21/12/2021, 15:40
Lu Soufrerole, la maison aux spectres de Kraken / Frédric Bouix, dans un tome portant à la fois le sigle d'Alkonost et celui de Posidonia et contenant aussi Transomnie de Fitz / Emmanuel Quaireau (j'en parle à ce lien).
Soufrerole est ici dans une version très augmentée, puisque sa version initiale au Mini-Yaz (il a eu le bronze, bienvenue au club) faisait 50 paragraphes, portés ici à 190.
L'OBJET LIVRE
Il est ici de qualité. Le tome est un grand tome broché, ni trop gros ni trop fin, avec une couverture relativement réussie, peut-être juste un peu trop mate. L'effet recherché sur cette couv' aurait mieux convenu à un support brillant, ou bien un vernis sur l'obscure tripode en arrière plan, ou au contraire sur le paysage silhouetté du premier plan. La police du titre est juste parfaite.
Les illustrations intérieures sont signées Guillaume Roméro, autodidacte bien connu sur le forum et qui s'est hissé à un niveau tutoyant le pro. Ses meilleures sont celles où l'élément central est un visage, humain, dont souvent il choisit et rend parfaitement l'émotion ; je pense au 58, au 159, au cabochon montrant un homme sinistre... Pour être honnête je reconnais que quelques images m'ont moins convaincu : le visage du 92 (question de texture de la peau) ou le 67 (composition bien choisie mais d'exécution peut-être trop rapide).
L'HISTOIRE, LE JEU
Les règles consistent en des scores simples (Vitalité, Résistance, etc.) servant à quelques tests. Je dois avouer m'en être affranchi et n'avoir tenu compte que des mots-codes qui enregistrent les épisodes que nous avons vécus.
L'histoire commence comme bien d'autres, par l'arrivée d'un groupe de jeunes gens dans un lieu sinistre qu'ils comptent bien égayer de leur présence et de leur joie de vivre. On pense au premier Evil Dead, si toutefois on remplace la cabane dans les bois par un monastère dont les proportions dantesques renvoient le Manoir de l'Enfer se coucher. Des esprits hantent ce lieu, on est loin de tout, les portables ne passent pas, etc.
Les règles du genre voudraient que nos jeunots soient éliminés un à un par un être redoutable. Le survivant, nous lecteur (enfin il faut l'espérer) s'en tirera de justesse dans un final effréné tourné caméra à l'épaule, l'image tressautant au rythme de notre fuite.
Sauf que non.
Les personnages
L'être démoniaque
L'AMBIANCE, L'ECRITURE
Ambiance, glauque, lourde, pesante, digne de bien des films d'horreur et servie par une écriture très maîtrisée, efficace, ménageant ses effets avant de les déchaîner. Les Yaz révèlent décidément de vrais talents.
Le début de l'aventure permet d'évoquer plusieurs influences littéraires, évoquées par le héros qui aime à parler de ses lectures : Abraham Merritt et, heu, plein d'autres ! Plein ! Qui apparaissent au détour d'un paragraphe comme un clin d'œil à l'intelligence du lecteur.
En pratique, si on mettait bout à bout des paragraphes soigneusement choisis, avec une passe de réécriture liée à l'intrigue, on aurait peut-être là un fort intéressant roman. A une condition toutefois que je vais aborder de suite dans
MON AVIS
On a tout coché vert : l'écriture, l'ambiance, servie par les illustrations. Qu'ajouter ? Et bien que... j'avoue n'avoir pas bité grand-chose à l'histoire. Superbe ambiance, intrigue étrange. Sauf qu'elle n'a pas de fil rouge très net, et pour cause, puisque les mêmes paragraphes communs servent à dérouler trois intrigues distinctes (technique Paul Mason ?). Toutes ont en commun le petit trio amoureux Julien-Alice-notre héros qui rejoue Andromaque de Racine. Cela anime bien le début de la lecture, pose parfaitement les personnages, rend leurs relations très vivantes (et leurs dialogues nickel, on en parle ? Sauf dans un épisode, celui juste avant l'attaque que Julien gère d'un fusil de maître, où les dials sont par exception trop littéraires, pas naturels).
Tout d'abord, je n'ai pas saisi pourquoi nos personnages s'obstinent à rester dans un endroit manifestement pas clair. De nuit en nuit ils restent alors que les signaux d'alerte devraient les inquiéter, la première attaque les amener à se tailler. Même sans voiture, à pied !
Ensuite, j'ai eu l'impression qu'au-delà du début maîtrisé, la suite tend à enfiler des situations horrifiques sans forcément chercher à les mettre en cohérence les unes avec les autres ou à s'en servir pour composer une histoire avec un début, un milieu, une fin (une intrigue, quoi). Un peu l'impression de traverser un florilège de scènes horrifiques : la cave... le jardin qui bruisse... les choses qui tapent aux fenêtres... la possession de la femme concupiscente... non mais en fait je me réveille, ouf tout ça n'était qu'un rêve... Chacune de ces scènes étant réussie en elle-même, mais leur succession ne constituant pas, dans ma manière de les lire et comprendre, un fil rouge, une histoire. Peut-être un effet de la réécriture (paragraphes x3) pour la parution en volume, amenant à "en ajouter".
Enfin, sans l'explication bienvenue du Papi, je crois que je n'aurais jamais su ce qui hantait le monastère. Trop de choses entrecroisées sans être clairement expliquées. Au fond on ne comprend pas qui veut quoi, au point que j'ai dû relire les fins du 188 au 190 à deux fois.
