17/08/2017, 14:41
[Comme d’habitude, ne lisez pas ce qui suit si vous ne voulez pas de révélations sur l’histoire.]
J’ai réussi à trouver le plus court chemin vers l’une des sept fins de l’A.V.H. à ma première tentative : combat non requis. Une fin que j’estimais plutôt satisfaisante, mais sans doute pas la meilleure.
J’ai ensuite eu « ennui » (qui s’apparente à une défaite pure et simple), « pacte de sang » (oui, j’aime bien Rebecca), de nouveau « ennui », puis, finalement, « gagner selon les règles », qui me plaisait davantage que la fuite. J’ai arrêté de réfléchir après cela, me contentant de lire les indices pour découvrir les autres fins.
J’ai beaucoup aimé cet univers. Au début, le lecteur est un peu perdu, ne sachant pas vraiment dans quel monde il se trouve. Puis, au fur et à mesure que l’on suit les pensées du personnage principal, on réalise que l’on est à notre époque, dans notre monde, les mentions d’Internet ou de l’Asie, par exemple, ne laissant guère de doutes. Cette manière de procéder n’est pas désagréable, en ce qu’elle laisse la place à l’essentiel : les personnages.
Tout le texte tourne autour d’eux, qu’ils soient faits de chair et de sang ou qu’ils soient de plus ou moins lointains échos du passé. La lutte entre l’ordre établi, représenté par Eschyle, et la rebelle Iphigénie… pardon, Misty, est intéressante à observer. En tant que joueur, on n’a pas le choix : le but est de faire triompher le parti de l’héroïne. Ce qui n’est pas gênant : être dans le camp rebelle est souvent le plus stimulant, d’un point de vue ludique.
Toutefois, je crois que j’aurais aimé un peu plus de nuances, un peu moins de manichéisme. Tel qu’il nous est présenté, l’Ordre représente vraiment la rigidité dans tout ce qu’elle a de négatif ; or, si un système, quel qu’il soit, doit régulièrement se remettre en question pour ne pas devenir sclérosé, les règles et la stabilité jouent aussi un rôle important dans sa survie, pour qu’il ne soit pas dévoyé. Là, on n’a que le point du vue d’une Misty rebelle qui ne souhaite en faire qu’à sa tête et tout envoyer valser. Un contre-point de vue aurait été bienvenue, Eschyle étant d’emblée disqualifié pour jouer ce rôle, vu son côté détestable — pour le coup, il représente vraiment ce qu’un tel système peut engendrer de plus mauvais.
J’ai quand même décelé un début de remise en question de l’héroïne — et donc de la rébellion qu’elle incarne — lors de la fin « pacte de sang ». Une fin intéressante : l’héroïne culpabilise et préfère se voiler la face, laissant le champ libre à la criminelle avec laquelle elle s’est acoquinée… au point de devenir progressivement cette criminelle, de voir son esprit en passe d’être complètement dominé par elle. Une intéressante illustration des risques que la pratique de l’incarnation comporte. Un peu léger, mais tout de même présent et plaisant.
Je ne reviendrai pas sur le style de Skarn, toujours aussi bon, mais je m’attarderai un peu plus sur le format, franchement agréable. Son seul défaut, finalement, est d’empêcher toute lecture hors connexion (sauf si on a chargé la page avant), ce qui peut être handicapant quand on lit sur son ordiphone ou sa tablette. L’idée de raccourcir le texte aux endroits déjà passés est aussi très bonne. Cela enlève le côté vraiment fastidieux des relectures, d’autant plus que ces dernières s’enchaînent très vite, étant donné le format court de l’A.V.H. (Par contre, j’ai été perturbé la première fois que j’ai invoqué Onawa : j’ai cru qu’il y avait un bug dans le système, car l’introduction du personnage m’a paru bien courte. Je me suis dit qu’une partie du texte avait été zappée par erreur, du coup j’ai fini par décocher l’option.)
J’ai donc pris beaucoup de plaisir à lire et relire Incarnation. Là où le bât blesse, pour moi, c’est du point de vue de la jouabilité.
