La mine perdue de Phandelver
#76
Effectivement un combattant mis à terre n'aurait que peu de chances de s'en sortir, surtout s'il porte une armure lourde car il ne va pas pouvoir se relever "aussitôt".
Si le système veut ça, difficile de changer. Je préfèrerai que les mises à terres soient beaucoup plus difficiles à réaliser, voire impossible si l'adversaire ne peut manifestement pas être renversé par son adversaire actuel, et que la mise à terre soit beaucoup plus dangereuse pour celui qui en est victime. Histoire d'éviter l'effet comique incongru.
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#77
(25/10/2022, 08:13)tholdur a écrit : Effectivement un combattant mis à terre n'aurait que peu de chances de s'en sortir, surtout s'il porte une armure lourde car il ne va pas pouvoir se relever "aussitôt".

Bien sûr que si.

Faut arrêter avec ce cliché des armures qui sont des handicaps pour leurs porteurs, par pitié. Les gens étaient pas plus cons au Moyen Âge que maintenant, et comprenaient déjà très bien que chaque seconde à terre dans un champ de bataille diminuait sacrément les chances de jamais se relever un jour. Les armures étaient donc pensées pour ces cas de figures.

C'est un cliché que n'a pas inventé D&D (cf les vieux films où les chevaliers sont treuillés sur leurs chevaux parce qu'ils ne peuvent pas lever la jambe dans leurs mauvaises reconstitutions d'armures médiévales), mais je lui en veux beaucoup de continuer à le colporter aujourd'hui, avec un « équilibrage » des armures qui tient du grand n'importe quoi.

C'est d'autant plus rigolo, car l'une de ses inspirations, c'est la légende arthurienne, où, là, au contraire, il y a peut-être légère exagération dans l'autre sens, avec ces chevaliers qui semblent porter leurs armures du matin au soir avec la même aisance qu'un jogging.
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#78
Oui les véritables armures n'étaient pas si "lourdes".

Quand on dit "armure lourde", on pense tout de suite à quelque chose de lourd et massif du genre qu'on peut voir dans Skyrim (Orc, Dwemer, Ebonite...) enfin c'est mon cas! Un gros truc qui protège un max, mais que seules les classes robustes (guerriers) sont capables de (sup)porter tant elles pèsent lourd (là Skyrim est le contre exemple car un mage peut très bien développer des compétences en armure lourde). Du coup, je garde l'image que dans ce cas, il n'est pas possible de se remettre sur pied comme si de rien n'était.
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#79
Plusieurs choses à commenter


1. Quand je disais que, en combat réel, un combattant tombé à terre ne se relèverait sans doute pas avant d'être tué, à moins d'avoir des alliés, je ne faisais absolument pas du tout référence aux poids des armures et la difficulté physique de se relever. J'entendais par là qu'en combat réel, c'est une telle situation de précarité, surtout à plusieurs contre uns comme c'est le cas pour notre hobgobelin ici, que le combattant se fera sans doute ruer et achever avant d'avoir pu se relever. L'exception étant que, dans un combat en formation, ou s'il a des alliés proches dans le cas d'une escarmouche, ils seront capables de "prendre en charge" ses adversaires le temps qu'il se relève.
Par ailleurs, le hobgobelin n'avait pas une armure complète médiévale type harnois comme on le voit sur la vidéo, il a juste une cotte de maille et un bouclier.

2. Non, le cliché des armures trop lourdes pour se déplacer ou se relever n'a pas été inventé par D&D, en effet. Les auteurs des temps modernes (XVIème-XVIIIème), déjà, se moquaient des supposées armures et armes très lourdes du moyen-âge, à l'époque où les mousquetaires du roi se battaient en vêtement et avec une légère épée de cour.
En réalité, même les épées à deux mains pesaient maximum 2kg et les armures complètes de bataille n'étaient pas aussi encombrantes que les armures d'apparat ou de joute équestre.

3. D&D 5ed ne donne absolument aucun malus aux personnages en armure lourde pour se relever ou de bonus pour ceux qui essaient de les jeter à terre.

4.
Par ailleurs, Gary Gigax, le co-auteur du Donjons & Dragons d'origine, était un homme instruit et féru d'histoire, il n'a pas trop fait de grosses bourdes sur l'équipement médiéval.
La confusion entre une épée à une main et une longsword n'apparaît pas dans OD&D ni dans D&D Basic, par exemple, où on parle simplement d'épée à une ou deux mains. Ça n'apparaît qu'à partir d'AD&D... qui est de lui aussi, mais heum, oh regardez l'oiseau, là...
(Je note aussi que c'est AD&D qui ajoute le ring mail -sorte de broigne où les anneaux métalliques sont simplement cousus par-dessus un plastron de cuir ou une tunique en tissu plutôt qu'entrecroisés et rivetés entre eux comme pour une cotte de maille- à la liste de l'équipement, et qu'AD&D2 précise que les historiens ne sont pas sûrs qu'elle ait existé historiquement lol). Mais après, il faut comprendre aussi que les connaissances et les opinions des historiens ont évolué entre les années 70 et aujourd'hui.
Après, beaucoup d'erreurs de D&D par rapport aux armures sont dues soit à des habitudes de joueurs qui n'existent pas dans les règles ("il est impossible d'escalader en armure de plates"), soit dues à des éditions plus récentes.
Bon, faut avouer même dans OD&D, un personnage en armure de plates complète qui est jeté à la mer depuis un bateau a un 100% de chance de se noyer.
Je me souviens que les malus à la natation pour un personnage avec une armure lourde et de l'équipement dans D&D 3e c'était absolument délirant, aussi.
Mais globalement, c'est pas si pire. AD&D note que même les personnages en armure complète ont le droit à leur bonus d'armure dû à une forte Dextérité (chose qui n'existe plus depuis la 3ed, où les armures lourdes et moyennes ont un "cap" au bonus de Dex).
Y aussi des gros malus aux jets de furtivité, mais pour le coup, on voit bien sur la vidéo de Skarn qu'en effet, ça fait un boucan infernal de cliquetis rien qu'en marchant.

Dans D&D 5ed, les armures lourdes et certaines armures ont juste un Désavantage au jet de furtivité. Ça reste faisable.
Par contre, 5ed donne une cap de +2 bonus de Dex à la CA pour les armures moyennes et l'annule totalement pour les armures lourdes. Ça peut paraître absurde (bien sûr qu'on peux encore esquiver dans une armure lourde ! encore heureux !), mais en termes de gameplay, ça n'est pas délirant. Le principe de Bounded Accuracy fait qu'il n'y a jamais un écart trop énorme entre les personnages de faible niveau peu équipés et les personnages de haut niveau bien équipés ou les gros monstres puissants. Et comme maintenant, et depuis la 3ed, les bonus de Caractéristiques vont jusqu'à +5 pour une note de 20, si on laissait un perso avec une Dex de 20 porter la meilleure armure (CA 18), il aurait une CA un peu trop puissante (23) pour ce système.
Au final on se retrouve avec un "équilibre" où les persos niveau 1 avec 16 en Dex (bonus +3) et une armure légère (CA 11 ou 12) se retrouvent avec une CA de 14-15, et les persos avec une Dex moyenne et une armure lourde (CA 16-17) se retrouvent avec une CA de 16-17. C'est proche et c'est honnête. En montant en niveau, sans compter les armures magiques, on aurait notre voleur en cuir clouté (CA 12) et une Dex de 20 (bonus +5) avec une CA 17 et notre guerrier en armure de plate complète (CA 18) avec une CA de 18.
Ça reste raisonnable. (Ou avec des boucliers : CA 16-17 pour le voleur niveau 1, puis CA 19 avec progression ; CA 18-19 pour le guerrier niveau 1, puis CA 20 avec progression).

Je ne trouve donc pas que le système des armures de D&D, même 5ed, soit "du grand n'importe quoi". Attention, il est loin d'être parfait, j'ai plein de défauts à lui reprocher, mais quel système n'en a pas ? Les autres systèmes de jdr n'ont pas fait tellement mieux sans rendre les choses plus complexes.
J'aime bien les systèmes du type Fallout (difficulté à toucher + réduction aux dommages + un seuil pour ignorer la réduction des dommages), mais ça marche avec un ordi qui fait tous les calculs. Sur table, c'est pénible. (C'était déjà super pénible dans D&D3 quand il fallait calculer tous les bonus qui s'ajoutaient ou s'annulaient.)

5. Quand on parle d'"armure lourde", en général, c'est pas vraiment une référence à leur poids. On parle "d'armure lourde" pour les armures portées par l'infanterie lourde (ou la cavalerie lourde) par rapport à "l'armure légère" qui sont les armures portées par l'infanterie légère. C'est au sens où ils sont plus lourdement équipés.
Dans les armées grecques, par exemple, les unités légères, en linothorax voire sans armure du tout, allaient au combat avec des frondes et des épieux et servaient à affaiblir l'ennemi avant le choc des premières lignes. Les unités lourdes, les hoplites, avaient une cuirasse (plastron et dossière), un bouclier et des grèves, et elles servaient de pilier ou de troupes de choc. Cela dit, comme les parties métalliques étaient en bronze (8,9kg par dm3), qui est moins léger que l'acier (7,8kg par dm3) ça devait quand même sacrément peser son poids.

6. Les armures de plates complètes étaient faciles à porter, parce qu'elles étaient conçues de façon très ingénieuses pour distribuer leur poids sur tout le corps, contrairement aux cottes de mailles qui faisaient un peu trop reposer la majorité du poids sur les épaules. En plus, c'était en acier, un métal léger et souple.
Mais elles étaient quand même lourdes.
J'ai porté brièvement une sorte de chemise de maille. Ça s'enfilait comme un pull ou un poncho. Je ne suis pas très fort, d'accord, mais je peux vous dire que ça pesait son poids et qu'on sentait l'inertie du truc en se déplaçant. Et pourtant, ce n'était qu'une seule couche de maille entrelacée ! Les vraies cottes de mailles avaient 1) les anneaux rivetés entre eux, pas seulement entrelacés, sinon ça casse facilement, du coup il y a le poids des rivets en plus 2) plusieurs couches les unes sur les autres.
Et malgré tout, c'est essentiellement des trous.
Faut penser qu'un harnois complet, c'est du métal SOLIDE, pas des trous, sur tout le corps, plus des couches de maille à certaines parties moins protégées pour permettre l'articulation, comme sous les aisselles.
Alors, ça doit quand même peser, tout ce metal sur soi, même si le poids est bien réparti. Facilement 20kg.
Ça reste plus léger que le barda complet d'un marine américain d'aujourd'hui, cela dit.

6. Dans Skyrim on peut porter une armure lourde complète et quand même courir, nager, sauter verticalement quasiment sa propre hauteur, et même jeter des sorts (ce qui est traditionnellement une hérésie dans D&D) sans aucuns soucis. Par contre, à moins d'utiliser un sort pour assourdir son armure, aucune chance de réussir une approche furtive.

7. Arrêtons de polluer l'écriture d'Aurel !
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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#80
C’est drôle. Cette nuit, j’ai rêvé qu’en relisant mon journal, des pages apparaissaient entre mes entrées. Ça parlait beaucoup d’un certain Dédé (ou Déhédé), et aussi d’armures trop lourdes pour faire du jogging… J’ai pas tout compris.

Aujourd’hui, comme convenu, nous nous sommes retrouvés et nous avons commencé à faire le tour des échoppes. Première étape : le Lion Shield. J’avais grand besoin de renouveler mon stock de flèches : un de mes carquois était vide et l’autre n’en contenait plus que six. Je complétai mes emplettes plus tard dans la journée avec deux flasques d’huile et des rations en prévision du voyage que je pressentais.

Puis vint le moment de confier à des mains encore plus expertes que les miennes le soin de sauvegarder tout le patrimoine que j’avais préservé du pillage à Cragmaw Castle. Pour récompenser mon sens culturel, j’obtins du calice, du couteau et de l’encensoir 330 pièces d’or. L’économie, c’est comme un organisme : à l’intérieur, faut que ça circule, sinon tout dépérit.

Nous nous sommes aussi partagé les 10 pièces d’or issues de la vente du bâton de Goth. Concernant les autres armes, il fut décidé d’en faire don à la maréchaussée. À charge pour elle de nous rétribuer plus tard en faveurs et menus services… Et puisque c’était Nowel avant l’heure (une fête, chez les Hobbits, qui consiste à refourguer à la famille et aux amis d’anciens cadeaux qui ne nous plaisent pas), je décidai d’offrir Serre à Goth, pour accompagner le bouclier flambant neuf qu’il venait de s’offrir. L’épée était de toute façon trop lourde pour moi, décidément, et puis je crois qu’Arguy était jalouse… Le guerrier, en noble et grand homme, décida alors de nous faire cadeau du prix des réparations de nos armures, qui avaient pris cher (si j’ose dire).

Après tout ça, nous sommes retournés chez Barthen. Sa joie en revoyant Gundren faisait plaisir à voir ! Il fit un accueil chaleureux à son ami nain et lui rendit ses affaires précieusement conservées.

Le dernier arrêt fut pour Sildar. Pour avoir retrouvé le château et vaincu le roi Groll, une prime de 500 pièces d’or nous fut offerte, ce qui fait un sacré troupeau de chèvres. Ça me donnerait presque envie de devenir éleveur, si je ne l’avais pas déjà été.

Nous allâmes évidemment fêter notre immense fortune à la taverne. Là, entre deux chopes, Gundren nous confia finalement ce qu’il espérait de nous. Il désirait que nous nous rendions à cette fameuse caverne de l’Écho-des-Vagues, pour l’explorer et essayer de découvrir ce qui était arrivé à ses frères et associés. À la clef : une promesse de 25 pièces d’or par tête de pipe, mais surtout une part de dix pourcents des revenus générés par la mine, autant dire la fortune assurée jusqu’à la fin de nos jours.

L’accord fut scellé, et décision fut prise de partir demain matin. J’ai passé le reste de la journée chez tante Quelline, aussi surprise que contente de me voir rester plus d’une nuit à la ferme, pour une fois. Je lui ai fait part de l’ultime mission que Gundren venait de nous confier, et j’ai senti qu’elle se faisait de nouveau un sang d’encre, mais comme je venais de lui faire cadeau de 120 pièces d’or, elle n’a pas osé protesté.
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#81
Tu les enchaînes bien en ce moment ^^
Merci à toi.
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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#82
(27/10/2022, 17:40)Lyzi Shadow a écrit : Tu les enchaînes bien en ce moment ^^
Merci à toi.

Je suis déchaîné.
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#83
Nous sommes partis en direction de la caverne au petit matin, et il fallut une demi-journée de marche pour arriver à proximité du lieu indiqué par Gundren, une zone de vallées profondes à environ quinze milles de Phandalin.

Toujours suivant les indications du prospecteur, nous nous mîmes à chercher l’entrée de la grotte au milieu de la forêt, et finîmes par trouver une ouverture dans le flanc de la roche. Couverte par la végétation, totalement invisible de l’extérieur et tout juste assez grande pour laisser passer une personne à quatre pattes. Même moi, je dus me baisser, c’est dire.

C’est toutefois Fargrim qui ouvrit le bal, tout indiqué pour endosser le rôle d’éclaireur en raison de sa vision nocturne naturelle. J’étais derrière lui, ma lampe à capuchon à la main malgré l’étroitesse du tunnel. Heureusement, ce dernier s’élargissait au bout de quelques pieds.

Nous débouchâmes dans une large caverne soutenue par un pilier de roche naturelle, au sol hérissé de trois stalagmites. Dans la partie ouest de la grotte, derrière la colonne de pierre, étaient trois sacs de couchage… À côté d’eux se trouvait tout un barda : sacs de farine, de sel, barriques de viande salée, lanternes, flasques d’huile, pelles, pioches… Au milieu de ce capharnaüm gisait un corps, de petite taille…

Wulfwig alla inspecter la dépouille. Je l’accompagnai pour l’éclairer. Un nain, évidemment… La mort, visiblement violente, semblait remonter à plus d’une semaine. Fargrim nous rejoignit, lançant un sort de lumière qui chassa les dernières ombres luttant contre la flamme de ma lanterne. Le prêtre confirma ce que nous redoutions en reconnaissant le visage de Tharden, l’un des frères de Gundren.

