11/09/2022, 21:26
Secrets of Salamonis
Un Défi Fantastique de Steve Jackson et Jonathan Green de 480 paragraphes.
Rappel de contexte, même si tout le monde doit le connaître : annoncé depuis quelque temps, Secret of Salamonis est sorti à l’occasion du 40ᵉ anniversaire de la série. Le dernier livre-jeu de Steve Jackson, la Créature venue du Chaos, remonte à 1986, et son dernier roman, the Trolltooth War, 1989. Dans ce dernier, nous suivions Chadda Darkman, un chevalier salamonien appelé à contrer le conflit opposant Balthus et Zarradan Marr. La ville de Salamonis y était le théâtre du début de l’histoire de ce roman, mais en dehors de quelques infos dans le jeu de rôle, la cité ne sera vraiment explorée pour la première fois en livre-jeu qu’en 2018, dans un contexte apocalyptique du Fléau de Titan. C’est donc à l’occasion du 70ᵉ livre de la collection que nous avons le droit à une véritable visite de cette ville de l’Allansia.
Assez vite, nous comprenons qui nous incarnons : une jeune personne qui sort de sa campagne pour commencer une carrière d’aventurier à Salamonis. Hélas, avant même d’atteindre la ville, on a perdu notre sac à dos, notre épée et notre argent. Avec nos caractéristiques initiales à 6/12/6, notre carrière commence mal… C’est presque comme dans la chanson « À l’aventure compagnons », et nombre de pfa ne feront pas constat de notre mort, mais de l’abandon de la vie d’aventurier et un retour à la maison.
La première des quatre parties qu’on peut identifier dans cette aventure consiste à sortir de notre situation compliquée. On va rencontrer quelques pnj, certains qui prendront de l’importance dans l’aventure, d’autres qui resteront mystérieux, essayer de gagner quelques sous comme on peut et découvrir le système de réputation de la ville, l’Amoneur, concept introduit dans the Trolltooth War. Notre score d’Amoneur, de zéro au début, va augmenter à chaque acte plus ou moins honorable. Il va bien entendu avoir de l’importance sur la progression de l’aventure.
Cette première partie est assez mal ficelée. On peut se retrouver à boucler sur les différentes rencontres, et même être tenté d’en profiter pour gonfler nos scores d’amoneur et d'argent. Parce que sortir de cette séquence n’est pas facile. Il y a un objectif à atteindre au terme de cette première journée de galères, et pas vraiment 36 façons d’y parvenir.
La seconde partie, on se retrouve en meilleure condition, et on nous offre la possibilité de s’entraîner à devenir aventurier. Plusieurs types d’entraînement nous seront proposés. C’est clairement une phase de création de personnage. On va obtenir nos compétences, améliorer nos caractéristiques de départ et s’offrir quelques bonus. Autant dire, tous les choix ne se valent pas. Il y en a même un, en relation avec la magie, qui est ludiquement plus intéressant que les autres (du même genre que choisir d’être Sorcier dans Sorcellerie !). Dans certaine situation, si on souhaite utiliser cette compétence de « Spelling », un oracle nous soufflera un petit poème, et il nous faudra trouver le mot manquant et le coder pour bénéficier de l’effet du sort.
La troisième partie, celle qui est au cœur de l’histoire et de la promesse du livre : les quêtes. Le maître de la Guilde des Aventuriers nous propose une série de quêtes que nous sommes libres (enfin presque) de choisir selon notre bon vouloir. Petit truc rigolo, ce maître de la guilde est illustré avec les traits de Steve Jackson. D’ailleurs, mention à Tazzio Bettin pour ses excellentes illustrations tout au long du livre, tant pour les personnages que les créatures. Certains relookings, comme l'Homme-Rhino ou le Leprechaun sont bien vus. Il y a aussi un système de gestion de temps, utilisant les jours de la semaine allansienne, avec des événements qui viennent se glisser entre les quêtes, mais sans les influencer elle-même. L’impact de la gestion du temps est par contre en rien comparable à ce que proposait le Maître des Tempêtes. En fait, c’est juste un compteur caché.
