(30/01/2011, 13:52)Jehan a écrit :Ça dépend. Qu’entend-on par « volonté populaire souveraine » ? Si elle s’exprime par le biais des élus (les députés, le président), la souveraineté échappe alors au peuple. Or, je ne connais aucun pays où les lois sont votées directement par le peuple.
Ce que dit Rousseau n'est pas exempt de critiques en effet. Mais elle me semble toutefois la moins attaquable sur le plan de la logique du système qu'il décrit, à savoir une démocratie directe.
Le "peuple" n'est pas une entité facilement identifiable. On devrait dire "les électeurs" à la place (ce qui pose la question, à la réponse forcément arbitraire, des conditions d'accessions à la citoyenneté), et pour qu'il y ait démocratie, on devrait dire "la volonté de la majorité des électeurs". Or, cette majorité est fluctuante, changeante, suivant l'élection proposée.
Pire encore, dans l'exemple d'une loi votée (par le peuple directement, ou par le biais de ses représentants): une loi votée est censée être appliquée (par l'administration, les juges...); hors, au stade de l'application, se pose le problème de son interprétation. Et la théorie du droit contemporaine montre bien qu'interpréter une loi ne revient pas à lui attribuer un sens objectif ou à interpréter objectivement la volonté de son créateur.
Si vous ajoutez à ça qu'une loi peut aujourd'hui être invalidée si elle s'avère contraire à la constitution ou à une norme internationale, alors vous ne pouvez que constater que le débat sur la démocratie s'est nettement complexifié et qu'on est très loin d'une démocratie rousseauiste.
La démocratie étant à l'origine le "pouvoir du peuple" (ou du plus grand nombre), il s'agit de se demander qui aujourd'hui a ce pouvoir.
(30/01/2011, 13:52)Jehan a écrit : [align=justify]Pourtant, ça pourrait définir ce que j’attends d’une démocratie : qu’elle n’aille pas contre la volonté du peuple [rires enregistrés].
C'est une question difficile.
Je dirais que dans le cas d'une élection simple (par exemple choisir qui de X ou Y est élu), respecter la volonté du peuple ne pose pas de problème particulier.
Mais évidemment ce choix binaire est tributaire de plusieurs choses, sur lesquelles le peuple n'a généralement pas de prise: le choix du mode de scrutin par exemple, ou la rédaction du texte proposé.
Et cette "volonté" n'est pas forcément claire. La majorité ne se met d'accord que sur une seule chose: le candidat choisi, ou le vote d'un texte. Mais pas sur l'interprétation à donner de ce texte.
Citation :Oui, j’avais bien senti que ce système aurait ses imperfections, c’est pourquoi dans le sondage j’ai seulement proposé un système de classement (et non de veto). Ceci dit, ton deuxième argument demeure assez valable pour un système de classement. Car a priori, tous ceux de gauche mettent l’extrême droite et la droite en dernier, et ceux de droite font de même pour la gauche, et au final ce sent les centristes qui s’en sortent si gauche et droite ont à peu près le même poids (ça rejoint l’idée d’arriver à un bon compromis entre les populations ; on a éviction des extrêmes et des moins extrêmes mais pas assez milieu pour tout le monde). Le problème, c’est si un gauchiste ne met pas l’extrême droite en dernier mais le grand parti de droite, candidat plus sérieux, l’extrême droite monte. Et de même pour les partis d’extrême gauche. Bon, je suis un peu fatigué mais effectivement, avec ce genre de calcul, les résultats pourraient être biaisés. Néanmoins, je ne suis pas sûr qu’énormément de gens prendraient ce risque.
On voit bien que le débat sur le mode de scrutin n'est JAMAIS exempt de considérations stratégiques.
On est parfois et souvent confronté au choix cornélien entre voter pour son candidat préféré et nuire au candidat que l'on ne veut surtout pas voir élu (et donc choisir un candidat par défaut).
