15/01/2025, 23:12
Mon impression, c'est que, en sus de ses propres errements, la GenAI* met en exergue des problèmes déjà existants avant elle, à laquelle elle fournit de mauvaises solutions, mais dont elle n'est pas la cause racine. D'où un débat facilement cacophonique, car embrassant tout un ensemble de sujets variés, au rapport parfois tenu avec cette nouvelle technologie.
Pour revenir sur quelques points, piochés ça et là :
Dissertation, écrite par une GenIA, notée par une autre GenAI
Ici, on a donc un exercice pour lequel à fois élèves et profs estiment qu'il ne mérite pas d'y consacrer le moindre effort. Il y a peut-être un problème de fond là en fait. Quelque chose dans le système éducatif qui a complètement dérapé, au point qu'il est jalonné de tâches creuses dont la valeur pédagogique ne convainc personne.
En disant ça, j'enfonce évidemment des portes ouvertes. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a des gros problèmes dans le système scolaire, notamment autour du culte de la notation. En revanche, sur les solutions à apporter, ce n'est pas moi qui vais pouvoir vous répondre, et je n'ai aucune envie de me lancer dans ce débat, d'une infinie explosivité. Il suffit de voir à quel point des sujets aussi sans importances que l'accent circonflexe déclenchent des crises de folie furieuse.
Bref, pour moi, c'est un épiphénomène d'un problème sociétal plus massif et, en définitive, autrement plus complexe.
Le gagne-pain des artistes débutants
Pour cette section, je vais partir de l'hypothèse, peut-être trop optimiste, qu'on n'aura pas à court terme des GenAI faisant des œuvres sensiblement meilleures que ce à quoi elles arrivent maintenant, autrement dit encore largement en-dessous de ce à quoi arrive la main humaine.
Aux débuts de l'automatisation, avec la machine à vapeur et toutes ces technologies pas toutes neuves, il y avait un courant de pensée résolument optimiste qui estimait que l'être humain allait sous peu être débarrassé des tâches ingrates par les machines, et pouvoir se consacrer uniquement aux travaux de l'esprit. Ça théorisait même les étapes intermédiaires, où il y aurait encore besoin d'un certain nombre de travailleurs manuels, avec un système de roulement pour que ce soit équitable et tout.
Ce n'est pas exactement ce qui s'est passé, je pense que vous en êtes tous conscients. Si le nombre de bras nécessaires aux champs et aux usines a été divisé par dix, les neuf autres se sont retrouvés qui au chômage, qui dans un autre travail, moins pénible – quoi que, ça dépend (ah, les employés Amazon pissant dans des bouteilles) – mais souvent pas d'une richesse intellectuelle dingue.
Ça aussi, c'est un choix de société, et c'est un sujet, très vaste, très compliqué.
Pour se recentrer sur l'exemple précis des artistes, il est vrai qu'en début de carrière, leur gagne-pain, c'est souvent de faire des dessins de remplissage, à la portée artistique nulle. Genre, l'habillage graphique de la start-up qui veut révolutionner la compote, tout le monde s'en fout. Donc, dans l'idée, que ce soit remplacé par un truc automatique, c'est pas choquant.
En revanche, ça nécessite de réfléchir à comment est-ce qu'on permet aux artistes de vivre et de peaufiner leur art en attendant d'avoir le niveau nécessaire à des travaux plus intéressants (de façon systémique, au-delà des bourses ponctuelles).
Et là, j'ai encore moins d'espoir que pour une réforme éducative réfléchie à but pédagogique. Parce que, si la GenAI a réussi quelque chose, c'est bien à mettre en lumière à quel point les gens méprisent les professions artistiques et leur travail, et n'auront aucun scrupule à les laisser le bec dans la fange.
De façon générale, ils sont tellement mal traités, mal considérés, à peine payés (un article parmi d'autres), cette nouvelle technologie n'est jamais qu'un problème de plus parmi d'autres. Les changements doivent arriver à une échelle bien plus grande pour réellement changer la donne.
L'apocalypse
Il y a beaucoup de fatalisme ici... et je ne vais pas exactement m'en mettre en porte-à-faux.
D'ailleurs, histoire de ne pas faire dans la dentelle, parlons carrément de fin de l'humanité plutôt que de fin de l'art. Déjà parce que la seconde est beaucoup trop philosophique pour moi, alors que pour la première on peut parler de choses concrètes comme les ressources naturelles.
Alors bien sûr, je ne crois pas que la GenAI va réellement nous exterminer, avec ses petites mains aux griffes acérées. En revanche, niveau gaspillage énergétique de grande ampleur, elle a ses responsabilités.
La peine est double. Déjà, le fonctionnement actuel de la GenAi consomme énormément d'électricité (et d'eau, rapport au refroidissement). Mais c'est aussi qu'elle est utilisée à outrance par des robots, qui la font tourner en boucle pour envahir les Internet de pièges à clic... et, de plus en plus, d'autres robots qui s'en servent pour tenter d'extirper de ce déluge les quelques créations d'êtres humains.
