28/12/2023, 23:07
Sherlock Holmes
Voyageur multiversel
Corps : -1 / Esprit : +∞ / Défense : 0 / Combativité : 1D / Points de Vie : 20
Le plus grand détective du monde : qu'importe les circonstances, Sherlock Holmes réussit automatiquement et systématiquement, qu'il le veuille ou non, tous les tests d'Esprit qu'il entreprend.
Dammit Sherlock! : au prix d'un point d'Héroïsme, Watson peut venir prêter activement main-forte à Sherlock pour toute la durée d'une section, lui conférant un bonus de +2 en Corps, +3 en Combativité, et +1 en Défense. Cela n'empêche pas de dépenser des points d'Héroïsme pour altérer le résultat des jets normalement.
La perfection sinon rien : si, à la fin d'une section, après avoir utilisé tous les éventuels moyens de se soigner à sa disposition, Sherlock se retrouve plus que légèrement blessé, l'aventure se conclut immédiatement par un échec.
- Mes excuses Sherlock. Je crois que j'ai mal configuré la machine à voyager à travers les univers du bon professeur Hells.
- Et pourquoi cela mon cher Watson ?
- Et bien nous aurions dû arriver dans une terre désolée du nom de Morne-val. Hors s'offre à nos yeux une splendide campagne, à l'herbe d'un vert profond et au ciel d'un bleu éclatant, dans lequel rêverait de vivre plus d'un Londonien.
- Il est vrai que pour nos concitoyens habitués aux rues étroites tapissées d'ordures, hantées par la pestilence, et coiffées de l'éternel smog, cet endroit doit sembler un petit coin de paradis.
« Pas d'inquiétude à avoir cependant Watson : nous sommes bien au bon endroit. Le peintre céleste n'aura simplement pas eu le cœur de rendre cette contrée aussi chargée de fumée et de saleté que l'est notre East End.
- La surprise passée, je ne peux pas dire que la pénombre perpétuelle des mauvais quartiers me manque Sherlock. On se perd bien trop facilement quand tout est monochrome et que les numéros des rues sont d'un gris à peine différent du mur les environnant.
~~~
- Sherlock, votre art du déguisement est toujours aussi impressionnant et semble avoir confondu nos poursuivants jusqu'ici...
- Mais ?
- Mais pourquoi donc insistez-vous pour que je me balade pieds nus et en me faisant le plus petit possible ?
- Et bien Watson, c'est que cette référence me paraissait fort à propos au vu de la nature de nos adversaires. C'était soit cela soit la citrouille sur la tête.
- Vous me perdez Sherlock. Enfin, cela vaut toujours mieux que d'avoir à croiser le fer avec ces sinistres cavaliers. C'est que je n'ai pas pratiqué l'escrime depuis l'université.
- Si mes calculs sont bons, et ils le sont, vous n'aurez à faire étalage de vos talents martiaux que contre quelques rats.
- Quel genre de rats exactement Sherlock ? Et en quel nombre ?
- Rien de bien méchant pour peu que nous ne attaquions au problème avec toutes les ressources à notre disposition.
- Vous avez insisté pour que je laisse à la maison mon pistolet réglementaire Sherlock. Je n'ai que cette canne-épée de gentleman sur moi.
- Oh, je faisais référence à nos ressources mentales Watson. Le courage, l'abnégation. Ne pas hésiter à mobiliser tout notre héroïsme plutôt que d'hésiter sur la conduite à tenir et de payer au prix fort nos atermoiements.
- Il est vrai qu'à la bataille les choses peuvent très vite dégénérer pour qui a voulu se montrer pingre de vertu.
~~~
- Sherlock, je croyais que vous aviez dit que nous n'aurions pas à livrer bataille !
- Nous, non. Les troupes que Sa Gracieuse Majesté a bien voulu nous confier, c'est autre chose.
- Vous jouez sur les mots. Et c'est un massacre. N'y a-t-il rien que nous ne pouvions faire ?
- Pas sans effectuer un détour qui nous retarderait...
- ...
- Et nous mettrait en mortel danger. Ce n'est pas de gaieté de cœur Watson. Mais c'était eux ou nous. Maintenant, tandis que je rassemble les dernières pièces du puzzle, allez donc voir si vous ne seriez pas en mesure de recruter quelques autochtones pour remplacer nos braves soldats indigènes tombés au combat.
