la mise en ligne gratuite dommage-t-elle les ventes papier?
#1
Je rebondis sur une réponse du Grimoire sur laquelle plusieurs ont tiqué:
(02/10/2012, 12:02)legrimoire a écrit :
Zyx a écrit :Avez-vous des études sérieuses prouvant que la mise en ligne gratuite d'un livre diminue plus les ventes qu'elles ne l'augmentent?
Oui, nous avons plein d'études sur le sujet et surtout une grande expérience (20 ans quand même déjà !) : lorsqu'un document/un produit est proposé gratuitement, il est préféré au document/produit payant. C'est avant tout un problème d'argent.
Il se trouve que dans le cadre d'activités professionnelles en 2011 (ciné et musique), j'ai dû mener une enquête sur les effets du partage gratuit online sur [nos futures ventes]; d'autre part, je suis en contact avec quelques développeurs indépendants de jeux vidéos qui ont corroboré, pour leur propre milieu, mes conclusions, qui rejoignent cette synthèse. A lire en priorité.

Vu que le livre en format numérique est le moins agréable des quatre produits culturels (film, musique, jeu, livre), les affirmations du Grimoire sont très peu crédibles en l'état. J'invite le Grimoire à citer les études les appuyant.
D'autre part, le premier site de téléchargement illégal, Napster, est apparu en 1999, et ne proposait pas d'ebook. Personne au monde n'a donc 20 ans d'expérience sur le sujet.

Extraits de mes propres notes:

Les études montrent massivement que le partage gratuit en ligne a un effet allant de neutre (ou peu significatif) à positif. Selon ces rapports indépendants, en général universitaires, le produit numérique n'est pas en concurrence avec le produit matériel, il est en relation de complément.

Sources: (c'est moi qui graisse)
Rapport Hammond(USA) sur la musique:
Citation :The results strongly suggest that an album benefits from increased file sharing: an album that became available in file-sharingnetworks one month earlier would sell 60 additional units. This increase is sales is small relativeto other factors that have been found to affect album sales. I conclude with an investigation of the distributional effects of file sharing on sales and find that file sharing benefits more established and popular artists but not newer and smaller artists. These results are consistentwith recent trends in the music industry.

Rapport Tanaka(Japon) sur les animés:
Citation :(1) Youtube viewing does not negatively affect DVD rentals, and it appears to help raise DVD sales; and (2) although Winny file sharing negatively affects DVD rentals, it does not affect DVD sales. Youtube’s effect of boosting DVD sales can be seen after the TV's broadcasting of the series has concluded, which suggests that not just a few people learned about the program via a Youtube viewing. In other words YouTube can be interpreted as a promotion tool for DVD sales.

[...]


Des estimations émanant de gouvernements ou de la RIAA font état de pertes colossales dues au piratage. Celles que j'ai analysées sont dénuées de fondements (possiblement frauduleuses):

Le rapport HADOPI présente en page 4 des conclusions catastrophiques qu'aucun chiffre réel ne soutient. Le rapport ne contient que des hypothèses hautement spéculatives, par exemple, p. 19:
Citation :Par la suite, il convient également de chiffrer le nombre de ventes perdues suite
au téléchargement illégal de fichiers. Les études sont relativement nombreuses
sur ce point mais parfois contradictoires. On peut néanmoins citer comme
borne supérieure le chiffre avancé par Peitz et Waelbroeck (2004) qui
considèrent que le P2P est au maximum responsable du quart de la baisse des
ventes de disques. Dans cette étude, le chiffre conservateur de 10% sera
retenu.

En l’absence de duplication illégale, des ventes auraient pu être effectuées :
• Sur Internet : on fait l’hypothèse que cela concerne 90% des ventes
avortées (ce chiffre est également utilisé dans le rapport de l’IPI)12.
• Ou en magasin : 10% des ventes avortées.
.
Traduction:
- aucune idée de l'effet chiffré du téléchargement illégal, si ce n'est une limite à sa nocivité.
- l'argument "un produit téléchargé = un produit non-acheté" est une hypothèse.

Le rapport Peitz et Waelbroeck, cité par HADOPI, est aussi peu fiable (voire malhonnête). Par exemple, pages 9 et 10:
Citation :3.2 Assessing “internet piracy”
To assess the effect of music downloads on CD sales we make a number of hypotheses:
[...]
Only users who download on a regular basis are a threat to copyright owners.
3. These same users reduce, on average, their net CD demand by 1 to 5 CDs.
Traduction: les conclusions sont basées sur des hypothèses sans fondement, non-vérifiées.

[...]


Voilà, si d'autres personnes connaissent un peu le marché, je serai curieux de connaître leur avis.
AVH: Les noyés,  La chute.