Son corps présentait des traces de brûlure, mais, étrangement, ses vêtements semblaient avoir été épargnés. De la magie ? Je demandai son avis à Fargrim, le plus calé de nous quatre dans ce domaine depuis que l’équipe avait été amputée d’Anarondo. Possible, me répondit-il, que des dégâts nécrotiques aient été la cause des blessures, ce qui expliquerait l’absence de dommages sur les vêtements ; cependant, dans ce cas, les chairs auraient dû pourrir plutôt que brûler. Une autre hypothèse, toujours selon notre compagnon nain, était que quelqu’un l’ait torturé avec du feu avant de le rhabiller. Je ne cachai pas mon scepticisme face à cette dernière supposition.

Fargrim déchira une couverture pour en recouvrir le corps de Tharden. Laissant mes compagnons s’occuper du malheureux, j’entrepris de faire le tour de la caverne. Les parois éclairées par ma lanterne étaient en pierre naturelle. La roche avait été creusée de l’intérieur, et ceux qui s’était occupé du travail était doués, à en juger par la façon dont les murs étaient lisses. L’œuvre de nains, sans nul doute.

Puis nous nous dirigeâmes vers le nord-est de la grotte, où le sol paraissait s’être effondré. Cette section formait en effet un gouffre de dix pieds de large et vingt de profondeur. Une solide corde de chanvre était attachée autour d’une stalagmite voisine et pendait sur le côté de la fosse. Le sol paraissait grossièrement taillé à même la pierre brute en un tunnel qui reliait deux ouvertures : une au nord-ouest, l’autre à l’est. Un courant d’air venu de l’extérieur s’engouffrait dans le précipice, indiquant que, quelque part dans la mine, une autre issue communiquait avec l’extérieur.

Fargrim enchanta un clou, qui se mit à briller de mille feux. Goth le jeta au fond du gouffre pour m’éclairer le chemin tandis que je descendai à l’aide de la corde. Prudent, Wulfwig décida d’en accrocher une seconde à une autre stalagmite, de façon à nous ménager deux moyens de retraite en cas de fuite précipitée.

Il me sembla entendre un bruit distant à mi-hauteur, comme un grondement… Je crus d’abord que c’était mon imagination, mais Goth me rejoignit une fois à terre, empruntant le même chemin, et nous réentendîmes alors, tous les deux, cette fois, le même bruit lointain. C’était comme les vagues d’une mer sur un rivage… Le sol frémissait très légèrement à chaque fois que le son se faisait entendre.

Wulfwig et Fargrim descendirent à leur tour. « Séparons-nous. Ça me semble être la meilleur idée. » J’avais dit ça sur le ton de la blague, dans le but de détendre un peu l’atmosphère, mais le nain me prit au mot ! Je dois être trop sérieux au quotidien. Wulf et moi formâmes alors un premier groupe partant explorer le tunnel est, le prêtre et le guerrier se dirigeant dans la direction opposée.

Tout en marchant, je comptais l’intervalle entre chaque émission du bruit. Cent-vingts secondes… Le couloir, d’une hauteur d’environ dix pieds, faisait un coude vers le nord, une ouverture face à nous offrant une seconde issue vers grande salle dotée de bas-reliefs représentant des mineurs nains et gnomes. Des squelettes de nains et d’orques gisaient sur le sol. Depuis combien de siècles ?… « Bonjour, monsieur. Auriez-vous un nain nommé Nundro ? » adressai-je à l’un d’eux, mais je n’obtins aucune réponse. Contrairement aux murs, ils n’étaient pas très polis.

La salle comportait plusieurs issues mais je choisis plutôt de revenir dans le couloir pour explorer le tunnel au nord, l’archer sur mes talons. Au bout, un second couloir, similaire au premier, y mettait fin en proposant deux nouvelles directions orientées à l’est et à l’ouest. Nous en étions là de notre exploration lorsque Goth et Fargrim nous rejoignirent. D’après leurs dires, ils n’avaient trouvé que des filons abandonnés depuis longtemps. D’après Goth, c’était « moins carré qu’ici ». « Moins d’écho mais plus carré. » Je n’invente rien, tels furent ces mots. Il en manquait visiblement quelques uns, et je soupçonnai une stalactite de lui être tombée sur la caboche.

J’avançai donc en avant du groupe dans le couloir à l’est, lampe brandie, bien content de l’avoir avec moi. Je progressai lentement, attentif à d’éventuels pièges… Nous passâmes devant un couloir qui menait vers le nord, avant d’atteindre un carrefour. Devant, le corridor se prolongeait. Sur notre droite, donc au sud, une ouverture nous ramenait dans la salle aux bas-reliefs. Mais le plus intéressant était une porte de six pieds de haut et quatre de large qui se présentait à notre gauche. En pierre, et taillée, cette fois, avec poignée et gonds en fer. Elle était légèrement entrebâillée…

Je ne repérai aucun piège, et n’aimant pas les choses qui traînent, j’appliquai tout le poids de mon corps sur le battant pour nous ouvrir le passage. C’était toutefois beaucoup trop lourd pour ma petite constitution, et Goth dû me filer un coup de main, ou d’épaule en l’occurrence. À nous deux, nous parvinmes à révéler ce qui se trouvait derrière : un ancien dortoir, à en juger par les couchettes en pierre alignées le long des murs. Un vieux braséro métallique plein de charbon, corrodé par le temps, était au centre. Là aussi, des ossements de nains et d’orques jonchaient le sol. Des signes indiquaient qu’une bataille s’était déroulée ici il y a longtemps, et d’autres annonçaient qu’une nouvelle allait très prochainement avoir lieu, car, accroupies en train de mâchonner des ossements, trois silhouettes à la peau grise se tournèrent vers nous. Des goules !

Elles abandonnèrent aussitôt leur… Euh… Festin ? (Qu’est-ce qu’elles pouvaient bien trouver à ronger dans des os vieux de plusieurs siècles, sérieusement ?) Elles se relevèrent et s’approchèrent en toute hâte. Je les comprends : imaginez que vous passiez votre vie à sucer des cailloux, et que d’un seul coup on vous dressait une table avec un cochon de lait roti, un faisan chasseur, un gratin de courges au curry et une poire Belle-Hélène… Je laisse au lecteur le soin de choisir qui de Goth, Wulfwig, Fargrim et moi-même étaient le cochon, le faisan, la courge et la poire.

Le prêtre sortit un morceau de tissu blanc — ce qui colle parfaitement avec ma métaphore de nappe dressée ci-dessus, tiens — pour lancer un sort d’aide. Enfin, j’imagine que l’accessoire est indispensable au sort, sinon je comprends pas le délire. La première goule franchit la porte, et je fus ému devoir Goth brandir Serre en s’avançant à sa rencontre ! Je dégainai également Arguy, et bien m’en prit car la goule, ignorant le guerrier, se jeta sur moi ! J’esquivai d’un bond ses griffes tout comme elle évita le coup de taille asséné en riposte. La créature, contrairement aux apparences, était dotée d’une agilité féline… Je reculai pour laisser ma place à Wulfwig et sortis mon arc.

Le combat s’engagea entre les humains et les goules, qui arrivaient l’une après l’autre. Les épées taillaient dans la chair morte en arrachant des cris stridents. Elles n’étaient clairement pas insensibles à la douleur, malgré leur état mort-vivant. Fargrim et moi-même n’étions pas en reste, appuyant nos camarades à distance, le prêtre de ses flammes, moi de mes flèches. À nous quatre, nous vînmes à bout des trois créatures, mais Wulfwig se prit une sale blessure pendant l’affrontement…

Je fouillai rapidement la pièce pendant que l’archer se remettait du mieux qu’il pouvait. Il ne restait plus rien des lits après des siècles d’abandon à part leur sommier de pierre. Le braséro ne présentait pas non plus d’intérêt. Quant aux squelettes, je comptai trois nains et trois orques.

Avant de s’engager plus au nord, que nous supposions mener dans les profondeurs de la mine, nous décidâmes de revenir dans la salle aux bas-reliefs. J’éclairai de nouveau le chemin, lampe en main, mais alors que je m’engageai dans le passage, une nuée de gros moustiques nous fondit dessus ! Des striges !!!

Deux s’attachèrent à moi et commencèrent à me pomper le sang. Je parvins à en embrocher un mais l’autre esquivait mes coups. J’essayai de brûler l’immonde bestiole à l’aide d’une torche tombée à terre que j’avais ramassée mais rien n’y fit. Goth voulut m’aider en… lançant une javeline, mais sans succès. Ça valait peut-être mieux… Finalement, Œil-de-faucon — pardon : Wulfwig — décolla cette saloperie d’une flèche bien placée. Il restait un de ces odieux moustiques qui harcelait le guerrier. Je me ruai pour l’aider mais la carapace de l’abomination résista à la lame d’Arguy. Mes compagnons eurent heureusement plus de succès que moi et vinrent à bout de l’horripilante créature. Un jour, je créerai une arène rien que pour le plaisir sadique d’y faire s’affronter des hordes de striges et d’araignées géantes entre elles. Et peut-être même que j’y jetterai un ou deux ours-hiboux, tiens.

Nous prîmes le temps de nous soigner après cette rencontre désagréable (ce mot est un tel euphémisme que même le qualifier d’euphémisme est un euphémisme). J’étais sacrément anémié. Fargrim me toucha (en tout bien, tout honneur) pour me soigner par un sort, et je bus une de mes trois potions de guérison pour finir le boulot. Le prêtre se guérit également et je lui filai une des deux potions restantes car lui aussi avait été bien amoché. Faudrait pas que le stock continue à descendre à une telle vitesse, parce qu’on va vite se retrouver marrons…

On se remit en route après ça. Quatre couloirs plus ou moins réguliers partaient de la salle, il nous en restait donc deux à explorer. Je proposai celui au sud et repris mon rôle d’éclaireur. Les murs présentaient toujours les mêmes bas-reliefs. Le couloir se terminait sur un éboulement, mais un petit corridor perpendiculaire, à mi-chemin, donnait à voir deux portes. J’allai écouter aux deux, n’entendis rien et fis donc signe à mes compagnons qu’il n’y avait pas de danger.

Je m’en allai pour ouvrir la porte ouest (à notre droite, donc), mais Goth proposa de s’en charger à la place avec Fargrim, vu qu’elle semblait lourde. Il avait raison, et je ne discutai pas. Elle révéla, une fois poussée, des bancs fendus et des couchettes en pierre, quelques rateliers d’armes et, de nouveaux, des ossements nains et orques.

J’entrai pour apporter un peu de lumière dans la pièce… et aussitôt, les squelettes s’animèrent ! Qu’est-ce que c’était que cette histoire ! pourquoi eux et pas les précédents ? Je dois confesser être resté quelques secondes bouche bée (j’y peux rien : moi, l’illogisme, ça me défrise). Je repris mes esprits à temps pour esquiver un premier coup de glaive, mais ne put éviter le coup d’un second tas d’os. Ouch.

Wulfwig visa un des squelettes encore à terre à l’arc. Un tir magnifique : la flèche lui explosa la cage thoracique. Un autre squelette m’attaqua, j’esquivai de nouveau, mais j’étais surpassé par leur nombre, et le squelette blessé par l’archer en profita pour me faire une deuxième estafilade. Je n’en menai pas large, et c’était loin d’être fini car trois squelettes se mirent à bander des arcs pour me tirer dessus à leur tour. Comment un arc peut-il survivre à cinq-cents ans d’usure, c’est ce que j’aurais aimé savoir. Heureusement, j’étais partiellement couvert par les morts-vivants engagés au corps-à-corps, mais sur les trois traits, un me rentra tout de même dans le genou. Je grimaçai…

Fargrim, sans doute aussi stupéfait que moi, réagit enfin en lançant un sort de répulsion des morts-vivants. Par chance, le pouvoir de son dieu lui octroie cette faculté, autant dire que je bénissais présentement le jour où nous l’avions rencontré à Neverwinter pour l’engager. Accessoirement, il peut aussi rendre la vie, toujours grâce à son dieu. On sait jamais, ça sera peut-être utile…

L’un des squelettes, celui qui n’avait plus de côtes, sembla résister au sort, aussi je l’attaquai en priorité, mais Arguy rebondit sur un reste d’armure… Je choisis alors de me désengager pour aller me cacher en boîtant quelque peu sous l’un des lits en pierre, le plus intelligent à faire dans mon état présent. Goth intervint derrière moi et lui trancha net le crâne d’un coup de Serre.

M’ayant perdu de vue, le squelette suivant reporta son attention sur Goth. Le coup de glaive fut paré par son bouclier. Les autres étaient tous en train de se masser au fond de la pièce sous l’effet du sort de Fargrim. Wulf tira une autre flèche sur l’un d’eux, qui brisa de nouveau quelques os au niveau du buste. Un squelette voulut s’enfuir en passant devant ma cachette. Je lui sectionnai les jambes tandis que le marteau du nain fracassait sa boîte cranienne vide. Un second coup de marteau écrabouilla un deuxième mort-vivant entamé par l’archer.

Je sortis aussi vite que je le pouvais de ma cachette pour me dissimuler sous un autre lit, près d’un des squelettes, mais je fus vu par ce dernier. Comment un squelette peut-il voir sans yeux ? Vous avez trois heures. Tant pis : je pris le risque d’engager le combat, et mon coup vengeur manqua de peu de trancher le sac d’os en deux. Heureusement, Goth l’acheva sans que la riposte ait le temps d’arriver, d’un coup d’estoc dans le bassin qui rompit la colonne vertébrale.

Un autre squelette était au corps-à-corps avec le guerrier et le prêtre. Wulf lui explosa l’omoplate d’une flèche, et, peut-être déséquilibré par le coup, le mort-vivant rata lamentablement son attaque. Il esquiva cependant celle de Fargrim. Je sortis alors une fois de plus, allai de nouveau me camoufler sous le plumard en granit le plus proche de l’action, et de là tranchai d’un coup les jambes du mort-vivant, qui s’écroula.

Il ne restait plus que quatre tas d’os qui tremblaient au fond de la pièce. Goth fonça à leur contact et parvint en blesser un, mais récolta une belle estafilade en riposte. La flèche de Wulfwig, pour une fois, passa à côté, tout comme la flamme de Fargrim. Je réitérai alors ma manœuvre dite de téléportation par couchettes interposées, qui commençait à être bien rodée, avisa le bas d’un squelette, et tranchai jambes, bassin puis échine. Il descendit d’un étage à chaque coup, et je le terminai en le décapitant.

Goth finit par fendre en deux le crâne de son adversaire. Wulf manqua une nouvelle flèche, et Fargrim ne réussit qu’à roussir la moustache imaginaire du squelette qu’il visait. Le deuxième restant s’était précipité vers Goth mais je l’avais cueilli au passage, le tronçonnant au niveau du bassin. Puis, toujours caché, je me contorsionnai habilement pour dégainer mon arc, visai l’ultime adversaire, aux prises avec un Goth sur la défensive, depuis le dessous du lit, et touchai ! Le squelette s’effondra, et d’un seul coup os et équipement tombèrent en poussière. Mieux vaut tard que jamais…

Goth remercia chaleureusement Fargrim. Son action nous avait sans le moindre doute épargné un combat beaucoup plus difficile. Le guerrier alla même jusqu’à lui proposer d’ériger un temple en l’honneur de son dieu à Phandalin, si ça l’intéressait.

Une magie négative s’était sans doute logée ici il y a longtemps… D’après le prêtre, nous étions dans la vieille salle de garde. « Mais que sont devenus les gardes ? » ironisa Goth. Elle était bonne, mais Fargrim haussa un sourcil. Ce nain semble décidément avoir un problème avec l’humour !

