La mine perdue de Phandelver
#86
Cette mine est infestée de monstres. Notre situation est critique. Nous sommes vivants mais mal en point. Nous n’avons presque plus de flèches, et nous sommes à court de soins.

Wulfwig m’a fait cadeau de sa dernière potion pendant le repos précédent. Je la bus et retrouva ma pleine forme. Il aurait pu la garder pour lui, mais sa constitution, nettement plus robuste que la mienne, l’avait fait encaisser les attaques du crâne volant bien mieux que moi. J’en venais presque à regretter d’être un hobbit en cet instant.

Fargrim en était convaincu, nous avions bel et bien trouvé la Forge des sorts avant l’Araignée noire… à moins qu’elle non plus n’ait pas réussi à passer son gardien. Dans tous les cas, l’espoir d’être arrivés à temps subsistait.

Il fut décidé d’aller explorer la partie ouest de la caverne, que nous avions négligée depuis que Goth et Fargrim étaient revenus de leur examen initial, peu de temps après notre entrée dans la mine. Une fois l’heure de repos passée et les dernières lignes tracées dans mon journal, nous nous remîmes en route.

Nous passâmes par un labyrinthe de couloirs dont certains nous ramenaient vers des endroits déjà visités : le dortoir aux goules et la salle de banquet. Finalement, nous arrivâmes dans une zone inexplorée où se trouvait un lac. Un petit escalier menait à un palier. Pas âme qui vive.

Goth décida de retirer son armure et d’aller piquer une tête, non pour se rafraîchir (quoique, ça se justifiait aussi) mais pour tenter de trouver où menait la rivière qui emportait l’eau du lac par une ouverture souterraine dans le mur nord. Je le conjurai d’être prudent, des créatures aquatiques se cachant potentiellement sous la surface… Il revint rapidement mais fut seulement en mesure de nous confirmer que le cours d’eau se prolongeait bien au-delà de cette pièce, sans avoir pu en déterminer davantage.

Nous gravîmes ensuite l’escalier, qui menait à une porte encastrée dans le mur d’un couloir orienté nord-sud. Un éboulement barrait l’accès au sud, mais au nord un second escalier montait vers un nouveau palier.

Wulf écouta à la porte et entendit plusieurs voix, rauques, parler dans une langue inconnue. Partant sans faire de bruit, nous montâmes la volée de marches, découvrant un nouveau couloir, est-ouest, celui-ci. Nous prîmes à senestre.

Au bout, le corridor était, une fois de plus, effondré, mais avant l’éboulis, sur la droite, se présentait une nouvelle porte. Wulfwig et moi collâmes tous deux notre oreille contre elle. J’entendis un bruit répugnant que je n’arrivais pas à identifier, et qui pourtant me rappelait quelque chose…

Fargrim sortit alors un nouveau tour de son sac en lançant un sort de concentration sur l’archer, qui se remit à écouter mais, malgré l’appui magique, n’arriva pas non plus à déterminer ce qui pouvait être à l’origine des sons désagréables que nous entendions. Fargrim essaya alors à son tour… Pour lui, c’était une respiration. Quel type de créature pouvait bien en être à l’origine ?

Je proposai de le découvrir. Mon idée était la suivante : faire du bruit puis aller immédiatement me cacher dans les gravats tout proches, dans l’espoir que l’occupant de la pièce sortirait et se montrerait. Mon plan fut adopté, et mes camarades s’éloignèrent suffisamment loin pour ne pas être vus pendant que je le mettais à exécution.

