[Œil Noir 09] L'Archipel des Cyclopes
#1
Voici un article proposé pour le mook Le Marteau et l'enclume (hors série n°8, début 2023), non intégré car rendu après la deadline. Je vous en fais donc part ici...

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Livre lu dans l'ambiance qui va bien : j'y ai joué lors d'une journée aux thermes tropicaux en Allemagne. Logique, pour découvrir un tome de Das Schwarze Auge à cadre aquatique !

QUEL BOURBIER
Pour commencer, je vais vous poser une colle (qui n'est pas la superglu Patuline de La Source de Mort) : à quoi aurait ressemblé le "Défis Fantastiques" Le Marais aux Scorpions s'il avait été raté ? C'est très simple : cela aurait donné L'Archipel des Cyclopes de Werner Füchs.

Pourquoi cette comparaison ? D'abord, parce que l'argument des deux aventures est étonnamment semblable. Réunir les amulettes des sorciers des prêtres, disséminées dans les clairières du bourbier les îles, en traçant en suivant une carte, en guidant les pas d'un héros élu par le destin : il a un anneau pointant le nord il sait nager…

Ajoutons que l'introduction du Marais, cette histoire de vieille femme qui récompense un héros de sa bonté en lui offrant un objet magique, est une péripétie digne des frères Grimm. Or, l'affinité des livres-jeu de "L'Œil Noir" avec les contes de fées est elle aussi remarquable, j'en ai dit deux mots dans mon retour de lecture des Spectres des Marais (même série).

Toutefois, personne n'a pompé sur personne, ni dans un sens ni dans l'autre. Le Marais est de 1986, L'Archipel de 1985, donc le DF n'a pas pu inspirer ce tome de l'Œ.N. Dans l'autre sens, ce livre-jeu allemand n'était probablement pas traduit au Royaume-Uni ou aux USA à ce moment-là. On a donc un cas curieux, de deux développements différents à partir d'un sujet de départ qui, par hasard, se trouve être le même.

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Rôliste d'outre-Rhin célébrant l'originalité de sa culture ludique.

L'OBJET LIVRE
A feuilleter l'objet livre, on note une très belle couverture en camaïeu de rouge, signée Claus D. Biswanger. Cette série se signale d'ailleurs par ses couv' régulièrement superbes ! Les illustrations intérieures de Joseph Orchmann sont de meilleure facture que celles des autres titres de la série. J'avoue que plusieurs me plaisent beaucoup ! La carte de l'archipel que notre héros explorera est elle aussi notable, avec une police d'écriture sympa. Elle a un défaut toutefois, c'est qu'elle ne servira quasiment pas dans l'aventure...

En effet, la navigation d'une île à une autre sera à peine sensible. Après quelques galères (c'est le cas de le dire), notre héros se retrouve vite sur Hylailos, où il aura tendance à rester. Il ne fera que quelques sauts de puce sur les îlots alentours, pas toujours de manière très volontaire ni très claire non plus. Souvent on ne sait pas trop où on est, la seule certitude est que le récit... nous ramènera toujours avec une obstination maniaque à Hylailos, au 156, pour  y choisir une auberge !

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DEBUT DIFFICILE
À lire, j'avais l'impression que le jeu bégayait sans réussir à démarrer.  En fait, le challenge est de localiser l'un des rares choix significatifs dans une pelote de possibilités sans conséquence. Alors on commencera (enfin) à suivre le fil du récit, et à enfiler les amulettes sur le fil du collier brisé qui les réunissait jadis. On en trouve peu pendant un long moment, mais à partir d'un certain point, les découvertes s'enchaînent. Parfois même plusieurs d'un coup ! D'une manière ou d'une autre, le jeu nous amène à démanteler une secte de prêtres maléfiques qui détourne ces amulettes à leur profit, puis en point d'orgue, à affronter les deux terribles cyclopes auxquels l'archipel doit son nom...

Une fois le laborieux début passé, belle progression dramatique. Ce qui est moins réussi c'est l'écriture avare en description et en impressions de voyage, et très techniciste : aller au marché, aller à l'auberge, chercher des informations... On sent que l'auteur est habitué au format du jeu de rôles, avec les choix typiques d'une tablée de joueurs.

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Héros grec récoltant des amulettes le pied léger,
dans un panier à butin très tendance de chez Hermès.

Pour conclure, notons que les îles sont un collage curieux de temples grecs, de drakkars vikings et de situations de JdR médiéval fantastique. Un mélange curieux, un peu indigeste quand on y ajoute l'écriture plutôt sèche (paradoxal, en mer) et le début laborieux à Hylailos.

FAUT-IL LIRE CE LIVRE ?
Les amateurs d'aventures menant un héros grec d'île en île préféreront sans doute un autre livre-jeu, français celui-là, et plus récent : Cyclades. Son auteur, Emmanuel Quaireau, y reprend (volontairement ou non) le meilleur de l'imaginaire de L'Archipel des Cyclopes, et donne comme Le Marais aux Scorpions le choix entre trois destinées très différentes. Mais comme disent les frère Grimm à la fin de chaque conte : ceci est une autre histoire !...
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