Je proposai qu’on se repose ici. Il restait quelques squelettes à terre, ceux qui ne s’étaient pas relevés. Ils furent promptement sortis de la pièce, puis Fargrim et un autre (Goth, je crois) cassèrent les pattes de deux lits de pierre pour barricader la porte.

Voilà près d’une heure qu’on souffle. Fargrim va bientôt récupérer son sort si utile. J’ai mangé une de mes rations pour me remettre un peu d’aplomb. Nous n’avons exploré qu’une fraction de la mine, et je suis déjà bien entamé… Les prochains repos ne seront pas aussi réparateurs…
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#84
J'aime beaucoup la façon dont tu rends la caverne assez mystérieuse !


Essentiellement, les squelettes animés fonctionnent comme ils fonctionnaient de leur vivant, mais sans être affectés par leur propre putréfaction, ni par la faiblesse de la chair.
Par exemple, il serait possible de ne pas être vu par un squelette en passant discrètement dans son dos, ou d'en rendre un aveugle en lui bandant les orbites, parce qu'il n'a pas de "vision en aveugle" : ils voient "par ses yeux", ou comme s'il avait des yeux.
Par contre, en mettant une lumière extrêmement brillante devant ses yeux, il serait impossible de l'éblouir, parce qu'il n'a pas de cristallin qui puisse être blessé ou saturé par la forte lumière subite.

De même, les squelettes sont capables de mouvoir leurs membres comme s'ils avaient des muscles, alors qu'ils n'en ont plus, mais pas de contorsionner leurs os dans tous les sens comme le ferait quelqu'un qui appliquerait une force sur un squelette inerte sans être gêné par la présence de tendons et de ligaments qui en limitent les mouvements. Et bien qu'ils utilisent leurs membres comme s'ils avaient des muscles, ils sont incapables d'épuisement ou de fatigue musculaire, parce qu'ils n'ont pas de muscles à fatiguer.

L'énergie négative qui les anime s'étend aussi à l'équipement qu'ils avaient au moment de leur mort. Ils peuvent donc couper toujours aussi bien même avec une épée devenue érodée et émoussée avec le passage des ages, comme si c'était toujours l'épée qu'ils portaient à l'époque. Et un arc complètement pourri, avec la corde prête à rompre, fonctionnerait également toujours aussi bien, alors que les forces appliquées que ça imposerait logiquement devrait leur faire tomber en miettes - et c'est sans doute ce qui se passerait si un aventurier se saisissait de leur arc et tentait de l'utiliser.
J'y pense, il est vraisemblable que même si la corde *était* rompue, l'arc fonctionnerait probablement toujours par magie dans les mains du squelette, la flèche subissant une traction dans le vide de façon complètement inexpliquée, simple reproduction maudite de la façon dont ça aurait marché du temps du vivant du squelette.
Par contre, si un aventurier leur ôtait leur arme, et qu'une hache de bataille flambant neuve traînait à portée de leur main, je soupçonne qu'ils seraient incapables de s'en saisir et de s'en servir, ou même d'en avoir l'idée.

La putréfaction n'est pas complètement suspendue, mais elle semble être toute fois ralentie, les squelettes ayant une apparence de pourriture et leurs vêtements et armure étant en lambeaux, même après un temps où tout aurait déjà dû tomber en poussière.
Mais une fois la magie rompue, le temps non seulement reprend son cours normal, mais même "rattrape" rapidement son retard, et la créature et ses équipements retombent immédiatement en poussière s'ils auraient dû déjà l'être.
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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#85
L’heure passée, il était temps de se remettre en quête de Nundro, le dernier frère de Gundren, en espérant qu’il fusse toujours vivant. Alors qu’on retirait les blocs de pierre qui bloquaient la porte, Goth me fit un sermon au sujet de mon imprudence. Si le ton était gentil, ce n’en était pas moins injuste, aussi allai-je passer mes nerfs sur la porte d’en face, l’ouvrant à la volée d’un coup de pied. Être vexé, ça donne des forces.

« Tout va bien, y a que des cadavres ! » lançai-je. Ça n’eut pas l’air de les rassurer, bizarrement, et ils se précipitèrent tous à ma suite un peu paniqués.

De nouveaux, des squelettes desséchés jonchaient le sol. Pas de nains mais des gnomes, cette fois, et toujours des orques. Un grand comptoir était à une extrémité de la pièce rectangulaire, et des cases parfaitement carrées étaient percées dans les murs. Mon attention fut principalement attirée par un coffre en fer, cependant. Il était verrouillé. La serrure était solide, mais pas piégée. J’entrepris aussitôt de la crocheter, mais j’eus du mal : c’était du bel ouvrage, le serrurier nain connaissait son affaire… J’allais presque renoncer lorsque je parvins enfin à aligner les goupilles et à ouvrir ainsi le coffre. Youpi !

Des centaines de pièces de différents métaux (« métals » ?) se trouvaient dedans. Fargrim et Goth m’aidèrent à les sortir, et à les compter. 600 de cuivre, 180 d’argent, 80 d’électrum, 60 d’or. Non seulement celui qui les avait mis là avait eu le bon goût des chiffres ronds, mais en plus il avait pris le soin de les rendre divisibles par quatre !

« C’était probablement la paye des employés », nous dit Fargrim. (Dois-je en conclure qu’ils étaient aussi quatre ?) Je fouillai les cases. Des papiers qui partaient en poussière à peine effleurés, des poids de balance… Nous étions visiblement dans le bureau de l’essayeur.

La fouille mit fin à l’exploration de ce coin de la mine. Nous commençâmes à bavarder, discutant de la suite, lorsque le nain nous interrompit d’un impérieux : « Attendez, taisez-vous ! »

Je n’entendais rien hormis l’écho des vagues, mais l’ouïe du guerrier et celle du prêtre percevaient comme une sorte de râle lointain. « Y a d’autres morts-vivants ici… » conclut Fargrim d’un air sombre.

Nous reprîmes position dans le couloir. J’ouvrai la marche avec Goth, devant l’archer et le prêtre. Ce dernier illumina le bouclier du guerrier, l’ancienne source de lumière s’étant éteinte pendant le repos, et Wulfwig jeta sa vieille torche à terre pour en rallumer une autre. Puis nous avançâmes… De retour dans la grande salle où nous nous étions faits attaquer par les striges, nous fîmes halte, les yeux et les oreilles aux aguets.

Il me sembla voir une ombre bouger au bout du couloir nord… Je fis un signe silencieux à mes camarades. Nous reculâmes. Cette fois, Fargrim et Goth se placèrent devant, Wulf et moi derrière. Nous éteignîmes toutes nos sources de lumière et nous attendîmes, en embuscade. Un long moment passa sans que rien ne se manifeste. Au bout de cinq minutes, Fargrim réenchanta le bouclier du guerrier, et je m’avançai prudemment au devant, à l’orée de la lumière, de façon à rester dissimulé aux yeux d’assaillants potentiels. Nous avançâmes ainsi, petit à petit. J’observai, j’écoutai mais je n’entendis rien… jusqu’à ce qu’un bruit inquiétant frappe le tympan de mon oreille gauche. Je reculai à pas de loup et prévins mes camarades. Un râle résonna, venant de la droite, cette fois… Chacun se prépara au combat, alors que pénétraient, dans le cercle de lumière, de nouveaux zombies…

Je me décalai de quelques pieds, tirai le premier et revint mes camarades. Goth s’avança et sa javeline alla se ficher dans le ventre du même zombie, que Wulfwig termina à l’arc. Les flammes de Fargrim commencèrent à consumer la chair d’un autre. La bataille rappelait celle que nous avions menée au puits du Vieil-Hibou, car nous employions la même tactique avec succès : tirer, reculer, tirer… de façon à retarder le plus longtemps possible l’arrivée de l’ennemi, dépourvu, lui, de moyens d’attaquer à distance. Nous eûmes ainsi raison d’une bonne partie de l’escouade morbide sans prendre un seul coup. Il ne restait plus que deux zombies lorsque le combat au corps à corps s’engagea, mais il furent aussitôt achevés par Serre et Arguy.

J’eus tort de penser que c’était la fin du combat, pourtant, car au même moment, un des zombies à terre se releva et me prit pour cible ! Heureusement, mes réflexes prirent le pas sur ma surprise et j’esquivai le coup, avant qu’une flèche bien placée de Wulfwig ne le cloue définitivement au sol. Combien de fois ça peut revivre, un de ces machins ?

Qu’importe, ceux-là étaient décidés à ne plus se relever de leur sieste. Une fois de plus, Fargrim enchanta le bouclier du guerrier, et nous reprîmes la marche. Je tenais toujours le rôle de l’éclaireur. J’empruntai le tunnel est, le dernier de cette salle que nous n’avions pas encore exploré. Le sol commença à changer. Au fur et à mesure apparurent des moisissures, puis des champignons. Au bout de quelques instants, le couloir déboucha sur une large caverne, à peu près de la taille de celle par laquelle nous avions pénétré dans la mine. Le sol était en grande partie recouvert d’une fonge verdâtre.

Je longeai la caverne par le sud, restant à distance des champignons. De la moisissure émanait une lumière vert pâle tamisée. Il ne semblait pas possible d’atteindre l’autre côté de la grotte sans marcher dessus, c’est pourquoi, rendus prudents par nos récentes algarades, nous décidâmes de faire demi-tour et repartîmes explorer le reste de la mine.

De retour dans la salle précédente, nous entendîmes de nouveau du bruit, à l’ouest. Nous avançâmes petit à petit, aux aguets, remontant par le couloir nord. Rien ne se montra. Nous étions de retour devant la porte de la salle aux goules. Le corridor à l’est était encore terra incognita. Nous entreprîmes de l’inspecter.

Je repassai devant Goth, qui avait pris brièvement la tête du groupe, et avançai lanterne à la main tout en examinant le sol. Quelques traces s’y laissaient voir de temps à autre. Sans doute était-ce les zombies qui tournaient en rond…

Le tunnel se termina bientôt mais un autre prenait sa relève au nord. Nous nous y engageâmes. Sur notre droite, une ouverture se présenta. J’y passai prudemment la tête, puis le reste du corps. La pièce était vide. Un pan du mur oriental était effondré. Dans le mur nord, une porte entrouverte laissait voir des tonnelets poussiéreux, fissurés et brisés avec le temps.

Aucune trace de pas ici. J’avançai vers la porte entrebâillée, jetant un œil à l’intérieur et écoutant. Nul bruit ne parvint à mes oreilles, aussi nous entrâmes dans l’entrepôt. J’entrepris de le fouiller, malheureusement tout le contenu des tonneaux s’était évaporé depuis bien longtemps.

Retournant dans la salle attenante, nous nous postâmes à l’entrée, à l’affût d’éventuels zombies qui emprunteraient ce chemin… Au nord, l’écho des vagues paraissait s’intensifier. Le sac et le ressac jouèrent leur mélodie trois ou quatre fois avant que nous ne nous décidâmes à reprendre notre exploration. J’avançai pas à pas vers le nord, mes camarades sur les talons.

Le tunnel déboucha sur une immense caverne, deux à trois fois plus large que les précédentes. Elle s’étirait d’est en ouest, et, aux extrémités, deux hautes plateformes accessibles par des escaliers dominaient ce qui semblait être une salle de banquet : deux grandes tables longues étaient en son centre, et de vieux braseros essaimaient çà et là. Partout au sol, les squelettiques dépouilles d’orques, d’humains, de gnomes et de nains témoignaient de la férocité du combat qui s’était déroulé ici il y a des siècles.

Je gravis prudemment les marches qui menaient à la plateforme est. Ne s’y trouvait qu’une petite table. J’entendis alors un bruit provenant de l’autre bout de la salle… Je descendis en silence et m’approchai du couvert qu’offrait l’une des deux tables centrales. Sur le surplomb ouest, j’aperçus une goule…

J’empoignai mon arc, encochai une flèche, et tirai. La pointe en acier ne fit qu’une balafre à la créature, qui, repérant son agresseur — moi, en l’occurrence —, commença à dévaler en courant l’escalier qui reliait le rez-de-chaussée. Je ne l’avais pas attendue, cependant, retraitant du côté de ma propre plateforme, montant les marches quatre à quatre et escaladant à mi-parcours le pan de mur pour gagner le sommet au plus vite. Fargrim lança une flamme sur la goule, mais elle passa à travers et sembla à peine sentir la morsure du feu.

Tandis que ses congénères se précipitaient pour rejoindre le champ de bataille, Goth et Wulfwig entraient en scène. Le premier lança une de ses javelines mais son jet fut moins efficace qu’au cours du combat précédent car il ne fit qu’égratigner sa cible. Wulf, lui, voulut me rejoindre mais fit le choix étrange d’escalader directement la paroi. Si je ne le connaissais pas, j’aurais dit que c’était pour frimer ! Malheureusement pour lui, il lâcha prise à mi-hauteur… Le choc fut rude mais ne le sonna pas, et il décida de faire plutôt pleuvoir ses flèches depuis le plancher des vaches, si tant est qu’il existe une race de vache cavernicole.

J’avais une excellente position depuis mon poste de tir. J’étais d’une précision meurtrière, et je renvoyai un bon paquet de cadavres ambulants à leur état naturel. Les flèches de Wulfwig en abattirent également quelques uns. Pour une raison qui m’échappe — peut-être enviait-il ma position —, il s’obstinait à vouloir grimper sur la plateforme en se hissant à la force de ses bras, mais il ne réussit qu’à se casser de nouveau la figure à deux reprises, avant de se mettre à boud… Avant de décider qu’il était finalement aussi bien à terre pour continuer le combat.

Fargrim eut le temps de lancer une deuxième flamme, malheureusement esquivée, avant que les goules n’arrivent au corps à corps, s’en prenant à lui et Goth. Le nain eut l’intelligence de rester en défense en laissant le soin aux archers de faire le travail. À ses côtés, Goth avait fort à faire, l’adversaire l’attaquait de tous les côtés. Submergé, le guerrier renonça à tailler dans les chairs en décomposition et se mit dos à dos avec le prêtre en se concentrant lui aussi sur l’esquive et la parade, tandis que nos flèches, à Wulf et moi, continuaient leur œuvre de destruction. L’armure et le bouclier du noble, conjugués à son habileté martiale, lui sauvèrent la mise mais un coup de griffe, unique, parvint quand même à passer sa défense, heureusement sans conséquences graves.

Les rangs adverses commençaient à se clairsemer, et Goth en profita pour s’ouvrir un passage en tranchant le cou d’une goule, battant en retraite du côté de la plateforme où je me trouvai et montant l’escalier au moment même où Wulfwig retombait sur son postérieur pour la troisième fois. J’imagine le regard interloqué qu’il a dû lui lancer en passant…

Fargrim restait seul face à deux goules, comptant sur son bouclier pour les tenir en respect, malheureusement l’une d’elles réussit à passer sa défense et lui asséna un méchant coup de griffes qui traça trois lignes parallèles sanglantes sur sa peau. Aussitôt, le nain se raidit. Les goules inoculaient un venin paralysant ! Par chance, sa constitution particulièrement robuste lui permit de reprendre le dessus à temps pour éviter le coup de la seconde.

Une javeline de Goth vengea Fargrim en transperçant l’adversaire qui venait de le blesser. Une flèche de Wulfwig atteignit la dernière goule dans le dos. Elle poussa un cri aigu et se précipita vers l’archer pour chercher à se venger, offrant au prêtre l’opportunité d’en finir mais son marteau passa au-dessus de la tête de la créature, qui se ramassa et bondit sur l’humain. Wulf esquiva d’un bond non moins agile, et une dernière flèche de ma part vint cueillir la goule au vol, mettant fin au combat.

Chacun alla s’assurer que tout le monde allait bien, et comme c’était le cas, nous reprîmes notre exploration de cette décidément fort peu hospitalière caverne. Au nord de la plateforme où j’avais passé la majeure partie de la bataille, j’avais remarqué un couloir. Je m’y engageai, mes camarades dans mon dos. La vue qui se présenta à moi lorsque j’arrivai au bout me coupa le sifflet.