- Et moi qui croyais avoir laissé de telles sordidités derrière moi en quittant l'armée.
- Nous avons beau changer Watson, aller jusqu'à vivre les aventures les plus imprévues à travers les époques et les dimensions, nous n'échappons jamais totalement à notre condition d'enfants de l'empire où le soleil ne se couche jamais.
~~~
- Nous y voilà Watson. Le cœur du mystère.
- Et bien Sherlock, vous ne facilitez pas ma tâche de biographe. Vous avez triomphé des dernières épreuves si vite que j'ai à peine eu le temps de les apercevoir. Il vous faudra me les résumer une fois rentrés dans notre douillet logis.
- Je n'ai aucun mérite Watson. Contrairement à celles du conte pseudo-oriental avec lesquelles elles partagent quelques similitudes, lesquelles étaient si absconses qu'elles ne pouvaient être résolues que par l'éreintante application de la méthode essai-erreur, celles-ci obéissaient à une logique cohérente, permettant à un esprit acéré de frapper juste du premier coup.
- Vous me trouvez soulagé Sherlock. J'ai craint jusqu'au bout que vous n'ayez commis une erreur d'évaluation et que nous ne basculions vers un affrontement plus physique que cérébral, pour lequel vous n'auriez pas eu autant de facilité.
- Pour tout vous avouer Watson, j'ai moi-même eu un léger doute. Si les indices structuraux convergeaient indubitablement vers cette solution, les êtres pensants ne sont jamais parfaitement rationnels. Aussi avais-je préparé quelques parades surnuméraires, à propos de la nature desquelles je laisserai planer le mystère, pour le cas où le destin nous aurait forcé à affronter les adversaires qu'il nous avait jusqu'ici encouragé à éviter.
- Il faut dire, chercher la bagarre avec ces choses-là, cela semblait être beaucoup de risques et d'efforts pour n'y gagner que des ennuis supplémentaires.
- Exactement Watson. Le contraire de la précision chirurgicale pour laquelle je suis réputé. Maintenant, veuillez je vous prie préparer la machine pour nous amener dans une ligne temporelle alternative où quelqu'un d'autre que nous a atteint cette même caverne, pour que je puisse lui expliquer comment j'ai triomphé en seulement sept Lieux et six Simulacres tandis que eux perdaient leur temps à courir la forêt ou je ne sais quel autre distraction.
- Un parcours que vous détaillerez en épilogue ?
- Non. Coupons court pour cette fois.
- Une fin abrupte.
- Une fin à l'ancienne.
Les Veilleurs n'est pas le premier livre-jeu vendu en boîte, loin de là. L'histoire de ce format remonte au moins à la première édition de Sherlock Holmes détective conseil (qui m'a inspiré la longue intro ci-dessus), laquelle est si ancienne qu'elle peut même prévaloir d'une antériorité (d'une petite année) sur Le Sorcier de la Montagne de Feu en personne. Et au cours de la dernière décennie, de tels jeux se sont multipliés, parfois sous une dénomination et un aspect rendant cette filiation évidente (2070), parfois en cachant le livret et ses mécaniques derrière une application plutôt qu'un épais livret papier (Chronicles of Crime).
Et je dois dire que, en dépit de ses quarante ans, je trouve le format encore assez mal maîtrisé, au sens où les différents éléments du boîtier ne me paraissent jamais en parfaite harmonie. Dans un très bon jeu de société, quand on ouvre la boîte et qu'on étale les composants, on a déjà un bon aperçu de ce que va proposer le jeu ; au fur et à mesure qu'on parcourt les règles, on découvre à quoi sert chaque bidule ; et quand on a tout bien lu, on a associé un sens à chaque élément, il ne reste rien d'inutile dans le carton, et à l'inverse on n'a pas besoin d'ajouter autre chose.
Donc, dans le cas spécifique des Veilleurs, quand dès la page 8, on m'a demandé d'aller télécharger les fiches de perso sur le site officiel, ça a été la douche froide.
