Le deuxième monde (Sukumvit)
#1
Note : Il y a déjà un sujet consacré au recueil, mais il m'a semblé qu'un sujet par histoire, c'était quand même plus lisible.

Le deuxième monde est une aventure de Sukumvit, qu'il a, de son propre aveu, fait concourir au Yaz' pour obtenir des retours sur ce qu'il considère être un travail expérimental.

Et je serais bien en peine de lui apporter le retour clair qu'il espère.

Sans atteindre les sommets d'étrangeté de certains des textes de Zyx (notamment La chute), voire de certaines autres histoires de son auteur, il s'agit d'une aventure bizarre, qui prend le parti de transposer sur le papier un film d'horreur « à ambiance » (à opposer au jump scare, au grand guignol, à l'action-horreur etc.) et qui y arrive plutôt bien. Enchaînement de saynètes dérangeantes, d'atmosphères surréelles jouant entre autres sur les dissonances des lumières et des sons, le livre réussit sans trop de mal à poser cet univers très filmique.

Je dirais que c'est à la fois sa plus grande force et sa plus grande faiblesse. Faiblesse, car je n'ai pas eu l'impression qu'il exploitait justement à fond les spécificités du format littéraire, se concentrant par exemple uniquement sur les sens du cinéma (la vue et l'ouïe). Ensuite, j'admets, c'est un peu couper les cheveux en quatre, dans le sens où même avec ces restrictions l'histoire parvient à poser son univers oppressant.

En terme de jeu, ce n'est pas une aventure qui se réussit du premier coup, mais elle n'est pas non plus excessivement difficile grâce aux mécanismes apparents (« avez-vous tel objet ? »). J'ai trouvé le choix du genre au début (non, il ne s'agit pas de savoir s'il faut faire les accords au masculin ou au féminin) un peu superfétatoire, mais pourquoi pas.

Dans l'ensemble, je dirais que c'est une avh qui réussit son pari, qui se lit bien, se joue bien et réussit à imposer son atmosphère au lecteur. Ensuite elle m'a laissé une impression assez indéfinissable, et je n'arrive pas vraiment à la classer, à la mettre dans une hiérarchie avec les autres textes de l'année. Ce n'est pas l'OVNI le plus à part du site (encore une fois, La chute battait des records), mais je sais pas, y'a un truc qui me perturbe.

Peut-être cet aspect « film sur papier » justement, qui me donne plutôt envie de la ranger en film et pas en littérature interactive.
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#2
Pari réussi avec cette AVH angoissante. Pas évident d'instaurer ce type d'ambiance seulement avec des mots. On se surprend à s'inquiéter pour
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et on se pose souvent la question de savoir
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L'histoire se dévoile au fur et à mesure des mauvais choix que nous faisons et les pièces du puzzle ainsi rassemblées nous aident à prendre les bons choix sur la fin.

L'AVH reste tout de même assez classique dans la forme contrairement au fond et ça m'arrange car je n'avais pas du tout accroché à La Chute par exemple ou à d'autres AVH trop expérimentales.

La rejouabilité est par contre sans grand intérêt ici une fois l'AVH réussie mais je ne pense pas que c'était le but de l'auteur.

Pas vraiment le style d'AVH que j'apprécie à l'origine mais j'ai réussi à m'imprégner de cette atmosphère si particulière qui s'en dégage pour passer un bon (et dérangeant) moment.
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#3
Effectivement.
En général, dans tout ce que j'écris je respecte l'adage de Baudelaire : respecter les règles pour mieux les contourner. Autrement dit : plus on est baroque sur le fond, plus il faut être classique sur la forme (et inversement).
Là, cela passe par une arborescence ultra-classique et simple à comprendre, et surtout des repères très matériels et très ancrés dans le quotidien. Ainsi, le joueur ressent une impression d'étrangeté sans être totalement paumé, parce ce n'est pas ce que je cherchais à faire (d'ailleurs me comparer sans cesse à zyx n'a en cela aucun sens, cela n'a rien à voir).
Le côté expérimental/bizarre, je m'en fous un peu. J'étais très frustré par le côté trop orienté action des avh d'horreur (notamment les aventures de Jin et d'Aragorn) qui ne font jamais réellement peur. Là, le joueur est vraiment inquiet.

