Tiens, pour me fouetter aussi, un petit projet que j'ai commencé que j'aimerais terminer pour l'an prochain. Je suis très lent... Les Chasseurs et le Sang Ancien sont inspirés de Bloodborn, mais les noms, les lieux (un royaume style russe) et l'histoire seront originaux. J'en suis à grosso modo 10-15%.
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C'est un goût en trois temps. Au commencement, il y a une odeur saline qui affleure, presque imperceptible, et puis ces délicates volutes ferreuses qui tourbillonnent, semant une piste invisible ; l'excitation est à son comble. Vient ensuite l'épanchement vermeil, onctueux, qui coule paresseusement le long de la paroi de verre, puis nous humecte les babines. On se pourlèche, et le liquide éveille nos papilles, lentement, l'une après l'autre. La pensée vacille, les souvenirs cachés sont démasqués, une ivresse malsaine se profile. Enfin, il le faut bien, survient le renoncement qui nous libère, l'emprise sur soi-même, le refus des mélanges, le rejet de la bête et des instincts primaires. Chaque fois l'âme en ressort un peu plus troublée.
Fiodor, le premier Chasseur
***
Cette année là, les cormorans noirs se déployèrent comme un mauvais présage sur les bras du fleuve Shaska. La pluie de malheurs qui s'abattit alors sur le royaume de Koutarine mena ces terres au bord du gouffre, et les moins dévots crurent à l'avènement du jugement dernier. Une armée de sauterelles dévasta les grandes steppes, réduisant le blé à un souvenir lointain, puis des hordes de Tartares se déversèrent comme les mauvaises crues, tuant, pillant, brûlant tout sur leur passage. Le tsar rallia les cosaques et mena la charge contre les envahisseurs, mais la terrible famine eut raison de la fougue des troupes. Parfois, il n'y a aucun vainqueur, et le tonnerre des fusils cède le pas aux criaillements des rapaces. Les bannières colorées, les sabres et les corps sont avalés par la plaine boueuse et la glèbe que les sabots ont retournée.
Le tsar est mort, les cosaques ont fuit, les Tartares qui ont survécu ont écumé en petits groupes le royaume de Koutarine, détroussant les voyageurs assez fous pour courir les routes, livrant les corps aux grincements sinistres des branches. Le pays a volé en éclats ; chacun s'efforçait d'ériger son propre domaine, mais ce n'était que des pousses qui s'étiolaient sur les ruines de l'empire déchu.
Les hommes fauchés au combat, les femmes et les enfants, égorgés ou foudroyés par la peste, ont macéré dans les eaux sanieuses ; ils ont gavé des essaims de mouches si compacts qu'ils voilaient le ciel. Le sang et les humeurs infectes ont gorgé la terre, lentement, comme une offrande maudite, grignotant des crevasses fétides, révélant des sépultures enfouies par les âges, chatouillant les consciences de races depuis longtemps oubliées. Des abîmes ont crevé la terre, et c'est là, au plus profond de galeries ténébreuses, emplies de soupirs et d'échos déliquescents, que la vasque a été découverte. Une pierre ronde et creuse, rongée par le cours infini du temps, d'où suppurait une lymphe écarlate – l'Ancien Sang. Ainsi sont apparus les monstres.
À présent, une ombre visqueuse s'étend comme un pot d'encre renversé sur le royaume de Koutarine. Le mal ronfle, tel le feu qui couve, tapi au milieu des terres sauvages, tandis que des créatures innommables hantent les chemins creusés d'ornières, que la corruption suinte de terre et se répand en volutes funestes. L'Ordre des Chasseurs a vu le jour pour traquer et endiguer ces nouvelles menaces, et vous, Léon Karéni, avez répondu à l'appel de leur chef, un vieil homme excentrique qui se nomme Ludoviko. Officier de l'armée impériale dissoute, vous avez subi le rude entraînement auquel sont soumis les recrues de l'ordre.
Au fil du temps, usant de l'Ancien Sang, les Chasseurs ont appris à maîtriser l'art des Arcanes, parfois au prix de la raison et d'une âme entachée. Certains sont aussi craints que les montres qu'ils pourchassent...