On l'aura compris, séduit par l'écriture et l'ambiance, je n'ai pas accroché au jeu et au récit qu'il propose. Tant pis pour moi !
Soufrerole est ici dans une version très augmentée, puisque sa version initiale au Mini-Yaz (il a eu le bronze, bienvenue au club) faisait 50 paragraphes, portés ici à 190.
L'OBJET LIVRE
Il est ici de qualité. Le tome est un grand tome broché, ni trop gros ni trop fin, avec une couverture relativement réussie, peut-être juste un peu trop mate. L'effet recherché sur cette couv' aurait mieux convenu à un support brillant, ou bien un vernis sur l'obscure tripode en arrière plan, ou au contraire sur le paysage silhouetté du premier plan. La police du titre est juste parfaite.
Les illustrations intérieures sont signées Guillaume Roméro, autodidacte bien connu sur le forum et qui s'est hissé à un niveau tutoyant le pro. Ses meilleures sont celles où l'élément central est un visage, humain, dont souvent il choisit et rend parfaitement l'émotion ; je pense au 58, au 159, au cabochon montrant un homme sinistre... Pour être honnête je reconnais que quelques images m'ont moins convaincu : le visage du 92 (question de texture de la peau) ou le 67 (composition bien choisie mais d'exécution peut-être trop rapide).
L'HISTOIRE, LE JEU
Les règles consistent en des scores simples (Vitalité, Résistance, etc.) servant à quelques tests. Je dois avouer m'en être affranchi et n'avoir tenu compte que des mots-codes qui enregistrent les épisodes que nous avons vécus.
L'histoire commence comme bien d'autres, par l'arrivée d'un groupe de jeunes gens dans un lieu sinistre qu'ils comptent bien égayer de leur présence et de leur joie de vivre. On pense au premier Evil Dead, si toutefois on remplace la cabane dans les bois par un monastère dont les proportions dantesques renvoient le Manoir de l'Enfer se coucher. Des esprits hantent ce lieu, on est loin de tout, les portables ne passent pas, etc.
Les règles du genre voudraient que nos jeunots soient éliminés un à un par un être redoutable. Le survivant, nous lecteur (enfin il faut l'espérer) s'en tirera de justesse dans un final effréné tourné caméra à l'épaule, l'image tressautant au rythme de notre fuite.
Sauf que non.
Les personnages
L'AMBIANCE, L'ECRITURE
Ambiance, glauque, lourde, pesante, digne de bien des films d'horreur et servie par une écriture très maîtrisée, efficace, ménageant ses effets avant de les déchaîner. Les Yaz révèlent décidément de vrais talents.
Le début de l'aventure permet d'évoquer plusieurs influences littéraires, évoquées par le héros qui aime à parler de ses lectures : Abraham Merritt et, heu, plein d'autres ! Plein ! Qui apparaissent au détour d'un paragraphe comme un clin d'œil à l'intelligence du lecteur.
En pratique, si on mettait bout à bout des paragraphes soigneusement choisis, avec une passe de réécriture liée à l'intrigue, on aurait peut-être là un fort intéressant roman. A une condition toutefois que je vais aborder de suite dans
MON AVIS
On a tout coché vert : l'écriture, l'ambiance, servie par les illustrations. Qu'ajouter ? Et bien que... j'avoue n'avoir pas bité grand-chose à l'histoire. Superbe ambiance, intrigue étrange. Sauf qu'elle n'a pas de fil rouge très net, et pour cause, puisque les mêmes paragraphes communs servent à dérouler trois intrigues distinctes (technique Paul Mason ?). Toutes ont en commun le petit trio amoureux Julien-Alice-notre héros qui rejoue Andromaque de Racine. Cela anime bien le début de la lecture, pose parfaitement les personnages, rend leurs relations très vivantes (et leurs dialogues nickel, on en parle ? Sauf dans un épisode, celui juste avant l'attaque que Julien gère d'un fusil de maître, où les dials sont par exception trop littéraires, pas naturels).
Tout d'abord, je n'ai pas saisi pourquoi nos personnages s'obstinent à rester dans un endroit manifestement pas clair. De nuit en nuit ils restent alors que les signaux d'alerte devraient les inquiéter, la première attaque les amener à se tailler. Même sans voiture, à pied !
Ensuite, j'ai eu l'impression qu'au-delà du début maîtrisé, la suite tend à enfiler des situations horrifiques sans forcément chercher à les mettre en cohérence les unes avec les autres ou à s'en servir pour composer une histoire avec un début, un milieu, une fin (une intrigue, quoi). Un peu l'impression de traverser un florilège de scènes horrifiques : la cave... le jardin qui bruisse... les choses qui tapent aux fenêtres... la possession de la femme concupiscente... non mais en fait je me réveille, ouf tout ça n'était qu'un rêve... Chacune de ces scènes étant réussie en elle-même, mais leur succession ne constituant pas, dans ma manière de les lire et comprendre, un fil rouge, une histoire. Peut-être un effet de la réécriture (paragraphes x3) pour la parution en volume, amenant à "en ajouter".
Enfin, sans l'explication bienvenue du Papi, je crois que je n'aurais jamais su ce qui hantait le monastère. Trop de choses entrecroisées sans être clairement expliquées. Au fond on ne comprend pas qui veut quoi, au point que j'ai dû relire les fins du 188 au 190 à deux fois.