Jeu: Conflux
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#2
Pour mon cas ce n'est pas la gratuité qui me faisait pencher vers le download mais le manque d'offre pour les fichiers que je recherchais. (Essayez d'aller dans une grande enseigne pour trouver du punk français c'est un vrai chemin de croix)

le prix n'arrivait qu'en 2e.... (20 euros un cd = arnaque)
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#3
Les analyses ici résumées me surprennent un peu (dans mon cas, l'offre gratuite correspond en effet à un non-achat... tout en précisant qu'avant l'ADSL et l'échange de fichiers, je n'achetais pas non plus ! Sauf en occasion, ce que je fais encore un peu). Me surprennent, mais m'intéressent : bon à savoir que les affirmations que le P2P provoque des pertes colossales reposent sur des hypothèses non étayées et donne lieu à des calculs « possiblement frauduleux », je cite Zyx de mémoire.

Pour le cas bien précis des LDVEH... et bien on a bien été forcé de faire du gratuit, par manque d'offre payante ! Le mieux était tout de même le mail de menace de l'éditeur anglais relayé par Gallimard, propriétaire de la licence, quand j'ai mis en ligne la traduction de "La Malédiction de la Momie" (en 2001. Ils n'ont réagi qu'un an ou deux plus, je crois). Droit d'auteur bafoué certes, mais le texte français ne risquait pas d'être disponible de sitôt, puisque Gallimard avait à cette époque abandonné les LDVEH ! Alors pour ce qui est du manque à gagner... Ajoutons que quand j'ai offert la traduction à Gallimard, sans demander un kopec, au moment où ils essayaient timidement de s'y remettre avec "L'Oeil du Dragon", on n'a même pas la pris la peine de me répondre.

Les membres actifs du forum ont souvent la trentaine, un travail et des loisirs. Le genre qui accepte de payer pour un produit bien beau et joli, même s'il était dispo avant gratuitement sous un format moins pratique (lire à l'écran... bof bof... lire une version imprimée et agrafée ou reliée... mieux mais ce n'est qu'un pis-aller). Du coup, j'applaudirais des deux mains si un éditeur pro, le Grimoire par ex., tentait l'expérience de publier soit une ou deux AVH primées, soit se risque à publier une traduction de qualité déjà connue, d'un titre sur lequel il y a de la demande (on oublie "La Malédiction de la Momie" donc, mais les titres suivants avaient suscité de l'intérêt).
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#4
La question est aussi : pourquoi ne traiter que de la vente papier ? Du papier j'en ai déjà de trop. Un bon ebook (pas un pdf sans hyperlien), qu'on peut lire dans une liseuse électronique, je trouve ça bien mieux que du papier.

Donc si un éditeur propose un ebook de bonne qualité, pour un prix entre 1 et 3 €, ça semble raisonnable et donne envie de l'acheter.
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#5
@Dagonides: si tu n'achetais pas avant le p2p, son apparition ne peut pas être la cause de ton non-achat. Ta situation n'est pas contradictoire avec les études.

Le postulat (puisque sans lien avec l'observation) de la RIAA ou des gouvernements est que le partage gratuit numérique cause un manque à gagner, c'est à dire transforme un achat qui aurait dû avoir lieu, en non-achat. C'est présenté comme une évidence prouvant qu'il faut s'opposer à cette forme de distribution.

Or cette opposition n'est pas neutre, commercialement. Elle a un triple coût: coût de contrôle / poursuites judiciaires / lobbying politique, coût en image publique (on s'oppose à un accès libre, commode, gratuit et efficace du consommateur) et coût d'opportunités manquées (on ferme la porte aux nouvelles opportunités de marché que rendent possibles ces technologies).

La réalité, pour autant qu'on est parvenu à la mesurer à travers les études citées plus haut, contredit ce postulat. L'opposition des grosses maisons d'éditions (les petites sont différentes) est un déni de réalité et un refus de s'adapter. Cela fait 13 ans que cela dure dans le monde du ciné, de la musique et des jeux-vidéos et c'est décevant de retrouver la même stratégie dans celui du livre, parce qu'au final, ce sont les consommateurs qui sont captifs d'une mauvaise offre dans un marché figé.

Ma connaissance de la niche des ldvelh est encore superficielle, peut-être que le support "livre" est vraiment condamné, et qu'il ne reste plus qu'à en presser la dernière goutte de jus avant d'en jeter le cadavre aux oubliettes. Je n'y crois pas trop a priori.

Pour ma part, je perçois que le concept d'AVH est plein de vitalité et recèle un immense potentiel qui ne demande qu'à être canalisé sur des supports, des formats et des réseaux adaptés à l'air du temps. Il y a clairement des communautés passionnées, créatrices, dynamiques, productives et mûres autour de cette cause. Il n'y a aucune raison de la desservir par une stratégie réactionnaire.

J'ai aperçu un fil au sujet d'un projet collectif d'auto-édition, je m'y intéresserai dans les semaines à venir. Il serait intéressant, si ce n'a pas déjà fait, de faire un appel à témoignage de ceux qui ont tenté de publier: ce qui a marché, ce qui n'a pas marché, pourquoi, les erreurs à corriger, les retours, les coûts, les ventes, les études de marché, etc.
AVH: Les noyés,  La chute.

