01/07/2022, 13:56
Tout d'abord merci à toi Thorgun pour tes efforts et ton aventure. Le thème est parfaitement respecté et on est bien dans un stimulant esprit de mercenariat où tout le monde trahit tout le monde pour un peu d'or.
Une fois n'est pas coutume, je vais d'abord commencer par le fond plutôt que par la forme, même si Loi-Kymar a énoncé avec sa très belle prose à peu près tout ce que je pense.
L'idée de départ, telle que le titre le suggère, était de nous faire vivre les aventures d'une Cimmérienne au sein du monde inventé par R.E. Howard. Je me préparais donc à rencontrer des Stygiens (oui), des Hyrcaniens, des Shémites, des Turaniens, des Némédiens, etc., a sentir le sang et la poussière projetés par les combats. Si l'amorce de l'intrigue se sert avec plus ou moins de bonheur de la nouvelle Le colosse noir (citée en intertitre), et permet ainsi de contextualiser Iria, on s'interroge sur certains passages totalement inutiles pour la suite de l'aventure (le grand prêtre de Seth ou les conducteurs de char assassinés dont je ne suis toujours pas sûr d'en avoir bien compris l'intérêt dans la progression du récit). Il aurait donc fallu, je pense, resserrer l'histoire, se concentrer bien davantage sur Iria et piocher bien plus allègrement dans les nouvelles de Howard, voire les continuations et les pastiches qui existent, pour proposer une vraie aventure hyborienne.
Au lieu de cela, Torghun, tu fais très rapidement voler en éclat cette intéressante proposition et convoques au chevet de ton aventure des races tout azimut : orque, troll, gobelin, minotaure et j'en passe. Seuls, éventuellement, les Hommes-Lézards auraient eu droit de cité. Le résultat de ce Gloubi-boulga est que j'ai eu assez rapidement l'impression de faire une partie de Blood Bowl et non pas de me retrouver dans l'univers de Conan. Et c'est vraiment dommage parce que l'idée d'une bataille rangée était très bonne et se serait largement suffit à elle-même. Ultime bémol : Crom n'intervient jamais. Jamais (ou alors on est avec un continuateur, un pastiche). Si l'idée de la prière est intéressante, elle ne convient pas, à mon sens, à la culture cimmérienne, peu importe qu'il y ait ici réelle prière ou non.
Je ne revient pas sur les références digne d'un Ready Player One qui tapent dans beaucoup trop de râteliers, avec pour conséquence d'annuler tout enjeu narratif. C'est un gigantesque clin d'œil tellement monumental qu'il écrase le lecteur et l'histoire avec. Pour ne citer que deux ou trois références non encore lues dans les critiques : L'auberge du Sanglier noir (Œil Noir), Tempête du désert (Irak, 1991), la fille du roi des elfes (Dunsady), etc. Il y a néanmoins une très bonne référence : le casque du Baron dont les cornes sont latérales et qui évoquent le dessin de Barry Windsor-Smith sur les premiers Conan de chez Marvel. Ça, c'est une bonne référence. Ce sont des petites touches comme celle-là qu'il aurait fallu proposer, avec parcimonie.
L'autre soucis, à mon avis, provient des dialogues qui se heurtent à deux écueils. Le premier est la pléthore de personnages. Ceux-ci sont difficilement identifiables et au bout d'un moment, je ne savais plus qui était qui, sauf quand des substantifs venaient éclairer ma lanterne : l'espion, le baron, etc. Ce qui, encore une fois, nuit à l'intensité dramatique du récit puisque les enjeux ne peuvent être portés par des personnages complètement transparents.
Le second, cela a déjà été dit, c'est le langage employé qui est absolument le même pour tout le monde : une histoire de charretiers. Que quelques personnages aient un langage fleuri, en dessous de la ceinture ou que de temps en temps, Iria lâche un juron bien senti, oui. Mais que tout le monde s'exprime comme s'il participait au concours de la réplique la plus vulgaire, non. D'abord, à mes oreilles, cela a été difficilement supportable, mais surtout, cela rend les dialogues un peu vains puisqu'il faut les écrire non pour leur contenu mais pour pouvoir couper la parole, proposer une insulte, mettre la vulgarité en exergue, bref, être démonstratif de la trivialité la plus grossière dans une absence un peu regrettable d'avancée discursive (les dialogues font difficilement avancer l'histoire – on préfère s'envoyer des vannes).
Le style en lui-même est parfois un peu hésitant ; il y a quelques problèmes de tournure de phrase, des répétitions, quelques mots mal choisis (comme avec campement implanté) ; mais rien qu'une solide relecture ne puisse corriger.
