Les AVH au féminin
#31
Intéressant.
Dans l'exemple que tu cites, c'est un couple forcément "sentimental" (que ce soit un homme avec une femme, deux hommes ou deux femmes) ou aussi simplement "professionnel", voire amical (Astérix et Obélix, Fafhrd et le Souricier gris, Tintin et le capitaine Haddock...) ?
Anywhere out of the world
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#32
J'avais dans l'idée un couple sentimental, dans l'idée que ça donnait plus de background et de profondeur à la relation.
" Ashimbabbar m'a donné une dague et une épée et m'a dit
: Transperces-en ton corps; elles furent forgées pour toi."
Poème d'Enheduanna
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#33
Citation :J'avais dans l'idée un couple sentimental, dans l'idée que ça donnait plus de background et de profondeur à la relation.


C'est une super idée !!!

tu commences par un point de vue homme , sa compagne est superbe, etc. plein de sentiments et tout et tout, c'est chouette, complémentarité ++ , et il veut tout le temps faire des trucs [PEGI 18] , ça marche à fond, une petit caresse tendre par ici, un petit clin d'oeil provocateur par là etc.

et PAF!!

tu renverses: le lecteur chauffé à blanc, bien incarné, se retrouve à jouer l'héroïne pleine de sentiments exactement au même niveau [PEGI 18] ou complétement à l'opposé, en décalage complet: elle pense à un enfant, à l'avenir etc.

cad: je tire l’élastique du lecteur et par surprise je lui fait bien claquer son slip d'un coup sec au milieu du front

Moi je pense qu'on pourrait appeler cette pattern : le sceau de glace (sans faute) Smile Smile Smile

Blague à part ,
Je trouve l'idée très bonne, même si, je me dis que je l'envisagerais pour ma part (double héros) par le biais de frere/soeur, permettant des sentiments distincts et des affirmations d'autonomie sentimentale. Aussi, il y aurait les sentiments Filia entre-eux et tous deux auraient Eros avec des PNJ , ce qui permettrait des croisements d'empathie du lecteur sans l'impliquer.
 
On en revient au sujet principal : si on est d'accord qu'une AVH est avant tout une incarnation, comment rendre l'incarnation du sexe opposé "acceptable" ? Quelles sont les limites ?

Sachant que peut-être, tout simplement, ce n'est pas possible. Que dans la littérature (ou les films) il y a des films qui parlent aux femmes et d'autres qui parlent aux hommes et point barre.
Moi je pense que tu as raison @ashimbabbar: il faut prévenir le lecteur.

Une idée me vient, à cette sortie de l'hiver pleine de télé-travail: le film de TF1 à 14h15 : le prince de noël , la surprise de noël, les boules de Noël, le père de Noël, la maman de stifler etc. toutes ces comédies romantiques très ciblées : sommes-nous capables d'écrire ce genre de comédie romantique millimétrée en AVH sans partir en zombiland ? Est-ce qu'un homme la lira ?

Je veux dire, est-ce qu'il est possible de convaincre un lecteur en lui disant: vas-y, lit ça. Tu va jouer une femme qui a une bibliothèque en faillite dans un village de montagne et suivant tes choix, le jeune beau cadre riche héritier quittera sa vie new-yorkaise pour vivre avec toi dans ton bled pourri ! Et à la fin tu l'embrasses! coool !!! incarnation !

Bref, je pense que qu'il y a des limites, et j'aimerais arriver à les définir: à partir de quel moment, en tant qu'auteur, on rend le héros-de-sexe-opposé hermétique au lecteur , cad qu'on casse le lien d'incarnation ?

Edition : Je pense que c'est au moment où on fait ressentir au PJ une affection positive (et+) pour un PNJ , avec pour facteur aggravant que ce soit inattendu . Mais que tout autre sentiment passe nickel.

https://www.quefaitesvous.com
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#34
Pour moi, il n'y a pas vraiment de problème pour l'incarnation : à la base, comme on en avait discuté par ailleurs, on accepte d'incarner un type qui, majoritairement, tue sans états d'âme... Dans la majeure partie des AVH, quelle que soit l'époque, on est un héros/une héroïne qui se bat et qui trouve normal, sans cas de conscience particulier, de tuer. Même si on incarne un personnage défini, extérieur, comme Loup Solitaire. Et ce dernier a beau être chevaleresque, honnête, loyal et n'en jetez plus, quand il faut répandre le sang, il y va.

