Pourquoi est-ce que j'aime les livres-jeux ? Qu'est-ce que je ne trouve pas dans les autres types de jeux et qui m'y fait revenir régulièrement ?
La liberté.
Lorsque j'ai découvert les LVH, un peu sur le tard, j'avais déjà beaucoup baigné dans les jeux vidéo, mais plutôt dans des productions orientales très dirigiste. Dans un RPG à la Final Fantasy par exemple, mon apport en tant que joueur se limitait à aider mes personnages à combattre des monstres, toutes les actions hors-combats étant scriptées, automatiques. Pour continuer l'histoire, je devais forcément faire ce que le jeu attendait de moi, aussi stupide cela soit-il.
Or, dès mes premiers (bons) LVH, ces principes ont volé en éclats pour mon plus grand bonheur. Rendez-vous compte, plusieurs chemins possibles et valides menant à la fin de l'histoire ! La possibilité de contourner des ennemis sans malus (d'XP par exemple) ou de les vaincre autrement qu'en combat en utilisant bien son équipement et ses capacités ! Le LVH était pour moi une sorte de révélation, un format plus simple et pratique que le jeu de rôle papier, mais offrant d'énormes possibilités en terme de gameplay, car non cantonné aux limitations d'un moteur numérique ne pouvant tout gérer.
Maintenant, vous prenez tout ce qui fait selon moi l'essence et l'intérêt du livre-jeu, vous le jetez et vous obtenez Destiny Quest - La Légion des Ténèbres.
Oubliez la liberté. En théorie, il vous est effectivement donné la possibilité de faire les quêtes dans l'ordre de votre choix, mais vu qu'elles ne s'influent virtuellement pas les unes les autres, le seul bon ordre est : de la plus facile à la plus dure, en suivant le code couleur. La seule surprise vient des monstres légendaires, qui sont en réalité de puissance très variables et peuvent correspondre à une quête bleue ou rouge.
Et à l'intérieur des quêtes... À l'exception presque miraculeuse de la Quête du Roi Arthur (pardon « Arthurien »), elles sont de longs couloirs, avec parfois de très courts embranchements complètement arbitraires qui se recoupent presque aussitôt. Le pompon revient sans doute à la mission finale, qui se conclue par un choix moral vaguement intéressant : Nous sommes à ce moment à la toute fin du livre. Rien, absolument rien, ne s'oppose à ce que ce choix aboutisse à deux fins complètement différentes sans réelle complexité supplémentaire pour l'auteur. D'un point de vue technique, cela revient à écrire deux PFA au lieu d'un.
Et les deux alternatives se rejoignent après UN paragraphe.
Que dire... Vous voyez dans les JRPG justement, ces personnages qui vous posent des questions Oui/Non, mais qui vous empêchent d'avancer dans l'histoire tant que vous ne dites pas Oui ? Destiny Quest, c'est cela, constamment. Pas de choix, juste le droit de hocher la tête de temps en temps. Même la liberté de mourir nous est retiré, l'aventure ne comprenant aucune fin tragique !
Passons sur le scénario, d'un classicisme absolu : vous êtes un héros amnésique qui se réveille au milieu d'un carnage avec un tatouage de serpents sur le bras qui pue la magie noire. Aux deux tiers de l'histoire, vous découvrez la terrible vérité sur votre passé, et à la fin vous sauvez le monde en tapant sur un grand méchant. Circulez, il n'y a rien à voir.
Les quêtes sont un peu meilleures, avec des idées qui auraient pu être sympathiques entre les mains d'un meilleur auteur. Par exemple, à un moment, le héros se retrouve mêlé à un conflit entre deux personnages probablement aussi corrompus l'un que l'autre, un démon et une sorcière, et doit prendre parti. Dans une bonne histoire, cela aurait pu donner un choix moral intéressant, une enquête préalable éventuelle, des conséquences à explorer.
Sauf que là, non. La décision est complètement arbitraire, vous ne saurez jamais rien des conséquences de votre acte, et dans la pratique, vous allez forcément attaquer le démon pour lui arracher son cœur, un des meilleurs objets du jeu.
Et voilà également le cœur du jeu : le loot. Tout adversaire que vous tuez, tout coffre que vous pillez contiendra du loot. Et pas en majorité des objets utilitaires (corde, marteau...) ou incongrus (dent de ver des sables géant...) comme dans un LVH classique. Non, uniquement de l'équipement de combat enchanté, avec une magnifique absence de réalisme, n'importe quoi pouvant augmenter n'importe quelle statistique et nous donner n'importe quelle capacité. Mon favori est quand même le fait que porter une couverture mangée par les mites en guise de cape augmente notre vitesse en combat, mais des exemples comme cela, il y en a légion.