Bon, j'y reviendrai parce que c'est un peu très technique, mais je dirais que je suis encore moite-moite sur le contenu de cette boîte. Il y a de bonnes idées exploitant les possibilités offertes par les cartes et images séparées, des éléments un peu gadgets, et des trucs qui manquent. Disons qu'on est encore à la phase expérimentale, où on joue avec les possibilités offertes mais où celle-ci ne transforme pas véritablement l'expérience. Il n'y a pas tant de choses dans cette œuvre qui auraient été impossible au format « pur » livre-jeu. Et la plus objective est ironiquement celle que les néophytes risquent le moins de remarquer, à savoir les belles illustrations couleurs sans faire exploser les frais d'impression du livre central.
Assez parlé carton pour le moment. Qu'est-ce que ça vaut en tant que livre-jeu ?
Je dirais qu'en terme d'ambiance, de scénario, de longueur de sections, de gameplay, on est encore sur... il nous faudrait vraiment un terme acté pour ça tant c'est récurrent... mais c'est du faux vieux quoi. C'est-à-dire que ça se place dans la lignée des DF, ici en particulier de La Légende des Guerriers Fantômes et L'Épée du Samouraï. Mais avec un niveau de qualité nettement rehaussé pour correspondre aux standards modernes. Où, pour paraphraser je ne sais plus quel article sur le rétraux dans le jeu vidéo, « les DF comme les gens s'en souviennent à travers le filtre merveilleux de la nostalgie, pas comme ils étaient vraiment ».
Alors, ça commence pas mal, avec une introduction et une sélection de personnage très solides, et puis... ça dépend. Il y a des scènes très linéaires, où les choix se limitent à explorer toutes les options une par une. Il y en a d'autres, notamment les combats de masse, où les choix sont plus présents et plus impactants. Et puis il y a ce très bon couloir final, avant une conclusion un peu brusque.
Bref, c'est assez inégal. Et souvent quand même un peu dirigiste, il y a pas des milliards d'options. Donc tout recommencer après une mort n'est pas excessivement agréable, tant on retrace surtout le chemin déjà parcouru.
En fait, l'aspect jeu se déploie surtout à son aise via les mécaniques de dés. De ce point de vue, c'est une réussite.
Le système de combat, inspiré de celui des Chroniques Crétoises, est fluide et expéditif. Il y a une variété certaine dans les mécaniques des personnages qu'on peut envoyer au casse-pipe, et plein de petites idées bien pensées, comme l'Héroïsme conférant +2 si utilisée préventivement et seulement +1 réactivement, ou la conversion des différents types de butin directement en potions plutôt que l'usage d'un pénible système monétaire. Bref, ça tourne bien comme il faut.
Je précise que je n'ai cependant testé l'aventure qu'avec des profils à Esprit+2, d'abord un peu au hasard et ensuite car ayant eu l'impression, à tort ou à raison, que rater les tests d'Esprit, c'était un peu trop souvent comme rater un jet de Déduction dans les LVH Sherlock Holmes du début des années 90 : ça nous privait de pans entiers de l'aventure sans réelle compensation.
Bref, c'est sympa. Mais je dirais que ça a du mal à se démarquer dans un milieu du jeu où on croule désormais sous les nouveautés. Ça manque du truc en plus, la mécanique exceptionnellement bien troussé, l'élément de scénario génial, qui lui permettrait de transcender sa nature de néo-DF pour marquer son époque.
Remarques en vrac :
Le texte fait référence à plusieurs reprises à des simulacres Loup et Ours qui, à moins que j'ai raté quelque chose, n'existent pas ? Un reliquat d'une version antérieure ?
De même, des éléments ici et là, par exemple un combat semblant supposer qu'il est possible d'avoir une moitié des compétences d'un archétype et pas l'autre, suggèrent que la création de personnages a pas mal changé avec le temps.
Avoir à la fois des Points de Vie maximaux et un score de Défense dépendant du profil, c'est peut-être avoir deux variables là où une seule aurait suffi.
Assez surprenamment, le livre nous décourage d'affronter les Dévoreurs. Pas tant parce qu'ils sont très costauds, parce qu'après tout c'est là le challenge, gérer nos ressources au plus près pour être en mesure de les gérer. Mais le truc c'est qu'on les croise uniquement si on s'est planté et qu'on s'est fait grillé par nos adversaires. Donc, ça casse un peu tout le côté épique. C'est un peu comme si Frodon s'amusait à agiter l'anneau devant le nez d'un Nazgûl : même si la communauté parvient à triompher de la menace, Aragorn va quand même lui foutre deux claques parce qu'il fait n'importe quoi ; l'état d'esprit ne sera pas bon pour apprécier une telle victoire.