Alors, les robots qui se battent contre des robots, c'est là encore un problème pas tout neuf qui a été laissé à pourrir. Si vous jetez un œil à votre indispensable bloqueur de pubs, vous vous apercevrez qu'il travaille à plein régime sur beaucoup de sites. Pareil sur les filtres à spam sur votre boîte mail, etc.
Sauf qu'avec la GenAI le phénomène a été démultiplié dans des proportions qui font qu'il n'est plus possible de faire l'autruche. L'Internet s'emplit chaque jour un plus de contenu mort-né qui l'étouffe, assez littéralement.
Et je vous avoue que ça me paraît pas un super bon plan de sacrifier tout Internet – sans même parler de toutes les autres choses qui ont bien besoin d'énergie – pour de la crytomonnaie et des images de nanas à trois seins et six doigts. Même si je suis aussi d'accord que c'est, encore une fois, quelque chose qui ne va pas se régler à notre petit niveau, que c'est une question de législation (et de la faire respecter). C'est pas parce qu'un particulier va arrêter de produire cinq images par mois que la ferme à contenus va arrêter ses millions par jour.
L'utilisation de la GenAI ici-même
On a par ici une concentration assez élevée d'écrivains que je me permettre de les englober dans un « vous ». Ils ne « vous » viendraient pas à l'esprit de rendre un texte bourré de fautes, sans queue ni tête, rempli de passages inutiles... Vous avez votre fierté quand même. Si vous écrivez quelque chose, il faut que ce soit soit beau, carré, avec des idées originales et tout. On se respecte et on respecte son public.
Et pourtant, ça ne gêne pas certains de balancer le dit texte avec des images comportant la version graphique de tous les problèmes ci-dessus.
Je ne parle même pas du fait que ces images soient faites par une machine ici. Je parle du fait que c'est de la merde. De la grosse merde. Dès que c'est plus « votre » forme d'art, vos standards passent par la fenêtre ?
Alors, je suis passé par un peu tous les stades avec le GenAI : la colère, l'abattement... Mais là, je suis arrivé à l'introspection. Je veux vraiment comprendre, juste comprendre.
Pour moi, c'est barbouiller de merde quelque chose que vous avez préalablement passé de longs mois à peaufiner. Pourquoi ? Juste, pourquoi ? Vous vous méprisez à ce point-là ? Vous estimez que ce que vous avez fait, c'est tellement mauvais, qu'une illustration dégueulasse rehausse l'ensemble ? Faut se faire confiance un peu à un moment donné. Vous valez mieux que ça.
*Je refuse d'appeler ça des Intelligences Artificielles. Même si j'ai pour l'heure pas mieux à substituer qu'un terme aussi bancal puisque, tout comme dans amérindien, on conserve le morceau qui va pas.
Pour revenir sur quelques points, piochés ça et là :
Dissertation, écrite par une GenIA, notée par une autre GenAI
Ici, on a donc un exercice pour lequel à fois élèves et profs estiment qu'il ne mérite pas d'y consacrer le moindre effort. Il y a peut-être un problème de fond là en fait. Quelque chose dans le système éducatif qui a complètement dérapé, au point qu'il est jalonné de tâches creuses dont la valeur pédagogique ne convainc personne.
En disant ça, j'enfonce évidemment des portes ouvertes. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a des gros problèmes dans le système scolaire, notamment autour du culte de la notation. En revanche, sur les solutions à apporter, ce n'est pas moi qui vais pouvoir vous répondre, et je n'ai aucune envie de me lancer dans ce débat, d'une infinie explosivité. Il suffit de voir à quel point des sujets aussi sans importances que l'accent circonflexe déclenchent des crises de folie furieuse.
Bref, pour moi, c'est un épiphénomène d'un problème sociétal plus massif et, en définitive, autrement plus complexe.
Le gagne-pain des artistes débutants
Pour cette section, je vais partir de l'hypothèse, peut-être trop optimiste, qu'on n'aura pas à court terme des GenAI faisant des œuvres sensiblement meilleures que ce à quoi elles arrivent maintenant, autrement dit encore largement en-dessous de ce à quoi arrive la main humaine.
Aux débuts de l'automatisation, avec la machine à vapeur et toutes ces technologies pas toutes neuves, il y avait un courant de pensée résolument optimiste qui estimait que l'être humain allait sous peu être débarrassé des tâches ingrates par les machines, et pouvoir se consacrer uniquement aux travaux de l'esprit. Ça théorisait même les étapes intermédiaires, où il y aurait encore besoin d'un certain nombre de travailleurs manuels, avec un système de roulement pour que ce soit équitable et tout.
Ce n'est pas exactement ce qui s'est passé, je pense que vous en êtes tous conscients. Si le nombre de bras nécessaires aux champs et aux usines a été divisé par dix, les neuf autres se sont retrouvés qui au chômage, qui dans un autre travail, moins pénible – quoi que, ça dépend (ah, les employés Amazon pissant dans des bouteilles) – mais souvent pas d'une richesse intellectuelle dingue.
Ça aussi, c'est un choix de société, et c'est un sujet, très vaste, très compliqué.
