18/11/2021, 13:37
Lu Les Maîtres des Ténèbres dans la version remaniée (rallongée de 200 paragraphes) par Joe Dever, avec annexe de Vincent Lazzari. Je copie-colle ici ma critique de La Taverne.
RETOUR AUX SOURCES
J'avais lu le tome d'origine dans sa livrée Gallimard il y a... oula, disons que c'était un autre siècle et un autre millénaire. Quel souvenir en avais-je gardé ?
une aventure rapide, pas difficile, mais qui impliquait.
un bel objet graphique, grâce à ses illustrations abondantes signées Gary Chalk. Même les règles du jeu était décorées, les cabochons n'étaient pas random mais illustraient divers petits épisodes...
LA VERSION 2021
La nouvelle version est 50% plus épaisss, wow ! Autant dire de suite que ce n'est plus ni le même livre ni le même jeu.
Le tome est désormais grand format à couverture rigide et larges marges. Les illustrations ont intégralement été refaites par Richard Sampson. Quelques pages d'annexes ont été ajoutées en fin, signées Vincent Lazzari (de Scriptarium), qui a sans doute aussi relu la nouvelle traduction de Sophie Brun.
QU'EST-CE QUI CHANGE ?... TOUT.
Le tome d'origine était une intro à une série bien articulée (tome 2 maritime, tome 3 banquise, tome 5 désert) : on sentait la patte du MJ habitué aux campagnes de JDR. Le tome de 2021 veut être une campagne à lui tout seul. Ce n'est plus un MJ qui écrit, c'est l'auteur d'un JDR dotés de nombreuses annexes sur l'univers. Ça ne sera ni le même rythme, ni la même ambiance.
Le début, la destruction du monastère Kaï n'est plus expédiée en deux pages. Elle est jouée ! Loup « Silencieux » ne va plus à la corvée de bois loin du monastère, il s'y trouve, et il va tailler du Glok pour atteindre le cristal d'alarme. Cette partie du livre est conséquente et a un côté assez école Poudlard : les lieux, les noms des condisciples, des maîtres, la démo de la spécialité de chacun...
Deuxième partie, la fuite de Loup (désormais) Solitaire vers la capitale. C'est la partie qu'on connaissait, d'origine. Mais il ne s'agit plus de prévenir le roi de l'invasion, car le cristal d'alarme a joué son rôle. Les lieux m'ont paru différents, moins... champêtres. J'ai désormais l'impression de traverser l'Italie de la Renaissance (arbalètes, poudre à canon, ouvrages monumentaux) plutôt qu'un paysage de méd'fan random. Conséquence du développement ultérieur de l'univers par Joe Dever.
Là j'avoue une gêne. Je donne un exemple : le fameux épisode de l'attaque du pont. Dans la version d'origine tu as l'attaque du pont. Point. Alors que désormais tu as :
a) pourquoi ce pont est stratégique ? Et hop, une page de cours de géo.
b) à quoi ressemble ce pont, qui vient là faire son marché ? Vlan, le dépliant touristique, l'architecture, le folklore.
c) enfin, presque à la marge, l'attaque du pont...
Rare image d'une lectrice découvrant le bavard Maîtres des Ténèbres 2021.
La dernière partie est l'entrée dans la capitale, un peu étoffée, et surtout la comparution devant le roi qui est désormais un petit épisode à soi seul.
MON AVIS
C'est avec un plaisir qu'on se replonge dans l'univers de Loup Solitaire, d'autant plus quand c'est dans une édition luxe à laquelle Scriptarium a participé ! Je devine les débats en interne : on garde « discipline spéciale Maîtrise Psychique de la Matière », ou on met « discipline du Nexus » comme dans le cycle suivant ? On garde « sabre » ou on corrige en « épée courte » ? etc.
Au passage, je remarque un gain de cohérence : l'intro d'origine affirmait que les Seigneurs Kaï quittaient le monastère à la fin de leur formation, pourtant ils y sont tous sans exception au moment de l'attaque qui les décime... On doit avertir le roi de l'invasion, alors que le pays n'est pas grand et que le prince est déjà sur le front... Cette nouvelle version lève ces incohérences.
Désormais il y a une continuité dans la série, puisqu'apparaissent dans ce nouveau tome 1 certains monstres ou enjeux des tomes suivants : les Druides de Cener par exemple.