Skarn dit que j'ai transposé un film d'horreur en avh, c'est un malentendu, l'histoire est bien de moi et ce n'est pas une adaptation. Il ne s'agit tout au plus d'un hommage à un genre.
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#4
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#5
Tu devrais, je pense, mettre un avertissement SPOILER au début de ton message.

Je comprends ta réaction. Surtout si tu es très intéressé par la politique et l'histoire.
Mais comme tu l'as bien remarqué, mes objectifs ne sont pas là : c'est une exploration psychologique avant tout. Et essentiellement sur le thème du terrible secret ancestral que l'on entrevoit, mais dont on arrive jamais bien à cerner la réalité, ce qui correspond cela dit assez bien à la manière dont nous percevons la guerre à l'intérieur de nos frontières.

Concernant ce que tu dis sur le héros, c'est vrai qu'il est très lisse (et la famille un peu trop parfaite, et pour me tirer une balle dans le pied l'épouse complètement bâclée) mais c'est dû à des contraintes de la revue Héros (personnage héroïque, nombre de mots max...). Et puis je pense qu'un héros lisse et ordinaire permet de mieux mettre en contraste l'irréalité de ce qui lui arrive.
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#6
Sukumvit a écrit :Le problème, c'est que cela va en décevoir certains, je le sais. Je pense notamment à Ashimbabbar qui, du coup, ne pourra viser qu'au mieux le yaz d'argent. Mais bon, au moins ce sera une bonne leçon de vie et d'humilité pour lui, cela lui montrera ce qu'il fallait faire. L'humilité, je l'ai toujours dit, c'est très important.

ashimbabbar a écrit :Oh, je suis très humble, je t'assure, Sukumvit. Je sais très bien ( avec ma lucidité coutumière ) que mes immenses talents d'écrivain ne sont qu'un simple moyen d'expression pour la force titanesque de mon génie.

Et bien sûr il se peut que de simples votants soient incapables d'en supporter la puissance aveuglante. Je leur pardonnerai, tu peux me croire. Ce n'est pas de leur faute; si mon rôle au niveau cosmique est infiniment plus important que le leur, je ne l'exerce pas moins avec humilité.


Alors les gars, je suis loin d'avoir fini de jouer à "Au pays des dragons", donc je ne peux pas encore départager vos talents considérables (et en même temps empreints d'une humilité si émouvante), mais l'aventure d'Ashim va avoir du pain sur la planche, parce que "Le deuxième monde" vient de s'arroger la première place de mon classement provisoire les dix doigts dans le pif.

J'ai vraiment beaucoup aimé. Donner à un livre-jeu une bonne atmosphère d'horreur ne me paraît pas du tout facile, mais j'ai trouvé celle-ci très réussie. Le fait de rejouer un certain nombre de fois n'a d'ailleurs pas du tout affadi l'effet qu'avait sur moi cette atmosphère : je l'ai trouvé constamment oppressante. L'horreur a un côté plus halluciné que réaliste, ce qui la rend peut-être plus efficace en fin de compte.

La scène qui m'a fait le plus baliser
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Par ailleurs, l'aventure accorde une liberté très raisonnable au joueur, ce qui n'était pas si évident. Lorsqu'un héros est en proie à des forces surnaturelles qui le dépassent, il y a deux écueils possibles : soit il conserve de très larges possibilités d'action et la menace en paraît moins effrayante, soit sa liberté d'agir est sévèrement réduite et c'est frustrant pour le joueur. "Le deuxième monde" adopte un bon compromis.

Les "spécialités" qu'il est possible de choisir en début de partie évitent également le trop et le trop peu : elles ont une utilité bien réelle, mais pas exagérée.
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A l'exception de ce PFA, ça ne m'a jamais vraiment contrarié de perdre et de recommencer l'aventure. Le ton même de l'aventure fait des PFA des conclusions presque aussi satisfaisantes pour le lecteur que la bonne fin.

J'ajoute que ce qui m'a le plus plu dans l'aventure est sans doute le fait de reconstituer fragment par fragment tout l'arrière-plan de l'histoire et les raisons de ce qui nous arrive.
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#7
Oh, comme c'est agréable.

Ok.
Donc là ça fait sur les deux sujets 5 retours sur 6 de votants qui me disent que ce système est super efficace.

Du coup, le nombre de points obtenus au yaz va me permettre de déterminer l'importance en générale que vous accordez à ce type d'avh (si j'obtiens moins de 6-7, ce sera clair).
Parce qu'une suite serait possible.