Pour se recentrer sur l'exemple précis des artistes, il est vrai qu'en début de carrière, leur gagne-pain, c'est souvent de faire des dessins de remplissage, à la portée artistique nulle. Genre, l'habillage graphique de la start-up qui veut révolutionner la compote, tout le monde s'en fout. Donc, dans l'idée, que ce soit remplacé par un truc automatique, c'est pas choquant.
En revanche, ça nécessite de réfléchir à comment est-ce qu'on permet aux artistes de vivre et de peaufiner leur art en attendant d'avoir le niveau nécessaire à des travaux plus intéressants (de façon systémique, au-delà des bourses ponctuelles).
Et là, j'ai encore moins d'espoir que pour une réforme éducative réfléchie à but pédagogique. Parce que, si la GenAI a réussi quelque chose, c'est bien à mettre en lumière à quel point les gens méprisent les professions artistiques et leur travail, et n'auront aucun scrupule à les laisser le bec dans la fange.
De façon générale, ils sont tellement mal traités, mal considérés, à peine payés (un article parmi d'autres), cette nouvelle technologie n'est jamais qu'un problème de plus parmi d'autres. Les changements doivent arriver à une échelle bien plus grande pour réellement changer la donne.
L'apocalypse
Il y a beaucoup de fatalisme ici... et je ne vais pas exactement m'en mettre en porte-à-faux.
D'ailleurs, histoire de ne pas faire dans la dentelle, parlons carrément de fin de l'humanité plutôt que de fin de l'art. Déjà parce que la seconde est beaucoup trop philosophique pour moi, alors que pour la première on peut parler de choses concrètes comme les ressources naturelles.
Alors bien sûr, je ne crois pas que la GenAI va réellement nous exterminer, avec ses petites mains aux griffes acérées. En revanche, niveau gaspillage énergétique de grande ampleur, elle a ses responsabilités.
La peine est double. Déjà, le fonctionnement actuel de la GenAi consomme énormément d'électricité (et d'eau, rapport au refroidissement). Mais c'est aussi qu'elle est utilisée à outrance par des robots, qui la font tourner en boucle pour envahir les Internet de pièges à clic... et, de plus en plus, d'autres robots qui s'en servent pour tenter d'extirper de ce déluge les quelques créations d'êtres humains.
Alors, les robots qui se battent contre des robots, c'est là encore un problème pas tout neuf qui a été laissé à pourrir. Si vous jetez un œil à votre indispensable bloqueur de pubs, vous vous apercevrez qu'il travaille à plein régime sur beaucoup de sites. Pareil sur les filtres à spam sur votre boîte mail, etc.
Sauf qu'avec la GenAI le phénomène a été démultiplié dans des proportions qui font qu'il n'est plus possible de faire l'autruche. L'Internet s'emplit chaque jour un plus de contenu mort-né qui l'étouffe, assez littéralement.
Et je vous avoue que ça me paraît pas un super bon plan de sacrifier tout Internet – sans même parler de toutes les autres choses qui ont bien besoin d'énergie – pour de la crytomonnaie et des images de nanas à trois seins et six doigts. Même si je suis aussi d'accord que c'est, encore une fois, quelque chose qui ne va pas se régler à notre petit niveau, que c'est une question de législation (et de la faire respecter). C'est pas parce qu'un particulier va arrêter de produire cinq images par mois que la ferme à contenus va arrêter ses millions par jour.
L'utilisation de la GenAI ici-même
On a par ici une concentration assez élevée d'écrivains que je me permettre de les englober dans un « vous ». Ils ne « vous » viendraient pas à l'esprit de rendre un texte bourré de fautes, sans queue ni tête, rempli de passages inutiles... Vous avez votre fierté quand même. Si vous écrivez quelque chose, il faut que ce soit soit beau, carré, avec des idées originales et tout. On se respecte et on respecte son public.
Et pourtant, ça ne gêne pas certains de balancer le dit texte avec des images comportant la version graphique de tous les problèmes ci-dessus.
Je ne parle même pas du fait que ces images soient faites par une machine ici. Je parle du fait que c'est de la merde. De la grosse merde. Dès que c'est plus « votre » forme d'art, vos standards passent par la fenêtre ?
Alors, je suis passé par un peu tous les stades avec le GenAI : la colère, l'abattement... Mais là, je suis arrivé à l'introspection. Je veux vraiment comprendre, juste comprendre.
Pour moi, c'est barbouiller de merde quelque chose que vous avez préalablement passé de longs mois à peaufiner. Pourquoi ? Juste, pourquoi ? Vous vous méprisez à ce point-là ? Vous estimez que ce que vous avez fait, c'est tellement mauvais, qu'une illustration dégueulasse rehausse l'ensemble ? Faut se faire confiance un peu à un moment donné. Vous valez mieux que ça.
*Je refuse d'appeler ça des Intelligences Artificielles. Même si j'ai pour l'heure pas mieux à substituer qu'un terme aussi bancal puisque, tout comme dans amérindien, on conserve le morceau qui va pas.