Car le vrai but de Destiny Quest n'est pas de finir l'histoire, c'est d'accumuler ce loot jusqu'à créer le personnage ultime, plus fort que tous les autres. Ce n'est pas un hasard si les fans de la série, que ce soit ici ou les forums anglophones, postent tous leurs personnages complets, avec colonne de chiffres et descriptions de leurs capacités spéciales. Le livre a été conçu pour cela. Le modèle qui a servi l'écriture de cette ouvrage n'est pas l'excellent La Nuit du Loup-Garou, ce n'est même pas le classique Sorcier de la Montagne de Feu, non, c'est le jeu vidéo Diablo.
Ce livre est en effet un hack-and-slash pur et dur au format papier. Vous passez votre temps à tuer des monstres pour récupérer sur leurs cadavres de l'équipement pour tuer des monstres plus forts et recommencer. Il est théoriquement possible d'éviter certains combats, mais pourquoi faire ? Puisque le seul est intérêt du jeu est dans l'accumulation de loot, et que le pacifisme n'amène jamais rien, il faut toujours tuer, tuer et tuer encore.
Si seulement j'exagérais, mais non, c'est exactement cela. Prenons l'exemple du troll sur le pont. Vous avez la possibilité de le payer pour passer sans combattre. Dans un LVH normal, ce serait un comportement avantageux, épargnant un combat difficile au joueur qui n'a pas dépensé sottement tout son argent dans un épée enchantée à double tranchant ciré. Mais non, ici, il faut évidemment le buter, et le saigner à blanc pour récupérer la meilleure potion de guérison du jeu.
En fait, comme dans beaucoup de jeux vidéo, il y a dichotomie complète entre vos actions à but lucratif (le massacre) et le scénario. Cette séparation nette est peut-être aussi une conséquence de la très mauvaise écriture du héros, qui a quasiment une queue fourchue et des sabots de bouc mais que l'auteur oblige à être gentil.
En résumé, que dire de Destiny Quest ? Et bien, si vous cherchez une adaptation très réussie de Diablo en papier, vous trouverez votre bonheur. Plein de capacités, de profils différents, des ennemis variés et costauds, un fort potentiel de theory crafting... Pour tous les amateurs de jeux à loot, c'est un livre à acheter.
En revanche, si vous désirez un vrai scénario, des idées originales, des personnages attachants, et surtout, surtout, une véritable sensation de liberté, d'influer sur l'histoire par vos décisions, fuyez.
La liberté.
Lorsque j'ai découvert les LVH, un peu sur le tard, j'avais déjà beaucoup baigné dans les jeux vidéo, mais plutôt dans des productions orientales très dirigiste. Dans un RPG à la Final Fantasy par exemple, mon apport en tant que joueur se limitait à aider mes personnages à combattre des monstres, toutes les actions hors-combats étant scriptées, automatiques. Pour continuer l'histoire, je devais forcément faire ce que le jeu attendait de moi, aussi stupide cela soit-il.
Or, dès mes premiers (bons) LVH, ces principes ont volé en éclats pour mon plus grand bonheur. Rendez-vous compte, plusieurs chemins possibles et valides menant à la fin de l'histoire ! La possibilité de contourner des ennemis sans malus (d'XP par exemple) ou de les vaincre autrement qu'en combat en utilisant bien son équipement et ses capacités ! Le LVH était pour moi une sorte de révélation, un format plus simple et pratique que le jeu de rôle papier, mais offrant d'énormes possibilités en terme de gameplay, car non cantonné aux limitations d'un moteur numérique ne pouvant tout gérer.
Maintenant, vous prenez tout ce qui fait selon moi l'essence et l'intérêt du livre-jeu, vous le jetez et vous obtenez Destiny Quest - La Légion des Ténèbres.
Oubliez la liberté. En théorie, il vous est effectivement donné la possibilité de faire les quêtes dans l'ordre de votre choix, mais vu qu'elles ne s'influent virtuellement pas les unes les autres, le seul bon ordre est : de la plus facile à la plus dure, en suivant le code couleur. La seule surprise vient des monstres légendaires, qui sont en réalité de puissance très variables et peuvent correspondre à une quête bleue ou rouge.
Et à l'intérieur des quêtes... À l'exception presque miraculeuse de la Quête du Roi Arthur (pardon « Arthurien »), elles sont de longs couloirs, avec parfois de très courts embranchements complètement arbitraires qui se recoupent presque aussitôt. Le pompon revient sans doute à la mission finale, qui se conclue par un choix moral vaguement intéressant : Nous sommes à ce moment à la toute fin du livre. Rien, absolument rien, ne s'oppose à ce que ce choix aboutisse à deux fins complètement différentes sans réelle complexité supplémentaire pour l'auteur. D'un point de vue technique, cela revient à écrire deux PFA au lieu d'un.