C’était une grande salle irrégulière, aux mur droits et lisses par endroits, grossiers et irréguliers à d’autres. Un canal asséché y entrait par le nord pour aller se perdre sous le mur est. L’eau qui s’y écoulait à l’époque actionnait une roue toujours présente et reliée à un gigantesque soufflet mécanique dont l’orifice était braqué sur un haut fourneau éteint depuis des lustres… Face à moi, intacte malgré les siècles, se tenait selon toute probabilité la légendaire forge des sorts.

Comme partout ailleurs, le sol était jonché d’ossements en armures, mais si cette vue était devenue tristement familière, celle du crâne entouré de flammes vertes qui flottait au-dessus des dépouilles d’orques et de nains était on ne peut plus singulière… et intimidante. Je reculai prudemment… De retour parmi mes compagnons, je leur fis part de ma découverte, et de l’étrange crâne. Il me rappelait une vague légende… Je demandai à Fargrim s’il savait de quoi il en retournait, mais c’est Wulfwig qui nous expliqua que cet être était un type de mort-vivant particulier, créé à partir du crâne d’un lanceur de sorts — magicien ou même prêtre — juste après sa mort, dans le but de devenir le gardien d’un lieu à protéger. Toujours d’après Wulfwig, dont je me demandais d’où il tenait tout ce savoir, l’eau bénite permettait de s’en débarrasser. Tous les regards se tournèrent vers le prêtre… dont le sourire penaud nous fit comprendre qu’il n’en avait malheureusement plus.

Nous discutâmes un moment entre nous, tâchant de déterminer la meilleure stratégie à suivre. Nous en vînmes à la conclusion qu’il nous fallait davantage d’informations avant de, éventuellement, se frotter au mystérieux crâne, aussi fut-il décidé d’utiliser l’une des trois questions à l’idole d’augure.

Vous souvenez-vous de la statuette en or que j’avais trouvée dans un tas de charbon à Cragmaw Castle ? Vous pensiez peut-être que je l’avais oubliée, ou pire, que j’avais volontairement dissimulé son existence à mes amis ? Vous qui vous infligez ma prose depuis le début de cette histoire, vous devriez maintenant savoir que je sous des dehors indépendants, ardents, bravaches, fiers, intraitables et modestes se dissimule un cœur fait d’une matière que ne saurait égaler le plus précieux des métaux…

(« Métals » ?… Voyons : un chacal, des chac… Bref.)

… Et que ce cœur battant à l’unisson de celui de ses amis ne saurait leur faire offense de quelque manière que ce soit !

Je vous ai perdu ? J’ai beau penser à ma pomme, je suis réglo. Ah ! voilà, je vous ai retrouvé. Donc, j’avais bien évidemment fait part de ma découverte à mes partenaires, et une étude approfondie (comprendre : magique) de l’objet avait révélé qu’il possédait le pouvoir de répondre à trois questions, à condition de les formuler de manière à ce que la réponse puisse être l’une des trois suivantes : favorable, neutre, funeste.

Sortant l’idole de mon sac, je la tendis à Goth, qui énonça l’interrogation suivante : « Que se passera-t-il si on jette nos gourdes d’eau sur la crâne ? » L’idée étant bien sûr de savoir s’il était possible d’éteindre les flammes de cette simple manière. « Funeste », nous répondit une voix désincarnée. Tant pis, ça valait le coup de demander.

Remettant la statuette à sa place, je décidai de retourner discrètement dans la forge pour en examiner la machinerie. Je cherchais à savoir s’il y avait un moyen de piéger le crâne… mais aussitôt que j’eus posé le pied sur le sol de la grande salle, les morts, décidément très mal élevés, se levèrent.

L’un d’eux était si près qu’il aurait pu me faire un bisou s’il l’avait voulu, et un autre s’animait juste à côté. Je n’en menais pas large. Wulfwig, vif comme l’éclair, courut dans la pièce tout en dégainant son arc et perça l’un des deux zombies d’une flèche, mais ça ne suffit pas à le détruire, et je n’arrivai pas à éviter les coups que tous deux m’assénèrent. Les lames rouillées mordirent ma chair. J’étais blessé, bien que pas — encore — grièvement…

Malgré ce début de remue-ménage, le crâne ne bougea pas de sa position, ce qui était présentement fort urbain de sa part. Je ripostai et portai un coup au zombie transpercé, maladroit mais suffisant pour achever de justesse le boulot commencé par l’archer en lui sectionnant la colonne vertébrale suffisamment pour que la gravité fasse le reste, et que le sac d’os s’écroule, définitivement détruit. Profitant de mon agilité, j’échappai à l’autre sans qu’il puisse tenter de m’en empêcher, et j’escaladai le fourneau. J’y voyais plusieurs avantages : un poste de tir idéal, à l’instar de celui que j’avais occupé au cours de la bataille qui s’était déroulée quelques instants auparavant dans la salle d’à côté, et une potentielle cachette, à l’intérieur du four, si les choses tournaient mal.

Malheureusement, je n’avais pas pris en compte un paramètre : la fonction du crâne, avait dit Wulfwig, était de protéger quelque chose. Il était évident que ce quelque chose, c’était la forge… et à l’instant même où je me hissais dessus, le crâne s’anima ! Deux rayons de feu verdâtres jaillirent de ses yeux et frappèrent ma poitrine, faisant deux trous fumants dans mon armure. Je ne tins pas le choc. Je m’effondrai, et dans un ultime éclair de lucidité, je vis que j’étais tombé non pas à l’intérieur du fourneau, mais sur le bord… Il me sembla que c’était la fin.

Je sais que j’ai vu quelque chose pendant ce court coma, mais j’ignore véritablement quoi, ma mémoire n’en ayant gardé qu’un souvenir halluciné dans lequel je voyais la Mort s’approcher de moi, lentement. Un premier pas. Un second… Et, au moment de tendre la main vers moi pour me lever et, par ce geste, m’arracher au monde des vivants, sa silhouette qui se déchirait comme un rideau par-delà lequel je vis, de nouveau, le plafond de la caverne.

Fargrim avait brandi le symbole de son dieu et repoussé les morts-vivants comme il l’avait fait auparavant. Profitant du répit ainsi offert, il avait aussitôt lancé un sort de soins dans ma direction, me sauvant ainsi la vie. J’étais dans les vapes à ce moment, et j’ignorai quel tour prenait la bataille, lorsque je vis une grande silhouette se dresser à mes côtés. Wulfwig ! L’archer avait, magnifiquement, cette fois, escaladé le haut fourneau pour venir me chercher. Il m’attrapa par le bras, mais le crâne le pris pour cible comme il l’avait fait pour moi, et deux rais enflammés frappèrent à son tour mon compagnon… qui, héroïquement, resta debout. Je ne vis pas son expression, mais étant passé par ce qu’il venait de subir, j’imaginai sans mal la douleur qu’il devait ressentir alors qu’il me descendait à l’abri, derrière la forge…

Il me restait une unique potion de guérison. Je la sortis de mon sac avec des gestes fébriles et la bus, bavant et en mettant la moitié à côté. Cela me remit un petit peu d’aplomb néanmoins. Je jetai un œil au champ de bataille, constatai que mes compagnons avaient un peu nettoyé la zone, et, suivi par Wulfwig, courus alors du mieux que je pouvais me mettre à l’abri dans le couloir, derrière Fargrim et Goth qui se battaient furieusement contre trois squelettes.

« Ma prière n’aura pas d’effet encore longtemps ! » cria le prêtre. Je m’empressai de me rendre utile en sortant mon arc, imité par Wulf. Mes deux premières flèches abattirent un zombie, mais il se releva… Marthammer en pulvérisa un autre, définitivement, cette fois. Nos deux combattants au corps à corps reculèrent alors à leur tour dans le couloir. Wulf et moi décochèrent chacun un trait vers l’un des deux zombies restants qui poursuivaient le prêtre et le guerrier. Nos deux flèches le transpercèrent à hauteur de l’emplacement où se trouvait son cœur autrefois. Il s’effondra, sans se relever. Le nain lança sa flamme sacrée sur le dernier debout, puis Goth lui porta un coup de même que Wulfwig, qui, ayant épuisé son stock de flèches, avait sorti son épée. Les trois attaques combinées blessèrent le squelette, sans le tuer. Coriace… J’encochai une flèche, fermai un œil, ajustai la cible et décochai. Le trait lui arracha ce qui lui restait de tête, mettant — provisoirement — fin à la menace mort-vivante.

À l’autre extrémité du couloir, le crâne volant flottait, mais ne semblait pas vouloir s’engager dans le corridor… Tandis que je m’approchai de Wulfwig pour transvaser une douzaine de flèches de mon carquois au sien, la mâchoire squelettique se mit à bouger. Une voix caverneuse résonna, sinistre : « Ne revenez pas ! » Puis le crâne fit demi-tour, volant vers la forge, et disparut de notre champ de vision.

Nous sommes retournés dans l’entrepôt, au milieu des tonneaux. Nous avons barricadé la porte. On se repose, à présent.

Je me suis confondu en remerciements envers Fargrim et Wulfwig, qui venaient ni plus ni moins que de m’arracher aux griffes de la mort. « Si je peux me permettre une suggestion… » me dit le nain. « C’était stupide, ne refaites pas une chose comme ça. » C’était vexant, mais, cette fois, c’était vrai.
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#86
Cette mine est infestée de monstres. Notre situation est critique. Nous sommes vivants mais mal en point. Nous n’avons presque plus de flèches, et nous sommes à court de soins.

Wulfwig m’a fait cadeau de sa dernière potion pendant le repos précédent. Je la bus et retrouva ma pleine forme. Il aurait pu la garder pour lui, mais sa constitution, nettement plus robuste que la mienne, l’avait fait encaisser les attaques du crâne volant bien mieux que moi. J’en venais presque à regretter d’être un hobbit en cet instant.

Fargrim en était convaincu, nous avions bel et bien trouvé la Forge des sorts avant l’Araignée noire… à moins qu’elle non plus n’ait pas réussi à passer son gardien. Dans tous les cas, l’espoir d’être arrivés à temps subsistait.

Il fut décidé d’aller explorer la partie ouest de la caverne, que nous avions négligée depuis que Goth et Fargrim étaient revenus de leur examen initial, peu de temps après notre entrée dans la mine. Une fois l’heure de repos passée et les dernières lignes tracées dans mon journal, nous nous remîmes en route.

Nous passâmes par un labyrinthe de couloirs dont certains nous ramenaient vers des endroits déjà visités : le dortoir aux goules et la salle de banquet. Finalement, nous arrivâmes dans une zone inexplorée où se trouvait un lac. Un petit escalier menait à un palier. Pas âme qui vive.

Goth décida de retirer son armure et d’aller piquer une tête, non pour se rafraîchir (quoique, ça se justifiait aussi) mais pour tenter de trouver où menait la rivière qui emportait l’eau du lac par une ouverture souterraine dans le mur nord. Je le conjurai d’être prudent, des créatures aquatiques se cachant potentiellement sous la surface… Il revint rapidement mais fut seulement en mesure de nous confirmer que le cours d’eau se prolongeait bien au-delà de cette pièce, sans avoir pu en déterminer davantage.

Nous gravîmes ensuite l’escalier, qui menait à une porte encastrée dans le mur d’un couloir orienté nord-sud. Un éboulement barrait l’accès au sud, mais au nord un second escalier montait vers un nouveau palier.

Wulf écouta à la porte et entendit plusieurs voix, rauques, parler dans une langue inconnue. Partant sans faire de bruit, nous montâmes la volée de marches, découvrant un nouveau couloir, est-ouest, celui-ci. Nous prîmes à senestre.

Au bout, le corridor était, une fois de plus, effondré, mais avant l’éboulis, sur la droite, se présentait une nouvelle porte. Wulfwig et moi collâmes tous deux notre oreille contre elle. J’entendis un bruit répugnant que je n’arrivais pas à identifier, et qui pourtant me rappelait quelque chose…

Fargrim sortit alors un nouveau tour de son sac en lançant un sort de concentration sur l’archer, qui se remit à écouter mais, malgré l’appui magique, n’arriva pas non plus à déterminer ce qui pouvait être à l’origine des sons désagréables que nous entendions. Fargrim essaya alors à son tour… Pour lui, c’était une respiration. Quel type de créature pouvait bien en être à l’origine ?

Je proposai de le découvrir. Mon idée était la suivante : faire du bruit puis aller immédiatement me cacher dans les gravats tout proches, dans l’espoir que l’occupant de la pièce sortirait et se montrerait. Mon plan fut adopté, et mes camarades s’éloignèrent suffisamment loin pour ne pas être vus pendant que je le mettais à exécution.

Tout fonctionna comme prévu, et je vis une énorme araignée sortir, inspecter le couloir puis rentrer… Comment avait-elle fait pour ouvrir la porte et la refermer derrière elle, ça…

Je retournai faire mon rapport au groupe. J’essayai de penser à un piège dans lequel attirer l’arachnide, mais les idées qui me venaient étaient trop compliquées à mettre en œuvre, alors il fut décidé de continuer l’exploration en suivant le couloir dans la direction opposée pour voir où il menait. De nouveau, étant le plus discret, j’ouvrai la marche. Le corridor menait à un nouvel escalier, descendant, qui débouchait sur une vaste salle naturelle. J’aperçus le cours d’eau que Goth avait tenté de suivre, et qui tombait en cascade dans une crevasse en contrebas. Sur la falaise je vis trois squelettes, à terre — définitivement ou non, telle était la question… —, trois gobelours, et une goule. Je retournai tout de suite dans le couloir et fis part de ma découverte à mes compagnons. Nous entendîmes alors des exclamations. Avais-je été repéré ?

Dans le doute, nous battîmes en retraite près du lac et je me plaçai en sentinelle, à l’affût de quiconque pourrait surgir. Je vis deux gobelours débouler dans le couloir. Je fis un signe et nous retraitâmes davantage encore, hors de vue mais à portée d’oreille. Les deux peaux-vertes tambourinèrent à la porte derrière laquelle nous avions entendu des voix. Une discussion s’engagea dans un langage guttural, puis plus rien.

En temps normal, nous aurions sans doute opté pour une action frontale, mais dans la situation actuelle, la prudence s’imposait à nous. Nos possibilités de soins étaient drastiquement réduites pour ne pas dire nulles, et l’Écho-des-Vagues n’avait pas encore révélé tous ses dangers. Aussi proposai-je de retourner dans la salle du banquet, pour finir d’explorer les lieux et, sur une idée de Goth, voir si on ne pouvait pas faire en sorte d’attirer les gobelours vers le crâne. Un plan malin.

On se mit en route. J’ouvrai la marche, m’engageant dans le tunnel irrégulier par lequel nous étions arrivés au lac. J’arrivai à un premier croisement lorsque je sentis des gouttes visqueuses tomber sur moi depuis le plafond, et un bruit flasque se produire dans mon dos. Je me retournai : une grosse bête des plus étranges, une sorte d’immonde gelée ocre venait d’apparaître au nez et à la barbe de tous. Elle ne nous laissa pas le temps de réagir, et m’attaqua. Une sorte de tentacule gluant me frappa violemment à la tempe, manquant de peu de m’écraser la tête contre le mur.

Ce n’était pas le moment de jouer les héros. Je parvins à me glisser entre la bestiole et la paroi pour fuir me planquer plus loin derrière un angle du couloir et me mettre en posture défensive, comptant sur l’équipe pour s’occuper de cette anomalie de la nature.

Je ne voyais rien du début de combat, qui me fut narré après coup : la créature semblait faire peu de cas des flammes de Fargrim, étouffées par la viscosité de son corps. En revanche, ledit corps ne pouvait rien contre le tranchant de Serre, et Goth, d’extrême justesse, parvint à couper l’animal (?) en deux. Littéralement : à la place d’un blob informe, il y en avait maintenant deux, animés des mêmes intentions que leur… père/mère, je suppose ?

