Gwalchmei a écrit :@Kraken : merci ! Pour moi, le héros principal de cette nouvelle est bel est bien la venelle. Dutreuil n'est que l'usager de ce lieu hors du monde où il peut laisser libre cours à ses pulsions nées d'une peur maladive. C'est lui qui pense croiser une sorte de créature surnaturelle. Finalement, il s'agissait sans doute de quelque miséreux que la vie n'avait pas épargné, mais bien moins repoussant que ce que l'imaginaire du négociant en avait fait.
Quand j'étais enfant, j'avais lu "The street / La rue" de Lovecraft. J'en avais retenu à l'époque que la poésie des mots. Ce n'est que plus tard que je compris le message beaucoup moins glorieux que véhiculait cette histoire. Peur, xénophobie, on a tout dit sur ce texte. Je me suis senti floué d'avoir apprécié ce récit qui était chargé d'une toute autre intention que ce que je croyais et colportait en fait beaucoup de haine.
Ma propre nouvelle est une sorte d'expiation en reprenant le thème du passage imprégné des souvenirs de ceux qui l'ont empruntés ! C'est souvent le contexte, voir l'opportunité, qui fait basculer l'âme humaine dans l'horreur. Pour l'anecdote, cette ruelle existe vraiment (quoique j'ai beaucoup exagéré son côté lugubre ^^) quelque part dans la cité de Roscoff.
Les appels à texte, c'est vraiment aléatoire. Un peu comme en musique. Il faut commencer à se faire un petite place pour être plus facilement publié. Mais j'avais surtout soumis ça pour l'expérience. Très déçu du retour par contre. Pas un mot, pas un commentaire. Un laconique mail pour te renvoyer dans tes 22 ^^
It's a long way to the top if you wanna rock and roll ^^
Espérons que ce fil de discussion fera des émules et que l'on découvrira d'autres productions des membres du forum...
J'ai lu ta nouvelle ce matin : comme Kraken, j'ai beaucoup plus songé à Jean Ray qu'à Lovecraft, même si j'ai au départ cru que la créature de la ruelle était une émanation du cauchemar d'Insmouth... La nouvelle est bonne mais il y a quelques maniérismes d'écriture qui expliquent peut-être son refus. Outre la scission trop forte entre tes deux parties, qui génèrent en fait deux personnages centraux (la venelle et Dutreuil) dont l'interaction s'incarne dans la créature, il y a, notamment au début, des constructions trop récurrentes (notamment des juxtapositions en fin de phrase) et peut-être une certaine tendance à saupoudrer des adjectifs dans le texte. En revanche, la deuxième évocation de la ruelle, avec la scène de la rencontre, est bien décrite (il y a une vraie tension, qui précède et accompagne le déchaînement de violence) et tu as bien fait de ne pas mettre un "twist" qui aurait paru artificiel.
Concernant Lovecraft, je pense que tu as tort de rejeter "la ruelle" sur le critère de son racisme ambiant car, si tu appliques à Lovecraft cette grille de lecture, tu es condamné à rejeter toute son œuvre y compris les grands textes, qui restent des chefs d'œuvre. Il n'y a pas lieu d'en vouloir à Lovecraft, qui a été victime de son époque et du traumatisme d'une expérience ratée de vie à l'américaine, qui a viré au cauchemar et l'a contraint à fuir New York pour retrouver Providence. Il n'était pas fait pour ce monde de compétition (sa vie est une sorte d'enfermement volontaire) et a trouvé des boucs émissaires qu'il a sublimés dans son œuvre littéraire, dont le moteur est la haine du monde réel. Mais ça n'enlève rien à sa valeur et à sa puissance d'impact, qui est d'une force extraordinaire. Je pense qu'il est difficile, pour un adolescent découvrant Lovecraft, de ne pas être ébranlé au point de vouloir, à son tour, prolonger par l'écriture l'émotion ressentie à la lecture. C'est l'une des raisons pour lesquelles Lovecraft a eu autant d'épigones, y compris au sein du forum vu le nombre élevé d'AVH qui l'évoquent ! L'essai de Houellebecq sur Lovecraft est, à ce titre, magistral : il se lit rapidement et mérite d'être lu.