Et le laïus promis à propos du matériel :
Lorsque j'ai joué l'aventure, j'étais constamment en train de jongler avec le livre, mes notes, des cartes, des plus grandes cartes, sans savoir trop où poser tout ça. Par exemple, autant j'aime beaucoup le coup des petites cartes à ajouter sur la grande carte quant on découvre de nouveaux lieux (à la Unlock!), autant je passais mon temps à les faire glisser en tendant la main vers un autre élément du matériel.
Je dirais :
- Ça manque d'un élément central qui serve de « plateau ». Alors, il y a des contraintes matériel, de coût de fabrication, de poids, etc. Mais disons que, dans l'idéal théorique, ça aurait été génial d'avoir une plaquette rigide sur laquelle on aurait à la fois la carte des lieux et les compteurs de PV et d'Héroïsme du protagoniste (avec des cases assez grandes pour pouvoir y poser des jetons qu'on déplacerait). Bref, que tous les éléments auquel on va fréquemment se référer soient centraux.
- Je me demande si les cartes n'auraient pas gagné à être moitié moins grandes, histoire d'en avoir deux fois plus, et donc de gagner assez de place pour caser des cartes utilitaires : des cartes sans illustration, juste un titre et du texte, surtout là pour simplifier la vie du joueur. Typiquement, pour gérer les potions : quand tu en dégottes une, tu prends la carte qui va bien dans la pioche quand le texte te le dit, la carte te rappelle ce qu'elle fait (« défausser pour gagner 3 PV »), et quand tu l'utilises tu la remets à sa place d'origine. Beaucoup moins laborieux que de tenir à la main une feuille d'aventure à l'ancienne, où on recopie patiemment ce que font les objets.
- De même, quitte à n'avoir que quatre profils au lieu de six (histoire de pouvoir tout faire tenir en deux fiches recto-verso), c'est vraiment dommageable que les personnages n'aient pas leurs fiches concises qu'on puisse consulter en un coup d’œil, pour ne pas avoir à se référer au début du livre chaque fois qu'on a un doute sur un pouvoir.
Voyageur multiversel
Corps : -1 / Esprit : +∞ / Défense : 0 / Combativité : 1D / Points de Vie : 20
Le plus grand détective du monde : qu'importe les circonstances, Sherlock Holmes réussit automatiquement et systématiquement, qu'il le veuille ou non, tous les tests d'Esprit qu'il entreprend.
Dammit Sherlock! : au prix d'un point d'Héroïsme, Watson peut venir prêter activement main-forte à Sherlock pour toute la durée d'une section, lui conférant un bonus de +2 en Corps, +3 en Combativité, et +1 en Défense. Cela n'empêche pas de dépenser des points d'Héroïsme pour altérer le résultat des jets normalement.
La perfection sinon rien : si, à la fin d'une section, après avoir utilisé tous les éventuels moyens de se soigner à sa disposition, Sherlock se retrouve plus que légèrement blessé, l'aventure se conclut immédiatement par un échec.
- Mes excuses Sherlock. Je crois que j'ai mal configuré la machine à voyager à travers les univers du bon professeur Hells.
- Et pourquoi cela mon cher Watson ?
- Et bien nous aurions dû arriver dans une terre désolée du nom de Morne-val. Hors s'offre à nos yeux une splendide campagne, à l'herbe d'un vert profond et au ciel d'un bleu éclatant, dans lequel rêverait de vivre plus d'un Londonien.
- Il est vrai que pour nos concitoyens habitués aux rues étroites tapissées d'ordures, hantées par la pestilence, et coiffées de l'éternel smog, cet endroit doit sembler un petit coin de paradis.
« Pas d'inquiétude à avoir cependant Watson : nous sommes bien au bon endroit. Le peintre céleste n'aura simplement pas eu le cœur de rendre cette contrée aussi chargée de fumée et de saleté que l'est notre East End.
- La surprise passée, je ne peux pas dire que la pénombre perpétuelle des mauvais quartiers me manque Sherlock. On se perd bien trop facilement quand tout est monochrome et que les numéros des rues sont d'un gris à peine différent du mur les environnant.