Les quêtes en elles-mêmes sont assez variées, mais globalement assez courtes. Et bien entendu yen a des plus faciles que d’autres. Certaines sont aussi plus intéressantes. Le souci de cette partie, c’est qu’on rencontre des problèmes de raccordement, des mécaniques qui sont parfois trop simples, ou au contraire trop tordues pour rien, et parfois illogiques. Par exemple, on pourra accéder à un marché entre les quêtes, mais une partie du marché n’est accessible qu’une fois, la première où on y rentre. Et il se trouve que c’est la partie importante, avec des objets essentiels, comme les armes les plus utiles. Et comme il faut avoir assez d’argent pour pouvoir en profiter, il faut pas y aller trop tôt. Alors oui, pour certaines quêtes, on nous proposera d’accéder à la partie principale du marché sans gâcher notre unique opportunité d’accéder à la partie plus intéressante, mais c’est vraiment une contrainte mécaniquement et narrativement inutile et incohérente.
Les accroches de quêtes sont toutes des classiques de classiques du jdr : débarrasser un lieu de parasites gênants, escorter une caravane, débusquer une créature mythique, aller chercher des herbes rares pour des sorcières, retrouver le leader d’une secte… Et leur résolution aussi. Celles qui demandent enquêtes pourront être les plus intéressantes, mais les énigmes à résoudre sont soit simplistes et inutilement alambiquées dans leur construction (enquêter sur les cieux qui crient), soit contraintes par des choix antérieurs (retrouver le cardinal). Finalement, je garde une préférence pour celles qui nous demandent de partir en expédition loin de la ville. C’est l’occasion d’explorer ou réexplorer certains coins de l’Allansia.
Enfin, la dernière partie, c’est la quête finale qui relie toutes les autres. Sans trop détailler, c’est une partie assez 1TP qui dépend de nombreux choix faits en amont. Pas grand-chose à préciser ici, on retombe sur de DF classique. Mais en termes d’histoire, elle est intéressante, surtout par les réponses qu’elle apporte aux mystères non résolus des autres quêtes. Les fameux secrets (ou mystères en vf) de Salamonis qui baptisent le livre.
Alors globalement, qu’en penser ? Le DF a le mérite de l’originalité dans la forme. S'y ajoutent des PNJ sympathiques, des situations variées et bien entendu des clins d’œil aux autres DF. Le cadre s’appuie beaucoup sur les éléments que Jackson a développés dans ses précédents livres, la Créature, la Citadelle et Trolltooth War. Aussi des petites références rapides au Fléau de Titan. Par contre, pour le Sorcier de la Montagne de Feu, reproduire le début du labyrinthe, sur pas moins de 50 paragraphes, je suis pas convaincu. Consacré plus de 10 % des paragraphes du livre à ça, sans qu’il y ait d’ailleurs d’apport significatif à l’histoire, c’était dispensable.
Pour l’aspect histoire, on reste dans le même délire que les derniers livres de Livingstone : on retrouve cette ambiance de fantasy à l’ancienne et le plaisir de retrouver des lieux explorés et d’en découvrir d’autres. Je trouve la plupart des PNJ sympathiques, comme Nanoc, le Gros-Bras, Billick O’Doone, le mystérieux Leprechaun, et les sept Nains aussi. D’ailleurs ce qui nous relie à l’un d’eux est assez touchant, possiblement une retranscription du lien qui uni Steve aux fans qu’il a pu rencontrer.
Et pour l’aspect jeu, mais quel casse-tête ! On retrouve vraiment le style de Steve Jackson. On a l’impression d’une grande liberté, de nombreuses possibilités, mais finalement, notre marge de manœuvre est limitée si on veut atteindre la fin. Nos caractéristiques resteront assez basses, mais les combats souvent difficiles. Les récompenses de quête sont chiches, et les occasions de perdre nos sous loin d’être rares (attention au terrible collecteur de taxe). Les objets obligatoires sur la fin nous imposent d’avoir réussi certaines quêtes d’une certaine façon. Bref, si vous avez aimé le Manoir de l’Enfer, ou la Créature venue du Chaos, vous allez être servi. J’avoue que j’ai vite triché pour identifier une solution idéale.
Malgré mes jérémiades, j’ai passé un bon moment. Oui, les quelques défauts et incohérences donnent un sentiment de manque de peaufinage et auraient mérité d’être corrigés, même s’ils sont moins nombreux que dans le Fléau de Titan par exemple. La difficulté fait partie de l’identité Steve Jackson et n’ont pas empêché ces ldvelh de devenir classiques. Et c’est exactement ce que fait ce livre : tenter de reproduire la recette d’il y a 35 ans, et surtout la réussir une nouvelle fois.