Jeu: Conflux
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#6
Eh bien, dans ce cas, à quoi attribuer la diminution spectaculaire des ventes de disques au début des années 2000 ? (voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_du_disque )

Je crois que c'est une erreur de considérer les choses de façon manichéenne et que c'est un sujet où il faudrait faire une typologie.
Je pense que le "petit" groupe profite du téléchargement, ça lui fait de la pub, et le "connaisseur" aura peut-être (voire sûrement) à cœur de le rétribuer en achetant le disque en support physique

Pour les "gros" comme Rihanna ou autre, c'est évident. Déjà parce que le "grand public" s'intéresse plutôt à la chanson qui marche en radio et pas forcément au reste (si tant est qu'il soit digne d'intérêt, d'ailleurs). Du coup, les gens téléchargent ce qui les intéresse et n'achètent rien.

Ce qui est sûr, c'est que les maisons de disques n'ont pas su réagir au téléchargement, et que l'offre en streaming aurait du se développer immédiatement plutôt que de faire la chasse aux "pirates". D'une certaine façon, c'est de plus bien fait pour elles, puisqu'elles avaient réussi le tour de passe-passe de faire racheter aux gens des disques qu'ils avaient déjà en vantant le support CD (alors que les premiers CD avaient un son désastreux), puis une autre fois avec les remastering (et bonus tracks, etc). Il est d'ailleurs intéressant de constater que les maisons de disques ont commencé à faire du travail sérieux sur leur catalogue (remasterisations correctes, éditions luxueuses, etc) à partir du moment où le téléchargement s'est vraiment implanté.
Il est amusant de constater aussi le retour actuel au vinyle (beaucoup moins facile à pirater) qui, couplé avec un code de téléchargement est une offre plutôt cool (pour le connaisseur, s'entend).

Bref, c'est un sujet complexe...

Ce raisonnement se transpose difficilement sur les bouquins. Je peux plus aisément concevoir une certaine complémentarité entre le gratuit et le support physique payant, parce que lire sur écran n'est pas très agréable. Cela dit, avec les liseuses et autres tablettes, il est possible que cet inconvénient disparaisse... et que le gratuit soit alors véritablement nocif pour le livre physique.

En l’occurrence, je pense qu'il est toujours plus attrayant pour le consommateur de payer pour quelque-chose d'inédit que pour un truc accessible gratuitement, surtout si le prix est élevé. Donc l'attitude du Grimoire ne me parait pas scandaleuse (la revue Héros fait de même, en passant). Par contre, ils pourraient jouer sur le fait de s'appuyer sur la "renommée" de certains auteurs dans le cercle des initiés (les "multi-Yazés" pour faire simple) pour proposer de l'inédit en support physique venant de ces auteurs fiables. Ou alors, éventuellement, proposer une AVH déjà dispo gratuitement, mais retravaillée, rallongée, etc.








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#7
C'est vrai qu'il n'y a eu aucune évolution technologique depuis les années 2000, hein, c'est vrai quoi, je vois plein de monde se balader dans les rues de nos jours avec un baladeur CD...
Il faut vivre avec son temps, chose que l'industrie musicale refuse de faire, se tirant une balle dans le pied.
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#8
(04/10/2012, 10:17)H.d.V a écrit : Eh bien, dans ce cas, à quoi attribuer la diminution spectaculaire des ventes de disques au début des années 2000 ?
Rien n'est figé et les conditions culturelles et industrielles changent. L'industrie du disque est devenue partiellement obsolète avec l'arrivée fin 99 de la transmission audiovisuelle sur internet. Comme les qualités de ce médias sont d'être immédiat, peu coûteux (3% du SMIC), interactif, permanent, quotidien, volumineux, etc., cette nouvelle technologie a tout de suite attiré les gens, un marché a émergé pendant que sombrait son ancêtre.


Citation : Du coup, les gens téléchargent ce qui les intéresse et n'achètent rien.
Sur ce point, je ne le dirai pas comme ça: les gens téléchargent de tout et achètent ce qui les intéresse. Exemples:
Du fast-culture à un euro la pièce intéresse.
Une galette lisse à 20 euros n'intéresse personne.
Un coffret double-album bien ouvragé intéresse.
Un professionnel qui fait de l'étron à prix d'or n'intéresse pas.
Un livre bien soigné intéresse.
Etc.

Pour le reste, je partage entièrement ta vision.

J'ai l'impression que les liseuses sont actuellement au livre ce que le téléchargement est au dvd acheté "pelé": un confort à peu près équivalent qui va amener deux stratégies viables: bas prix, quantité de ventes pour les fichiers numériques, voire abonnements à des publications. Prix moyens à forts, offre de qualité pour les livres.

Quant au choix du Grimoire de ne pas distribuer des œuvres primées, ni en matériel, ni en virtuel, ni gratuitement, ni en faisant payer, je pense que c'est une erreur mais cela ne m'empêche pas de dormir la nuit.
AVH: Les noyés,  La chute.

Jeu: Conflux
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#9
Voilà Zyx a raison, les gens achetent si le produit offre réellement un + par rapport au gratuit, comme par exemple un cd vendu a un prix honnête (rarissime hélas) et comprenant un packaging d'enfer (comme je ne sais plus quel anime qu'un pote m'a montré, le coffret était magnifique !)
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