Il se trouve que j'ai vu deux autres films d'horreur récemment qui m'ont inspiré plein d'idées pour continuer à exploiter ce système.
1/ Un se basant sur le concept du style de K de Dino Buzzati : un être qui te veut a priori du mal te poursuivra tout au long de ta vie et jusqu'au bout du monde s'il le faut, il est un million de fois plus puissant que toi, tu ne peux rien faire à part fuir le plus loin, et personne ne peut savoir ce qui t'arrive".
2/ Et un autre film assez peu connu qui est un genre très particulier que seuls font les japonais, et qu'ils maîtrisent très bien. J’appellerai cela le "film d'horreur dépressif existentiel".


Pour le pfa du puits, je me souviens à l'époque avoir retourné le problème dans tous les sens pour savoir comment faire. Mais il fallait bien qu'il y ait un piège à cet endroit là, et je n'ai pas trouvé de manière satisfaisante.
D'ailleurs, cela m'a fait prendre conscience que ne pas avoir de règles dans l'écriture d'une avh est hyper dur, car on a aucun moyen de punir le joueur autrement que par le pfa.
C'est pour cela qu'avec les éditions de la Reinette, les éditeurs voulaient que le bouquin n'ait pas de règles, mais j'ai insisté pour mettre au moins un système de points de vie parce que sinon c'est ingérable, on est au final toujours obligé d'être ultra méchant et punitif un moment où à un autre (tandis qu'avec les PV, on peut en faire perdre, puis disséminer aussi des moyen d'en regagner après)
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#8
Note bien que je ne te garantis pas que j'apprécierai nécessairement autant une nouvelle aventure du même type, même si elle est de qualité similaire. Le fait que l'aventure soit à peu près unique en son genre a contribué à mon intérêt et à mon immersion. Si tu décides d'écrire une nouvelle AVH de la même veine, je pense que tu devrais t'assurer qu'elle soit tout de même substantiellement différente ; il n'y aurait rien de pire qu'une impression de déjà-vu.
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#9
(18/01/2016, 02:15)Sukumvit a écrit : 2/ Et un autre film assez peu connu qui est un genre très particulier que seuls font les japonais, et qu'ils maîtrisent très bien. J’appellerai cela le "film d'horreur dépressif existentiel".
lequel ? Drunken
сыграем !
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#10
C'est vrai Outremer. Mais en même temps, j'avais déjà dit que je ferais des suites pour le dôme égloïde et l'eau de de la nuit, et je n'ai jamais rien trouvé à dire de plus. Alors oui, il y a des chances que cela finisse à la corbeille, ou sur un format qui n'aura plus rien à voir.

Pour le film, Caïthness, c'est "Kaïro", mais ce n'est vraiment à mettre entre toutes les mains, ce n'est vraiment pas un film d'horreur comme les autres. Atteindre un tel niveau de désespoir sur la condition humaine en 1h50, en passant par le biais de l'horreur, c'est au-delà du dérangeant. Il n'y a vraiment que les japonais pour oser aller aussi loin.
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#11
"Kaïro" de Kyoshi Kurosawa (l'autre, pas Akira...) !! Bizarre, celui-là ne m'a pas fait tellement peur (et pourtant les films de fantômes japonais ça me fout les jetons en général). Par contre c'est déprimant, oui.
Je conseille "Charisma" du même réalisateur, que je trouve magistral.
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#12
Heu, c'est moi qui me fade le mauvais logiciel, ou bien les liens ne sont pas cliquables ? Vu qu'il s'agit d'un recueil avec un nombre important de pages au-dessus et en-dessous de l'aventure considérée, le feuilletage informatique n'est pas facile.

Je passe, en attendant de trouver une solution.
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#13
Oui, je n'ai pas mis de liens cliquables. je n'ai jamais eu l'habitude de le faire lorsque je mettais des aventures sur le site Xhoromag il y a une décennie. Mais en lisant les aventures publiées de ces dernières années, je me suis rendu compte que vous le faisiez systématiquement maintenant. Et j'ai pu me rendre compte effectivement à quel point c'est plus pratique. Mais bon c'est trop tard. Si j'ai le temps, je jetterai un œil pour voir comment il faut faire.
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#14
J'ai une version cliquable pour lundi si ça vous dit...
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#15
Tu es un ange.
Envoie-la moi plutôt, je vais la mettre directe en nouvelle version sur Littéraction (en te créditant, bien sûr).
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