Un Défi Fantastique de Steve Jackson et Jonathan Green de 480 paragraphes.
Rappel de contexte, même si tout le monde doit le connaître : annoncé depuis quelque temps, Secret of Salamonis est sorti à l’occasion du 40ᵉ anniversaire de la série. Le dernier livre-jeu de Steve Jackson, la Créature venue du Chaos, remonte à 1986, et son dernier roman, the Trolltooth War, 1989. Dans ce dernier, nous suivions Chadda Darkman, un chevalier salamonien appelé à contrer le conflit opposant Balthus et Zarradan Marr. La ville de Salamonis y était le théâtre du début de l’histoire de ce roman, mais en dehors de quelques infos dans le jeu de rôle, la cité ne sera vraiment explorée pour la première fois en livre-jeu qu’en 2018, dans un contexte apocalyptique du Fléau de Titan. C’est donc à l’occasion du 70ᵉ livre de la collection que nous avons le droit à une véritable visite de cette ville de l’Allansia.
Assez vite, nous comprenons qui nous incarnons : une jeune personne qui sort de sa campagne pour commencer une carrière d’aventurier à Salamonis. Hélas, avant même d’atteindre la ville, on a perdu notre sac à dos, notre épée et notre argent. Avec nos caractéristiques initiales à 6/12/6, notre carrière commence mal… C’est presque comme dans la chanson « À l’aventure compagnons », et nombre de pfa ne feront pas constat de notre mort, mais de l’abandon de la vie d’aventurier et un retour à la maison.
La première des quatre parties qu’on peut identifier dans cette aventure consiste à sortir de notre situation compliquée. On va rencontrer quelques pnj, certains qui prendront de l’importance dans l’aventure, d’autres qui resteront mystérieux, essayer de gagner quelques sous comme on peut et découvrir le système de réputation de la ville, l’Amoneur, concept introduit dans the Trolltooth War. Notre score d’Amoneur, de zéro au début, va augmenter à chaque acte plus ou moins honorable. Il va bien entendu avoir de l’importance sur la progression de l’aventure.
Cette première partie est assez mal ficelée. On peut se retrouver à boucler sur les différentes rencontres, et même être tenté d’en profiter pour gonfler nos scores d’amoneur et d'argent. Parce que sortir de cette séquence n’est pas facile. Il y a un objectif à atteindre au terme de cette première journée de galères, et pas vraiment 36 façons d’y parvenir.
La seconde partie, on se retrouve en meilleure condition, et on nous offre la possibilité de s’entraîner à devenir aventurier. Plusieurs types d’entraînement nous seront proposés. C’est clairement une phase de création de personnage. On va obtenir nos compétences, améliorer nos caractéristiques de départ et s’offrir quelques bonus. Autant dire, tous les choix ne se valent pas. Il y en a même un, en relation avec la magie, qui est ludiquement plus intéressant que les autres (du même genre que choisir d’être Sorcier dans Sorcellerie !). Dans certaine situation, si on souhaite utiliser cette compétence de « Spelling », un oracle nous soufflera un petit poème, et il nous faudra trouver le mot manquant et le coder pour bénéficier de l’effet du sort.
La troisième partie, celle qui est au cœur de l’histoire et de la promesse du livre : les quêtes. Le maître de la Guilde des Aventuriers nous propose une série de quêtes que nous sommes libres (enfin presque) de choisir selon notre bon vouloir. Petit truc rigolo, ce maître de la guilde est illustré avec les traits de Steve Jackson. D’ailleurs, mention à Tazzio Bettin pour ses excellentes illustrations tout au long du livre, tant pour les personnages que les créatures. Certains relookings, comme l'Homme-Rhino ou le Leprechaun sont bien vus. Il y a aussi un système de gestion de temps, utilisant les jours de la semaine allansienne, avec des événements qui viennent se glisser entre les quêtes, mais sans les influencer elle-même. L’impact de la gestion du temps est par contre en rien comparable à ce que proposait le Maître des Tempêtes. En fait, c’est juste un compteur caché.
