14/04/2019, 19:34
La Marque de Cthulhu
Un livre de la collection Escape Book de 404Editions, écrit par Gauthier Wendling et illustré par David Chapoulet
Cette aventure est le premier (et seul à ce jour) livre auquel j’ai joué au sein de cette collection. Nous y incarnons un journaliste littéraire qui se rend à Arkheim-en-R’Lyeh, un village d’Alsace-Lorraine que je n’ai pas retrouvé sur Google Map, pour y découvrir un exemplaire de la mythique pièce le Roi en Jaune, sur invitation du bibliothécaire municipal. Et assez vite, comme on le devine au titre du livre, les choses vont tourner au tentaculaire.
L’expérience de lecture et de jeu de cette aventure m’a un peu fait l’effet de montagnes russes, où on devrait pédaler pour arriver au sommet : une expérience déroutante demandant une implication personnelle au début, à terme récompensée par d’excellents passages dans le livre. Les points qui m’ont déstabilisés au début sont la structure de l’interactivité du livre d’une part, et le style de l’autre. Pour expliquer mon point de vu, je vais évoqué des éléments du livre que certains pourraient percevoir comme des spoilers, rien de grave de mon point de vu, je ne donne pas les solutions des énigmes, ni ne révèle les retournements de situation, mais je préfère prévenir.
Pour la structure, elle est apparemment propre à la série, et Dagonides a expliqué plus haut que c’est une contrainte éditoriale (vu après rédaction de mon retour). Le problème, c’est que cette contrainte rend les choses un peu trop linéaire. Le livre est séparé en 5 chapitres, divisés en sous-sections représentant chacune, dans 4 des 5 chapitres, les différents lieux à visiter. On nous explique qu’on peut visiter les lieux librement, mais assez vite, on comprend qu’il vaut mieux s’en tenir à les lire dans l’ordre. Pour ce qui est des résolutions d’énigmes, les solutions sont chiffrées, mais au lieu d’utiliser des numéros de paragraphes, la solution est soit une note de bas de page d’un des chapitres (chaque chapitre en ayant 3), soit un chapitre BIS, TER. Et il y a le tableau d’utilisation des objets aussi...
Le problème, c’est que bien souvent, surtout au début, la solution se trouve être une des notes de bas de page de la sous-section en cours, il est donc assez difficile de ne pas loucher et de voir la solution avant même d’avoir lu l’énigme. Surtout que les impasses sont exprimées en quelques mots, quand ce n’est pas un simple RAS. Autre cas déstabilisant, c’est le chapitre 4, où on en vient à résoudre une série d’énigmes complexes dont la réponse nous amène toujours à la section qui suit numériquement celle où on se trouve. Sur le coup, j’en suis venu à me demander quel était l’intérêt. Je dois m’efforcer à résoudre par moi-même des énigmes dont la solution est écrite en gros devant mes yeux. C’est un livre dont je suis sensé être le prisonnier qui doit s’évader, mais je dois aussi jouer le rôle de gardien qui s’assure que je joue bien le jeu. Ce fonctionnement me rappelait un peu ces profs de math de collèges et lycées qui me demandaient de dérouler sur deux pages le raisonnement d’un calcul qu’on fait en deux secondes dans sa tête. Et ce n’est qu’en résolvant la magistrale énigme finale que j’ai compris que c’est exactement ça. Cinq chapitres de dur labeur et d’auto-discipline pour me permettre de ne pas tomber dans le piège, et de résoudre du premier coup la grosse énigme du bouquin . finalement ça valait le coup. Car les énigmes sont très bien ficelées (et c’est ce qui rend décevant le fait de voir la réponse avant), et la dernière tout particulièrement, qui pour le coup, ne souffre pas de ce problème.
Pour le style ensuite, je dois avouer qu’au début, je ne savais pas si j’avais affaire à une aventure humoristique 100 % déconnade qui désamorce tout ce qu’une telle aventure porte de fantastique et d’épique, ou à quelque chose qui se voulait plus sérieux. Nous suivons l’aventure à travers les notes de celui qui la vit. Le détachement exprimé par ce personnage dans le vécu des événements, et ce dès les premières lignes, m’a un peu perturbé. J’avais été auparavant confronté à une situation similaire avec les livres de la série Rendez-Vous au 14, notamment ceux de Neil Jomunsi, et j’étais resté assez dubitatif sur le résultat.
Mais dans la Marque de Chtulhu, nous avons assez vite des éléments tangibles d’une cohérence de l’univers parcourus et du sérieux de l’intrigue, avec par exemple des plans des lieux du village que nous visitons, les illustrations réussies dans un style réaliste et propre, et une logique dans les situations que nous vivons. Moyennant un petit effort au début pour s’impliquer et s’imaginer le vécu comme vrai, par delà l’expression détachée et narquoise du narrateur, on finit donc par se retrouver happé par l’histoire et la suite des événements. L’aspect d’abord inquiétant puis horrifique de tout récit lovecraftien qui se respecte se retrouve finalement parfaitement retranscrit ici, et avec une meilleurs efficacité que les appels à « l’indicible qui dépasse toute raison humaine » systématique aux œuvres de HPL, ou que l’ambiance vaporeuse et désincarnée des récits du Roi en Jaune de Chambers. Quelques passages sont même mémorables, et si j’ai indiqué plus haut que le point d’orgue ludique de l’aventure se trouve au chapitre 5, c’est au chapitre 4, où nous aurons droit à une représentation de la pièce mythique, que l’aspect narratif est à son comble.
Bref, une expérience que j’ai perçu dans un premier temps comme déstabilisante et un peu laborieuse, pour finalement s’avérer positive et mémorable (sachant que j’ai fini d’écrire ce retour aujourd’hui, alors que j’avais terminé l’aventure mi-janvier).