Tout fonctionna comme prévu, et je vis une énorme araignée sortir, inspecter le couloir puis rentrer… Comment avait-elle fait pour ouvrir la porte et la refermer derrière elle, ça…

Je retournai faire mon rapport au groupe. J’essayai de penser à un piège dans lequel attirer l’arachnide, mais les idées qui me venaient étaient trop compliquées à mettre en œuvre, alors il fut décidé de continuer l’exploration en suivant le couloir dans la direction opposée pour voir où il menait. De nouveau, étant le plus discret, j’ouvrai la marche. Le corridor menait à un nouvel escalier, descendant, qui débouchait sur une vaste salle naturelle. J’aperçus le cours d’eau que Goth avait tenté de suivre, et qui tombait en cascade dans une crevasse en contrebas. Sur la falaise je vis trois squelettes, à terre — définitivement ou non, telle était la question… —, trois gobelours, et une goule. Je retournai tout de suite dans le couloir et fis part de ma découverte à mes compagnons. Nous entendîmes alors des exclamations. Avais-je été repéré ?

Dans le doute, nous battîmes en retraite près du lac et je me plaçai en sentinelle, à l’affût de quiconque pourrait surgir. Je vis deux gobelours débouler dans le couloir. Je fis un signe et nous retraitâmes davantage encore, hors de vue mais à portée d’oreille. Les deux peaux-vertes tambourinèrent à la porte derrière laquelle nous avions entendu des voix. Une discussion s’engagea dans un langage guttural, puis plus rien.

En temps normal, nous aurions sans doute opté pour une action frontale, mais dans la situation actuelle, la prudence s’imposait à nous. Nos possibilités de soins étaient drastiquement réduites pour ne pas dire nulles, et l’Écho-des-Vagues n’avait pas encore révélé tous ses dangers. Aussi proposai-je de retourner dans la salle du banquet, pour finir d’explorer les lieux et, sur une idée de Goth, voir si on ne pouvait pas faire en sorte d’attirer les gobelours vers le crâne. Un plan malin.

On se mit en route. J’ouvrai la marche, m’engageant dans le tunnel irrégulier par lequel nous étions arrivés au lac. J’arrivai à un premier croisement lorsque je sentis des gouttes visqueuses tomber sur moi depuis le plafond, et un bruit flasque se produire dans mon dos. Je me retournai : une grosse bête des plus étranges, une sorte d’immonde gelée ocre venait d’apparaître au nez et à la barbe de tous. Elle ne nous laissa pas le temps de réagir, et m’attaqua. Une sorte de tentacule gluant me frappa violemment à la tempe, manquant de peu de m’écraser la tête contre le mur.

Ce n’était pas le moment de jouer les héros. Je parvins à me glisser entre la bestiole et la paroi pour fuir me planquer plus loin derrière un angle du couloir et me mettre en posture défensive, comptant sur l’équipe pour s’occuper de cette anomalie de la nature.

Je ne voyais rien du début de combat, qui me fut narré après coup : la créature semblait faire peu de cas des flammes de Fargrim, étouffées par la viscosité de son corps. En revanche, ledit corps ne pouvait rien contre le tranchant de Serre, et Goth, d’extrême justesse, parvint à couper l’animal (?) en deux. Littéralement : à la place d’un blob informe, il y en avait maintenant deux, animés des mêmes intentions que leur… père/mère, je suppose ?

L’une des deux nouvelles gelées continua d’affronter les flèches de Wulfwig, le bouclier de Goth et le marteau de Fargrim, mais une autre s’approcha de moi. Par chance, elle était extrêmement lente, trop pour arriver à portée d’attaque, du moins tant que je maintenais la distance entre elle et moi. Ce que je fis, évidemment, en reculant davantage dans le dédale de couloirs. La crainte d’une seconde mauvaise rencontre m’agitait, mais nous étions déjà passés plusieurs fois dans cette zone sans tomber sur une menace, et je croisais les doigts pour que cela continue. Une fois à distance de sécurité, je décochai une flèche qui arracha un gros bout de blob visqueux. À ma surprise, il démontra une forme certaine d’intelligence en comprenant qu’il ne pouvait m’atteindre, s’enfuyant.

Je le poursuivis en gardant un éloignement sûr entre lui et moi. Bien m’en pris car, m’arrêtant de nouveau à un angle pour profiter du couvert ainsi offert, je vis la créature accrochée à la voûte, sans doute pour me tendre une embuscade. J’encochai alors une seconde flèche, et tirai. Le trait la cloua au plafond. Morte, elle se mis à dégouliner un liquide répugnant.

