Frustration de l'auteur et changement d'incarnation
#1
Hello à tous,

Attention : Si vous n’avez pas lu « Jardin d’hiver », je compte l’utiliser comme exemple ici… donc risque de spoile.

Je voudrais lancer un sujet sur un problème (selon moi) déjà évoqué : la frustration de l’auteur.

Elle se résume en 2 lignes (pour un 50 sections standard):

L’auteur a écrit 15 000 mots.
Le lecteur a lu 5 000 mots.

Moi, ça m’énerve (faussement, mais un peu quand même).

De façon sous-jacente, il y a bien évidemment la question de la réjouabilité et du talent de l’auteur à donner cette envie.
Mais pour détailler un peu plus cette frustration, c’est plus de savoir que le lecteur est passé à côté de sections fondamentales pour comprendre ou vivre l’histoire qui m’est le plus irritant, que de faire en sorte qu’il ait tout lu, ce qui serait idiot.

Et voilà qu’en essayant les changements de point de vue (changement de héros en cours de lecture dans « Jardin d’hiver »), quelque chose s’est passé, sur cet aspect précisément, et je me permets d’en faire le debrief avec vous :

-          L’attachement, un risque à double tranchant : Le lecteur peut ne pas adhérer à la 2e incarnation proposée, ou le contraire, être plus à l’aise. Je pense que l’opposition d’incarnation de base devrait se faire systématiquement sur le genre, rejoignant ainsi une thématique déjà abordée : le genre du lecteur vs le genre du héros.

-          La compréhension de l’histoire sous un nouvel angle : Ça, c’est cool ! Car alors, le 2e héros apporte un nouvel éclairage sur ce qui s’est passé, SANS qu’il y a ait à rejouer des sections !
C’est ce 2e point qui m’a le plus marqué. Cette possibilité d’apporter un éclairage différent sur la trame du récit est vraiment sympa en termes de ficelles, mais elle a un coût : la restriction structurelle.

Si ce choix A/B a une conséquence sur l’aventure du héros2, la ficelle est tout de même pas mal pour la rejouabilité, car on peut vite imaginer que le Heros2 part avec un handicap à cause du Heros1 !
Mais en structure, le Héros2 a forcément 2 entrées au lieu d’une : une entrée conséquence du choix A, et une autre du choix B.

Mais si ce choix A/B n’a pas une conséquence sur l’aventure du héros2 , cela change tout !
Autrement dit, c’est en écrivant le Héros2 que j’ai compris que rien ne s’opposait à ce qu’il sache et dévoile des éléments que le Héros1 avait manqué, surtout si cela n’avait pas de conséquences sur l’aventure du Héros2, car alors, cela apportait une satisfaction au lecteur : comprendre.

Ainsi, la rejouabilité n’est plus dépendante uniquement d’une envie d’essayer autre chose, mais bien d’arriver à une situation satisfaisante pour jouer le héros2. La différence très importante est que ce comportement est entre « la triche » et « la découverte », car alors le lecteur sait ce qu’il cherche, mais n’a pas encore lu les sections concernées. 

Mais peut-être avez-vous d'autres analyses ?

Ma prochaine expérience sera de tenter un décalage temporel : Que le héros2 ne soit pas « à la suite », mais avec un chevauchement temporel, qu’ils se croisent…

https://www.quefaitesvous.com
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#2
C'est sûr que ça peut énerver de savoir que le lecteur va passer à côté de quelque chose d'important. J'essaie de mettre les éléments essentiels à l'histoire dans les paragraphes de jonction obligatoires (sûrement la technique de beaucoup d'entre nous).

Pour ce qui est de l'attachement pas rapport au genre, en tout cas pour moi ça ne fait aucune différence. En réalité, je m'en fou totalement que le personnage me ressemble ou pas, je dirais même que plus c'est ''différent'' plus c'est intéressant.

J'avoue que le concept des héros qui se croisent est plus séduisant que jouer les personnages à la file, mais j'aime le concept d'avoir différents angles sur la même aventure. Ça me fait penser à RE4, où Léon croisent Ada à quelques reprises. Quand on a terminé le jeu, on peut le refaire en jouant Ada, et c'est vraiment cool de refaire l'histoire de son point de vue, avec son propre parcourt entre les jonctions.
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#3
Cool 
En ce qui me concerne, j'ai dépassé ce stade il y a bien longtemps, car je pense en terme heuristique : il y a de très grandes chances que tout ait été lu au moins une fois par un des jouquineurs Frustration/OFF

Concernant l'aboutissement de la structure scénaristique, le fondamental est qu'arrivé à n'importe quelle fin, les raisons de cet état final soit cohérent avec le parcours effectué. Dans la cas d'un OTP, l'idéal serait que le texte donne un indice ou un éclairage sur la raison de l'échec pour aider le joueur dans sa tentative suivante, soit de donner un indice sur d'autres PFA connexes ; bref, rentabiliser l'échec et tenter de gratifier le jouquineur.

Partant de là, il n'y a plus de fins inutiles (que j'appelle punitive car éjecte le jouquineur du récit émergeant de ses choix). Les différentes fins complètent alors l'univers et ses intrigues au fil des déconvenues. La façon la plus élégante de faire un récit arborescent en ce qui me concerne : c'est le paradigme utilisé pour CONSOMPTION (à lire et à relire, merci Mrgreen ). Cela génère une envie d'en découvrir plus, surtout si chaque option amène son lot d'informations spécifiques, soit selon la stratégie du jouquineur, soit selon celles des protagonistes qu'il croisera.

