Pourquoi jouez-vous aux Livres dont Vous êtes le héros ?
#8
Je me permets de donner mon point de vue en élargissant un peu le propos et cela n'engage que moi.

Me concernant, c'est exclusivement une nostalgie profonde qui me fait replonger dans les livres dont vous êtes le héros. Ils me raccrochent à des souvenirs heureux et au sentiment que j'avais d'explorer des mondes inviolés jusque là. Ils me rappellent la librairie ou j'allais avec ma mère, l'étagère blanche au fond du magasin, source de tous les fantasmes. La quasi-totalité des références possibles et imaginables exposaient fièrement leurs tranches flanquées d'un loup hurlant à la lune ou d'une épée reposant sur un bouclier rouge. Et je m'acharne encore maintenant à ne les prendre que par ce bout de la lorgnette. Une analyse à froid, débarrassée d'un sentimentalisme liquoreux, amènerait à une critique beaucoup plus sévère sur le genre.

Ils ont émergés à une époque où la concurrence sur le marché du ludique et de l'interactivité était relativement discrète. Du fait de la difficulté (dans une petite commune comme la mienne) de trouver facilement des joueurs pour des JdR classiques, le palliatif des LDVELH comblait quelque peu ma soif d'imaginaire. L'accès était immédiat, le format bien choisi. Après, concernant la qualité littéraire ou l'inventivité des scenarii, on était pas très regardant (je trouve). Mais qu'est ce qu'on avait en face ? Les jeux vidéos figuraient plus qu'ils ne représentaient (laissant là encore notre imaginaire combler les vides des graphismes ou du gameplay), l'absence d'internet restreignait son cercle de joueurs à ses quelques connaissances et amis enclins à s'asseoir autour d'une table pour plusieurs heures ^^

C'est pour ça que je persiste à dire que les LDVELH de l'époque (années 80) ont profité d'un contexte extrêmement favorable en ayant le génie de créer le genre. Pour moi il n'y a pas eu "d'âge d'or" au sens de "lettres de noblesse". A part quelques publications vraiment au dessus du lot (Le premier cycle de Loup Solitaire, quelques défis fantastiques comme le Manoir de l'Enfer, la série Sorcellerie....), beaucoup d'auteurs ont simplement profité du créneau sans transcender le genre. Et du coup, ont creusé leur propre tombe. Qu'est ce qu'un LDVELH finalement ? Un jeu ? Un livre ? Un peu des deux ? Qu'est-ce qu'en attend le lecteur ?

En surfant sur une certaine facilité (paresse aussi des traductions souvent médiocres), le genre s'est installé dans un confort d'édition (sans ligne claire), faute de concurrents sérieux, avec une tendance à s'endormir sur les lauriers de la réussite. Cette première vague ne s'est pas adaptée à l'émergence de courants nouveaux et notamment l'essor des jeux-vidéos et plus récemment internet. Et on voit aujourd'hui l'étendu du travail qui reste à faire pour ceux qui ont fait le pari de ranimer le cadavre.

Que reste t'il de cette époque bénie à l'heure de l'hyper-sollicitation du moindre joueur potentiel par une multitude de supports et une diversité pléthorique de concepts. Comment rivaliser avec des superproductions vidéo-ludique se revendiquant du RPG comme des "The Witcher", "Dragon's age" ou "Mass Effect"??

Qu'il doit sembler désuet pour beaucoup ce bouquin avec ses illustrations en N&B inégales, ses histoires de forêts hantées ou de donjons délabrés ayant pour locataire quelques magiciens maléfiques.

Un simple parallèle avec la BD peut faire prendre conscience sur la même période (30 ans) de la nécessité d'évoluer, de proposer des innovations en adéquation avec une époque qui change.

Pour nous c'est le graal sacré de notre enfance (adolescence). Pour les jeunes générations (la plupart), ça doit faire figure de dinosaure.

Je m'interroge par l'intermédiaire de ce thread sur l'avenir de l'interactivité littéraire. Quand on voit la qualité de certaines AVH postées ici, c'est à désespérer si on s'acharne à trop de classicisme. Rien qu'en lisant l'œuvre de Oiseau, on ne peut être qu'admiratif (j'inclus aussi Neige d'Automne) du niveau du travail proposé. Que faire de plus dans le genre pour espérer quelque succès ?

Je vois deux pistes qui se dégagent mais je ne suis pas assez érudit en la matière pour savoir où elles mèneront.

D'une part la littérature jeunesse en restant sur des schémas très classiques, pour de pas dire des poncifs éculés jusqu'à la moelle. La princesse kidnappée, le dragon, le copain rigolo... Principalement parce que destiné au grand public (et donc aux parents qui achètent le livre pour leurs enfants). N'étant pas amateur du genre, ils se réfèrent souvent à des clichés de l'héroic-fantasy ou du fantastique véhiculés par les mass-médias. Un contenu traditionnel (qui rassure) mais bien amené et rédigé avec soin peut tirer son épingle du jeu.

D'autre part, et je me réfère à des publications récentes (même si je n'est pas trop accroché), ce sont des AVH du style de Destiny Quest (qui a priori s'est bien vendu). Elles vont aller piocher dans l'environnement familier du gamer actuel des concepts qui lui parlent même si ça en devient ridicule. Les quêtes de couleurs en fonction de la difficulté, un arrière gout de MMO, du loot à foison... Ça peut être une piste d'évolution à condition de ne pas tomber dans le grotesque.

Et puis il reste les "anciens", ceux qui ont été bercés par ce plaisir indescriptible d'une première lecture des "Collines maléfiques" ou de "l'ile du Roi Lézard". Je m'inclus là dedans. A t'on vraiment envie de voir ce dogme évoluer ? J'en reviens donc à mon propos du début sur la nostalgie. Je traine mes bouquins usés jusqu'à la moelle de vies en vies, de maisons en maisons, inlassablement. Parce qu'ils sont un pan fondateur de ma jeunesse et par conséquent de ce que je suis. Ils ont toujours droit à une bonne place dans ma bibliothèque qui s'est bien étoffée avec d'autres genres, d'autres styles, quitte à interpeller le visiteur écarquillant les yeux devant les couvertures colorées et écornées ! Pour tout dire, il y en a que je n’ai même pas lu. Je les garde pour un futur que je repousse inlassablement (par exemple tous les loups solitaires à partir du 13ème tome), histoire de ne pas terminer le rêve. Ils font partie de mes fondations simplement par le fait que leur présence rassure, et me font toujours apercevoir malgré le courant de notre vie qui passe la rive de notre enfance.

Pour terminer avec ma psychanalyse à 2 sous, je pense que pour émanciper le genre, il faut tuer le père !
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RE: Pourquoi jouez-vous aux Livres dont Vous êtes le héros ? - par Gwalchmei - 24/12/2013, 12:39



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