J’attendis quelques secondes et rejoignis mes camarades, qui étaient venus à bout de l’autre entre-temps. Vue sa lenteur, je n’aurais pas été surpris d’apprendre que cette horreur nous pistait depuis un petit moment…

J’étais le seul à avoir morflé. Pas suffisamment pour être véritablement blessé, mais, par précaution, je suggérai de changer de configuration, demandant à ce que quelqu’un d’autre, de préférence avec une bonne perception, se charge désormais d’éclairer la voie, en ne m’appelant qu’en cas de soupçon de piège à détecter et désamorcer. Nous arrivâmes toutefois dans la grande salle sans fâcheuse rencontre supplémentaire.

« Les goules ne se sont pas relevées », remarqua Fargrim, « c’est bon signe. » Nous n’avions pas entièrement exploré l’endroit la dernière fois, et nous tâchâmes d’y remédier. Au nord, un couloir menait à un escalier. Nous avançâmes, toujours dans le même ordre. En haut des marches, toutefois, je me risquai à passer une tête pour voir ce que le couloir perpendiculaire auquel elles menaient offraiet à voir. À l’est, c’était la forge et son gardien. À l’ouest, le corridor se terminait par une porte.

J’avançai, sans détecter de piège, et j’écoutai. Les mêmes voix que la dernière fois se firent entendre. Les deux portes donnaient donc probablement sur la même pièce.

Il y avait au moins trois personnes à l’intérieur. Retraitant vers mes camarades, nous discutâmes de la suite des opérations. Nous étions d’accord sur le fait qu’on ne pourrait pas indéfiniment éviter toutes les portes. Abandonner Nundro était hors de question, tant pis si cela impliquait de prendre des risques. Aussi fut-il décidé d’attaquer par surprise en enfonçant la porte.

Goth et Fargrim se placèrent de part et d’autre, Wulfwig et moi restant à distance, arc en main. Derrière nous, au bout du couloir, le crâne enflammé nous observait. « Partez immédiatement… » fit sa voix d’outre-tombe. Je fis « oui » de la tête et me retournai vers Goth en lui faisant signe qu’il était urgent d’agir.

Malheureusement pour nous, la porte résista aux coups d’épaule du guerrier : ses occupants l’avaient barricadée ! Goth improvisa en imitant la voix caverneuse du crâne, pour leur faire croire qu’il s’agissait de lui : « Partez immédiatement ! » L’imitation n’était pas très réussie, cependant, et il était peu probable qu’ils soient tombés dans le panneau.

La véritable voix du crâne fit écho à la tentative maladroite du noble : « Immédiatement ! Dernier avertissement ! » Un rayon de feu en guise de coup de semonce ponctua ses paroles. Nous ne nous le fîmes pas dire deux fois (enfin, trois), et le groupe battit en retraite.

Goth, dont le cerveau carburait, décidément, proposa un nouveau plan : retourner près des gobelours, mais cette fois faire en sorte qu’ils tombent sur l’araignée. Je ne voyais pas comment nous allions nous y prendre, mais l’idée de faire s’affronter nos ennemis entre eux me séduisait toujours autant. Avant de repartir, Fargrim s’approcha de moi pour me faire bénéficier une fois de plus de sa magie en m’appliquant un sort de « préservation de vie ». « Merci infiniment, maître Fargrim », lui dis-je pour témoigner ma gratitude.

Le groupe reprit le long chemin que nous venions de faire dans le sens inverse. « De temps en temps, il y a une brise dans cette caverne… » fit remarquer le prêtre. Je l’avais constaté aussi, et cela indiquait que nous n’avions pas encore trouvé cette fameuse seconde ouverture vers l’extérieur. Peut-être aurions dû nous suivre le vent, mais dans ce dédale de couloirs, c’était loin d’être évident.