~~~
- Sherlock, votre art du déguisement est toujours aussi impressionnant et semble avoir confondu nos poursuivants jusqu'ici...
- Mais ?
- Mais pourquoi donc insistez-vous pour que je me balade pieds nus et en me faisant le plus petit possible ?
- Et bien Watson, c'est que cette référence me paraissait fort à propos au vu de la nature de nos adversaires. C'était soit cela soit la citrouille sur la tête.
- Vous me perdez Sherlock. Enfin, cela vaut toujours mieux que d'avoir à croiser le fer avec ces sinistres cavaliers. C'est que je n'ai pas pratiqué l'escrime depuis l'université.
- Si mes calculs sont bons, et ils le sont, vous n'aurez à faire étalage de vos talents martiaux que contre quelques rats.
- Quel genre de rats exactement Sherlock ? Et en quel nombre ?
- Rien de bien méchant pour peu que nous ne attaquions au problème avec toutes les ressources à notre disposition.
- Vous avez insisté pour que je laisse à la maison mon pistolet réglementaire Sherlock. Je n'ai que cette canne-épée de gentleman sur moi.
- Oh, je faisais référence à nos ressources mentales Watson. Le courage, l'abnégation. Ne pas hésiter à mobiliser tout notre héroïsme plutôt que d'hésiter sur la conduite à tenir et de payer au prix fort nos atermoiements.
- Il est vrai qu'à la bataille les choses peuvent très vite dégénérer pour qui a voulu se montrer pingre de vertu.
~~~
- Sherlock, je croyais que vous aviez dit que nous n'aurions pas à livrer bataille !
- Nous, non. Les troupes que Sa Gracieuse Majesté a bien voulu nous confier, c'est autre chose.
- Vous jouez sur les mots. Et c'est un massacre. N'y a-t-il rien que nous ne pouvions faire ?
- Pas sans effectuer un détour qui nous retarderait...
- ...
- Et nous mettrait en mortel danger. Ce n'est pas de gaieté de cœur Watson. Mais c'était eux ou nous. Maintenant, tandis que je rassemble les dernières pièces du puzzle, allez donc voir si vous ne seriez pas en mesure de recruter quelques autochtones pour remplacer nos braves soldats indigènes tombés au combat.
- Et moi qui croyais avoir laissé de telles sordidités derrière moi en quittant l'armée.
- Nous avons beau changer Watson, aller jusqu'à vivre les aventures les plus imprévues à travers les époques et les dimensions, nous n'échappons jamais totalement à notre condition d'enfants de l'empire où le soleil ne se couche jamais.
~~~
- Nous y voilà Watson. Le cœur du mystère.
- Et bien Sherlock, vous ne facilitez pas ma tâche de biographe. Vous avez triomphé des dernières épreuves si vite que j'ai à peine eu le temps de les apercevoir. Il vous faudra me les résumer une fois rentrés dans notre douillet logis.
- Je n'ai aucun mérite Watson. Contrairement à celles du conte pseudo-oriental avec lesquelles elles partagent quelques similitudes, lesquelles étaient si absconses qu'elles ne pouvaient être résolues que par l'éreintante application de la méthode essai-erreur, celles-ci obéissaient à une logique cohérente, permettant à un esprit acéré de frapper juste du premier coup.
- Vous me trouvez soulagé Sherlock. J'ai craint jusqu'au bout que vous n'ayez commis une erreur d'évaluation et que nous ne basculions vers un affrontement plus physique que cérébral, pour lequel vous n'auriez pas eu autant de facilité.
- Pour tout vous avouer Watson, j'ai moi-même eu un léger doute. Si les indices structuraux convergeaient indubitablement vers cette solution, les êtres pensants ne sont jamais parfaitement rationnels. Aussi avais-je préparé quelques parades surnuméraires, à propos de la nature desquelles je laisserai planer le mystère, pour le cas où le destin nous aurait forcé à affronter les adversaires qu'il nous avait jusqu'ici encouragé à éviter.
- Il faut dire, chercher la bagarre avec ces choses-là, cela semblait être beaucoup de risques et d'efforts pour n'y gagner que des ennuis supplémentaires.
- Exactement Watson. Le contraire de la précision chirurgicale pour laquelle je suis réputé. Maintenant, veuillez je vous prie préparer la machine pour nous amener dans une ligne temporelle alternative où quelqu'un d'autre que nous a atteint cette même caverne, pour que je puisse lui expliquer comment j'ai triomphé en seulement sept Lieux et six Simulacres tandis que eux perdaient leur temps à courir la forêt ou je ne sais quel autre distraction.
