[Œil Noir 05] La source de mort
#1
Gallimard a publié de nombreux scenarios de l'Oeil noir, JdR d'initiation aux règles et aux scenarios simples destiné au même public que celui des LVDEH. En conséquence, la série a comporté plusieurs aventures solos, souvent de sinistre mémoire tels les mémorables Hiéroglyphes de l'Horreur, qui ont fait sur le forum l'objet d'une critique dont la férocité était parfaitement justifiée. Néanmoins, toutes ne sont pas tombées aussi bas !
Le début de "La source de mort" est original : nous sommes enchaînés dans un cachot, prisonnier du prince de Herdin qui a manigancé un piège pour nous capturer et nous obliger à accepter une mission difficile : mettre fin à l'empoisonnement des eaux du Taloueb, dont les vertus miraculeuses faisaient autrefois la richesse de la cité. Comme le Prince ne trouve plus de volontaire et/ou qu'il les a décimés, il a jeté son dévolu sur un benêt de passage (nous, aventurier de niveau 1) en nous arrêtant sous un faux prétexte (tricher aux dés dans un tripot...). Il a néanmoins la gentillesse de nous équiper correctement avant de nous lâcher dans la jungle qui abrite la source des eaux, devenue la source de mort. "La source de mort" est donc un LVDEH d'exploration, qui se décompose en deux parties distinctes.
La première partie se déroule dans une jungle hostile et inexplorée, à la recherche de la source. Malgré des descriptions souvent laconiques, l'ambiance de la jungle est assez bien rendue : les lianes, le sol marécageux et la moiteur rendent notre progression difficile ; les rencontres, la faune et la flore sont cohérentes avec l'univers décrit ; le sentiment d'immersion dans une jungle inextricable et labyrinthique naît des nombreux choix de direction proposés, parfois ponctués de jets de dés pour simuler la difficulté de se repérer dans l'enfer vert : (par exemple, après un combat mené dans une clairière bourbeuse bordée d'une végétation épaisse, il nous est demandé de nous rendre au paragraphe 1D6x11, faute de pouvoir repérer le chemin par lequel nous sommes venus). La principale faiblesse de cette partie est la multiplicité des paragraphes dont le texte se limite à des choix de directions, qui peut provoquer une certaine lassitude renforcée par la nécessité de compter les paragraphes afin de simuler l'écoulement du temps (nous n'avons des vivres que pour deux jours, puis commençons à perdre des points de vie). En outre, il manque parfois quelques paragraphes de transition pour assurer une parfaite continuité entre les différentes actions sur les lieux explorés.
La deuxième partie commence après la découverte de la source de mort. Il est un peu étonnant, vues les installations du sanctuaire où les eaux prennent naissance, qu'on ne nous ait donné aucun indice pour les localiser. A priori le lieu était connu, au moins de ceux qui l'ont construit ! Il nous faut alors à nouveau explorer un dédale de grottes et de couloirs jusqu'à découvrir l'origine de l'empoisonnement des eaux de Taloueb. L'accumulation de choix de directions s'avère à nouveau un peu fastidieuse mais la difficulté n'est pas dans l'exploration. Il faut avoir découvert un mot magique alors que nous étions dans la jungle (pas très difficile à trouver car, même s'il n'est pas inscrit sur un panneau géant à l'entrée de la forêt, il a été dupliqué en plusieurs exemplaires dans des lieux stratégiques) pour arriver jusqu'à un dragon gardien, qui est très puissant. Heureusement, l'auteur semble avoir des scrupules à provoquer la mort du lecteur (par exemple, dans le PFA auquel nous nous rendons quand nos points de vie tombent à "0", notre première "mort" n'était en fait qu'un rêve prémonitoire) et multiplie les possibilités de surmonter/contourner les difficultés, allant parfois jusqu'à ne pas tenir compte des échecs aux tests d'aptitude, notamment un test d'intelligence qui permet de tuer le dragon sans combattre, ce qui est assez injuste car l'auteur inflige quelques paragraphes auparavant une pénalité de 5 points d'intelligence à ceux qui n'ont pas su résoudre une énigme (intéressante car bien présentée : "Seul celui qui comprend comment du roc naît le cor...") nécessaire pour parvenir à l'antre du dragon ! Par ailleurs, l'auteur est aussi visiblement un ami des animaux... En revanche, il n'est pas l'ami des tricheurs (ah la rigueur morale des allemands, qui ne traversent pas une route déserte tant que c'est rouge pour les piétons) et sait les détecter par des pièges astucieux !
Au final, un LVDH assez facile, qui se lit sans déplaisir (l'auteur aime à faire de temps à autre des apartés) malgré une trop grande accumulation de choix de directions. L'ambiance aurait pu être un peu moins bucolique et plus glauque, en descrivant la putrescence de la jungle et des créatures contaminées par les eaux maléfiques de la source de mort. A noter que la fin nous offre la possibilité de mettre fin à notre carrière d'aventurier débutant, en devenant conseiller du Prince de Herdin : celui-ci n'était donc pas un mauvais bougre !
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#2
tiens, c'est marrant, d'après mes souvenirs, je l'avais détesté. Pour moi c'était des enchaïnements de § de 2 lignes dans un marais labyrinthique interminable avec des choix au pif gauche, droite, sans rien pour guider. Je lui avais très nettement préféré les Hiéroglyphes de l'Horreur.