Nous arrivâmes à l’autre porte de la pièce où s’étaient barricadés les gobelours — je supposais, en effet, qu’il s’agissait de congénères de ceux que j’avais vus sur la falaise étant donnée la conversation entre les deux groupes que j’avais espionnée plus tôt. Décision avait été prise de commencer par eux, avant d’essayer de faire fonctionner l’idée de Goth. Ainsi, on ne risquait pas de se faire attaquer dans le dos. Du moins le croyais-je…

Le guerrier s’approcha, écouta, mais n’entendit rien. Nous restâmes à nos postes, dans l’expectative. L’ouïe de Goth perçut un chuchotement. Les minutes passèrent.

Nous étions si concentrés sur notre objectif immédiat que ni moi ni Goth ne vîmes arriver la patrouille… Ironie du sort : deux gobelours avaient surgi dans notre dos ! Par chance, ils furent aussi surpris que nous de nous voir : seuls Fargrim et Wulfwig les repérèrent, gagnant ainsi l’initiative. L’archer eu le temps de tirer trois flèches et le prêtre un rayon de flammes, malheureusement les projectiles ratèrent ou ne causèrent que des blessures superficielles. Brandissant leurs armes, les gobelours se ruèrent alors à l’attaque.

Remis de ma surprise, je tirai sur celui qui avait été égratigné par Wulfwig, réussissant à la blesser, et dans la foulée reculai dans les gravats de la partie effondrée du couloir. Goth, intelligemment, se tint à l’affût près de la porte, au cas où des renforts ennemis arriveraient de ce côté. Fargrim, lui, décida d’aller au contact des peaux-vertes et asséna un coup de marteau à l’adversaire que j’avais blessé, coup que son bouclier dévia. « Maudit gobelours ! » s’exclama le nain, peu en veine.

La créature riposta avec un vieux bâton clouté, qui fut également arrêté par le propre bouclier de Fargrim, mais son congénère en profita pour déséquilibrer le prêtre d’une violente charge. Fargrim perdit son aplomb et se retrouva à terre. Wulfwig vint au corps à corps pour l’épauler, mais l’adversaire esquiva son coup. Je sortis alors de ma cachette et tirai une seconde flèche qui alla se ficher dans la gorge du blessé. Ses yeux s’écarquillèrent, ses mains tentèrent de saisir la tige qu’il ne pouvait voir, mais la vie le quitta avant que ses doigts ne se referment dessus.

Fargrim en profita pour se relever. Le prêtre et l’archer échangèrent une passe d’armes avec l’adversaire encore debout, parvenant à le blesser. Rengainant mon arc, je me ruai à son contact, dégainai mon épée et enfonçai la lame dans son fondement. Pas la plus noble des bottes, certes, mais assurément l’une des plus efficaces…

Au moment même ou le gobelours s’écroulait, la porte s’ouvrit à la volée, et un nouveau venu attaqua Goth ! Mais le guerrier était sur ses gardes, et il para l’assaut. Une flamme sacrée de Fargrim s’écrasa contre l’embrasure de la porte. Wulfwig et moi-même reculâmes, en embuscade. D’autres gobelours arrivèrent pour s’en prendre à Goth, qui au corps à corps, qui à la javeline, mais notre compagnon parait ou esquivait tous les coups. Fargrim n’eut pas plus de chance avec sa seconde flamme, qui fut évitée.