- Un parcours que vous détaillerez en épilogue ?
- Non. Coupons court pour cette fois.
- Une fin abrupte.
- Une fin à l'ancienne.
Les Veilleurs n'est pas le premier livre-jeu vendu en boîte, loin de là. L'histoire de ce format remonte au moins à la première édition de Sherlock Holmes détective conseil (qui m'a inspiré la longue intro ci-dessus), laquelle est si ancienne qu'elle peut même prévaloir d'une antériorité (d'une petite année) sur Le Sorcier de la Montagne de Feu en personne. Et au cours de la dernière décennie, de tels jeux se sont multipliés, parfois sous une dénomination et un aspect rendant cette filiation évidente (2070), parfois en cachant le livret et ses mécaniques derrière une application plutôt qu'un épais livret papier (Chronicles of Crime).
Et je dois dire que, en dépit de ses quarante ans, je trouve le format encore assez mal maîtrisé, au sens où les différents éléments du boîtier ne me paraissent jamais en parfaite harmonie. Dans un très bon jeu de société, quand on ouvre la boîte et qu'on étale les composants, on a déjà un bon aperçu de ce que va proposer le jeu ; au fur et à mesure qu'on parcourt les règles, on découvre à quoi sert chaque bidule ; et quand on a tout bien lu, on a associé un sens à chaque élément, il ne reste rien d'inutile dans le carton, et à l'inverse on n'a pas besoin d'ajouter autre chose.
Donc, dans le cas spécifique des Veilleurs, quand dès la page 8, on m'a demandé d'aller télécharger les fiches de perso sur le site officiel, ça a été la douche froide.
Bon, j'y reviendrai parce que c'est un peu très technique, mais je dirais que je suis encore moite-moite sur le contenu de cette boîte. Il y a de bonnes idées exploitant les possibilités offertes par les cartes et images séparées, des éléments un peu gadgets, et des trucs qui manquent. Disons qu'on est encore à la phase expérimentale, où on joue avec les possibilités offertes mais où celle-ci ne transforme pas véritablement l'expérience. Il n'y a pas tant de choses dans cette œuvre qui auraient été impossible au format « pur » livre-jeu. Et la plus objective est ironiquement celle que les néophytes risquent le moins de remarquer, à savoir les belles illustrations couleurs sans faire exploser les frais d'impression du livre central.
Assez parlé carton pour le moment. Qu'est-ce que ça vaut en tant que livre-jeu ?
Je dirais qu'en terme d'ambiance, de scénario, de longueur de sections, de gameplay, on est encore sur... il nous faudrait vraiment un terme acté pour ça tant c'est récurrent... mais c'est du faux vieux quoi. C'est-à-dire que ça se place dans la lignée des DF, ici en particulier de La Légende des Guerriers Fantômes et L'Épée du Samouraï. Mais avec un niveau de qualité nettement rehaussé pour correspondre aux standards modernes. Où, pour paraphraser je ne sais plus quel article sur le rétraux dans le jeu vidéo, « les DF comme les gens s'en souviennent à travers le filtre merveilleux de la nostalgie, pas comme ils étaient vraiment ».
Alors, ça commence pas mal, avec une introduction et une sélection de personnage très solides, et puis... ça dépend. Il y a des scènes très linéaires, où les choix se limitent à explorer toutes les options une par une. Il y en a d'autres, notamment les combats de masse, où les choix sont plus présents et plus impactants. Et puis il y a ce très bon couloir final, avant une conclusion un peu brusque.
Bref, c'est assez inégal. Et souvent quand même un peu dirigiste, il y a pas des milliards d'options. Donc tout recommencer après une mort n'est pas excessivement agréable, tant on retrace surtout le chemin déjà parcouru.
En fait, l'aspect jeu se déploie surtout à son aise via les mécaniques de dés. De ce point de vue, c'est une réussite.
Le système de combat, inspiré de celui des Chroniques Crétoises, est fluide et expéditif. Il y a une variété certaine dans les mécaniques des personnages qu'on peut envoyer au casse-pipe, et plein de petites idées bien pensées, comme l'Héroïsme conférant +2 si utilisée préventivement et seulement +1 réactivement, ou la conversion des différents types de butin directement en potions plutôt que l'usage d'un pénible système monétaire. Bref, ça tourne bien comme il faut.