Donc, on accepterait d'incarner sans états d'âme un tueur et on serait gêné d'incarner une femme ou un homo ? Ou un noir ? Ou une femme noire et homo (oui je sais, c'est ce que je propose dans Le rire de Gorulga, c'était la page de pub) ? Et pourtant, je suis sûr que chez certains, la réponse est oui.

Donc, je pense qu'il faut laisser le choix.
Laisser le choix au lecteur de s'envoyer en l'air ou pas, avec tel ou tel PNJ. Laisser le choix d'entamer une relation sentimentale et plus si affinité avec un/une PNJ. Et dans ce dernier cas, il faut amener cette relation en amont, progressivement. Il faut décrire longuement le PNJ concerné, physiquement et caractériellement, afin que le moment venu, le lecteur s'en soit fait son idée et qu'il puisse choisir, en connaissance de cause, s'il a envie d'aller plus loin, si ce PNJ lui plaît suffisamment pour ça. Et c'est valable pour une relation amicale aussi.
Par contre, ça bouffe énormément de paragraphes. Dans Alshaya, quand on apprivoise Suarra la panthère noire, ça se fait trop rapidement mais si j'avais voulu être vraiment réaliste, ça m'aurait imposé des passages entiers. Pareil pour notre rencontre avec Taïta le scribe pygmée : j'écris dans le paragraphe suivant qu'au fil des jours, on a sympathisé avec lui et qu'il est devenu notre ami. Là aussi, c'est bien trop court, bien trop rapide. Mais c'est un raccourci obligé quelque part. Pareil donc pour la relation sentimentale : on aura beau la préparer, faudra bien un moment où brusquer les choses et faire comprendre au lecteur qu'il est accroché.

A la limite, la relation cul est plus rapide et plus simple. Le lecteur choisit si, oui ou non, il veut passer un bon moment avec tel PNJ et merci, au revoir.
C'est bien connu : le cul rapporte, l'amour coûte (amis de la poésie bonsoir).
Anywhere out of the world
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#35
Ta dernière remarque me fait penser à une interview de Wong-kar-Wai que j'avais lu étant jeune (il se trouve que c'était un camarade qui l'avait interviewé avant qu'il soit vraiment connu en France). Il parlait du film "Happy Together" où Tony Leung et Leslie Cheung incarnent un couple homosexuel (le film est un chef-d'oeuvre pour moi) et Tony Leung, qui n'était pas gay, était réticent sur les scènes d'amour. Wong-Kar-Wai lui a dit: "j'ai réussi à te faire tourner une scène où tu tombes amoureux d'une bouteille et tu ne pourrais pas tomber amoureux d'un homme ?"
Cette remarque m'a marqué. Incarner un personnage ce n'est pas être ce personnage. C'est comme le carnaval. Je trouve ça dommage si on se limite à certains types proches de ce qu'on est vraiment, ça voudrait dire que notre imaginaire s'est terriblement appauvri... j'aimerais bien au contraire pouvoir forcer l'imaginaire des gens, que tout ça ne soit pas trop pris au sérieux.
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#36
Happy together est un film assez étonnant et détonnant, j'ai été surpris par la virée de ce couple inattendu, toxique, de ces deux amants asiatiques paumés en Argentine. La musique est très bonne dans mes souvenirs. Wong-Kar-Wai a du talent pour nous proposer en général des marginaux superbes, des personnages atypiques, inattendus. 

Autant que je m'en souvienne, les scènes intimes étaient assez sobres. Beaucoup plus osé est Vies brûlées de Marcelo Pineyro, avec l'histoire brute, tirée de faits réels, de deux malfrats argentins, en 1965. Deux tueurs sans états d'âme que l'on surnomme "les jumeaux" mais qui sont en fait amants. Sentant leur couple se défaire, ils pensent se retrouver en participant à un casse proposé par Melito, un autre malfrat. Le casse réussit, l'Argentine entière est en émoi, toutes les polices du pays se lancent aux trousses du gang dont les membres (les deux amants, Melito et sa maîtresse, encore mineure) ont fui, semant les cadavres derrière eux et se terrent dans un appartement de Montevideo en Urugay.