En effet, au début, on est perdu. On n’a aucune idée de ce qu’Eschyle va nous balancer, aussi le choix des premières invocations se fait au hasard. Pourquoi pas, à la limite. C’est du die and retry, à la Another World (un excellent jeu vidéo), adapté à la fiction interactive. Sauf que ce type de jeu est beaucoup plus sympathique, à mon sens, quand il y a une seule (ou guère plus) bonne fin à trouver, et que, tant qu’à faire, le cheminement est long.
Là, ce n’est clairement pas le cas. Les différentes tentatives sont très courtes. Au bout de quelques essais, j’ai fini par trouver l’enchaînement qui me paraissait le plus intelligent, compte tenu des invocations d’en face, ce qui m’a amené à la fin numéro 6 (gagner selon les règles), mais j’étais un peu frustré par ce système un peu bâtard. J’aurais aimé une aventure n’ayant qu’une issue, dans laquelle j’aurais progressé par essais et erreurs en profitant du style et de l’univers, ou alors une histoire dotée de multiples fins, où j’aurais pu dès le départ employer ma matière grise pour éviter les mauvais chemins et prendre les bons, mais pas un récit où l’on parcourt au hasard de multiples chemins sans pouvoir anticiper où ils nous mènent.
Ou alors, si, mais dans ce cas on est dans le cadre de la littérature « pure », et alors je veux lire un roman interactif, pas une nouvelle. : ) Je veux pouvoir me promener au hasard dans le labyrinthe en essayant de trouver l’une des sorties, puis recommencer pour en trouver le plus possible — sans que rien (ou pas grand chose) dans ce labyrinthe ne m’oriente vers une issue plutôt qu’une autre —, mais à la condition que ledit labyrinthe soit suffisamment long pour que je puisse en profiter.
Sur un format aussi court, je veux pouvoir mettre ma sagacité à l’épreuve. Là, hormis le moment où je suis parvenu à la sixième fin, le plaisir du jeu était plutôt absent de mes différentes lectures.
Incarnation m’a ainsi paru moins aboutie qu’Un poignard dans le dos, alors que, pour moi, elle a un potentiel beaucoup plus grand. J’aimerais beaucoup découvrir ce que donnerait cette histoire dans un format un peu plus long.
J’ai réussi à trouver le plus court chemin vers l’une des sept fins de l’A.V.H. à ma première tentative : combat non requis. Une fin que j’estimais plutôt satisfaisante, mais sans doute pas la meilleure.
J’ai ensuite eu « ennui » (qui s’apparente à une défaite pure et simple), « pacte de sang » (oui, j’aime bien Rebecca), de nouveau « ennui », puis, finalement, « gagner selon les règles », qui me plaisait davantage que la fuite. J’ai arrêté de réfléchir après cela, me contentant de lire les indices pour découvrir les autres fins.
J’ai beaucoup aimé cet univers. Au début, le lecteur est un peu perdu, ne sachant pas vraiment dans quel monde il se trouve. Puis, au fur et à mesure que l’on suit les pensées du personnage principal, on réalise que l’on est à notre époque, dans notre monde, les mentions d’Internet ou de l’Asie, par exemple, ne laissant guère de doutes. Cette manière de procéder n’est pas désagréable, en ce qu’elle laisse la place à l’essentiel : les personnages.
Tout le texte tourne autour d’eux, qu’ils soient faits de chair et de sang ou qu’ils soient de plus ou moins lointains échos du passé. La lutte entre l’ordre établi, représenté par Eschyle, et la rebelle Iphigénie… pardon, Misty, est intéressante à observer. En tant que joueur, on n’a pas le choix : le but est de faire triompher le parti de l’héroïne. Ce qui n’est pas gênant : être dans le camp rebelle est souvent le plus stimulant, d’un point de vue ludique.
Toutefois, je crois que j’aurais aimé un peu plus de nuances, un peu moins de manichéisme. Tel qu’il nous est présenté, l’Ordre représente vraiment la rigidité dans tout ce qu’elle a de négatif ; or, si un système, quel qu’il soit, doit régulièrement se remettre en question pour ne pas devenir sclérosé, les règles et la stabilité jouent aussi un rôle important dans sa survie, pour qu’il ne soit pas dévoyé. Là, on n’a que le point du vue d’une Misty rebelle qui ne souhaite en faire qu’à sa tête et tout envoyer valser. Un contre-point de vue aurait été bienvenue, Eschyle étant d’emblée disqualifié pour jouer ce rôle, vu son côté détestable — pour le coup, il représente vraiment ce qu’un tel système peut engendrer de plus mauvais.