En dehors du premier Oeil Noir solo La Fille du Calife qui valait pour la nostalgie de la belle Nedime, ou l'Archipel du Cyclopes, passables, j'ai trouvé les solos de l'Oeil Noir pas bons. Je ne sais pas si c'est le passage de la langue de Goethe à la VF, mais j'ai toujours trouvé un "décalage". Peut-être du au fait que c'était conçu comme un JdR adapté en ldvelh. J'ai l'impression que c'est plus construit comme un scénar à la base, qu'on aurait bidouillé pour le transformer en ldvelh.

Va falloir que je le relise d'un oeil neuf d'après ta critique, Alvéric ...

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#3
(11/09/2011, 15:03)VIC a écrit : En dehors du premier Oeil Noir solo La Fille du Calife qui valait pour la nostalgie de la belle Nedime, ou l'Archipel du Cyclopes, passables

Ce sont les deux seuls de la série auxquels j'ai joué et je les trouve médiocres, décousus et très peu mémorables. Ca ne m'a jamais donné envie d'essayer le reste.

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#4
Attention : je n'ai pas voulu dire que "La source de mort" est un chef d'oeuvre ! Il est effectivement truffé de paragraphes très courts qui se bornent à vous demander la direction dans laquelle vous souhaitez progresser, sans qu'on dispose d'un indice pertinent (à part la carte) pour décider une direction préférentielle. L'auteur ne s'est sans doute pas trop fait ch... : il a disposé des carrefours et des clairières sur une carte, en a peuplé quelques-uns puis a tracé des chemins pour les relier. Néanmoins, il est possible de glâner des informations et la source est logiquement disposée donc en fait pas trop difficile à trouver... Quant à la partie dans le sanctuaire, elle est un peu tirée par les cheveux : après avoir un peu erré dans les grottes, on déboule sur une flaque de glue qu'on ne peut traverser qu'en prononçant un mot magique avant de tomber sur le dernier dragon de Tarak, qui fait office de big boss mais qu'on extermine en sifflotant vue la bonté de l'auteur qui nous tient par la main pour nous éviter de mourir... (après avoir vérifié qu'on n'était pas un vilain tricheur). Il n'y a donc pas de combat marquant (j'en ai livré deux mais je pense qu'on peut gagner sans en effectuer un seul) ni non plus de rencontre marquante (même si elles ne sont pas bâclées), sauf pour les amis des animaux qui auront l'occasion de converser avec un crapaud et une tortue géante.
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#5
J'avoue que ce livre ne m'a pas laissé un souvenir imperissable, j'ai largement preféré la fille du Calife.
Mais j'etais jeune, je le referais d'ici peu avec un oeil adulte pour voir.
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#6
Ha ben moi aussi je l'avais beaucoup aimé ce ldvelh Oeil Noir.

Mais je reconnais ce décalage assez perceptible dont parle VIC, c'est-à-dire la conception dans un esprit JDR transposé à un ldvelh. Ceci dit, c'est une des choses qui, moi, m'ont justement plu ! Car on sent cela, et dans beaucoup de ldvelh Oeil Noir, donc si on aime bien le JDR, et ce jeu en particulier, je pense qu'on apprécie davantage.