On sort également du cliché. On n'a pas juste "le prince" et "le roi", mais un prince guerrier charismatique, et un roi doté d'une famille, d'un entourage, chacun avec son trait de caractère...
On sait désormais quel âge a Loup Silencieux / Solitaire, on en apprend un petit peu plus sur ses réactions et émotions, par touches discrètes mais suffisantes pour l'humaniser et ainsi mieux se projeter en lui. Les annexes révèlent même son nom...
Il y a bien sûr le plaisir des illustrations de Richard Sampson, qui citent souvent les anciennes illus. Le trait est parfois proche de celui de Chalk, parfois s'en démarque. Il y a une petite inégalité d'une image à l'autre, parfois ligne claire et stylisation (à la Chalk), parfois plutôt crayonné et réalisme. L'épaisseur du trait et le degré de finition sont variables. Deux illus sont gores.
Ce tome 1 n'est plus une intro à une campagne, c'est une petite campagne à soi seule.
Je suis gêné par :
l'inflation de la longueur des paragraphes. Le jeu perd le côté alerte et vif du tome d'origine.
comme je le disais au-dessus, un côté dépliant touristique, à force de vouloir insérer dans le récit des précisions qui auraient davantage leur place dans un tome de JDR dédié à l'univers. C'est un peu le même souci que ces films cultes des années 80-90, courts, directs et efficaces, parfois rebootés ou suités dans des versions modernes baroques, bavardes, cherchant à tout expliquer...
l'épisode un peu WTF opposant un aspirant Kaï de 15 ans à une entité cosmique aux pouvoirs gigantesques, dont l'apparition est un peu gratuite (sans lien avec l'intrigue ni impact sur le jeu).
les dialogues parfois peu naturels, avec des formulations plus écrites qu'orales (je ne sais pas si c'est inhérent à la VF ou déjà en VO).
l'énigme du 291, désagréable car ne fait pas appel à la logique ou au ludique, mais à la mémoire... pour se rappeler de choses sans importance : « combien de Gloks étaient à tel endroit ? Et combien de chevaux ? » Comme si l'auteur voulait nous forcer à bien le (re)lire... Bof. Là, le créateur d'énigmes en moi se rebelle.
BILAN : intéressera les fans de la série, un peu comme les commentaires réalisateur d'un DVD. Pour entrer dans la série et la découvrir, le tome d'origine conviendra mieux.
RETOUR AUX SOURCES
J'avais lu le tome d'origine dans sa livrée Gallimard il y a... oula, disons que c'était un autre siècle et un autre millénaire. Quel souvenir en avais-je gardé ?
une aventure rapide, pas difficile, mais qui impliquait.
un bel objet graphique, grâce à ses illustrations abondantes signées Gary Chalk. Même les règles du jeu était décorées, les cabochons n'étaient pas random mais illustraient divers petits épisodes...
LA VERSION 2021
La nouvelle version est 50% plus épaisss, wow ! Autant dire de suite que ce n'est plus ni le même livre ni le même jeu.
Le tome est désormais grand format à couverture rigide et larges marges. Les illustrations ont intégralement été refaites par Richard Sampson. Quelques pages d'annexes ont été ajoutées en fin, signées Vincent Lazzari (de Scriptarium), qui a sans doute aussi relu la nouvelle traduction de Sophie Brun.
QU'EST-CE QUI CHANGE ?... TOUT.
Le tome d'origine était une intro à une série bien articulée (tome 2 maritime, tome 3 banquise, tome 5 désert) : on sentait la patte du MJ habitué aux campagnes de JDR. Le tome de 2021 veut être une campagne à lui tout seul. Ce n'est plus un MJ qui écrit, c'est l'auteur d'un JDR dotés de nombreuses annexes sur l'univers. Ça ne sera ni le même rythme, ni la même ambiance.
Le début, la destruction du monastère Kaï n'est plus expédiée en deux pages. Elle est jouée ! Loup « Silencieux » ne va plus à la corvée de bois loin du monastère, il s'y trouve, et il va tailler du Glok pour atteindre le cristal d'alarme. Cette partie du livre est conséquente et a un côté assez école Poudlard : les lieux, les noms des condisciples, des maîtres, la démo de la spécialité de chacun...
