après l'autre, secouant la structure entière. Les lumières de la plateforme vacillent par moment, accrochent des reflets orangés dans les eaux noires qui vous scrutent comme les yeux d'un monstre multiple.
Le directeur a fini. Suite du programme: buffet à volonté et musique. Boire, mâcher, meubler avec du bruit. En fait, les survivants n'ont jamais su quoi dire, encore moins les prêtres et les directeurs. Bon sang, vous avez besoin de repos.
Votre vie, chaque seconde en est douloureuse, mais vous refusez d'abandonner. Les êtres disparus vous hantent, et vous porterez leur amour comme une flamme dans la nuit, vers les temps à venir, jusqu'à la dernière goutte de jus.
Les longs cheveux auburn de votre femme, les boucles de votre enfant, leur visage… vous les voyez chaque fois que vous fermez les yeux. Vous les voyez en ce moment, dans l'océan déchaîné, figés dans la tourmente éternelle de votre cœur depuis quinze ans. Vous les voyez dans cette tempête agitée, ils émergent du creux de la vague qui se dresse comme un mur, et vous regardent, bouche ouverte et muette, grands yeux aveugles, vous les voyez surgir de cette nuit d'un autre temps, avec les autres noyés du cimetière marin, il n'en manque pas un… Sauf vous, le seul rescapé. Ils vous appellent, ils vous reprochent. Pourquoi êtes-vous en vie? Pourquoi les avez-vous abandonnés?
« Regardez! Il y a des gens dans l'eau! », fait un homme non loin de vous.
« Oh mon dieu! Ils vont se noyer »
« C'est impossible ! »
Vous clignez des yeux, chassez les souvenirs. Ils sont toujours là. Ils flottent, montent et descendent lentement, traversés par des lames aussi hautes que la plateforme. Crayeux, déformés, inhumains, monstrueux, il y en a des dizaines. Un éclair illumine la scène à ce moment-là, et cent têtes livides vous regardent.
C'est un cauchemar. Mais vous n'êtes pas le seul à le voir. Un frisson collectif parcourt l'assemblée tandis qu'ils viennent sur vous. La vague colossale gonfle, menaçante, et porte les visages à votre niveau. L'impact sera terrible. Soudain, le vacarme de la tempête se fait plus fort; des rafales chargées d'embruns vous fouettent l'oreille: des inconscients ont ouvert les portes donnant sur le pont, déterminés semble-t-il à lancer une bouée aux noyés.
Vous donnez l'ordre à vos hommes de les retenir et fermer les portes, mais ils sont dépassés par les évènements et ne réagissent pas. Vous vous précipitez, mais trop tard: les tonnes d'eau ébranlent Deepsea Horizon, s'abattent sur le pont, contre les murs, déferlent dans le réfectoire, déversent un torrent alourdi de morts, renversent les vivants, remplissent la salle. La sono crachote une étincelle dès que les flots la submergent; lumières et musique disparaissent subitement, plongeant la salle dans la pénombre et la panique, et le son cru de quatre-vingt-dix gorges hurlant de peur aveugle. En quelques secondes, le chaos a englouti l'humanité. Cela se bouscule, cela se noie, cela s'enfuit, c'est une masse de jambes et de bras qui ne vous écoute plus.
Augmentez d'un point votre Folie, et d'un point le niveau de Panique Générale.
Vous devez agir!
Si vous courrez débrancher la sono et appelez la salle des machines pour qu'ils rétablissent le courant au plus vite, allez au §2.
Si vous vous précipitez pour refermer les portes, allez au §3.
---
Deepsea Horizon, Golfe du Mexique, 19 avril 2010.
Ca a commencé par un lendemain de tempête ayant contraint l'équipe de plongée à vérifier l'alignement du forage. Et la visite inopportune de l'inspectrice de l'ONU, que le directeur, arrivé en hélico comme par miracle ce matin-là, vous a demandé de guider personnellement. Deepika Bringer est une femme acariâtre ayant juré la clôture de la plateforme pétrolière pour des raisons écologiques - ce en quoi elle n'a pas tort, mais votre rôle se limite à protéger les vingt soldats et quatre-vingt civils sous votre responsabilité, pas à essuyer les aquilons de sa haine.
Une matinée de dispute quant à ses droits d'accès aux parties sensibles: arsenal, salle des machines, salle de vidéosurveillance, bureaux d'administration. Le directeur a baissé le pantalon sur tout.
Et puis, ca a continué avec un accident mortel parmi les plongeurs: de l'eau pour le moulin de l'inspectrice Bringer.
« Attaqué par un animal INCONNU!»: rapport d'autopsie passionné du médecin-biologiste, mais cela n'arrange pas les affaires du directeur. Il a fallu ruser pour le maintenir confidentiel. Et l'inspectrice flairant ce qu'on veut lui cacher, qui fait une fixation sur l'accident.
Et pour clore la mauvaise journée, l'idée du directeur d'organiser une cérémonie à la mémoire du défunt pour « remonter le moral du personnel », et pour « montrer à l'inspectrice l'importance et l'étroitesse des relations humaines au sein de l'entreprise ». Quoi, malgré le cyclone annoncé pour ce soir? Oui, malgré le cyclone.
