[La Loi du Sabre] Les Guerriers du Feu
#1
Un peu comme avec les Adorateurs du Mal, j'ai enfin mis la main sur ce vieux LDVELH après presque 25 années à l'attendre sans trop y croire. La magie d'Internet...

Et la magie de la série la Loi du Sabre, est-elle toujours présente? J'aime bien les deux premiers épisodes avec leur ambiance fantasmagorique si particulière mais aussi par leur souci d'apporter des informations historiques dans un univers fantasy. La french touch peut-être vu qu'on a aussi cette dimension historique dans le Prêtre Jean ou les Messagers du Temps.
Toujours est-il que ce troisième volet des aventures de Yasaka le samouraï errant est intéressant, pas trop décevant par rapport à ses prédécesseurs.

Je ne m'attendais pas à retourner au Japon. Après avoir écumé la Chine et la Mongolie dans le Monastère Oublié, je pensais aller en Russie, à Samarkande ou en Enfer vu le descriptif de la 4ème de couverture. Mais non, un bouddha volant nous ramène au pays natal à la recherche de Gôdo notre ancien maître spirituel (je vous le donne en mille, les auteurs ont évidemment réussi à caser dans le texte "en attendant Godo", la french touch je vous dis...). Le scénario ne s'embarrasse plus de prétextes pour nous faire vivre plein de péripéties avant d'atteindre la cité mythique de Wâ. On nous explique au contraire très clairement que c'est le chemin qui compte et non pas la destination. Comprendre que toutes nos aventures doivent nous faire accéder à un état supérieur de sagesse, tout n'est qu'une quête initiatique en somme.
Donc si on est trimballé un peu partout à affronter des dizaines d'adversaires sans liens entre eux, ce n'est pas très grave. J'adhère moyennement au concept.

Il n'empêche que cette aventure est constituée de deux parties distinctes relativement structurées : une première où l'on doit affronter trois démons qui terrorisent les montagnards du coin. Puis une plus longue où l'on va se retrouver confronté à une secte de religieux déments pyromanes, desquels découle le titre de ce LDVELH.
Niveau rebondissements et progression de l'histoire, ce n'est pas trop ça.
Les trois démons ont des liens étroits entre eux, une psychologie assez particulière et difficilement concevable pour un être humain. Moi-même n'ai pas trop compris certains liens, certaines réactions, certains enchaînements de l'aventure. L'ambiance se veut mystique et philosophique mais c'est surtout nébuleux pour le lecteur qui doit subir pas mal de relectures avant de saisir certains tenants et aboutissants concernant ces demi-dieux. L'originalité est que, par un système d'objets-repères genre étoile de cristal dans Loup Solitaire, les auteurs arrivent à faire l'économie de paragraphes et à donner une certaine sensation de liberté dans cette première partie de l'aventure qui manque quand même beaucoup de rythme : peu de combats, de longs paragraphes s'enchaînant sans choix à faire, des "duels" avec les démons assez décevants.
La seconde partie est moins originale mais on y retrouve les tribulations hautes en couleur et qui tombent un peu du ciel caractéristiques de la série. Les scènes d'action y sont plus présentes, tout comme le stress accru des choix que l'on devine mortels. En effet, les PFA piégeurs sont fréquents.

La difficulté est d'ailleurs au rendez-vous, élevée et ce, pour trois raisons. De nombreux PFA pas toujours faciles à éviter donc. Des combats au résultat souvent aléatoires en raison du système de règles qui s'avère mortel si on s'est vautré au tirage de caractéristiques pour certaines armes (chose fréquente). Enfin, un LDVELH d'une longueur assez incroyable pour ses à peine plus de 300 paragraphes. D'une part long à lire parce que les paragraphes sont tout simplement longs, détaillés, pas "fainéants" à la Luke Sharp. Mais aussi à cause d'une certaine linéarité, du système de paragraphes convergents dans la première partie et de nombreux noeuds dans l'histoire avec des lieux précis à visiter dans un certain ordre.

C'est vraiment dommage que cette série soit desservie par ce système de règles ô combien affreux malgré son ambition. Du Défis Fantastiques avec un seul dé au lieu de deux pour faire les forces d'attaque, un système qui rend certains combats interminables si les adversaires ont plus de Défense que d'Attaque, un tirage de départ très aléatoire, d'autant plus qu'on n'a presque jamais le choix des armes au cours de l'aventure. Si on tire 4 et 3 en armes diverses et que l'on te demande à un moment de te battre dans une taverne avec un pied de chaise, c'est foutu pour Yasaka!

Malgré ce recensement conséquent de défauts, ce livre n'est pas à jeter.
De par sa richesse et sa longueur, il mérite une attention particulière, d'autant plus que c'est plutôt bien écrit.
L'aspect historique est un point éminemment important. J'ai l'impression d'apprendre plein de choses sur l'Asie médiévale, aussi bien au niveau historique que sociologique, mythologique ou artistique. D'après certains, les auteurs se tromperaient sur quelques points précis. N'empêche qu'ils donnent quand même l'impression d'être sacrément documentés et rien que pour ça, ce bouquin mérite le détour.
La plupart des aventures, des personnages, des lieux, sortent du folklore traditionnel extrême-oriental mais sous un aspect assez poussé, original et approfondi. Ce n'est pas du dilettantisme ou du circonstanciel, on sent que les deux auteurs sont passionnés par cet univers. C'est quand même un excellent point.

Toujours dans le même esprit, la philosophie est au coeur même de cette aventure. Yakasa ne cesse de faire de l'introspection, de filtrer comme une éponge toutes les leçons de sagesse qu'engendrent ses aventures ou mésaventures. Chaque rencontre est l'occasion d'entrevoir le reflet de sa propre âme, d'accepter sa destinée et d'en retirer des conséquences métaphysiques. C'était déjà le cas dans le début de la série mais cet aspect est cette fois poussé à son paroxysme, d'où la longueur de certains paragraphes là où un LDVELH classique les auraient réduits au quart.
Cela induit un certain manque de souffle, un rythme haché, aux antipodes des aventures med-fan classiques. Mais le tour de force est que ces messages philosophiques passent très bien, qu'ils ne font pas lourdingues, pas sentencieux. Difficile de s'immerger dans l'esprit d'un héros aussi atypique mais on touche quand même du doigt ce mysticisme oriental, cette sagesse exotique qui diffère tellement des concepts moraux propres à la civilisation occidentale. J'ai trouvé ça plutôt fort.

N'empêche que Yasaka ne connaîtra plus d'autres péripéties à présent... Pour ma part, ce n'est pas un déchirement car le scénario global donnait l'impression de piétiner un peu sur place dans ce troisième tome là où la saga du Prêtre Jean réussit à faire vivre des aventures toujours plus différentes les unes des autres.
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