Deuxième partie, la fuite de Loup (désormais) Solitaire vers la capitale. C'est la partie qu'on connaissait, d'origine. Mais il ne s'agit plus de prévenir le roi de l'invasion, car le cristal d'alarme a joué son rôle. Les lieux m'ont paru différents, moins... champêtres. J'ai désormais l'impression de traverser l'Italie de la Renaissance (arbalètes, poudre à canon, ouvrages monumentaux) plutôt qu'un paysage de méd'fan random. Conséquence du développement ultérieur de l'univers par Joe Dever.
Là j'avoue une gêne. Je donne un exemple : le fameux épisode de l'attaque du pont. Dans la version d'origine tu as l'attaque du pont. Point. Alors que désormais tu as :
a) pourquoi ce pont est stratégique ? Et hop, une page de cours de géo.
b) à quoi ressemble ce pont, qui vient là faire son marché ? Vlan, le dépliant touristique, l'architecture, le folklore.
c) enfin, presque à la marge, l'attaque du pont...
Rare image d'une lectrice découvrant le bavard Maîtres des Ténèbres 2021.
La dernière partie est l'entrée dans la capitale, un peu étoffée, et surtout la comparution devant le roi qui est désormais un petit épisode à soi seul.
MON AVIS
C'est avec un plaisir qu'on se replonge dans l'univers de Loup Solitaire, d'autant plus quand c'est dans une édition luxe à laquelle Scriptarium a participé ! Je devine les débats en interne : on garde « discipline spéciale Maîtrise Psychique de la Matière », ou on met « discipline du Nexus » comme dans le cycle suivant ? On garde « sabre » ou on corrige en « épée courte » ? etc.
Au passage, je remarque un gain de cohérence : l'intro d'origine affirmait que les Seigneurs Kaï quittaient le monastère à la fin de leur formation, pourtant ils y sont tous sans exception au moment de l'attaque qui les décime... On doit avertir le roi de l'invasion, alors que le pays n'est pas grand et que le prince est déjà sur le front... Cette nouvelle version lève ces incohérences.
Désormais il y a une continuité dans la série, puisqu'apparaissent dans ce nouveau tome 1 certains monstres ou enjeux des tomes suivants : les Druides de Cener par exemple.
On sort également du cliché. On n'a pas juste "le prince" et "le roi", mais un prince guerrier charismatique, et un roi doté d'une famille, d'un entourage, chacun avec son trait de caractère...
On sait désormais quel âge a Loup Silencieux / Solitaire, on en apprend un petit peu plus sur ses réactions et émotions, par touches discrètes mais suffisantes pour l'humaniser et ainsi mieux se projeter en lui. Les annexes révèlent même son nom...
Il y a bien sûr le plaisir des illustrations de Richard Sampson, qui citent souvent les anciennes illus. Le trait est parfois proche de celui de Chalk, parfois s'en démarque. Il y a une petite inégalité d'une image à l'autre, parfois ligne claire et stylisation (à la Chalk), parfois plutôt crayonné et réalisme. L'épaisseur du trait et le degré de finition sont variables. Deux illus sont gores.
Ce tome 1 n'est plus une intro à une campagne, c'est une petite campagne à soi seule.
Je suis gêné par :
l'inflation de la longueur des paragraphes. Le jeu perd le côté alerte et vif du tome d'origine.
comme je le disais au-dessus, un côté dépliant touristique, à force de vouloir insérer dans le récit des précisions qui auraient davantage leur place dans un tome de JDR dédié à l'univers. C'est un peu le même souci que ces films cultes des années 80-90, courts, directs et efficaces, parfois rebootés ou suités dans des versions modernes baroques, bavardes, cherchant à tout expliquer...
l'épisode un peu WTF opposant un aspirant Kaï de 15 ans à une entité cosmique aux pouvoirs gigantesques, dont l'apparition est un peu gratuite (sans lien avec l'intrigue ni impact sur le jeu).
les dialogues parfois peu naturels, avec des formulations plus écrites qu'orales (je ne sais pas si c'est inhérent à la VF ou déjà en VO).
l'énigme du 291, désagréable car ne fait pas appel à la logique ou au ludique, mais à la mémoire... pour se rappeler de choses sans importance : « combien de Gloks étaient à tel endroit ? Et combien de chevaux ? » Comme si l'auteur voulait nous forcer à bien le (re)lire... Bof. Là, le créateur d'énigmes en moi se rebelle.
BILAN : intéressera les fans de la série, un peu comme les commentaires réalisateur d'un DVD. Pour entrer dans la série et la découvrir, le tome d'origine conviendra mieux.