Je précise que je n'ai cependant testé l'aventure qu'avec des profils à Esprit+2, d'abord un peu au hasard et ensuite car ayant eu l'impression, à tort ou à raison, que rater les tests d'Esprit, c'était un peu trop souvent comme rater un jet de Déduction dans les LVH Sherlock Holmes du début des années 90 : ça nous privait de pans entiers de l'aventure sans réelle compensation.
Bref, c'est sympa. Mais je dirais que ça a du mal à se démarquer dans un milieu du jeu où on croule désormais sous les nouveautés. Ça manque du truc en plus, la mécanique exceptionnellement bien troussé, l'élément de scénario génial, qui lui permettrait de transcender sa nature de néo-DF pour marquer son époque.
Remarques en vrac :
Le texte fait référence à plusieurs reprises à des simulacres Loup et Ours qui, à moins que j'ai raté quelque chose, n'existent pas ? Un reliquat d'une version antérieure ?
De même, des éléments ici et là, par exemple un combat semblant supposer qu'il est possible d'avoir une moitié des compétences d'un archétype et pas l'autre, suggèrent que la création de personnages a pas mal changé avec le temps.
Avoir à la fois des Points de Vie maximaux et un score de Défense dépendant du profil, c'est peut-être avoir deux variables là où une seule aurait suffi.
Assez surprenamment, le livre nous décourage d'affronter les Dévoreurs. Pas tant parce qu'ils sont très costauds, parce qu'après tout c'est là le challenge, gérer nos ressources au plus près pour être en mesure de les gérer. Mais le truc c'est qu'on les croise uniquement si on s'est planté et qu'on s'est fait grillé par nos adversaires. Donc, ça casse un peu tout le côté épique. C'est un peu comme si Frodon s'amusait à agiter l'anneau devant le nez d'un Nazgûl : même si la communauté parvient à triompher de la menace, Aragorn va quand même lui foutre deux claques parce qu'il fait n'importe quoi ; l'état d'esprit ne sera pas bon pour apprécier une telle victoire.
Et le laïus promis à propos du matériel :
Lorsque j'ai joué l'aventure, j'étais constamment en train de jongler avec le livre, mes notes, des cartes, des plus grandes cartes, sans savoir trop où poser tout ça. Par exemple, autant j'aime beaucoup le coup des petites cartes à ajouter sur la grande carte quant on découvre de nouveaux lieux (à la Unlock!), autant je passais mon temps à les faire glisser en tendant la main vers un autre élément du matériel.
Je dirais :
- Ça manque d'un élément central qui serve de « plateau ». Alors, il y a des contraintes matériel, de coût de fabrication, de poids, etc. Mais disons que, dans l'idéal théorique, ça aurait été génial d'avoir une plaquette rigide sur laquelle on aurait à la fois la carte des lieux et les compteurs de PV et d'Héroïsme du protagoniste (avec des cases assez grandes pour pouvoir y poser des jetons qu'on déplacerait). Bref, que tous les éléments auquel on va fréquemment se référer soient centraux.
- Je me demande si les cartes n'auraient pas gagné à être moitié moins grandes, histoire d'en avoir deux fois plus, et donc de gagner assez de place pour caser des cartes utilitaires : des cartes sans illustration, juste un titre et du texte, surtout là pour simplifier la vie du joueur. Typiquement, pour gérer les potions : quand tu en dégottes une, tu prends la carte qui va bien dans la pioche quand le texte te le dit, la carte te rappelle ce qu'elle fait (« défausser pour gagner 3 PV »), et quand tu l'utilises tu la remets à sa place d'origine. Beaucoup moins laborieux que de tenir à la main une feuille d'aventure à l'ancienne, où on recopie patiemment ce que font les objets.
- De même, quitte à n'avoir que quatre profils au lieu de six (histoire de pouvoir tout faire tenir en deux fiches recto-verso), c'est vraiment dommageable que les personnages n'aient pas leurs fiches concises qu'on puisse consulter en un coup d’œil, pour ne pas avoir à se référer au début du livre chaque fois qu'on a un doute sur un pouvoir.