Et les deux alternatives se rejoignent après UN paragraphe.
Que dire... Vous voyez dans les JRPG justement, ces personnages qui vous posent des questions Oui/Non, mais qui vous empêchent d'avancer dans l'histoire tant que vous ne dites pas Oui ? Destiny Quest, c'est cela, constamment. Pas de choix, juste le droit de hocher la tête de temps en temps. Même la liberté de mourir nous est retiré, l'aventure ne comprenant aucune fin tragique !
Passons sur le scénario, d'un classicisme absolu : vous êtes un héros amnésique qui se réveille au milieu d'un carnage avec un tatouage de serpents sur le bras qui pue la magie noire. Aux deux tiers de l'histoire, vous découvrez la terrible vérité sur votre passé, et à la fin vous sauvez le monde en tapant sur un grand méchant. Circulez, il n'y a rien à voir.
Les quêtes sont un peu meilleures, avec des idées qui auraient pu être sympathiques entre les mains d'un meilleur auteur. Par exemple, à un moment, le héros se retrouve mêlé à un conflit entre deux personnages probablement aussi corrompus l'un que l'autre, un démon et une sorcière, et doit prendre parti. Dans une bonne histoire, cela aurait pu donner un choix moral intéressant, une enquête préalable éventuelle, des conséquences à explorer.
Sauf que là, non. La décision est complètement arbitraire, vous ne saurez jamais rien des conséquences de votre acte, et dans la pratique, vous allez forcément attaquer le démon pour lui arracher son cœur, un des meilleurs objets du jeu.
Et voilà également le cœur du jeu : le loot. Tout adversaire que vous tuez, tout coffre que vous pillez contiendra du loot. Et pas en majorité des objets utilitaires (corde, marteau...) ou incongrus (dent de ver des sables géant...) comme dans un LVH classique. Non, uniquement de l'équipement de combat enchanté, avec une magnifique absence de réalisme, n'importe quoi pouvant augmenter n'importe quelle statistique et nous donner n'importe quelle capacité. Mon favori est quand même le fait que porter une couverture mangée par les mites en guise de cape augmente notre vitesse en combat, mais des exemples comme cela, il y en a légion.
Car le vrai but de Destiny Quest n'est pas de finir l'histoire, c'est d'accumuler ce loot jusqu'à créer le personnage ultime, plus fort que tous les autres. Ce n'est pas un hasard si les fans de la série, que ce soit ici ou les forums anglophones, postent tous leurs personnages complets, avec colonne de chiffres et descriptions de leurs capacités spéciales. Le livre a été conçu pour cela. Le modèle qui a servi l'écriture de cette ouvrage n'est pas l'excellent La Nuit du Loup-Garou, ce n'est même pas le classique Sorcier de la Montagne de Feu, non, c'est le jeu vidéo Diablo.
Ce livre est en effet un hack-and-slash pur et dur au format papier. Vous passez votre temps à tuer des monstres pour récupérer sur leurs cadavres de l'équipement pour tuer des monstres plus forts et recommencer. Il est théoriquement possible d'éviter certains combats, mais pourquoi faire ? Puisque le seul est intérêt du jeu est dans l'accumulation de loot, et que le pacifisme n'amène jamais rien, il faut toujours tuer, tuer et tuer encore.
Si seulement j'exagérais, mais non, c'est exactement cela. Prenons l'exemple du troll sur le pont. Vous avez la possibilité de le payer pour passer sans combattre. Dans un LVH normal, ce serait un comportement avantageux, épargnant un combat difficile au joueur qui n'a pas dépensé sottement tout son argent dans un épée enchantée à double tranchant ciré. Mais non, ici, il faut évidemment le buter, et le saigner à blanc pour récupérer la meilleure potion de guérison du jeu.
En fait, comme dans beaucoup de jeux vidéo, il y a dichotomie complète entre vos actions à but lucratif (le massacre) et le scénario. Cette séparation nette est peut-être aussi une conséquence de la très mauvaise écriture du héros, qui a quasiment une queue fourchue et des sabots de bouc mais que l'auteur oblige à être gentil.
En résumé, que dire de Destiny Quest ? Et bien, si vous cherchez une adaptation très réussie de Diablo en papier, vous trouverez votre bonheur. Plein de capacités, de profils différents, des ennemis variés et costauds, un fort potentiel de theory crafting... Pour tous les amateurs de jeux à loot, c'est un livre à acheter.
En revanche, si vous désirez un vrai scénario, des idées originales, des personnages attachants, et surtout, surtout, une véritable sensation de liberté, d'influer sur l'histoire par vos décisions, fuyez.