***
Au village d'Oselok
Vous observez l'eau stagnante du bassin, plongé dans une torpeur avilissante, affalé sur un banc d'albâtre d'où le froid transite jusqu'à vos os. Le gros poisson de bronze, aux écailles couvertes de vert-de-gris, a depuis longtemps cessé de cracher sa cascade scintillante. Parfois, une bourrasque trouble la surface noire, insondable de l'étang, aussi hermétique à la lumière que l'est votre cœur à présent. Par delà le bassin s'amoncellent les feuilles poussées par le vent qui soupire, au pied de la petite grille qui délimite le jardin, formant une couette brunâtre sur la tombe d'Amélia. Le cri rauque d'un corvidé vous fait sursauter, et vous vous retournez. Le volatile est perché sur une corniche de la façade placardée et vous toise de son poste d'observation, arguant peut-être que ce domaine que vous avez délaissé n'est plus le vôtre. Vous ignorez ses revendications, et reportez votre attention sur la missive reçue une semaine plus tôt.
Cher Léon,
Je vous l'avoue, j'ai presque appuyé sur la détente, mais au dernier instant, un petit je ne sais quoi dans votre regard m'a convaincu de vous épargner. Après tout, le temps m'a donné raison, et vous possédez des ressources insoupçonnées. Contre toute attente, vous avez su résister au mal, en plus de vous avérer une recrue de grand talent ! C'est pourquoi je voue confie cette mission : rendez-vous au monastère de Brasov, aux confins des terres de Sverna. Il paraît que les monstres y ont goûté quelques moines, et que cette contrée serait l'épicentre du phénomène. Je vois en vous la trempe d'un grand Chasseur ; laissez vos pas vous guider. Traquez les bêtes, trouvez la source de cette vile engeance, et mettez-y fin si vous le pouvez !
Affectueusement, Ludoviko.
Post-scriptum : Vous trouverez quelques notes concernant votre entraînement en annexe. Étudiez-les attentivement avant de débuter cette épreuve, car les routes ne sont plus aussi sûres qu'autrefois...
Rendez-vous au 1.
***
1
Cette mission qui vous envoie en Sverna – région inhospitalière de Koutarine, griffée par la mer de Nord – vous a donné l'occasion de croiser le patelin d'Oselok, et ainsi revoir votre demeure laissée à l'abandon, mais cela n'évoque que des mauvais souvenirs. Vous ressassez le contenu de la courte lettre, plongé dans la pénombre des grands ormes flétris. Une voiture vous attend à la sortie du village ; il est bientôt l'heure de partir. Vous vous recueillez un instant près de la croix, puis vous vous agenouillez, soudain accablé par le poids du chagrin. Vous éprouvez alors l'envie incontrôlable et macabre de remuer la terre, d'étreindre le corps de votre fiancée.
Si vous cédez à cette folie, rendez-vous au 2 ; si vous préférez quitter le domaine sans plus attendre, rendez-vous au 3.
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C'est un goût en trois temps. Au commencement, il y a une odeur saline qui affleure, presque imperceptible, et puis ces délicates volutes ferreuses qui tourbillonnent, semant une piste invisible ; l'excitation est à son comble. Vient ensuite l'épanchement vermeil, onctueux, qui coule paresseusement le long de la paroi de verre, puis nous humecte les babines. On se pourlèche, et le liquide éveille nos papilles, lentement, l'une après l'autre. La pensée vacille, les souvenirs cachés sont démasqués, une ivresse malsaine se profile. Enfin, il le faut bien, survient le renoncement qui nous libère, l'emprise sur soi-même, le refus des mélanges, le rejet de la bête et des instincts primaires. Chaque fois l'âme en ressort un peu plus troublée.
Fiodor, le premier Chasseur
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Cette année là, les cormorans noirs se déployèrent comme un mauvais présage sur les bras du fleuve Shaska. La pluie de malheurs qui s'abattit alors sur le royaume de Koutarine mena ces terres au bord du gouffre, et les moins dévots crurent à l'avènement du jugement dernier. Une armée de sauterelles dévasta les grandes steppes, réduisant le blé à un souvenir lointain, puis des hordes de Tartares se déversèrent comme les mauvaises crues, tuant, pillant, brûlant tout sur leur passage. Le tsar rallia les cosaques et mena la charge contre les envahisseurs, mais la terrible famine eut raison de la fougue des troupes. Parfois, il n'y a aucun vainqueur, et le tonnerre des fusils cède le pas aux criaillements des rapaces. Les bannières colorées, les sabres et les corps sont avalés par la plaine boueuse et la glèbe que les sabots ont retournée.
Le tsar est mort, les cosaques ont fuit, les Tartares qui ont survécu ont écumé en petits groupes le royaume de Koutarine, détroussant les voyageurs assez fous pour courir les routes, livrant les corps aux grincements sinistres des branches. Le pays a volé en éclats ; chacun s'efforçait d'ériger son propre domaine, mais ce n'était que des pousses qui s'étiolaient sur les ruines de l'empire déchu.