Le film est âpre, violent et cru (interdit aux moins de 18 ans dans certains pays). L'histoire est d'abord un roman, Argent brûlé, de Ricardo Piglia qui a écrit l'histoire telle que la lui a raconté la compagne de Melito, rencontrée par hasard dans un train quelques années plus tard. Je préfère largement le roman au film : ce dernier se focalise sur les deux tueurs amants, occultant les autres membres du gang, ce qui est dommage. Le roman donne la parole à tous, relatant ces faits réels du point de vue des membres du gang mais aussi des flics, des journalistes, des témoins...

Désolé pour le petit hors-sujet...
Anywhere out of the world
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#37
Citation :Donc, on accepterait d'incarner sans états d'âme un tueur et on serait gêné d'incarner une femme ou un homo ?


Ben oui, et c'est complètement dingo, mais oui

tu me proposes une AVH où ça étripe de l’aztèque toutes les 5 secondes en haut des pyramides pixelisées tellement y a d’escaliers : no problemo
Sacrifice de vierges ? Ok, combien y'en faut ? Est-ce que le chats et les chiens comptent  pour l'invocation ? Et s'ils ont un prénom humain ça compte plus ?

par contre, en héros masculin, tu me fais rouler une pelle au vieil espagnol barbu (genre soirée sancho & pedro) ou en héroïne une paloche à Mendoza ou une vieille gougnotte tout aussi barbue, ben non => [rendez-vous dans la corbeille]

Bien évidemment, ces quelques phrases enlevées ne cherchent qu'à gentiment, par le biais de la légèreté et de la finesse, passées au tamis du subtil, ramener à la question : pourquoi ça vous défrise de jouer une femme ? avec pour corollaire : pourquoi peu de femmes lisent des AVH ?

Ma réponse: Parce que personne ne veut incarner des désirs qui ne sont pas les siens, éventuellement en spectateur pour comprendre (roman), mais certainement pas en tant qu'acteur.

Ce qui revient à la conclusion de @AshimBabbar : si on est prévenu: why not. Mais pas imposé en milieu de lecture.

Ce que je regrette, c'est qu'il n'y ait pas d'autrices/lectrices pour venir dire leur avis sur les héros masculins.

https://www.quefaitesvous.com
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#38
En même temps tout dépend de la description. Même rouler une pelle à une femme ça peut être gênant dans une AVH. Je pense qu'on se focalise trop sur cet aspect mais la question c'est surtout le rapport à l'intime. Si le héros fait des trucs qui s'éloignent trop de ce qu'on est (ou de l'image qu'on a de ce qu'on est), ça peut casser l'immersion. Et ce sont souvent des détails qui tuent.
En général l'auteur ne dit pas quand tu te grattes les couilles ou que tu essuies une morve de ton nez. Ce n'est pas parce qu'on le fait jamais. A la limite on peut dire que tu vas aux toilettes, si ça sert l'intrigue, il est peu probable qu'on s'attarde sur l'état de ton transit intestinal. Si il faut rouler une pelle à un mec parce que l'intrigue l'exige, ça ne me pose pas de problème. Mais si tu passes un paragraphe à décrire la salive, bof.
Souvent dans une AVH l'ellipse permet de renforcer l'immersion et l'identification. Vous allez aux toilettes. Point barre. Imaginez le reste. Vous vous embrassez. L'imagination du lecteur fait le reste. La profusion de détails au contraire renforce la distanciation, même si ça peut sembler paradoxal.
Moi, dans les Maîtres des ténèbres, quand je tue un fou et qu'en plus je reçois une récompense parce que je l'ai tué, ça me gêne plus que si LS roule une pelle à Banedon. Parce que les commentaires des gardes qui me félicitent me plongent dans la situation et je me dis: "mais c'est horrible, l'auteur est en train d'expliquer que c'est civique de tuer une personne déséquilibrée." S'il n'y avait pas cette récompense, ça passerait mieux. Ellipse. Personne ne dit que ce que tu as fait est bien.
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