La jouabilité est intéressante parce qu'il y a deux méthodes pou l'emporter. Cela évite l'OTP et offre une possibilité de rejouer non négligeable sur une mini-AVH. J'ai personnellement apprécié les fausses pistes qui, là encore, permettent de revenir à la partie sans être trop punitif, parce qu'il s'agit de faire des choix. On est donc bien libre de suivre tel ou tel chemin. Et j'ai aussi beaucoup aimé le chiasme narratif à mi-chemin (deux alliés, deux événements, quatre possibilités). Mon seul bémol vient de cette idée incompréhensible de laisser les dés choisir l'événement. Il aurait mieux valu proposer un choix en apparence pertinent, mais qui aurait conditionné la mésaventure à venir (si vous vous placer à gauche du chef minotaure, si vous préférez vous mettre à droite de l'espion). La ludicité est donc pour moi le point fort de cette AVH.
Reste les mécaniques du jeu. Je suis ici mi-figue, mi-raisin. La gestion des Talents me plaît toujours (la gestion me plaît toujours). Elle est ardue, mais pas bloquante, c'est donc plutôt bien goupillé. Les points de prière eux, c'est de l'OTP absolu. Pourquoi pas, d'autant plus qu'une autre méthode existe, ce qui offre donc la possibilité, comme je l'ai dit, de choisir son type de jeu. Reste les escarmouches. J'aurais du mal à donner un avis définitif, car j'ai eu une chance de pendu aux dés. Mais cela m'a semblé très difficile. Si l'idée de la course-poursuite sur la carte est séduisante, j'y suis arrivé in extremis. De plus, j'ai considéré que les mouvements n'étaient pas simultanées. Je me déplace, j'arrive à un point, puis l'ennemi se déplace. Ainsi, si je rejoins l'ennemi avant son tour de déplacement, je l'ai rattrapé. Les combats me paraissent trop difficiles, mais je n'en ai fait qu'un seul. Il n'empêche, je suis parti en majorité et j'ai fini l'affrontement avec seulement 5 hommes. Ce n'est pas passé loin. S'il n'y a que deux ou trois affrontements maximum, cela peut aller. Mais au-delà, je pense qu'il faut revoir le système de jeu.
Conclusion
L'intention est bonne, le scénario (les événements pour emporter la victoire) est bon et la ludicité également. C'est donc une aventure qui a été correctement pensée en amont. Le problème réside dans sa réalisation : univers défaillant, personnages inexistants, dialogues bancals et contre-productifs, ton inadapté. On peut donc tout à fait y remédier avec un peu de travail. Comme avec le paragraphe 49 où il suffit de faire intervenir un dieu quelconque pour punir Iria d'avoir bien trop cru en l'excellence de sa foi, péché d'orgueil, et ainsi oublier l'adresse au joueur, malvenue, joueur qui a pu simplement se tromper dans son décompte.
Voilà. Garde le cap, il y a du potentiel.
Une fois n'est pas coutume, je vais d'abord commencer par le fond plutôt que par la forme, même si Loi-Kymar a énoncé avec sa très belle prose à peu près tout ce que je pense.
L'idée de départ, telle que le titre le suggère, était de nous faire vivre les aventures d'une Cimmérienne au sein du monde inventé par R.E. Howard. Je me préparais donc à rencontrer des Stygiens (oui), des Hyrcaniens, des Shémites, des Turaniens, des Némédiens, etc., a sentir le sang et la poussière projetés par les combats. Si l'amorce de l'intrigue se sert avec plus ou moins de bonheur de la nouvelle Le colosse noir (citée en intertitre), et permet ainsi de contextualiser Iria, on s'interroge sur certains passages totalement inutiles pour la suite de l'aventure (le grand prêtre de Seth ou les conducteurs de char assassinés dont je ne suis toujours pas sûr d'en avoir bien compris l'intérêt dans la progression du récit). Il aurait donc fallu, je pense, resserrer l'histoire, se concentrer bien davantage sur Iria et piocher bien plus allègrement dans les nouvelles de Howard, voire les continuations et les pastiches qui existent, pour proposer une vraie aventure hyborienne.
Au lieu de cela, Torghun, tu fais très rapidement voler en éclat cette intéressante proposition et convoques au chevet de ton aventure des races tout azimut : orque, troll, gobelin, minotaure et j'en passe. Seuls, éventuellement, les Hommes-Lézards auraient eu droit de cité. Le résultat de ce Gloubi-boulga est que j'ai eu assez rapidement l'impression de faire une partie de Blood Bowl et non pas de me retrouver dans l'univers de Conan. Et c'est vraiment dommage parce que l'idée d'une bataille rangée était très bonne et se serait largement suffit à elle-même. Ultime bémol : Crom n'intervient jamais. Jamais (ou alors on est avec un continuateur, un pastiche). Si l'idée de la prière est intéressante, elle ne convient pas, à mon sens, à la culture cimmérienne, peu importe qu'il y ait ici réelle prière ou non.