Je pense que l'astuce de faire un changement d'avatar en cours d'aventure juste sous prétexte de "non ne ratez ma super idée" n'est pas pertinente en soit. En gros, tu t'obliges tordre ton récit non pas pour son bénéfice, mais pour le tiens qui est justement non diégétique. Et c'est mal. J'en suis d'autant plus convaincu que j'ai exactement fait la même connerie (car s'en est une) dans CONSOMPTION (lol). J'avais prévu une section "spoil" avec justement un PnJ (une IA dans ce cas-là), qui servait justement de "rattrapage". Le problème est justement que ça spoil et émousse au mieux, détruit au pire, tout intérêt de faire d'autres essais, vu qu'on a tout.

IL faut sortir de cet aspect "tout lire" : le principe fondammental de l'arborescence, c'est l'incomplétude. Donc si tu veux qu'on lise tout, mets-toi aux romans ; ou bien décrit ton univers et structure ton récit de façon à motiver une relecture parce que le joueur doit avoir envie d'en savoir plus sur ce monde et les possibilités inexploitées de leurs tentatives précédentes. C'est la formule gagnante Yep

La suite avec les héros qui se croisent me plait bien ; mais là aussi, bien faire attention à ce que les libertés de chacun et tous les choix ne se contredisent pas, tant dans les faits exposés, que dans les sous-entendus mefiant
сыграем !
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#4
Je comprends cette frustration, mais à vrai dire moi je le vis en sens inverse. J'aime bien cacher des textes dans des chemins presque cachés, dans le sens où les règles rendent leur accès vraiment difficile. Je l'ai fait notamment pour ce mini-yaz, mais bien sûr les personnes qui lisent sans suivre les règles (elles ont le droit, je le fais aussi Smile) sont immunisées à ces murs !! Big Grin

En tout cas j'aime bien l'idée que certaines personnes tombent sur des passages rarement lus. C'est aussi pour ça que j'ai beaucoup de mal à me motiver pour des narrations plus classiques comme le roman.
Blog jeux : http://www.feldo.fr
Blog nouvelles : http://www.enkidoux.fr
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#5
Merci pour vos remarques qui nourrissent une réflexion de fond, je crois, au moins pour moi.

@flam

Citation :J'essaie de mettre les éléments essentiels à l'histoire dans les paragraphes de jonction obligatoires

Yep. Idem

Citation :au genre, en tout cas pour moi ça ne fait aucune différence.

Oui, et je pense que la majorité des auteurs ici ne sont pas impactés. Mais si on considère un lectorat moins aguerri, ou un lectorat "jeunesse", ce point peut avoir une importance, ne serait-ce que "marketing" ...

Citation :ça peut énerver de savoir que le lecteur va passer à côté

Oui, mais plus loin que l'orgueil et sa déception : le lecteur/joueur ne propagera pas : "ce texte est cool".
En fait, les lectures faites sur QFV laissent une trace très précise (et anonymisée) de tous les choix faits, par session, en temps réel. Aussi, quand j'ai fait tester "jardin d'hiver" à de purs lecteurs, sans aucune expérience AVH, j'ai vu les traces... ce qui m'a amené à ce thread. Alors que les "joueurs" ont d'autres comportements Wink

Je rebondis là-dessus en réponse à Feldo.


@Caïthness

Citation :j'ai dépassé ce stade il y a bien longtemps

Cool !


@Feldo

Citation :J'aime bien cacher des textes dans des chemins presque cachés

Je crois que c'est là le point. Merci !

L'esprit "easter egg" est un esprit de joueur, de dev (que je suis aussi, et que je fais régulièrement avec mes étudiants. J'adore ! Wink ).
Aussi, cette réflexion me fait avancer pour avoir un pas de recul en ayant une vision plus globale de l'axe lecteur/joueur.
Pour lier avec la remarque de @flam, je pense qu'un joueur, si le gameplay est bon, va retenter. Alors que le lecteur, lui, se barre s'il ne saisit pas qu'il est passé à côté, si on ne lui met pas le nez dessus.

Et donc, ma réflexion est sur le dosage, les degrés, et surtout l'identification des leviers, à l'adresse des uns et des autres (lecteurs vs joueurs). A l’extrême, on a les Visual Novel et autres jeux Eroge, où il y a une forte linéarité segmentée par des mini-jeux sans aucun rapport.

J'en viens à me dire que cette opposition lecteur/joueur amène à l'opposition comprendre/gagner (permettez que je réfléchisse en écrivant !)
et, plus loin peut-être, la dialectique entre les deux.

Et qu'au fond, la question serait un équilibre sur : est-ce que gagner permet de comprendre ? Et sinon, qu'apporte "gagner" ?

C'est une vraie question, de mon point du vue.
Dans les système de survie, cette question ne se pose pas : tu n'as plus de point de vie, et ben t'es mort, donc l'histoire s'arrête. Il en est autrement dans les narrations où les choix impliquent un accès à une information sans pour autant être une fin.

Bref, j'ai découvert les changements de point de vue comme une vraie surprise pleine de promesse, comme un levier puissant sur la narration, et encore, je n'ai pas approfondi un aspect : mettre en scène et forcer une "empathie" où le héros2 est une grosse merde du point de vue du héros1, chose qui devient moins évidente quand l'inversion s'opère Smile

https://www.quefaitesvous.com
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