Goth se désengagea pour laisser le champ libre. Wulf en profita pour toucher un premier adversaire d’une flèche, que j’accompagnai d’une seconde dans le gras du ventre, le blessant. Mais l’espace ainsi laissé par le guerrier, s’il nous dégageait une ligne de tir, permettait aussi aux gobelours de se déployer dans l’arène. L’un poursuivit le guerrier, qui évita le coup de morgenstern en se baissant. Un autre s’en prit à l’archer, et cette fois, Wulfwig ne réussit pas à esquiver l’attaque. La pointe de la lame adverse pénétra l’armure, et pourtant le fier humain ne sembla pas en souffrir…

Les javelines pleuvaient sur Goth mais aucune n’atteignit sa cible. Le guerrier s’approcha de Wulfwig pour l’épauler face à plusieurs adversaires. Fargrim était aux prises avec un autre et nous aidait également à distance en lançant ses flammes. Je sortis de nouveau mon épée et me précipitai aux côtés du guerrier et de l’archer. À nous tous, nous eûmes raison des gobelours, mais Wulf, finalement, pris une blessure. Grimaçant, il recula d’un pas et se mit en garde dans une posture défensive. Il ne restait que l’adversaire de Fargrim de ce côté de la porte. Je passai devant, la refermant au passage, et, usant de ma vitesse et de mon agilité, je me glissai dans le dos de l’ennemi pour lui porter un coup dans le défaut de la cuirasse. Le sang jaillit ! La violence de sa riposte fut à la hauteur de sa colère, mais j’encaissais stoïquement la mandale ainsi reçue. Goth et Fargrim se ruèrent pour m’aider. Goth parvint à aggraver les blessures du gobelours après une séries de passes d’armes, et Fargrim réussit à le feinter pour qu’il me tourne le dos. Peut-être sonné, je dus m’y prendre à deux reprises, mais la lame d’Arguy finit par lui transpercer la nuque.

Nous courûmes à la porte. Goth l’ouvrit et aussitôt se mis en posture défensive pour barrer la sortie à la paire d’adversaires qui restait à l’intérieur, et nous laisser les cribler de projectiles. Fargrim en atteint un avec une flamme, qui grimaca. Alors, les deux gobelours se regardèrent et, constatant que leur cause était perdue, jetèrent leurs javelines à terre et levèrent les mains.

Goth leur ordonna de jeter toutes leurs armes. Ils obtempérèrent, en grommelant. « Reculez, maintenant », poursuivit l’humain. Ils s’exécutèrent. Je m’approchai à mon tour. « Ne faites pas de gestes brusques, et tout se passera bien… »

Je donnai ma corde au guerrier et restai à ses côtés, épée en main. Le gobelours refusa de se laisser ligoter, mais j’étais de très mauvaise humeur et je lui fis comprendre qu’Arguy allait faire de la spéléologie dans ses intestins s’il continuait à nous faire chier. Il cracha au sol mais tendit les mains, à reculons. Goth les lui noua ainsi que les pieds, avant de l’attacher à un lit. Puis il sortit sa propre corde de son sac, et saucissonna l’autre à son tour.

« Cet endroit était sans doute une caserne pour les mineurs », fit remarquer Fargrim. Il ne restait que de vieilles couchettes en fer et un brasero, en fer également, rougeoyant. La porte à l’est était bel et bien bloquée par une barricade de fortune faite avec les restes d’une table en bois.

Wulfwig se mit à inspecter la pièce par acquis de conscience. Un des gobelours eut un regard amusé : « On a déjà tout fouillé, nous. » De fait, l’archer ne trouva rien.

Je me collai à l’interrogatoire du prisonnier, Goth derrière moi, appuyé sur sa hache, bien en évidence, Wulfwig monté sur les épaules de Goth pour le rendre encore plus menaçant. Bon, d’accord, ce n’est pas vrai, ledit Wulfwig n’ayant pas voulu de mon idée, mais c’est dommage parce que ça aurait été classe.

Voici ce que nous apprîmes : l’arrivée des gobelours coïncidait avec l’enlèvement de Nundro et Tharden. Ils étaient tout un clan, avant associé aux Griffes écarlates, nom que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam (que je ne connais pas non plus, d’ailleurs : je me demande bien qui sont ces deux gus et d’où vient cette expression). L’Araignée noire se trouvait dans le temple, au niveau supérieur. Quatre araignées géantes la protégeaient. Nundro était son otage. Il était donc encore en vie !