Une des pire tempêtes ayant jamais secoué la plateforme, dont les grincements métalliques vous pénètrent jusqu'à la moëlle. Le vent siffle et rugit dans les antennes, les grues, les cables, le derrick. Des vagues gigantesques viennent s'abattre contre le flanc de Deepsea Horizon, leurs embruns fouettent la baie vitrée du réfectoire, où quatre-vingt-dix personnes attendent que Tian-Tian, l'expert chinois en télécommunications, finisse de régler le micro du directeur. La sono sature dans les graves, crachote, couine. Puis, enfin, le directeur commence.
Vous aviez cru que préparer la sécurité de cette réunion, avec l'inspectrice sur le dos vérifiant le respect des normes à chaque étape, avec le directeur vous ayant tout délégué pour se « recueillir pour son discours du soir », avec les heures de retard accumulées, serait la dernière épreuve de cette journée épuisante, mais ce qui vous achève, c'est d'écouter ça à 23h45:
« C'était un homme de la mer, qui avait passé dix-sept ans comme sous-marinier au service d'ORC [Oil Refinery Company], et la mer l'a accueilli une dernière fois, c'était sa vie, c'était là qu'il voulait y mourir, comme les marins qui y destinent leur vie. C'est toujours dur de voir partir les meilleurs d'entre nous, c'était un homme courageux, stoïque, un bon père de famille, … »
Phrases usurpées d'un homme creux. Qu'en sait-il, de la mort, de la noyade, de la vie, des valeurs humaines?
Vous vous tournez vers la baie vitrée pour ne plus écouter. Les montagnes liquides se soulèvent et vous font face en se fracassant l'une après l'autre, secouant la structure entière. Les lumières de la plateforme vacillent par moment, accrochent des reflets orangés dans les eaux noires qui vous scrutent comme les yeux d'un monstre multiple.
Le directeur a fini. Suite du programme: buffet à volonté et musique. Boire, mâcher, meubler avec du bruit. En fait, les survivants n'ont jamais su quoi dire, encore moins les prêtres et les directeurs. Bon sang, vous avez besoin de repos.
Votre vie, chaque seconde en est douloureuse, mais vous refusez d'abandonner. Les êtres disparus vous hantent, et vous porterez leur amour comme une flamme dans la nuit, vers les temps à venir, jusqu'à la dernière goutte de jus.
Les longs cheveux auburn de votre femme, les boucles de votre enfant, leur visage… vous les voyez chaque fois que vous fermez les yeux. Vous les voyez en ce moment, dans l'océan déchaîné, figés dans la tourmente éternelle de votre cœur depuis quinze ans. Vous les voyez dans cette tempête agitée, ils émergent du creux de la vague qui se dresse comme un mur, et vous regardent, bouche ouverte et muette, grands yeux aveugles, vous les voyez surgir de cette nuit d'un autre temps, avec les autres noyés du cimetière marin, il n'en manque pas un… Sauf vous, le seul rescapé. Ils vous appellent, ils vous reprochent. Pourquoi êtes-vous en vie? Pourquoi les avez-vous abandonnés?
« Regardez! Il y a des gens dans l'eau! », fait un homme non loin de vous.
« Oh mon dieu! Ils vont se noyer »
« C'est impossible ! »
Vous clignez des yeux, chassez les souvenirs. Ils sont toujours là. Ils flottent, montent et descendent lentement, traversés par des lames aussi hautes que la plateforme. Crayeux, déformés, inhumains, monstrueux, il y en a des dizaines. Un éclair illumine la scène à ce moment-là, et cent têtes livides vous regardent.
C'est un cauchemar. Mais vous n'êtes pas le seul à le voir. Un frisson collectif parcourt l'assemblée tandis qu'ils viennent sur vous. La vague colossale gonfle, menaçante, et porte les visages à votre niveau. L'impact sera terrible. Soudain, le vacarme de la tempête se fait plus fort; des rafales chargées d'embruns vous fouettent l'oreille: des inconscients ont ouvert les portes donnant sur le pont, déterminés semble-t-il à lancer une bouée aux noyés.
Vous donnez l'ordre à vos hommes de les retenir et fermer les portes, mais ils sont dépassés par les évènements et ne réagissent pas. Vous vous précipitez, mais trop tard: les tonnes d'eau ébranlent Deepsea Horizon, s'abattent sur le pont, contre les murs, déferlent dans le réfectoire, déversent un torrent alourdi de morts, renversent les vivants, remplissent la salle. La sono crachote une étincelle dès que les flots la submergent; lumières et musique disparaissent subitement, plongeant la salle dans la pénombre et la panique, et le son cru de quatre-vingt-dix gorges hurlant de peur aveugle. En quelques secondes, le chaos a englouti l'humanité. Cela se bouscule, cela se noie, cela s'enfuit, c'est une masse de jambes et de bras qui ne vous écoute plus.
Augmentez d'un point votre Folie, et d'un point le niveau de Panique Générale.
Vous devez agir!
Si vous courrez débrancher la sono et appelez la salle des machines pour qu'ils rétablissent le courant au plus vite, allez au §2.
Si vous vous précipitez pour refermer les portes, allez au §3.