L’une des deux nouvelles gelées continua d’affronter les flèches de Wulfwig, le bouclier de Goth et le marteau de Fargrim, mais une autre s’approcha de moi. Par chance, elle était extrêmement lente, trop pour arriver à portée d’attaque, du moins tant que je maintenais la distance entre elle et moi. Ce que je fis, évidemment, en reculant davantage dans le dédale de couloirs. La crainte d’une seconde mauvaise rencontre m’agitait, mais nous étions déjà passés plusieurs fois dans cette zone sans tomber sur une menace, et je croisais les doigts pour que cela continue. Une fois à distance de sécurité, je décochai une flèche qui arracha un gros bout de blob visqueux. À ma surprise, il démontra une forme certaine d’intelligence en comprenant qu’il ne pouvait m’atteindre, s’enfuyant.

Je le poursuivis en gardant un éloignement sûr entre lui et moi. Bien m’en pris car, m’arrêtant de nouveau à un angle pour profiter du couvert ainsi offert, je vis la créature accrochée à la voûte, sans doute pour me tendre une embuscade. J’encochai alors une seconde flèche, et tirai. Le trait la cloua au plafond. Morte, elle se mis à dégouliner un liquide répugnant.

J’attendis quelques secondes et rejoignis mes camarades, qui étaient venus à bout de l’autre entre-temps. Vue sa lenteur, je n’aurais pas été surpris d’apprendre que cette horreur nous pistait depuis un petit moment…

J’étais le seul à avoir morflé. Pas suffisamment pour être véritablement blessé, mais, par précaution, je suggérai de changer de configuration, demandant à ce que quelqu’un d’autre, de préférence avec une bonne perception, se charge désormais d’éclairer la voie, en ne m’appelant qu’en cas de soupçon de piège à détecter et désamorcer. Nous arrivâmes toutefois dans la grande salle sans fâcheuse rencontre supplémentaire.

« Les goules ne se sont pas relevées », remarqua Fargrim, « c’est bon signe. » Nous n’avions pas entièrement exploré l’endroit la dernière fois, et nous tâchâmes d’y remédier. Au nord, un couloir menait à un escalier. Nous avançâmes, toujours dans le même ordre. En haut des marches, toutefois, je me risquai à passer une tête pour voir ce que le couloir perpendiculaire auquel elles menaient offraiet à voir. À l’est, c’était la forge et son gardien. À l’ouest, le corridor se terminait par une porte.

J’avançai, sans détecter de piège, et j’écoutai. Les mêmes voix que la dernière fois se firent entendre. Les deux portes donnaient donc probablement sur la même pièce.

Il y avait au moins trois personnes à l’intérieur. Retraitant vers mes camarades, nous discutâmes de la suite des opérations. Nous étions d’accord sur le fait qu’on ne pourrait pas indéfiniment éviter toutes les portes. Abandonner Nundro était hors de question, tant pis si cela impliquait de prendre des risques. Aussi fut-il décidé d’attaquer par surprise en enfonçant la porte.

Goth et Fargrim se placèrent de part et d’autre, Wulfwig et moi restant à distance, arc en main. Derrière nous, au bout du couloir, le crâne enflammé nous observait. « Partez immédiatement… » fit sa voix d’outre-tombe. Je fis « oui » de la tête et me retournai vers Goth en lui faisant signe qu’il était urgent d’agir.

Malheureusement pour nous, la porte résista aux coups d’épaule du guerrier : ses occupants l’avaient barricadée ! Goth improvisa en imitant la voix caverneuse du crâne, pour leur faire croire qu’il s’agissait de lui : « Partez immédiatement ! » L’imitation n’était pas très réussie, cependant, et il était peu probable qu’ils soient tombés dans le panneau.

La véritable voix du crâne fit écho à la tentative maladroite du noble : « Immédiatement ! Dernier avertissement ! » Un rayon de feu en guise de coup de semonce ponctua ses paroles. Nous ne nous le fîmes pas dire deux fois (enfin, trois), et le groupe battit en retraite.

Goth, dont le cerveau carburait, décidément, proposa un nouveau plan : retourner près des gobelours, mais cette fois faire en sorte qu’ils tombent sur l’araignée. Je ne voyais pas comment nous allions nous y prendre, mais l’idée de faire s’affronter nos ennemis entre eux me séduisait toujours autant. Avant de repartir, Fargrim s’approcha de moi pour me faire bénéficier une fois de plus de sa magie en m’appliquant un sort de « préservation de vie ». « Merci infiniment, maître Fargrim », lui dis-je pour témoigner ma gratitude.

Le groupe reprit le long chemin que nous venions de faire dans le sens inverse. « De temps en temps, il y a une brise dans cette caverne… » fit remarquer le prêtre. Je l’avais constaté aussi, et cela indiquait que nous n’avions pas encore trouvé cette fameuse seconde ouverture vers l’extérieur. Peut-être aurions dû nous suivre le vent, mais dans ce dédale de couloirs, c’était loin d’être évident.

Nous arrivâmes à l’autre porte de la pièce où s’étaient barricadés les gobelours — je supposais, en effet, qu’il s’agissait de congénères de ceux que j’avais vus sur la falaise étant donnée la conversation entre les deux groupes que j’avais espionnée plus tôt. Décision avait été prise de commencer par eux, avant d’essayer de faire fonctionner l’idée de Goth. Ainsi, on ne risquait pas de se faire attaquer dans le dos. Du moins le croyais-je…

Le guerrier s’approcha, écouta, mais n’entendit rien. Nous restâmes à nos postes, dans l’expectative. L’ouïe de Goth perçut un chuchotement. Les minutes passèrent.

Nous étions si concentrés sur notre objectif immédiat que ni moi ni Goth ne vîmes arriver la patrouille… Ironie du sort : deux gobelours avaient surgi dans notre dos ! Par chance, ils furent aussi surpris que nous de nous voir : seuls Fargrim et Wulfwig les repérèrent, gagnant ainsi l’initiative. L’archer eu le temps de tirer trois flèches et le prêtre un rayon de flammes, malheureusement les projectiles ratèrent ou ne causèrent que des blessures superficielles. Brandissant leurs armes, les gobelours se ruèrent alors à l’attaque.

Remis de ma surprise, je tirai sur celui qui avait été égratigné par Wulfwig, réussissant à la blesser, et dans la foulée reculai dans les gravats de la partie effondrée du couloir. Goth, intelligemment, se tint à l’affût près de la porte, au cas où des renforts ennemis arriveraient de ce côté. Fargrim, lui, décida d’aller au contact des peaux-vertes et asséna un coup de marteau à l’adversaire que j’avais blessé, coup que son bouclier dévia. « Maudit gobelours ! » s’exclama le nain, peu en veine.

La créature riposta avec un vieux bâton clouté, qui fut également arrêté par le propre bouclier de Fargrim, mais son congénère en profita pour déséquilibrer le prêtre d’une violente charge. Fargrim perdit son aplomb et se retrouva à terre. Wulfwig vint au corps à corps pour l’épauler, mais l’adversaire esquiva son coup. Je sortis alors de ma cachette et tirai une seconde flèche qui alla se ficher dans la gorge du blessé. Ses yeux s’écarquillèrent, ses mains tentèrent de saisir la tige qu’il ne pouvait voir, mais la vie le quitta avant que ses doigts ne se referment dessus.

Fargrim en profita pour se relever. Le prêtre et l’archer échangèrent une passe d’armes avec l’adversaire encore debout, parvenant à le blesser. Rengainant mon arc, je me ruai à son contact, dégainai mon épée et enfonçai la lame dans son fondement. Pas la plus noble des bottes, certes, mais assurément l’une des plus efficaces…

Au moment même ou le gobelours s’écroulait, la porte s’ouvrit à la volée, et un nouveau venu attaqua Goth ! Mais le guerrier était sur ses gardes, et il para l’assaut. Une flamme sacrée de Fargrim s’écrasa contre l’embrasure de la porte. Wulfwig et moi-même reculâmes, en embuscade. D’autres gobelours arrivèrent pour s’en prendre à Goth, qui au corps à corps, qui à la javeline, mais notre compagnon parait ou esquivait tous les coups. Fargrim n’eut pas plus de chance avec sa seconde flamme, qui fut évitée.

Goth se désengagea pour laisser le champ libre. Wulf en profita pour toucher un premier adversaire d’une flèche, que j’accompagnai d’une seconde dans le gras du ventre, le blessant. Mais l’espace ainsi laissé par le guerrier, s’il nous dégageait une ligne de tir, permettait aussi aux gobelours de se déployer dans l’arène. L’un poursuivit le guerrier, qui évita le coup de morgenstern en se baissant. Un autre s’en prit à l’archer, et cette fois, Wulfwig ne réussit pas à esquiver l’attaque. La pointe de la lame adverse pénétra l’armure, et pourtant le fier humain ne sembla pas en souffrir…

Les javelines pleuvaient sur Goth mais aucune n’atteignit sa cible. Le guerrier s’approcha de Wulfwig pour l’épauler face à plusieurs adversaires. Fargrim était aux prises avec un autre et nous aidait également à distance en lançant ses flammes. Je sortis de nouveau mon épée et me précipitai aux côtés du guerrier et de l’archer. À nous tous, nous eûmes raison des gobelours, mais Wulf, finalement, pris une blessure. Grimaçant, il recula d’un pas et se mit en garde dans une posture défensive. Il ne restait que l’adversaire de Fargrim de ce côté de la porte. Je passai devant, la refermant au passage, et, usant de ma vitesse et de mon agilité, je me glissai dans le dos de l’ennemi pour lui porter un coup dans le défaut de la cuirasse. Le sang jaillit ! La violence de sa riposte fut à la hauteur de sa colère, mais j’encaissais stoïquement la mandale ainsi reçue. Goth et Fargrim se ruèrent pour m’aider. Goth parvint à aggraver les blessures du gobelours après une séries de passes d’armes, et Fargrim réussit à le feinter pour qu’il me tourne le dos. Peut-être sonné, je dus m’y prendre à deux reprises, mais la lame d’Arguy finit par lui transpercer la nuque.

Nous courûmes à la porte. Goth l’ouvrit et aussitôt se mis en posture défensive pour barrer la sortie à la paire d’adversaires qui restait à l’intérieur, et nous laisser les cribler de projectiles. Fargrim en atteint un avec une flamme, qui grimaca. Alors, les deux gobelours se regardèrent et, constatant que leur cause était perdue, jetèrent leurs javelines à terre et levèrent les mains.

Goth leur ordonna de jeter toutes leurs armes. Ils obtempérèrent, en grommelant. « Reculez, maintenant », poursuivit l’humain. Ils s’exécutèrent. Je m’approchai à mon tour. « Ne faites pas de gestes brusques, et tout se passera bien… »

Je donnai ma corde au guerrier et restai à ses côtés, épée en main. Le gobelours refusa de se laisser ligoter, mais j’étais de très mauvaise humeur et je lui fis comprendre qu’Arguy allait faire de la spéléologie dans ses intestins s’il continuait à nous faire chier. Il cracha au sol mais tendit les mains, à reculons. Goth les lui noua ainsi que les pieds, avant de l’attacher à un lit. Puis il sortit sa propre corde de son sac, et saucissonna l’autre à son tour.

« Cet endroit était sans doute une caserne pour les mineurs », fit remarquer Fargrim. Il ne restait que de vieilles couchettes en fer et un brasero, en fer également, rougeoyant. La porte à l’est était bel et bien bloquée par une barricade de fortune faite avec les restes d’une table en bois.

Wulfwig se mit à inspecter la pièce par acquis de conscience. Un des gobelours eut un regard amusé : « On a déjà tout fouillé, nous. » De fait, l’archer ne trouva rien.

Je me collai à l’interrogatoire du prisonnier, Goth derrière moi, appuyé sur sa hache, bien en évidence, Wulfwig monté sur les épaules de Goth pour le rendre encore plus menaçant. Bon, d’accord, ce n’est pas vrai, ledit Wulfwig n’ayant pas voulu de mon idée, mais c’est dommage parce que ça aurait été classe.

Voici ce que nous apprîmes : l’arrivée des gobelours coïncidait avec l’enlèvement de Nundro et Tharden. Ils étaient tout un clan, avant associé aux Griffes écarlates, nom que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam (que je ne connais pas non plus, d’ailleurs : je me demande bien qui sont ces deux gus et d’où vient cette expression). L’Araignée noire se trouvait dans le temple, au niveau supérieur. Quatre araignées géantes la protégeaient. Nundro était son otage. Il était donc encore en vie !

Les troupes gobelourses de l’Araignée noires n’avaient pas réussi à se défaire du crâne de feu. Ils n’avaient pas non plus passé les champignons : ces derniers relâchaient un gaz empoisonné dans l’air… La rivière souterraine se déversait dans une crevasse, au nord — ça, je l’avais déjà constaté par moi-même —, enfin ils n’avaient vu aucune créature de quelque sorte que ce soit dans l’eau.

Je réunis mes camarades pour conciliabuler. Fargrim suggéra de bâillonner les prisonnier avants. Goth rangea sa hache — qu’il venait de baptiser Civilisation ; j’adore ! — et assomma l’un et l’autre de son bouclier, avant qu’on les bâillonne comme des jambons (excellente blague).

Je remontai alors par l’escalier nord pour jeter un œil à ce qui se passait du côté de la rivière, suivi, à distance, par mes compagnons. Je vis des gobelours qui déblayaient la faille, un autre qui paraissait bayer aux corneilles et… un elfe noir, qui devait superviser le boulot, je suppose. L’Araignée noire ? Elle était supposément dans le temple avec ses gardes du corps arachnéens. Qu’essayaient-ils d’excaver ? Et où était passée la goule que j’avais aperçue plus tôt ? À la réflexion, sa présence au milieu d’êtres vivants était incongrue…

Je retrouvai mes compagnons dans le couloir. Nous nous éloignèrent et nous mîmes à considérer nos options, pesant le pour et le contre… Les combats s’enchaînaient, et leur issue devenait de plus en plus incertaine au fil du temps et des lames…

On causa pendant un long moment, au point de digresser complètement. Je me mis à discuter cuisine avec Fargrim, comparant avec lui les qualités nutritives et gustatives de la bière aux champignons, du vin, de différentes sortes de fromage… Je crois que j’avais faim. Je promis à mon ami que, si nous nous en sortions, je l’inviterais à manger de l’andouille, parce que pourquoi pas.

Cette parenthèse d’insouciance et de légèreté nous fit du bien, mais il fallait revenir au présent. Je proposai de retourner du côté de la forge, explorer un couloir à l’est de la salle. Cela nécessitait de franchir l’obstacle que représentait le gardien… Était-il possible de le distraire d’une manière ou d’une autre ? Wulfwig suggéra même qu’on demande carrément l’autorisation de passer au crâne. Après tout, pourquoi pas, au point où nous en étions… Je proposai du soumettre l’idée à l’idole d’augure. L’archer formula la question ainsi, verbatim :

« Si on va dans la pièce du crâne et qu’on essaye de passer après lui avoir demandé si on pouvait passer, quelle sera l’issue ?
— Funeste », répondit l’idole.

Le groupe replongea dans ses réflexions. Je me demandais si le crâne abandonnerait la poursuite si on arrivait à quitter la forge par l’est et à courir jusqu’à l’extrémité du couloir. Je posai donc la dernière de nos trois questions :

« Que se passera-t-il si notre groupe arrive au bout du couloir à l’est de la Forge des sorts en ayant été repéré par le crâne de feu ?
— Funeste… » fut de nouveau la réponse.

Nous n’étions pas plus avancés, et nous venions d’épuiser une de nos précieuses car de plus en plus rares ressources… Quelqu’un émit une fois de plus l’idée d’un leurre, mais Fargrim craignait qu’on ne soit ni assez rapides, ni assez discrets. Aussi, au bout du compte, nous abandonnâmes définitivement l’idée de repasser par la forge. C’était à contrecœur, mais c’était, probablement, le plus sage.