Les troupes gobelourses de l’Araignée noires n’avaient pas réussi à se défaire du crâne de feu. Ils n’avaient pas non plus passé les champignons : ces derniers relâchaient un gaz empoisonné dans l’air… La rivière souterraine se déversait dans une crevasse, au nord — ça, je l’avais déjà constaté par moi-même —, enfin ils n’avaient vu aucune créature de quelque sorte que ce soit dans l’eau.

Je réunis mes camarades pour conciliabuler. Fargrim suggéra de bâillonner les prisonnier avants. Goth rangea sa hache — qu’il venait de baptiser Civilisation ; j’adore ! — et assomma l’un et l’autre de son bouclier, avant qu’on les bâillonne comme des jambons (excellente blague).

Je remontai alors par l’escalier nord pour jeter un œil à ce qui se passait du côté de la rivière, suivi, à distance, par mes compagnons. Je vis des gobelours qui déblayaient la faille, un autre qui paraissait bayer aux corneilles et… un elfe noir, qui devait superviser le boulot, je suppose. L’Araignée noire ? Elle était supposément dans le temple avec ses gardes du corps arachnéens. Qu’essayaient-ils d’excaver ? Et où était passée la goule que j’avais aperçue plus tôt ? À la réflexion, sa présence au milieu d’êtres vivants était incongrue…

Je retrouvai mes compagnons dans le couloir. Nous nous éloignèrent et nous mîmes à considérer nos options, pesant le pour et le contre… Les combats s’enchaînaient, et leur issue devenait de plus en plus incertaine au fil du temps et des lames…

On causa pendant un long moment, au point de digresser complètement. Je me mis à discuter cuisine avec Fargrim, comparant avec lui les qualités nutritives et gustatives de la bière aux champignons, du vin, de différentes sortes de fromage… Je crois que j’avais faim. Je promis à mon ami que, si nous nous en sortions, je l’inviterais à manger de l’andouille, parce que pourquoi pas.

Cette parenthèse d’insouciance et de légèreté nous fit du bien, mais il fallait revenir au présent. Je proposai de retourner du côté de la forge, explorer un couloir à l’est de la salle. Cela nécessitait de franchir l’obstacle que représentait le gardien… Était-il possible de le distraire d’une manière ou d’une autre ? Wulfwig suggéra même qu’on demande carrément l’autorisation de passer au crâne. Après tout, pourquoi pas, au point où nous en étions… Je proposai du soumettre l’idée à l’idole d’augure. L’archer formula la question ainsi, verbatim :

« Si on va dans la pièce du crâne et qu’on essaye de passer après lui avoir demandé si on pouvait passer, quelle sera l’issue ?
— Funeste », répondit l’idole.

Le groupe replongea dans ses réflexions. Je me demandais si le crâne abandonnerait la poursuite si on arrivait à quitter la forge par l’est et à courir jusqu’à l’extrémité du couloir. Je posai donc la dernière de nos trois questions :

« Que se passera-t-il si notre groupe arrive au bout du couloir à l’est de la Forge des sorts en ayant été repéré par le crâne de feu ?
— Funeste… » fut de nouveau la réponse.

Nous n’étions pas plus avancés, et nous venions d’épuiser une de nos précieuses car de plus en plus rares ressources… Quelqu’un émit une fois de plus l’idée d’un leurre, mais Fargrim craignait qu’on ne soit ni assez rapides, ni assez discrets. Aussi, au bout du compte, nous abandonnâmes définitivement l’idée de repasser par la forge. C’était à contrecœur, mais c’était, probablement, le plus sage.

Par élimination, il ne restait que la grotte aux champignons. Nous y retournâmes, repassant par des couloirs devenus familiers… Depuis combien d’heures déambulions-nous dans ces méandres ? Qu’importe… Une fois à l’entrée, nous fîmes halte, et, alors, Fargrim lança un sort de thaumaturgie dont l’effet fut de faire trembler le sol. Instantanément, tous les champignons lâchèrent des spores ! Un nuage s’éleva et resta suspendu une minute environ dans les airs. Le spectacle avait quelque chose d’hypnotique.