J’ai quand même décelé un début de remise en question de l’héroïne — et donc de la rébellion qu’elle incarne — lors de la fin « pacte de sang ». Une fin intéressante : l’héroïne culpabilise et préfère se voiler la face, laissant le champ libre à la criminelle avec laquelle elle s’est acoquinée… au point de devenir progressivement cette criminelle, de voir son esprit en passe d’être complètement dominé par elle. Une intéressante illustration des risques que la pratique de l’incarnation comporte. Un peu léger, mais tout de même présent et plaisant.
Je ne reviendrai pas sur le style de Skarn, toujours aussi bon, mais je m’attarderai un peu plus sur le format, franchement agréable. Son seul défaut, finalement, est d’empêcher toute lecture hors connexion (sauf si on a chargé la page avant), ce qui peut être handicapant quand on lit sur son ordiphone ou sa tablette. L’idée de raccourcir le texte aux endroits déjà passés est aussi très bonne. Cela enlève le côté vraiment fastidieux des relectures, d’autant plus que ces dernières s’enchaînent très vite, étant donné le format court de l’A.V.H. (Par contre, j’ai été perturbé la première fois que j’ai invoqué Onawa : j’ai cru qu’il y avait un bug dans le système, car l’introduction du personnage m’a paru bien courte. Je me suis dit qu’une partie du texte avait été zappée par erreur, du coup j’ai fini par décocher l’option.)
J’ai donc pris beaucoup de plaisir à lire et relire Incarnation. Là où le bât blesse, pour moi, c’est du point de vue de la jouabilité.
En effet, au début, on est perdu. On n’a aucune idée de ce qu’Eschyle va nous balancer, aussi le choix des premières invocations se fait au hasard. Pourquoi pas, à la limite. C’est du die and retry, à la Another World (un excellent jeu vidéo), adapté à la fiction interactive. Sauf que ce type de jeu est beaucoup plus sympathique, à mon sens, quand il y a une seule (ou guère plus) bonne fin à trouver, et que, tant qu’à faire, le cheminement est long.
Là, ce n’est clairement pas le cas. Les différentes tentatives sont très courtes. Au bout de quelques essais, j’ai fini par trouver l’enchaînement qui me paraissait le plus intelligent, compte tenu des invocations d’en face, ce qui m’a amené à la fin numéro 6 (gagner selon les règles), mais j’étais un peu frustré par ce système un peu bâtard. J’aurais aimé une aventure n’ayant qu’une issue, dans laquelle j’aurais progressé par essais et erreurs en profitant du style et de l’univers, ou alors une histoire dotée de multiples fins, où j’aurais pu dès le départ employer ma matière grise pour éviter les mauvais chemins et prendre les bons, mais pas un récit où l’on parcourt au hasard de multiples chemins sans pouvoir anticiper où ils nous mènent.
Ou alors, si, mais dans ce cas on est dans le cadre de la littérature « pure », et alors je veux lire un roman interactif, pas une nouvelle. : ) Je veux pouvoir me promener au hasard dans le labyrinthe en essayant de trouver l’une des sorties, puis recommencer pour en trouver le plus possible — sans que rien (ou pas grand chose) dans ce labyrinthe ne m’oriente vers une issue plutôt qu’une autre —, mais à la condition que ledit labyrinthe soit suffisamment long pour que je puisse en profiter.
Sur un format aussi court, je veux pouvoir mettre ma sagacité à l’épreuve. Là, hormis le moment où je suis parvenu à la sixième fin, le plaisir du jeu était plutôt absent de mes différentes lectures.
Incarnation m’a ainsi paru moins aboutie qu’Un poignard dans le dos, alors que, pour moi, elle a un potentiel beaucoup plus grand. J’aimerais beaucoup découvrir ce que donnerait cette histoire dans un format un peu plus long.