Par élimination, il ne restait que la grotte aux champignons. Nous y retournâmes, repassant par des couloirs devenus familiers… Depuis combien d’heures déambulions-nous dans ces méandres ? Qu’importe… Une fois à l’entrée, nous fîmes halte, et, alors, Fargrim lança un sort de thaumaturgie dont l’effet fut de faire trembler le sol. Instantanément, tous les champignons lâchèrent des spores ! Un nuage s’éleva et resta suspendu une minute environ dans les airs. Le spectacle avait quelque chose d’hypnotique.

Je jetai une poignée de cailloux sur les champignons. Rien ne se passa. Puis Fargrim relança son sort, pour un résultat identique au premier, les champignons rejetant de nouveau leur nuée toxique… Ils ne réagissaient donc pas à tous les stimulus, seulement aux plus forts, mais nous savions grâce au témoignage des gobelours que marcher dessus entrait dans cette seconde catégorie. Goth se demanda alors si le nuage était inflammable, et si nous ne pouvions pas nous débarrasser des champignons de la sorte. Il alluma un morceau de tissu qu’il avait trempé dans l’huile. Fargrim refit trembler le sol, les champignons s’activèrent, et le guerrier lança son projectile, qui tomba au sol et se consuma sans résultat. Encore une idée prometteuse froidement douchée par la réalité.

Pourtant, j’avais l’intuition qu’il y avait un moyen de passer. Je fis remarquer que les cadavres des gobelours n’étaient plus là, ce qui signifiait qu’ils n’avaient pas été tués sur le coup. Le poison ne devait donc pas être trop violent. Ne valait-il pas le coup de traverser, en courant et en retenant notre respiration le plus longtemps possible, puis de se soigner après coup ? Goth possédait un anti-poison dans son équipement, et Fargrim un dernier sort de bénédiction pour nous aider à passer l’épreuve…

Au fond de moi, j’étais convaincu que le jeu en valait la chandelle, mais je ne parvins pas à emporter l’adhésion de mes camarades. Alors, une fois de plus, nous fîmes demi-tour. Cette fois, toutes les options avaient été envisagées. La moins risquée, somme toute, restait l’affrontement…

Nous revînmes sur nos pas — Dieu merci sans faire de rencontre sur le chemin — jusqu’à l’entrée de la grotte où, dans une crevasse, coulait la rivière souterraine. Nous nous fîmes aussi silencieux que possible. Par chance, il n’y avait que deux adversaires au sommet de la falaise : un gobelours d’un côté du ruisseau, et l’elfe noir de l’autre… Les autres devaient être en contrebas. Chacun pris son poste, et au signal convenu, nous passâmes à l’attaque !

Fargrim lança une flamme sur un des gobelours. Malgré la surprise, l’adversaire évita le rayon. J’aurais, personnellement, préféré qu’il vise l’elfe noir comme nous le fîmes, Wulfwig, Goth et moi. La flèche de l’archer érafla sa cible, le javelot du guerrier la heurta de plein fouet, malheureusement ma propre flèche passa à côté. Je poussai un juron : ce n’était vraiment pas le moment…

Les deux créatures eurent à peine le temps de reprendre leurs esprits que Fargrim chargea l’elfe ! Son marteau le cueillit, et aussitôt après une second flèche de Wulfwig le blessa au bras. Goth fonça à son tour pour arriver au corps à corps, Serre brandie. La lame fit une profonde lacération en passant entre deux côtes. De mon côté, je me déplaçai jusqu’au bord de la crevasse, le plus loin possible de l’action, et décochai une seconde flèche en priant n’importe quel dieu qui voudrait bien m’entendre… Mon trait pénétra dans l’abdomen de l’elfe noir, et il tomba ! L’attaque surprise avait porté ses fruits, nous étions parvenus à éliminer l’adversaire le plus dangereux sans lui laisser le temps d’agir ! Ledit adversaire, au sol, commença alors à changer de forme… J’émis un grognement de compréhension.

Le gobelours restant avait appelé en renfort ses congénères, en bas, puis franchi le ruisseau pour attaquer Goth à la morgenstern. Ses camarades tentèrent de lancer leurs javelines sur nous mais de leur position, c’était particulièrement ardu, et aucune ne toucha. Entre-temps, le gobelours qui les avait alertés avaient succombé aux assauts conjoints de Fargrim, Wulf et Goth.

Je tirai sur le gobelours du bas le plus éloigné de nous, pour leur laisser le moins de chances de s’enfuir. Je touchai, mais il ne me restai alors plus que trois flèches… Inconscience ou courage, l’autre peau-verte se mit à grimper à une échelle de corde qui reliait les deux niveaux pour tenter de nous affronter au corps à corps. Arrivé au sommet, le gobelours parvint à porter un coup de masse à Goth. Fargrim aida le guerrier à le repousser, mais il avait pris pied sur la falaise et ils ne purent le faire chuter que de sa propre hauteur.

Wulfwig pris comme moi l’autre pour cible. Sa flèche pénétra dans l’armure, mais je ne sus si elle s’était enfoncée au-delà de la protection, car il n’eut pas l’air de réagir au coup. Comme son camarade, il se mit à grimper pour porter le combat jusqu’à nous. Un coup de morgenstern fut facilement esquivé par Wulfwig, avant que Goth et Fargrim ne réitère leur travail d’équipe en se précipitant pour le repousser au fond de la crevasse — avec succès, cette fois. L’autre en profita pour se relever dans l’intervalle. Je courus vers lui avant qu’il ne puisse se redresser dans le but de lui fracasser le crâne du pommeau de mon épée. Je cherchais, en effet, à l’assommer car je voulais faire un nouveau prisonnier. Dans notre situation, la moindre information était potentiellement synonymie de survie.

Hélas, l’ennemi évita mon coup. J’entendis son congénère pester de rage en essayant de remonter à l’échelle. Je criai : « Prenez-le vivant, celui-ci ! » Au même moment, Fargrim vint à ma hauteur et frappa mon adversaire avant qu’il ne puisse se venger. Pour mon plaisir, le nain m’avait écouté, car le coup de marteau l’assomma !

Il ne restait plus qu’à faire face au dernier gobelours. Tragiquement (pour lui) sa vie n’avait eu de valeur que le temps de quelques secondes, un second prisonnier nous étant inutile. Il s’obstinait à grimper les barreaux de l’échelle de corde, gardant tant bien que mal son équilibre tant sa précipitation sauvage la faisait se balancer dangereusement. Goth lui balança une javeline ; je me contentai pour ma part des plus gros cailloux que je pouvais trouver, ne voulant pas gaspiller mes dernières flèches. Ça ne suffit pas à le stopper, et aussitôt parvenu au sommet il fit virevolter son énorme masse. J’étais la cible, mais sa position instable me permit d’éviter facilement la trajectoire de la boule hérissée de piquants.

La flamme de Fargrim lui brûla quelques poils. Wulf me hurla « Baisse-toi ! » puis tira. La lame de Goth fit gicler un sang noir au niveau de l’épaule, mais je n’eus pas le même succès : le gobelours esquiva Arguy en se baissant et fit de nouveau tournoyer sa morgenstern dans ma direction. Je fis un bond en arrière une fraction de seconde trop tard, une pointe d’acier me rentra dans la jambe… Baroud d’honneur : Fargrim relança une flamme, Goth lui fit une seconde entaille, et j’eus le plaisir de l’achever en lui plantant, cette fois, ma lame dans le cou.

Voilà bientôt une heure que nous nous remettons tant bien que mal de cette énième et âpre bataille, mais même ce temps de repos ne parviendra pas à faire partir la fatigue que nous ressentons tous. Cette caverne risque de nous avoir à l’usure. Si nous ne trouvons rien pour nous aider dans les heures qui viennent, je sais quelle sera la réponse de l’idole à une question bonus concernant notre survie…
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#87
Aaah, le crâne de feu, je l'attendais celui-là !
Je trouve que tu arrives à le rendre adéquatement terrifiant, mais je ne suis pas impartial.

Si mes souvenirs sont bons, certains des morts-vivants que Fargrim a fait fuir avec son pouvoir lors du combat au fourneau de la Forge des Sorts ont fui jusqu'au site d'excavation des gobelours, qui les ont détruits pour se défendre. Ce qui explique les restes de squelettes à leurs pieds.
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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#88
J’arrive à peine à écrire… Le venin de l’araignée continue de me paralyser presque entièrement… C’est la fin.

Je vais essayer de décrire fidèlement les événements qui se sont déroulés ces dernières heures pendant le temps qu’il me reste.

J’ai mis abruptement fin à ma dernière entrée, juste après avoir raconté la bataille, victime d’une certaine lassitude, tant morale que physique. Je n’avais ainsi pas mentionné que Goth avait profité d’une partie de ce repos pour reprendre à son compte les fouilles des gobelours. Chance ? Supériorité de la race humaine sur les peaux-vertes ? Exploitation éhontée d’un long travail préalable qu’il n’y avait plus qu’à terminer ? Toujours est-il que le guerrier sortit de terre le squelette d’un nain portant encore aux mains des gantelets de métal intouchés par le temps. Il les confia à Fargrim, qui les identifia comme des bracelets de « force d’ogre ». Wulfwig les prit. Il avait décidé de ne plus se battre qu’à l’épée à partir de cet instant, et nous fit une déclaration en ce sens. Joignant le geste à la parole, il me fit don de la seule flèche qu’il lui restait. Je la baptisai Dernier Espoir…

Le moment de se remettre en route arriva, et nous décidâmes d’aller voir ce qui se trouvait en haut d’un escalier au nord-ouest de la caverne, sur la rive gauche du cours d’eau. J’avançai, prudemment, Wulf sur mes talons. Nous grimpâmes l’escalier et aperçûmes une faible lueur au loin. J’abaissai le capuchon de ma lanterne pour en réduire la portée. Un deuxième escalier mena à un sol de pierre taillée. Je fis quelques pas jusqu’à une porte fermée, à ma droite.

Au loin, je pouvais voir une salle illuminée d’où provenaient des sons dérangeants et familiers. Les araignées géantes… Derrière la porte, grâce à la lueur orangée vacillante qui s’échappait par le seuil, je devinai la présence d’un âtre. Tous ces indices menaient à la conclusion que nous étions devant le repère de l’Araignée noire…

Je m’éloignai silencieusement et rapportai mon inspection à mes camarades. Puis j’allai examiner l’extrémité nord de la caverne, sans détecter grand-chose d’intéressant : en contrebas, la rivière suivait son cours septentrional en s’engouffrant à travers un passage étroit dans la roche. Toutefois, de l’autre côté de la crevasse, à hauteur de la falaise où nous nous tenions, je distinguai deux corniches, sans parvenir à déterminer si elles communiquaient avec un autre endroit de la mine. Cela valait le coup d’aller vérifier.

Je revins près du groupe. Le gobelours que nous avions capturé avait repris conscience, après que nous l’eûmes solidement attaché avec des cordes collectées sur place (j’en avais d’ailleurs profité pour remplacer la mienne). Il se débattait. Je m’approchai. « Reste calme, ou je te tranche la tête. »

Je commençai l’interrogatoire. Que cherchaient-ils ici ? L’Araignée noire avait eu une vision de quelque chose d’important. Qui était l’Araignée noire ? Un sorcier elfe noir qui les tenait sous son joug grâce à une forme de coercition magique. Il avait le pouvoir de faire apparaître le feu ex nihilo (ça expliquait les marques sur le corps de Thundren). Il commandait aussi à la foudre et au froid, pouvait se rendre invisible et était en possession d’un bâton infligeant des morsures d’araignée.

Nous en savions désormais un peu plus sur notre ennemi. Le gobelours avait négocié sa liberté en échange des informations, aussi, n’ayant plus rien à en tirer, nous l’escortâmes jusqu’à l’entrée de la caverne. Je marchais dans son dos, Arguy pointée entre ses omoplates. Une fois arrivés, je tranchai ses liens. Il détala sans demander son reste.

Nous refîmes le chemin dans le sens inverse, en prenant soin de rester groupés. De retour dans la grotte, nous nous servîmes de l’échelle de corde pour descendre dans la crevasse. Puis, je décidai d’escalader la paroi orientale pour grimper aux deux corniches que j’avais repérées plus tôt, en commençant par la plus au nord. La plateforme où j’atterris n’était pas très large, mais la roche paraissait éboulée à un endroit. Je commençai à enlever quelques pierres pour déblayer un peu. Derrière les gravats, j’entendais l’écho des vagues qui donnait son nom à la caverne, plus fort qu’en n’importe quel autre endroit de la mine jusque là. Étrange.

Je redescendis, fis part de ces informations à mes compagnons, et montai à l’autre corniche. Celle-ci donnait sur un couloir ! J’avançai prudemment… Je réalisai alors que le « couloir » n’était autre que le canal asséché qui traversait la Forge des sorts, car je ne tardai pas à y déboucher. Je compris que la crevasse ne devait pas exister à l’époque où la forge fonctionnait : l’effondrement avait changé le cours de la rivière, ce qui expliquait l’assèchement du canal, qui n’y était plus relié. Je revins dans la grotte avant que le crâne ne me repère, retrouvai mes camarades en bas et leur fit une description de la topographie locale en dessinant le schéma des lieux dans le sol avec ma dague.

D’un commun accord, nous décidâmes de creuser, au sens propre comme au figuré, du côté de la corniche nord afin de voir si nous pouvions ouvrir un passage. Le bruit que j’avais entendu témoignait, en effet, d’un espace derrière les blocs de pierre effondrés. Wulfwig disposait d’une pelle, et qui plus est il était désormais doté d’une force d’ogre !

Après plusieurs minutes d’excavation, nous finîmes par remarquer que, au milieu de la voie que nous dégagions petit à petit, un creux à peu près semi-circulaire et plutôt lisse se dessinait. « Il semblerait que ce soit l’ancien lit du ruisseau », dit Fargrim. Il avait sans aucun doute raison. Finalement, après beaucoup d’efforts, nous dégageâmes un passage. Je m’y faufilai.

C’était étroit, et il nous fallut ramper. Fargrim, lui, était content : ça lui rappelait son enfance, nous disait-il. Goth, en revanche, ronchonnait. Le grand air lui manquait… Je le comprenais : moi aussi, cette caverne commençait à me rendre claustrophobique. Le guerrier se mit à évoquer le ciel avec une certaine nostalgie… Lui et Fargrim commencèrent à parler de nuages et de levers de soleil… C’en devenait presque poétique.

Enfin, nous arrivâmes dans une nouvelle grotte. Nous étions au bord d’une autre falaise, en surplomb d’un lac… ou d’une mer ? En effet, passées deux arches naturelles qui nous dissimulaient l’horizon, l’étendue d’eau s’élargissait…

Le bruit familier était plus fort que jamais. L’eau bouillonnait et semblait chaude. Fargrim émit une hypothèse selon laquelle la caverne abritait un geyser quelque part. Son activité devait créer les vagues que nous entendions et que, désormais, nous pouvions voir de nos propres yeux.

Le groupe longea la falaise, ce qui nous mena à un couloir taillé dans la pierre et orienté vers le sud. Il s’avéra qu’il s’agissait du prolongement du canal : il menait donc, encore une fois, à la forge. Plus à l’est, le chemin de crête se prolongeait. Nous le suivîmes, et arrivâmes quelques instants après devant un escalier montant…

Je gravis prudemment les marches, tendant l’oreille et scrutant mon environnement. J’atteignis une nouvelle salle caverneuse. Une partie des parois étaient naturelles, mais d’autres, côté est de la grotte, étaient droites et encadraient des portes…

Je m’avançai dans ce nouvel endroit. J’aperçus une galerie qui menait à l’ouest. Pris d’une intuition, je la suivis, et ce que je soupçonnais se vérifia : elle aussi retournait dans la salle de la forge. C’était le fameux couloir pour lequel nous avions fait tant de plans, celui qui nous avait fait gaspiller les services de l’idole avant de renoncer à prendre le risque de passer devant le crâne enflammé. Nous étions donc, finalement, parvenu à contourner la forge et son gardien… mais où étions-nous arrivés ?