Un livre de la collection Escape Book de 404Editions, écrit par Gauthier Wendling et illustré par David Chapoulet
Cette aventure est le premier (et seul à ce jour) livre auquel j’ai joué au sein de cette collection. Nous y incarnons un journaliste littéraire qui se rend à Arkheim-en-R’Lyeh, un village d’Alsace-Lorraine que je n’ai pas retrouvé sur Google Map, pour y découvrir un exemplaire de la mythique pièce le Roi en Jaune, sur invitation du bibliothécaire municipal. Et assez vite, comme on le devine au titre du livre, les choses vont tourner au tentaculaire.
L’expérience de lecture et de jeu de cette aventure m’a un peu fait l’effet de montagnes russes, où on devrait pédaler pour arriver au sommet : une expérience déroutante demandant une implication personnelle au début, à terme récompensée par d’excellents passages dans le livre. Les points qui m’ont déstabilisés au début sont la structure de l’interactivité du livre d’une part, et le style de l’autre. Pour expliquer mon point de vu, je vais évoqué des éléments du livre que certains pourraient percevoir comme des spoilers, rien de grave de mon point de vu, je ne donne pas les solutions des énigmes, ni ne révèle les retournements de situation, mais je préfère prévenir.
Pour la structure, elle est apparemment propre à la série, et Dagonides a expliqué plus haut que c’est une contrainte éditoriale (vu après rédaction de mon retour). Le problème, c’est que cette contrainte rend les choses un peu trop linéaire. Le livre est séparé en 5 chapitres, divisés en sous-sections représentant chacune, dans 4 des 5 chapitres, les différents lieux à visiter. On nous explique qu’on peut visiter les lieux librement, mais assez vite, on comprend qu’il vaut mieux s’en tenir à les lire dans l’ordre. Pour ce qui est des résolutions d’énigmes, les solutions sont chiffrées, mais au lieu d’utiliser des numéros de paragraphes, la solution est soit une note de bas de page d’un des chapitres (chaque chapitre en ayant 3), soit un chapitre BIS, TER. Et il y a le tableau d’utilisation des objets aussi...
Le problème, c’est que bien souvent, surtout au début, la solution se trouve être une des notes de bas de page de la sous-section en cours, il est donc assez difficile de ne pas loucher et de voir la solution avant même d’avoir lu l’énigme. Surtout que les impasses sont exprimées en quelques mots, quand ce n’est pas un simple RAS. Autre cas déstabilisant, c’est le chapitre 4, où on en vient à résoudre une série d’énigmes complexes dont la réponse nous amène toujours à la section qui suit numériquement celle où on se trouve. Sur le coup, j’en suis venu à me demander quel était l’intérêt. Je dois m’efforcer à résoudre par moi-même des énigmes dont la solution est écrite en gros devant mes yeux. C’est un livre dont je suis sensé être le prisonnier qui doit s’évader, mais je dois aussi jouer le rôle de gardien qui s’assure que je joue bien le jeu. Ce fonctionnement me rappelait un peu ces profs de math de collèges et lycées qui me demandaient de dérouler sur deux pages le raisonnement d’un calcul qu’on fait en deux secondes dans sa tête. Et ce n’est qu’en résolvant la magistrale énigme finale que j’ai compris que c’est exactement ça. Cinq chapitres de dur labeur et d’auto-discipline pour me permettre de ne pas tomber dans le piège, et de résoudre du premier coup la grosse énigme du bouquin . finalement ça valait le coup. Car les énigmes sont très bien ficelées (et c’est ce qui rend décevant le fait de voir la réponse avant), et la dernière tout particulièrement, qui pour le coup, ne souffre pas de ce problème.
Pour le style ensuite, je dois avouer qu’au début, je ne savais pas si j’avais affaire à une aventure humoristique 100 % déconnade qui désamorce tout ce qu’une telle aventure porte de fantastique et d’épique, ou à quelque chose qui se voulait plus sérieux. Nous suivons l’aventure à travers les notes de celui qui la vit. Le détachement exprimé par ce personnage dans le vécu des événements, et ce dès les premières lignes, m’a un peu perturbé. J’avais été auparavant confronté à une situation similaire avec les livres de la série Rendez-Vous au 14, notamment ceux de Neil Jomunsi, et j’étais resté assez dubitatif sur le résultat.
Mais dans la Marque de Chtulhu, nous avons assez vite des éléments tangibles d’une cohérence de l’univers parcourus et du sérieux de l’intrigue, avec par exemple des plans des lieux du village que nous visitons, les illustrations réussies dans un style réaliste et propre, et une logique dans les situations que nous vivons. Moyennant un petit effort au début pour s’impliquer et s’imaginer le vécu comme vrai, par delà l’expression détachée et narquoise du narrateur, on finit donc par se retrouver happé par l’histoire et la suite des événements. L’aspect d’abord inquiétant puis horrifique de tout récit lovecraftien qui se respecte se retrouve finalement parfaitement retranscrit ici, et avec une meilleurs efficacité que les appels à « l’indicible qui dépasse toute raison humaine » systématique aux œuvres de HPL, ou que l’ambiance vaporeuse et désincarnée des récits du Roi en Jaune de Chambers. Quelques passages sont même mémorables, et si j’ai indiqué plus haut que le point d’orgue ludique de l’aventure se trouve au chapitre 5, c’est au chapitre 4, où nous aurons droit à une représentation de la pièce mythique, que l’aspect narratif est à son comble.
Bref, une expérience que j’ai perçu dans un premier temps comme déstabilisante et un peu laborieuse, pour finalement s’avérer positive et mémorable (sachant que j’ai fini d’écrire ce retour aujourd’hui, alors que j’avais terminé l’aventure mi-janvier).