Je jetai une poignée de cailloux sur les champignons. Rien ne se passa. Puis Fargrim relança son sort, pour un résultat identique au premier, les champignons rejetant de nouveau leur nuée toxique… Ils ne réagissaient donc pas à tous les stimulus, seulement aux plus forts, mais nous savions grâce au témoignage des gobelours que marcher dessus entrait dans cette seconde catégorie. Goth se demanda alors si le nuage était inflammable, et si nous ne pouvions pas nous débarrasser des champignons de la sorte. Il alluma un morceau de tissu qu’il avait trempé dans l’huile. Fargrim refit trembler le sol, les champignons s’activèrent, et le guerrier lança son projectile, qui tomba au sol et se consuma sans résultat. Encore une idée prometteuse froidement douchée par la réalité.

Pourtant, j’avais l’intuition qu’il y avait un moyen de passer. Je fis remarquer que les cadavres des gobelours n’étaient plus là, ce qui signifiait qu’ils n’avaient pas été tués sur le coup. Le poison ne devait donc pas être trop violent. Ne valait-il pas le coup de traverser, en courant et en retenant notre respiration le plus longtemps possible, puis de se soigner après coup ? Goth possédait un anti-poison dans son équipement, et Fargrim un dernier sort de bénédiction pour nous aider à passer l’épreuve…

Au fond de moi, j’étais convaincu que le jeu en valait la chandelle, mais je ne parvins pas à emporter l’adhésion de mes camarades. Alors, une fois de plus, nous fîmes demi-tour. Cette fois, toutes les options avaient été envisagées. La moins risquée, somme toute, restait l’affrontement…

Nous revînmes sur nos pas — Dieu merci sans faire de rencontre sur le chemin — jusqu’à l’entrée de la grotte où, dans une crevasse, coulait la rivière souterraine. Nous nous fîmes aussi silencieux que possible. Par chance, il n’y avait que deux adversaires au sommet de la falaise : un gobelours d’un côté du ruisseau, et l’elfe noir de l’autre… Les autres devaient être en contrebas. Chacun pris son poste, et au signal convenu, nous passâmes à l’attaque !

Fargrim lança une flamme sur un des gobelours. Malgré la surprise, l’adversaire évita le rayon. J’aurais, personnellement, préféré qu’il vise l’elfe noir comme nous le fîmes, Wulfwig, Goth et moi. La flèche de l’archer érafla sa cible, le javelot du guerrier la heurta de plein fouet, malheureusement ma propre flèche passa à côté. Je poussai un juron : ce n’était vraiment pas le moment…

Les deux créatures eurent à peine le temps de reprendre leurs esprits que Fargrim chargea l’elfe ! Son marteau le cueillit, et aussitôt après une second flèche de Wulfwig le blessa au bras. Goth fonça à son tour pour arriver au corps à corps, Serre brandie. La lame fit une profonde lacération en passant entre deux côtes. De mon côté, je me déplaçai jusqu’au bord de la crevasse, le plus loin possible de l’action, et décochai une seconde flèche en priant n’importe quel dieu qui voudrait bien m’entendre… Mon trait pénétra dans l’abdomen de l’elfe noir, et il tomba ! L’attaque surprise avait porté ses fruits, nous étions parvenus à éliminer l’adversaire le plus dangereux sans lui laisser le temps d’agir ! Ledit adversaire, au sol, commença alors à changer de forme… J’émis un grognement de compréhension.

Le gobelours restant avait appelé en renfort ses congénères, en bas, puis franchi le ruisseau pour attaquer Goth à la morgenstern. Ses camarades tentèrent de lancer leurs javelines sur nous mais de leur position, c’était particulièrement ardu, et aucune ne toucha. Entre-temps, le gobelours qui les avait alertés avaient succombé aux assauts conjoints de Fargrim, Wulf et Goth.