C'est proprement inévitable, et cela montre que l'idéalisme doit être proscrit dans ce type d'analyse, car AUCUN mode de scrutin n'est neutre d'un point de vue stratégique. Lorsqu'on choisit un mode de scrutin, c'est toujours dans un but bien précis, quelques soient les beaux discours proférés sur la démocratie derrière.
(31/01/2011, 00:09)Alendir a écrit :Citation :Néanmoins, l’idée de ce sujet, c’était simplement de réfléchir à un meilleur système de vote, à un moyen de rassembler davantage la population autour de son président notamment, qui n'aurait pas intérêt à diviser pour régner.
Fais moi confiance: tous les constitutionnalistes et politologues s'y sont attelés, aucun n'a jamais réussi.
(31/01/2011, 08:36)Thierry Dicule a écrit : [quote=Alendir]Le système actuel français a bien compris qu’un gouvernement ne peut a priori pas tenir s’il ne possède pas le soutien d’une majorité (on ne serait plus en démocratie), c’est pourquoi la division en deux tours des élections garantit qu’un candidat la majorité des suffrages.
Oui, c’est même pour ça que les votes blancs ne sont pas comptabilisés, sinon le résultat en surprendrait plus d’un. Je trouve ça hypocrite : on compte l’abstention, en se disant que les abstentionnistes sont des citoyens qui ne se donnent pas la peine de se déplacer, et ça me gave, qu’on se décide à compter les votes blancs et ensuite on en reparle.
Cela dépend de ce que tu entends par comptabiliser les votes blancs.
S'il s'agit de les faire peser concrètement dans la balance (comptabilisation "politique" ou "normative"), cela reviendrait très souvent à ne jamais élire personne et à ne jamais adopter de lois.
Ce qui peut être le but de certains, je le conçois aisément (les défenseurs du vote blanc ayant des visées stratégiques très précises; ils sont d'ailleurs en général des membres ou sympathisants des partis dits "petits" c'est à dire des partis "isolés", ou d'appoint, n'ayant aucune chance d'arriver seuls au pouvoir, les partis de gouvernement n'ayant quant à eux aucun intérêt à la comptabilisation normative des votes blancs).
S'il s'agit d'une comptabilisation "pour l'histoire et l'analyse", alors ça existe déjà depuis longtemps.
(31/01/2011, 21:57)Outremer a écrit : La démocratie ne se limite effectivement pas au suffrage universel. Elle inclut aussi le respect des droits et libertés fondamentaux (quels sont-ils précisément ? vaste question).
Tu es contradictoire dans ce que tu affirmes. Tu affirmes que le suffrage universel doit respecter les libertés fondamentales mais que tu ne sais pas ce que c'est précisément.
Ce n'est pas une critique, c'est un constat de l'impasse logique (analytique) de la définition dite "libérale" de la démocratie, qui est aussi la plus courante.
Car en effet, aucun consensus n'existe sur la définition et la consistance de ces droits et libertés fondamentaux que la loi est censée respecter.
Il en existe plusieurs définitions, toutes aussi contradictoires les unes envers les autres.
La vraie question n'est donc pas celle de leur définition, qui ne peut prétendre à aucune objectivité, mais celle des personnes ou institutions qui sont en mesure d'imposer leur définition.
Or, je pense que le peuple n'a pas ce pouvoir.
(01/02/2011, 00:02)JFM a écrit :(30/01/2011, 13:52)Jehan a écrit : [align=justify]Or, je ne connais aucun pays où les lois sont votées directement par le peuple.
Le système de "votations" en Suisse me semble correspondre, non ? Des Suisses pour confirmer ?
Effectivement, la Suisse a une forte tradition de démocratie directe.
Cependant, son système reste très largement réprésentatif, et le vote des lois locales dans les cantons a un aspect plus folklorique qu'autre chose.
Utiliser le référendum à tout va se heurte à des considérations d'ordre pratique: le coût tout d'abord, l'épuisement intellectuel des citoyens ensuite car alors on est en campagne perpétuelle, l'aspect très technique de beaucoup de questions...
Baaauuuuume Damohl, plus fort que la douleeeuuuur!