Mes amis me rejoignirent. Les murs qui n’étaient pas de la main de Dame Nature semblaient former deux bâtiments adjacents. Je m’approchai de la porte qui donnait sur le plus petit. En pierre, avec gonds et poignée en fer. À taille humaine. J’écoutai, n’entendis rien. Wulf, dont l’ouïe était plus fine, en fit autant, pour le même résultat.

Je voulus l’ouvrir précautionneusement, épée en main pour parer à tout danger, mais il se révéla que la porte était coincée, et elle ne bougea pas d’un pouce. J’allai alors vers l’autre bâtiment, doté, lui, d’une double porte faite dans les mêmes matériaux que sa petite sœur. Celle-ci était légèrement entrouverte. Le sol avait l’air travaillé. Il n’y avait pas de lumière, mais celle qui venait de l’extérieur me permettait de voir un bout de table. Je poussai prudemment le battant, lanterne dans une main, épée dans l’autre, et entrai.

C’était un grand atelier, qui avait été gravement endommagé, probablement pendant la bataille séculaire dont nous avions déjà vu maints témoignages. Les tables de travail étaient brûlées, l’enduis avait été consumé par les flammes… Seul élément du mobilier apparemment épargné par les dégâts : un petit braséro posé sur un piédestal sur lequel flottait une lumière verte. Et, derrière cette lumière, la plus étrange créature que j’avais jamais vue.

« Bonjour ! » Sa voix était épaisse, gargouillante. C’était une sorte de tête flottante, verdâtre, qui ne ressemblait à rien de connu. Elle était dotée d’une large mâchoire qui laissait voir des rangées de dents acérées et une langue démesurément grande. Elle possédait un œil au milieu du front, mais le plus extraordinaire était ses quatre yeux supplémentaires logés à l’extrémité de pédoncules qui se dandinaient en regardant de tous les côtés.

« Bonjour », répondis-je, et je me présentai. « À qui ai-je l’honneur ? »

La créature s’en vint voleter près de moi… « Bonjour ! messire, bienvenu. » J’engageai la conversation avec ce singulier être. J’appris qu’il avait été créé par les magiciens du pacte, il y a donc fort longtemps. La fonction du Spectateur — c’était son nom d’espèce — était de garder les armes magiques que contenait l’atelier. Obtenir des réponses claires était rendu ardu par le fait que la créature n’avait aucune conscience du temps qui passait. Pour elle, ses maîtres étaient toujours vivants et allaient bientôt revenir ; suggérer le contraire était absurde.

De fait, le dialogue commençait à tourner en rond, aussi saluai-je le Spectateur et revint vers mes camarades. Pas plus que moi, il n’avait entendu parler d’une telle créature. Elle avait mentionné des armes magiques… Je me rappelai les informations qu’Anarondo, il y a ce qui semblait maintenant être une éternité, avait extraites du journal de l’aventurier nain trouvé parmi les possessions de Glasstaff. Était-ce là qu’étaient entreposées les armes fabuleuses qui y étaient décrites ? Si oui, il nous fallait absolument trouver comment mettre la main dessus…

Mais avant cela, nous voulûmes terminer notre inspection des lieux. Au sud de la grotte, un escalier descendait vers une salle similaire. Nous nous y rendîmes et l’espace d’une seconde, je crus que nous étions revenus à l’air libre, car la voûte était une nuit étoilée… Simple illusion, cependant, il ne s’agissait que de minéraux reflétant nos sources de lumière.

De nombreux squelettes étaient éparpillés un peu partout. Il me semblait que cela faisait longtemps que nous n’en avions pas croisés, et je ne peux pas dire que ça m’avait manqué. Il y avait visiblement eu une bataille ici aussi. Un tiers ou un bon quart du lieu était occupé par un nouveau bâtiment doté d’une double porte similaire au précédent. Je fis le tour du propriétaire avant d’y revenir. Au sud, une galerie menait à la grotte aux champignons…

Wulfwig et moi écoutâmes à la porte. Aucun bruit. Je voulus l’ouvrir, mais elle offrit une résistance involontaire, cas ses gonds avaient partiellement fondu. Les combats avaient certainement inclus la magie. Il était probable que le mages du pacte avait rencontré leur destin ici, et lutté de toutes leurs forces pour y échapper. Joignant nos efforts, nous poussâmes de toutes nos forces. La porte de pierre se plaignit en émettant de sinistres grincements mais finit par céder devant notre obstination. J’entrai alors prudemment, toujours avec ma lanterne et mon épée en main.

Il y avait de la poussière partout. De la cendre, aussi, et des murs noircis qui témoignait d’une explosion. Le mobilier était calciné. Une porte indiquait la présence d’une pièce au sud, et contre un des murs, un coffre était visible.

J’approchai du coffre tandis que Wulfwig allait inspecter la porte. Nous n’avions pas fait trois pas qu’une créature vaporeuse sortit du sol ! Je reculai aussitôt vers l’entrée. Je ne me souviens plus des premiers mots de l’apparition, mais ils formaient très clairement une menace, en sus d’une présentation puisque nous apprîmes son nom : Mormesk.

« Nous ne sommes pas des pillards ! » mentis-je, et nous sortâmes.

Wulfwig avait reconnu la créature, et une fois dehors, il nous expliqua que c’était un spectre, ou une « âme en peine ». Un être immatériel mais pouvant néanmoins être partiellement touché par des armes ordinaires. Les armes magiques ou en argent, elles, leur faisaient des dégâts normaux. Ils absorbaient la lumière — bien que rétifs à celle du soleil —, et la vie.

Pour la deuxième fois, je me demandais comment l’archer en connaissait autant sur les créatures les plus étranges de l’outre-monde. Il nous avoua alors qu’il tenait ce savoir de contes qu’il avait lus un nombre incalculable de fois dans sa jeunesse, contes qui étaient issus d’un recueil qui faisait partie des seules possessions de ses parents. Le pouvoir des histoires a quelque chose de fascinant.

Nous avions donc face à nous deux partenaires particulièrement particuliers, et chacun possédait quelque chose qui nous intéressait. La question était : comment les manipuler ?

Je revins dans l’atelier, où je retrouvai le Spectateur faisant des ronds dans l’air comme un poisson rouge dans son bocal. « Oui ? » fit-il.

« Puis-je entrer ?
— Je vous en prie, messire ! »

Je lui demandai alors s’il connaissait Mormesk. Il me répondit qu’il s’agissait d’un magicien du pacte, et d’un mage brillant.

« Merci, ce sera tout ; bonne journée ! »

Nous retournâmes voir ledit Mormesk. Je fus accueilli par un « Que voulez-vous ? » des moins chaleureux. Je ne me démontai pas, et parlai de l’atelier, de son gardien et du trésor dont il avait la charge. Il se trouva que les objets magiques intéressaient également mon interlocuteur. Nous fîmes alors un marché : l’élimination du Spectateur contre tout l’or que contenait le coffre du spectre…

Je lui demandais si le Spectateur possédait des points faibles, mais même cette information, il chercha à la négocier. Pas très logique de se mettre ainsi lui-même des bâtons dans les roues, mais bon. Je proposai en échange un parchemin de réanimation — j’ai honte, mais je ne me souviens plus comment il est parvenu en ma possession ; mon cerveau a probablement été victime de lésions irréversibles. Qu’importe… Ça ne l’intéressa pas.

De toute façon, il n’était pas question d’affronter l’un ou l’autre mais uniquement de les tromper. Nous retournâmes auprès du Spectateur, et cette fois ce fut Goth qui engagea la conversation. La créature fut ravie de nous présenter les outils et les armes qui s’offraient à nos yeux. L’une était une masse nommée Lightbringer. Un peu plus loin, une armure baptisée Dragonguard, forgée pour protéger contre le souffle des dragons, attendait que son acheteur, un certain Tergon de Neverwinter, viennent la récupérer. Elle pouvait attendre longtemps… (Il me semble que le journal du nain que j’ai mentionné plus haut mentionnaient précisément ces deux objets.)

Il était toujours aussi compliqué de discuter avec quelqu’un pour qui le temps s’était arrêté il y a cinq siècles. Quand nous l’interrogeâmes à propos de la flamme verte, il nous répondit qu’il s’agissait de la Forge des sorts. Nous renonçâmes à l’interroger plus en avant, et j’allai examiner plutôt examiner une porte dans le mur nord. Elle était coincée. Je tentai de l’ouvrir, mais c’est elle qui m’ouvrit. Tandis que je bandais ma main à la va-vite en rouspétant, Wulfwig s’approcha et l’enfonça du premier coup. Frimeur.

Il n’y avait rien dans la pièce, toutefois : tout avait été calciné. Une seconde porte donnait sur l’extérieur, c’était celle que nous avions tenté d’ouvrir un peu plus tôt sans succès.

Je revins dans la pièce. J’envisageai de voler une arme afin de la montrer au spectre pour lui faire croire que nous avions accompli sa mission. Un plan dangereux mais l’heure était à prendre des risques. Faisant mine de m’intéresser aux chefs-d’œuvre nés du savoir-faire du pacte de Phandelver, je passai l’air de rien devant un établi et escamotai discrètement dans ma manche une dague qui trainait dessus… Malgré ses cinq yeux, le Spectateur ne vit rien. Nous prîmes de nouveau congé.

Heureux de mon coup, je sortis la dague pour l’examiner. Magnifiquement bien faite. Je testai son tranchant contre la pierre. Efficace.

Nous retournâmes du côté de l’âme en peine. Je pénétrai dans sa demeure tandis que mes camarades restaient à l’extérieur.

« Vous êtes de retour…
— Oui, et nous avons accompli la mission que vous nous aviez confiée !
— Vous avez une preuve ? »

Je brandis la dague en affichant mon plus beau sourire. Mon bluff passa ! La tromperie fit son effet, et, alors, des squelettes se relevèrent autour de mes camarades restés dehors. Mon cœur manqua un battement, mais ils n’attaquèrent pas, heureusement…

Je reportai mon attention sur le spectre. Il me dit de prendre toutes les gemmes et les pièces, mais de ne pas toucher à la pipe sous peine de mort… J’ouvris le coffre. Je fourrai autant d’argent et de pierres précieuses que je pouvais dans mes poches et tout en m’affairant, je subtilisai discrètement une jolie pipe qui se trouvait au milieu du trésor…

Je sortis de la pièce plus riche que je ne l’avais jamais été. Cette perspective me mis du baume au cœur, et c’est avec un enthousiasme revenu que je demandais à mes amis : « Où sont passés les squelettes qui étaient là ?… »

Je suggérai qu’on parte au plus vite. Nous remontâmes l’escalier et retournèrent devant la porte de l’atelier. Elle était entrouverte, et laissait voir le carnage qui se déroulait à l’intérieur… Le Spectateur était en train de massacrer les zombies relevés par le mage à coups de dents et de rayons magiques qui jaillissaient de ses yeux. Ne pas le combattre avait décidément été une sage décision…

Je rentrai. « Bien le bonjour ! Oh, mais il y a eu du grabuge, ici !
— Pas du tout, tout est très calme !
— Euh… et ces squelettes ? » Il cligna des yeux comme s’il ne comprenait pas la question.

Je sortis la pipe de ma poche et la lui montrai. « C’est un très joli objet. Ça ressemble à une pipe. » Il n’y eut rien de plus à en tirer. Je ressortis et examinai moi-même la pipe.

« Est-ce que l’un de vous a du tabac ?
— Est-ce que c’est vraiment le moment ?
— Oui ! »

Personne n’en avait. Je suis sûr que la pipe était magique et soignait les maux. Tous le monde connaît les propriétés curatives du tabac !

Nous retournâmes à l’intérieur. J’eus envie de la jeter dans le feu pour essayer de comprendre les effets de ces mystérieuses flammes vertes. Wulfwig était d’accord avec mon idée. Je sortis la pipe, contemplait les environ 150 chèvres que je m’apprêtais à sacrifier et, écrasant une larme, la jetai dans la braséro.

Elle devint aussitôt incandescente… mais ne fut pas détruite ! Avisant une paire de tenailles, je m’en saisis et récupéra précautionneusement l’objet. Il redevint froid aussitôt…

Pris d’une inspiration, je sortis Argument Ultime, la plongeai à son tour dans les flammes, et attendis. Au bout d’une dizaine de minutes, je retirai la lame. Là encore, elle redevint froide immédiatement. Rien ne semblait avoir changé… Je la remis au fourreau, dépité.

Goth suggéra alors de détruire la pipe à l’aide d’un marteau et d’une enclume. Si le spectre y tenait tant, c’était peut-être parce que son sort y été lié. Dès lors, peut-être que la fracasser provoquerait le bannissement de son (ancien) propriétaire. Allez savoir… La théorie valait le coup d’être soumise à la pratique, aussi je confiai l’objet au guerrier tandis que Fargrim lui prêtait son marteau. Goth posa la pipe sur une enclume et leva haut l’arme au-dessus de sa tête… Le Spectateur, lui, nous regardait sans que je puisse déterminer si ses nombreux yeux exprimaient de la curiosité ou de l’indifférence. La marteau s’abattit violemment, et, sous le choc, la pipe vola dans les airs avant de retomber sur le sol… intacte !

Était-elle aussi résistante de base, ou était-ce dû à son passage dans les flammes ? Quoi qu’il en soit, je la récupérai, et pour répondre à cette question, Goth alla ramasser une pointe de flèche parmi les débris qui parsemaient le sol au dehors, la fit passer dans le braséro puis retapa un grand coup dessus. Elle ne se brisa pas.

Je sortis alors Arguy du fourreau et l’examinai plus attentivement. Maintenant que j’y faisais attention, son tranchant était plus effilé… Elle paraissait aussi plus légère… Le feu vert avait donc la faculté d’enchanter les armes ! Les paroles du Spectateur prenaient tout à coup un autre sens. Immédiatement après cette découverte, chacun passa tout ce que son équipement comportait de martial dans les flammes. Je fis de même avec mes quatre flèches, et, à la réflexion, même avec mon arc. Je n’étais pas sûr que ça serve à quelque chose mais ça ne mangeait pas de pain.

Nous nous retrouvâmes dehors. Nous avions gagné un petit bonus, mais dans l’optique du combat à venir contre l’Araignée noire, mettre la main sur les armes de l’atelier restait primordial. Il me vint à l’esprit l’idée de me déguiser pour tromper le Spectateur. Je pourrais par exemple me faire passer pour ce Tergon qu’il avait mentionné… Ma taille posait problème, mais en montant sur les épaules de Fargrim, après tout… Le nain ne rejeta pas intégralement l’idée, mais suggéra plutôt de prétendre que j’étais un associé de ce Tergon.

C’était décidé ! Ça me rappellerait mes nombreuses années de théâtre, car j’avais été comédien.

Si, si, j’ai été comédien. J’ai même joué dans des tas de rôle : conducteur d’attelage, jardinier, comptable, collecteur d’impôts, cuisinier, mineur, historien, mathématicien, éleveur de vaches, danseur, conservateur de musée, architecte, ébéniste…

La difficulté était d’improviser un déguisement avec les moyens, limités, du bord. Je récupérai sur les dépouilles morceaux de tissu et bouts d’armure pour m’en faire un patchwork suffisamment crédible. Un peu de terre et de suie firent l’affaire pour le maquillage. Je mouillai mes cheveux pour les plaquer et changer ma coiffure… Il me fallut une bonne heure avant d’arriver à un résultat qui me satisfasse. Les autres en profitèrent pour se reposer.

Enfin prêt à jouer l’un des rôles les plus importants de ma vie, je me dirigeai vers la scène… Avant, toutefois, Fargrim lança sur moi un sort d’assistance pour… Ben, m’assister. J’ouvris grand le rideau (enfin, la porte), et pénétrai dans l’atelier tel un conquérant.