Je tirai sur le gobelours du bas le plus éloigné de nous, pour leur laisser le moins de chances de s’enfuir. Je touchai, mais il ne me restai alors plus que trois flèches… Inconscience ou courage, l’autre peau-verte se mit à grimper à une échelle de corde qui reliait les deux niveaux pour tenter de nous affronter au corps à corps. Arrivé au sommet, le gobelours parvint à porter un coup de masse à Goth. Fargrim aida le guerrier à le repousser, mais il avait pris pied sur la falaise et ils ne purent le faire chuter que de sa propre hauteur.

Wulfwig pris comme moi l’autre pour cible. Sa flèche pénétra dans l’armure, mais je ne sus si elle s’était enfoncée au-delà de la protection, car il n’eut pas l’air de réagir au coup. Comme son camarade, il se mit à grimper pour porter le combat jusqu’à nous. Un coup de morgenstern fut facilement esquivé par Wulfwig, avant que Goth et Fargrim ne réitère leur travail d’équipe en se précipitant pour le repousser au fond de la crevasse — avec succès, cette fois. L’autre en profita pour se relever dans l’intervalle. Je courus vers lui avant qu’il ne puisse se redresser dans le but de lui fracasser le crâne du pommeau de mon épée. Je cherchais, en effet, à l’assommer car je voulais faire un nouveau prisonnier. Dans notre situation, la moindre information était potentiellement synonymie de survie.

Hélas, l’ennemi évita mon coup. J’entendis son congénère pester de rage en essayant de remonter à l’échelle. Je criai : « Prenez-le vivant, celui-ci ! » Au même moment, Fargrim vint à ma hauteur et frappa mon adversaire avant qu’il ne puisse se venger. Pour mon plaisir, le nain m’avait écouté, car le coup de marteau l’assomma !

Il ne restait plus qu’à faire face au dernier gobelours. Tragiquement (pour lui) sa vie n’avait eu de valeur que le temps de quelques secondes, un second prisonnier nous étant inutile. Il s’obstinait à grimper les barreaux de l’échelle de corde, gardant tant bien que mal son équilibre tant sa précipitation sauvage la faisait se balancer dangereusement. Goth lui balança une javeline ; je me contentai pour ma part des plus gros cailloux que je pouvais trouver, ne voulant pas gaspiller mes dernières flèches. Ça ne suffit pas à le stopper, et aussitôt parvenu au sommet il fit virevolter son énorme masse. J’étais la cible, mais sa position instable me permit d’éviter facilement la trajectoire de la boule hérissée de piquants.

La flamme de Fargrim lui brûla quelques poils. Wulf me hurla « Baisse-toi ! » puis tira. La lame de Goth fit gicler un sang noir au niveau de l’épaule, mais je n’eus pas le même succès : le gobelours esquiva Arguy en se baissant et fit de nouveau tournoyer sa morgenstern dans ma direction. Je fis un bond en arrière une fraction de seconde trop tard, une pointe d’acier me rentra dans la jambe… Baroud d’honneur : Fargrim relança une flamme, Goth lui fit une seconde entaille, et j’eus le plaisir de l’achever en lui plantant, cette fois, ma lame dans le cou.

Voilà bientôt une heure que nous nous remettons tant bien que mal de cette énième et âpre bataille, mais même ce temps de repos ne parviendra pas à faire partir la fatigue que nous ressentons tous. Cette caverne risque de nous avoir à l’usure. Si nous ne trouvons rien pour nous aider dans les heures qui viennent, je sais quelle sera la réponse de l’idole à une question bonus concernant notre survie…
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Messages dans ce sujet
La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 02/05/2020, 20:12
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 02/05/2020, 20:41
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 15/05/2020, 20:38
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 19/05/2020, 19:51
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 26/05/2020, 20:48
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 06/06/2020, 18:13
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 06/06/2020, 19:20
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 07/06/2020, 21:51
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 13/06/2020, 18:01
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 17/06/2020, 19:32
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RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 26/06/2020, 17:08
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