Les hommes fauchés au combat, les femmes et les enfants, égorgés ou foudroyés par la peste, ont macéré dans les eaux sanieuses ; ils ont gavé des essaims de mouches si compacts qu'ils voilaient le ciel. Le sang et les humeurs infectes ont gorgé la terre, lentement, comme une offrande maudite, grignotant des crevasses fétides, révélant des sépultures enfouies par les âges, chatouillant les consciences de races depuis longtemps oubliées. Des abîmes ont crevé la terre, et c'est là, au plus profond de galeries ténébreuses, emplies de soupirs et d'échos déliquescents, que la vasque a été découverte. Une pierre ronde et creuse, rongée par le cours infini du temps, d'où suppurait une lymphe écarlate – l'Ancien Sang. Ainsi sont apparus les monstres.
À présent, une ombre visqueuse s'étend comme un pot d'encre renversé sur le royaume de Koutarine. Le mal ronfle, tel le feu qui couve, tapi au milieu des terres sauvages, tandis que des créatures innommables hantent les chemins creusés d'ornières, que la corruption suinte de terre et se répand en volutes funestes. L'Ordre des Chasseurs a vu le jour pour traquer et endiguer ces nouvelles menaces, et vous, Léon Karéni, avez répondu à l'appel de leur chef, un vieil homme excentrique qui se nomme Ludoviko. Officier de l'armée impériale dissoute, vous avez subi le rude entraînement auquel sont soumis les recrues de l'ordre.
Au fil du temps, usant de l'Ancien Sang, les Chasseurs ont appris à maîtriser l'art des Arcanes, parfois au prix de la raison et d'une âme entachée. Certains sont aussi craints que les montres qu'ils pourchassent...
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Au village d'Oselok
Vous observez l'eau stagnante du bassin, plongé dans une torpeur avilissante, affalé sur un banc d'albâtre d'où le froid transite jusqu'à vos os. Le gros poisson de bronze, aux écailles couvertes de vert-de-gris, a depuis longtemps cessé de cracher sa cascade scintillante. Parfois, une bourrasque trouble la surface noire, insondable de l'étang, aussi hermétique à la lumière que l'est votre cœur à présent. Par delà le bassin s'amoncellent les feuilles poussées par le vent qui soupire, au pied de la petite grille qui délimite le jardin, formant une couette brunâtre sur la tombe d'Amélia. Le cri rauque d'un corvidé vous fait sursauter, et vous vous retournez. Le volatile est perché sur une corniche de la façade placardée et vous toise de son poste d'observation, arguant peut-être que ce domaine que vous avez délaissé n'est plus le vôtre. Vous ignorez ses revendications, et reportez votre attention sur la missive reçue une semaine plus tôt.
Cher Léon,
Je vous l'avoue, j'ai presque appuyé sur la détente, mais au dernier instant, un petit je ne sais quoi dans votre regard m'a convaincu de vous épargner. Après tout, le temps m'a donné raison, et vous possédez des ressources insoupçonnées. Contre toute attente, vous avez su résister au mal, en plus de vous avérer une recrue de grand talent ! C'est pourquoi je voue confie cette mission : rendez-vous au monastère de Brasov, aux confins des terres de Sverna. Il paraît que les monstres y ont goûté quelques moines, et que cette contrée serait l'épicentre du phénomène. Je vois en vous la trempe d'un grand Chasseur ; laissez vos pas vous guider. Traquez les bêtes, trouvez la source de cette vile engeance, et mettez-y fin si vous le pouvez !
Affectueusement, Ludoviko.
Post-scriptum : Vous trouverez quelques notes concernant votre entraînement en annexe. Étudiez-les attentivement avant de débuter cette épreuve, car les routes ne sont plus aussi sûres qu'autrefois...
Rendez-vous au 1.
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Cette mission qui vous envoie en Sverna – région inhospitalière de Koutarine, griffée par la mer de Nord – vous a donné l'occasion de croiser le patelin d'Oselok, et ainsi revoir votre demeure laissée à l'abandon, mais cela n'évoque que des mauvais souvenirs. Vous ressassez le contenu de la courte lettre, plongé dans la pénombre des grands ormes flétris. Une voiture vous attend à la sortie du village ; il est bientôt l'heure de partir. Vous vous recueillez un instant près de la croix, puis vous vous agenouillez, soudain accablé par le poids du chagrin. Vous éprouvez alors l'envie incontrôlable et macabre de remuer la terre, d'étreindre le corps de votre fiancée.
Si vous cédez à cette folie, rendez-vous au 2 ; si vous préférez quitter le domaine sans plus attendre, rendez-vous au 3.