« Je viens de la part de mon maître, messire Tergon, pour prendre sa commande ! »

Malheureusement, j’étais un peu rouillé. Quelque chose dans le timbre de ma voix manquait d’assurance. Le fameux trac avant d’entrer en scène, peut-être… Quelques secondes passèrent pendant lesquelles je guettai plus anxieux que jamais la réaction de mon unique… spectateur. Allait-il me reconnaître ?

Je crus entendre le chant des trompettes célestes lorsqu’il me répondit : « Bien sûr ! Elle est ici », en se dirigeant vers le plastron. Je m’en emparai et, euphorique, tourna les talons pour sortir, lorsque…

 « Attendez ! »

Je me raidis.

« Vous avez oublié le casque… »

Mes poumons produisirent un tel soupir de soulagement qu’il aurait probablement pu gonfler les voiles d’un navire depuis Neverwinter jusqu’à Waterdeep.

« Vous transmettrez mes hommages à votre maître !
— Je n’y manquerai pas !… » Je toussai. « Sur sa tombe… »

Je revins au dehors avec mon trophée. Nous jubilions. Toutefois, ce n’était qu’une partie du trésor. La masse, en particulier, nous faisait terriblement envie. Fargrim, inspiré par ma performance, proposa alors de se faire passer pour un des prêtres qui l’avaient commandée. Je lui dis que j’allais le déguiser à son tour pour tromper le gardien, mais l’idée que je touche à sa barbe l’embarrassait beaucoup… Toutefois, devant l’exceptionnalité de la situation, il accepta. « Nous sommes cousins, maintenant ! » déclara-t-il. Les nains ont de curieuses coutumes familiales.

Je commençai donc à grimer Fargrim. À fargrimer, en somme. La tâche s’annonçait exceptionnellement ardue, le manque de ressources à disposition étant un désavantage. Je m’appliquai avec méticulosité à le rhabiller intégralement, je fis des tresses dans sa barbe auxquelles j’adjoignis quelques unes des gemmes que j’avais dérobées au spectre, je dessinai de faux tatouages sur son visage… De nouveau, il me fallut environ une heure pour arriver au résultat… Et quel résultat ! J’avais mis tant de cœur à l’ouvrage, malgré les contraintes, que la métamorphose était simplement parfaite ! Je n’aurais pas pu mieux réussir. L’illusion était si convaincante, si magnifique, que j’en aurais pleuré de joie.

Pendant que je réalisai ce chef-d’œuvre, Wulfwig examinait la cuirasse et le casque. Je soupçonnais que ses pensées étaient tournées vers le dragon dont le druide Reidoth nous avais parlé, à Thundertree… Goth, lui, admirait la dague que j’avais subtilisée plus tôt.

C’était au tour du prêtre d’éblouir le public. Confiant à bloc dans son costume sur mesure, il s’adressa au Spectateur avec une assurance exceptionnellement naturelle, et n’eut aucun mal à se faire remettre Lightbringer. Sa performance, je dois le dire, était éblouissante. Juste avant de partir, inspiré, Fargrim lança : « Je vous libère de vos obligations ! »

« Ah ! très bien », répondit le Spectateur avant de… disparaître !

C’était tout simplement incroyable. L’une des plus belles performances que j’avais jamais vue.

Comme toute menace avait maintenant disparu dans l’atelier, j’y retournai et le fouillai de fond en comble pour voir si nous n’avions pas laissé passer quelque chose… mais non, tout ce qui était intéressant, nous l’avions déjà obtenu. Wulfwig, comme je le pressentais, garda la cuirasse. Fargrim, lui, récupéra la masse. Il devrait la rebaptiser Molière, il l’a bien mérité.

Il était grand temps, désormais, de retourner du côté du temple pour l’ultime confrontation…


Nous avons emprunté dans le sens opposé le même long détour pour revenir près du temple. Le moral était remonté. La découverte des trésors de la forge nous avait rendu confiance. Nous étions prêts à vaincre l’Araignée noire.

Le groupe s’est positionné en retrait, devant la porte de la pièce où les deux gobelours que nous avions fait prisonniers croupissaient. Je me suis occupé de faire l’appât. Arrivé devant la porte du temple, celle où j’avais vu pour la première fois l’une des araignées géantes, je l’ai frappée d’un hargneux coup de tatane, avant de reculer le plus vite possible. L’araignée est sortie…

J’ai tiré. Ma flèche a transpercé de justesse la carapace chitineuse… Bénie soit la flamme verte. J’ai tourné les talons et couru pour rejoindre mes camarades.

L’araignée m’a suivi, tombant dans notre embuscade. Aussitôt que j’ai vu sa tête, une deuxième flèche a volé dans sa direction… mais je n’ai touché que de la pierre.

Goth avait donné deux de ses javelines à Wulfwig. L’archer, prouvant qu’il était aussi bon au lancer du javelot qu’au tir à l’arc, a transpercé à son tour l’araignée, faisant jaillir un flot poisseux. Il n’a malheureusement pu éviter la toile lancée en réaction, et s’est retrouvé englué dedans. Je me suis rué pour la déchirer avec ma nouvelle dague. J’étais encore fébrile car j’ai manqué de la faire tomber en la tirant de ma ceinture, mais j’ai réussi à la rattraper in extremis. Je suis parvenu à le libérer, et il en a profité pour lancer une nouvelle javeline. Le projectile a percé l’un des yeux abjects de la bête. Elle s’est aussitôt effondrée. Première victoire !

Tandis que l’archer récupérait ses armes, je suis retourné à la porte du temple. J’avais l’intention de refaire le même coup. Le mariage de l’euphorie et de la fatigue donnant rarement pour fruits une lucidité fulgurante, j’avais été beaucoup trop optimiste, cependant… À peine avais-je tapé dans la porte qu’elle s’était ouverte à la volée ! Une autre de ces grosses abominations arachnéennes m’attendait derrière.

J’ai eu le temps de lancer un « Euh… Amis ? » avant qu’elle ne se précipite sur moi pour me mordre. Je suis tombé. J’étais empoisonné. Un voile noir familier s’est mis à recouvrir mes yeux…

Il m’a semblé voir de nouveau la Faucheuse s’approcher de moi, un sourire sadique et dépourvu de lèvres sur son visage blafard. Je ne sais pas à combien de temps dans le monde de la matière correspondait ces quelques secondes éthérées, mais, puisant au fond de ma rage mes dernières ressources d’énergie, j’ai asséné le plus violent des coups de poing à la silhouette encapuchonnée. Elle a poussé un cri, et son image a explosé en milliers de fragments. « Repasse un autre jour, fâcheuse ! » pensais-je en mon for intérieur.

J’avais ouvert les yeux. J’étais toujours sur le seuil du temple. Mes compagnons s’étaient rués à l’attaque en me voyant tomber. J’étais paralysé. Je sentais le poison pétrifier mes membres.

J’espère que vous me pardonnerez, estimé lecteur, de ne pouvoir vous dépeindre comme vous l’auriez mérité cette ultime bataille. Hélas ! dans ma situation, je ne pouvais rien faire de plus que le mort, et, comme vous, je ne voyais rien du combat, ou presque. J’ai ainsi aperçu Fargrim lancer une bénédiction sur lui-même, Goth et Wulfwig avant d’aller au-devant d’une des araignées géantes. J’ai ensuite vu le guerrier courir vers moi et me soulever pour me mettre à l’abri…

Des sons, plus ou moins proches, me parvenaient. Fracas furieux des armes. Chuintements hideux des araignées. Cris de rage et de douleur. Une porte qui s’ouvrait violemment. Des mots prononcés dans une langue inconnue. Le bruit caractéristique de sortilèges offensifs. Des jurons, et des cris d’agonie.

Combien de temps cela a-t-il duré ? Le silence est retombé. J’ai entendu des pas. Une ombre a recouvert mon visage, et une forme s’est dressée à côté de moi.

C’était Fargrim.


Le prêtre s’est accroupi, a étendu ses mains au-dessus de mon corps et commencé à chanter une prière de guérison. Je sentais dans sa voix qu’il avait dû prendre quelques coups dans la bataille, car il a bégayé plus d’une fois, mais le sort a tout de même fait effet un minimum. Je restais sérieusement amoché, mais je me sentais mieux. J’étais toujours paralysé, en revanche. C’est à peine si j’arrivais à remuer mes doigts…

J’ai bougé les yeux, pointant du regard mon sac. J’ai répété plusieurs fois le même mouvement oculaire, et Fargrim a compris ma requête. Il m’a adossé du mieux qu’il le pouvait à un mur, a sorti de ma besace mon journal, mon encrier et ma plume, et placé cette dernière entre les mains.

Cela fait bientôt une heure que j’écris, heureusement, l’effet du venin s’est désormais presque complètement dissipé. J’ai le poignet perclus de crampes.

J’ai dit que c’était la fin. Je n’ai pas dit que c’était une mauvaise fin !
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#89
Il est temps de donner un épilogue à cette histoire !

Commençons par les derniers événements de la mine. J’ai finalement pu retrouver le plein usage de mes membres et, tout en me levant, je me suis adressé à mes camarades d’une voix quelque peu pâteuse :

« Merci, compagnons. Vous m’avez évité une mort horrible. »

Puis, me tournant vers Fargrim :

« Merci, cousin.
— De rien, mais que ça ne devienne pas une habitude ! » me répondit le nain.

Goth me « complimenta » au sujet de ma faculté à détecter les pièges, même si c’était en en les activant. Notre guerrier s’aurélise ! La boutade m’arracha un sourire.

Je repris mon rôle en allant inspecter le temple. Six piliers de marbre fissurés soutenaient le plafond de cette grande salle. Au nord trônait, littéralement, une statue de neuf pieds de haut représentant un nain assis. Un campement était installé devant. Une demi-douzaine de sacs de couchage et de sacs à dos étaient arrangés autour d’un feu de camp sommaire. Une table en bois se tenait entre deux piliers du côté ouest de la pièce.

Je me suis approché de la statue. « Il s’agit de Dumathoïn, le dieu nain des mineurs », nous informa Fargrim. Les yeux étaient faits d’émeraude.

De son côté, Wulfwig s’intéressait à la table. Des notes, des cartes étaient étalées dessus, ainsi qu’un petit sac en cuir, qu’il ouvrit. Des gemmes et des pièces en tombèrent en faisant un bruit métallique qui me fit dresser l’oreille et rappliquer aussi sec. Je me mis aussitôt à compter ce nouveau trésor : 190 pièces d’électrum, 130 d’or, 15 de platine… neuf gemmes d’une valeur de 10 pièces d’or chacune et une superbe chope naine faite en électrum martelé. Cent chèvres au bas mot. Je répartis le butin ainsi : trois gemmes, 5 pièces de de platine, 40 pièces d’or et 60 pièces d’électrum pour Goth, Wulfwig et Fargrim tandis que je récupérai la chope, plus 10 pièces d’or et autant d’électrum.

Goth et Wulfwig, qui avaient terrassé l’Araignée noire, avait également récupéré sur le corps magicien une fiole de soins — qui m’échut —, une clef en fer dont la poignée était sculptée en forme d’enclume et dont je me demandais ce qu’elle pouvait bien ouvrir, et un bâton que nous gardâmes pour Pierre au cas où on le recroiserait un de ces jours. J’avalais ma potion aussitôt mais je tremblais encore beaucoup, et j’en mis la moitié à côté… Je retrouvai quand même un minimum de couleurs.

Je retournai alors dans le couloir à l’est du temple, devant la porte sous laquelle la lumière d’un feu crépitait. Aucun bruit d’être vivant ne me parvenait. J’examinai la poignée et la serrure. Une nouvelle fois, du bel ouvrage. Fargrim me passa la clef trouvée sur l’elfe noir, et j’eus la réponse à ma question et déverrouillant la porte avec.

Des draperies poussiéreuses décoraient les murs de la pièce, qui contenait également un lit et un braséro. Un nain terriblement échevelé, ligoté et inconscient était entendu sur le sol de pierre froid. Nous le libérâmes aussitôt de ses liens. Il avait l’air en mauvais état, mais pas blessé stricto sensu.

Goth entreprit de le réveiller. Ses paupières s’ouvrir au bout d’un moment. Un expression mi-apeurée, mi-perplexe passa dans ses yeux.

« Qui êtes-vous ? Je ne vous connais pas ! » nous dit-il. Goth s’efforça de le rassurer. Nous lui expliquâmes que nous étions des amis de son frère, Gundren. Il allait bien et nous attendait à Phandalin. Nous eûmes plus de difficultés à lui apprendre la mort de son autre frère, vraisemblablement tué par son ravisseur, l’elfe noir.

La nouvelle l’abattit un instant. « Je nous maudis presque d’avoir trouvé la légendaire caverne de l’Écho-des-Vagues », dit-il. « Cette découverte allait nous rendre richissimes, marquer notre nom dans l’histoire de ce pays, et pourtant… à quel coût ? »

Nous lui révélâmes alors que nous avions trouvé la forge et fouillé la caverne de fond en comble. Ne demeuraient que deux dangers : le crâne enflammé, gardien de la forge, et l’âme en peine, qui devait l’être encore plus depuis qu’elle avait (supposais-je) découvert que je lui avais volé sa précieuse pipe… Aucun regret : elle ira très bien avec ma nouvelle chope.

Nundro nous expliqua que l’elfe noir le gardait car il pensait qu’il en savait plus que ce qu’il disait, concernant l’accès à la Forge des sorts. Je sortis une ration de mon sac et donnai à manger au rescapé pour le requinquer un peu, puis nous commençâmes à évoquer Phandalin et l’avenir…

Fargrim apprit à Nundro que son frère nous avait promis des parts dans la mine. Je n’en dis rien à mes compagnons, mais, en ce qui me concernait, je n’étais pas certain d’avoir encore envie d’être lié à ce lieu de quelque façon que ce soit, et en moi-même, je décidai que je ferais cadeau de ma part à tante Qelline…

Je suggérai de retourner à Cragmaw Castle à l’occasion pour demander conseil à Anarondo sur la meilleure façon de se débarrasser des deux dernières menaces qui restaient. Puis vint le temps de partir…

Avant, toutefois, nous allâmes chercher nos prisonniers gobelours. Nous tînmes paroles en les laissant filer, mes les prévînmes qu’il n’étaient pas les bienvenus dans la région ; qu’ils transmettent le message à leur clan…

Alors, enfin ! nous retrouvâmes le ciel et la forêt. Le crépuscule était bien entamé. Nous avions emporté avec nous le corps de Tharden, pour lui faire une sépulture décente…


La nuit était tombée depuis quelques heures lorsque nous avons atteint Phandalin. Il n’était pas trop tard, toutefois, pour se rendre à l’auberge.

Les deux frères se sont tombés dans les bras dès qu’ils se sont vus… mais le visage de Gundren s’est glacé en voyant qu’il était seul. « Et Tharden ?… » Le silence de Nundro répondit pour lui, et Gundren comprit. Il s’est tourné vers nous : « Je vous suis éternellement reconnaissant d’avoir ramené mon petit frère — et néanmoins associé — en vie. »

Je tiens mes promesse, aussi ai-je adressé un clin d’œil à Fargrim et un tonitruant : « Aubergiste ! Andouillette pour tout le monde ! » à l’interessé. « Est-ce que vous avez de la bière naine ? » enchaîna mon tout récent cousin. Puis, en se tournant vers moi : « On pourrait étrenner votre nouvelle chope… » J’approuvai : « Excellente idée ! »

Nous avons passé la soirée à raconter nos exploits à qui voulait les entendre, c’est-à-dire à peu près tout ce que la ville comptait d’individus dotés d’oreilles, et nous avons fait la fête toute la nuit. Je ne me suis éclipsé que peu avant l’aube pour rédiger ces dernières lignes. Je n’aurai même pas le temps de dormir quelques minutes : Goth insiste pour qu’on aille tous voir le soleil se lever…
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#90
Bravo ! Plus qu'à compiler tout ça en un volume !
Souris ! Tu ne peux pas tous les tuer...
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