Je ne revient pas sur les références digne d'un Ready Player One qui tapent dans beaucoup trop de râteliers, avec pour conséquence d'annuler tout enjeu narratif. C'est un gigantesque clin d'œil tellement monumental qu'il écrase le lecteur et l'histoire avec. Pour ne citer que deux ou trois références non encore lues dans les critiques : L'auberge du Sanglier noir (Œil Noir), Tempête du désert (Irak, 1991), la fille du roi des elfes (Dunsady), etc. Il y a néanmoins une très bonne référence : le casque du Baron dont les cornes sont latérales et qui évoquent le dessin de Barry Windsor-Smith sur les premiers Conan de chez Marvel. Ça, c'est une bonne référence. Ce sont des petites touches comme celle-là qu'il aurait fallu proposer, avec parcimonie.
L'autre soucis, à mon avis, provient des dialogues qui se heurtent à deux écueils. Le premier est la pléthore de personnages. Ceux-ci sont difficilement identifiables et au bout d'un moment, je ne savais plus qui était qui, sauf quand des substantifs venaient éclairer ma lanterne : l'espion, le baron, etc. Ce qui, encore une fois, nuit à l'intensité dramatique du récit puisque les enjeux ne peuvent être portés par des personnages complètement transparents.
Le second, cela a déjà été dit, c'est le langage employé qui est absolument le même pour tout le monde : une histoire de charretiers. Que quelques personnages aient un langage fleuri, en dessous de la ceinture ou que de temps en temps, Iria lâche un juron bien senti, oui. Mais que tout le monde s'exprime comme s'il participait au concours de la réplique la plus vulgaire, non. D'abord, à mes oreilles, cela a été difficilement supportable, mais surtout, cela rend les dialogues un peu vains puisqu'il faut les écrire non pour leur contenu mais pour pouvoir couper la parole, proposer une insulte, mettre la vulgarité en exergue, bref, être démonstratif de la trivialité la plus grossière dans une absence un peu regrettable d'avancée discursive (les dialogues font difficilement avancer l'histoire – on préfère s'envoyer des vannes).
Le style en lui-même est parfois un peu hésitant ; il y a quelques problèmes de tournure de phrase, des répétitions, quelques mots mal choisis (comme avec campement implanté) ; mais rien qu'une solide relecture ne puisse corriger.
La jouabilité est intéressante parce qu'il y a deux méthodes pou l'emporter. Cela évite l'OTP et offre une possibilité de rejouer non négligeable sur une mini-AVH. J'ai personnellement apprécié les fausses pistes qui, là encore, permettent de revenir à la partie sans être trop punitif, parce qu'il s'agit de faire des choix. On est donc bien libre de suivre tel ou tel chemin. Et j'ai aussi beaucoup aimé le chiasme narratif à mi-chemin (deux alliés, deux événements, quatre possibilités). Mon seul bémol vient de cette idée incompréhensible de laisser les dés choisir l'événement. Il aurait mieux valu proposer un choix en apparence pertinent, mais qui aurait conditionné la mésaventure à venir (si vous vous placer à gauche du chef minotaure, si vous préférez vous mettre à droite de l'espion). La ludicité est donc pour moi le point fort de cette AVH.
Reste les mécaniques du jeu. Je suis ici mi-figue, mi-raisin. La gestion des Talents me plaît toujours (la gestion me plaît toujours). Elle est ardue, mais pas bloquante, c'est donc plutôt bien goupillé. Les points de prière eux, c'est de l'OTP absolu. Pourquoi pas, d'autant plus qu'une autre méthode existe, ce qui offre donc la possibilité, comme je l'ai dit, de choisir son type de jeu. Reste les escarmouches. J'aurais du mal à donner un avis définitif, car j'ai eu une chance de pendu aux dés. Mais cela m'a semblé très difficile. Si l'idée de la course-poursuite sur la carte est séduisante, j'y suis arrivé in extremis. De plus, j'ai considéré que les mouvements n'étaient pas simultanées. Je me déplace, j'arrive à un point, puis l'ennemi se déplace. Ainsi, si je rejoins l'ennemi avant son tour de déplacement, je l'ai rattrapé. Les combats me paraissent trop difficiles, mais je n'en ai fait qu'un seul. Il n'empêche, je suis parti en majorité et j'ai fini l'affrontement avec seulement 5 hommes. Ce n'est pas passé loin. S'il n'y a que deux ou trois affrontements maximum, cela peut aller. Mais au-delà, je pense qu'il faut revoir le système de jeu.
Conclusion
L'intention est bonne, le scénario (les événements pour emporter la victoire) est bon et la ludicité également. C'est donc une aventure qui a été correctement pensée en amont. Le problème réside dans sa réalisation : univers défaillant, personnages inexistants, dialogues bancals et contre-productifs, ton inadapté. On peut donc tout à fait y remédier avec un peu de travail. Comme avec le paragraphe 49 où il suffit de faire intervenir un dieu quelconque pour punir Iria d'avoir bien trop cru en l'excellence de sa foi, péché d'orgueil, et ainsi oublier l'adresse au joueur, malvenue, joueur qui a pu simplement se tromper dans son décompte.
Voilà. Garde le cap, il y a du potentiel.
Goburlicheur de chrastymèles