Les quêtes en elles-mêmes sont assez variées, mais globalement assez courtes. Et bien entendu yen a des plus faciles que d’autres. Certaines sont aussi plus intéressantes. Le souci de cette partie, c’est qu’on rencontre des problèmes de raccordement, des mécaniques qui sont parfois trop simples, ou au contraire trop tordues pour rien, et parfois illogiques. Par exemple, on pourra accéder à un marché entre les quêtes, mais une partie du marché n’est accessible qu’une fois, la première où on y rentre. Et il se trouve que c’est la partie importante, avec des objets essentiels, comme les armes les plus utiles. Et comme il faut avoir assez d’argent pour pouvoir en profiter, il faut pas y aller trop tôt. Alors oui, pour certaines quêtes, on nous proposera d’accéder à la partie principale du marché sans gâcher notre unique opportunité d’accéder à la partie plus intéressante, mais c’est vraiment une contrainte mécaniquement et narrativement inutile et incohérente.
Les accroches de quêtes sont toutes des classiques de classiques du jdr : débarrasser un lieu de parasites gênants, escorter une caravane, débusquer une créature mythique, aller chercher des herbes rares pour des sorcières, retrouver le leader d’une secte… Et leur résolution aussi. Celles qui demandent enquêtes pourront être les plus intéressantes, mais les énigmes à résoudre sont soit simplistes et inutilement alambiquées dans leur construction (enquêter sur les cieux qui crient), soit contraintes par des choix antérieurs (retrouver le cardinal). Finalement, je garde une préférence pour celles qui nous demandent de partir en expédition loin de la ville. C’est l’occasion d’explorer ou réexplorer certains coins de l’Allansia.
Enfin, la dernière partie, c’est la quête finale qui relie toutes les autres. Sans trop détailler, c’est une partie assez 1TP qui dépend de nombreux choix faits en amont. Pas grand-chose à préciser ici, on retombe sur de DF classique. Mais en termes d’histoire, elle est intéressante, surtout par les réponses qu’elle apporte aux mystères non résolus des autres quêtes. Les fameux secrets (ou mystères en vf) de Salamonis qui baptisent le livre.
Alors globalement, qu’en penser ? Le DF a le mérite de l’originalité dans la forme. S'y ajoutent des PNJ sympathiques, des situations variées et bien entendu des clins d’œil aux autres DF. Le cadre s’appuie beaucoup sur les éléments que Jackson a développés dans ses précédents livres, la Créature, la Citadelle et Trolltooth War. Aussi des petites références rapides au Fléau de Titan. Par contre, pour le Sorcier de la Montagne de Feu, reproduire le début du labyrinthe, sur pas moins de 50 paragraphes, je suis pas convaincu. Consacré plus de 10 % des paragraphes du livre à ça, sans qu’il y ait d’ailleurs d’apport significatif à l’histoire, c’était dispensable.
Pour l’aspect histoire, on reste dans le même délire que les derniers livres de Livingstone : on retrouve cette ambiance de fantasy à l’ancienne et le plaisir de retrouver des lieux explorés et d’en découvrir d’autres. Je trouve la plupart des PNJ sympathiques, comme Nanoc, le Gros-Bras, Billick O’Doone, le mystérieux Leprechaun, et les sept Nains aussi. D’ailleurs ce qui nous relie à l’un d’eux est assez touchant, possiblement une retranscription du lien qui uni Steve aux fans qu’il a pu rencontrer.
Et pour l’aspect jeu, mais quel casse-tête ! On retrouve vraiment le style de Steve Jackson. On a l’impression d’une grande liberté, de nombreuses possibilités, mais finalement, notre marge de manœuvre est limitée si on veut atteindre la fin. Nos caractéristiques resteront assez basses, mais les combats souvent difficiles. Les récompenses de quête sont chiches, et les occasions de perdre nos sous loin d’être rares (attention au terrible collecteur de taxe). Les objets obligatoires sur la fin nous imposent d’avoir réussi certaines quêtes d’une certaine façon. Bref, si vous avez aimé le Manoir de l’Enfer, ou la Créature venue du Chaos, vous allez être servi. J’avoue que j’ai vite triché pour identifier une solution idéale.
Malgré mes jérémiades, j’ai passé un bon moment. Oui, les quelques défauts et incohérences donnent un sentiment de manque de peaufinage et auraient mérité d’être corrigés, même s’ils sont moins nombreux que dans le Fléau de Titan par exemple. La difficulté fait partie de l’identité Steve Jackson et n’ont pas empêché ces ldvelh de devenir classiques. Et c’est exactement ce que fait ce livre : tenter de reproduire la recette d’il y a 35 ans, et surtout la réussir une nouvelle fois.