Ceci dit, je reconnais que c'est plus l'ambiance du jeu et les dessins qui me laissent des bons souvenirs, car techniquement ou en termes narratifs, je doute effectivement que ces ldvelh soient à classer dans les plus intéressants des ldvelh publiés toutes séries confondues.
Les Hiéroglyphes de l'Horreur, j'ai bien aimé aussi, tout comme L'Archipel des Cyclopes.
Mais dans les "vraiment à éviter" des ldvelh Oeil Noir, je citerais La Faucille Noire, et Le Chemin Maudit est pas terrible non plus, même si un peu plus original du fait qu'on y joue un mago.
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#7
Le titre vend du rêve, la couverture toute en camaïeu de vert me plait. Je me suis enfoncé dans la sombre forêt de La Source de Mort et j'en suis ressorti passablement déçu.

Le livre, dont les règles sont celles du JdR L'Oeil Noir, permet de jouer en solo en utilisant son personnage entre deux parties de groupes, permettant sans doute d'acquérir des POINTS D'EXPERIENCE au passage. L'intro n'est pas mal, j'ai l'impression que c'est un point fort des livres-jeu de cette série.

Par contre, une fois qu'on démarre au 1, on déchante vite. Tout va fonctionner comme dans un Marais aux Scorpions démesuré : vaste et agaçant labyrinthe dans la jungle, avec un compteur de temps à respecter en prime. Les lieux à explorer sont presque tous vides ! De loin en loin un combat, plus souvent un arbre, une caverne ou un buisson nous est décrit, ou juste l'indication d'un carrefour. Pas de lieux marquants, pas d'histoire qui se construit par petites révélations successives, pas de personnage secondaire intéressant. Fouiller un lieu est presque toujours inutile. On ne trouve quasi aucun objet. Le vide ludique.

J'ai soupiré et commencé à brouillonner un plan. De ce que je vois, suivre l'une ou l'autre des deux rivières mène au même point, mais il faut au passage avoir grappillé un indice, soit dans la clairière imbibée d'eau (107) où deux brigands nous attaquent, soit dans la caverne du crapaud (en crevant une bulle aperçue dans la forêt au 192). Dans les deux cas, sortir de la clairière ou de la grotte mène au hasard à un autre point du labyrinthe végétal, corsant la difficulté.

[Image: plan111.jpg]
Dago a déjà fait mieux, en carto. Ouaip.

Quand on atteint le sanctuaire de la source au 58, paf, un nouveau labyrinthe, imité cette fois du Sorcier de la Montagne de Feu (livre ou jeu de plateau). Les clins d'oeil sont visibles : le sorcier Zor (Zagor), la porte aux multiples serrures dont seul le sorcier a les clés, l'affrontement final avec un dragon... hélas nettement moins bien dessiné par Ina Kramer que par Russ Nicholson. Tiens, on croise deux pièges : « Avez-vous telle clé ? Oui ? Tricheur, elle n'est pas dans le jeu ! »

[Image: plan211.jpg]

L'énigme de la colle Pathuline m'a laissé froid (indice dans la forêt + parler à la tortue dans le sanctuaire). J'ai davantage apprécié l'astuce des blocs à disposer convenablement pour en aligner les creux. J'attends depuis quelque temps une remarque à ce sujet.

Au passage, un certain illogisme du récit : il a fallu qu'un premier dragon tarisse la source d'eau pure, et qu'à peu près au même moment (à en croire l'intro), un autre dragon provoque le jaillissement d'une autre source, aussi mortelle que l'autre était bénéfique. Deux dragons qui agissent indépendamment et dont par le plus grand des hasards les actions se complètent ? Pas crédible.

De plus, notre héros se contente de faire couler à nouveau la source bénéfique, sans interrompre l'autre flot, mortel, dont il est pourtant dit dans l'intro qu'il peut contaminer les eaux pures.

A noter, comme dans d'autres tome de la série, une certaine inventivité dans le rapport réalité/fiction. Ici, la première fois qu'on meurt dans la jungle, on est invité à considérer qu'il ne s'agissait que d'un rêve prémonitoire et de se reprendre l'aventure au 1 sans perdre l'expérience et l'équipement initial que le personnage (de JdR, rappelez-vous) avait au départ. Pour un joueur qui a construit patiemment son perso, c'est en effet rageant de le perdre.

Les illustrations d'Ina Kramer ne sont pas si mal, elles souffrent de leur petit format et souvent de l'absence d'arrière-plan. Il n'y a que celle du dragon au 47 qui soit ratée.
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