Interlude sylvain
Avertissement : je spoile complètement l'aventure.
Je vais passer beaucoup de temps sur la première aventure : Interlude sylvain, non pas qu'elle soit plus intéressante que les suivantes, mais parce qu'il faut commencer par le début et que c'est une bonne porte d'entrée pour mettre à jour les éléments invariants de l’œuvre d'Outremer et mieux comprendre pourquoi ses aventures ont une profondeur.
Je pense que j'aurais pu approfondir l'analyse, notamment à travers les environnements, la dualité humanité/déshumanisation, la féminité, ou la notion de réalité, mais cela m'inspirait moins.
Cette aventure est, selon les dires d'Outremer, sa moins planifiée, écrite assez vite, par pure plaisir de contribuer aux avh francophones qui étaient il y a dix ans, hors Xhoromag, en nombres restreint. Il voulait juste "écrire un mini-DF distrayant". Pourtant, la plupart des thèmes étaient déjà là.
Concernant l'intrigue voici un extrait du 1er § : « vous avez été victime de fées ! Vous aviez entendu dire qu’elles habitaient certaines forêts reculées et qu’elles aimaient à se divertir aux dépens des voyageurs en les égarant. C’est visiblement ce qui vous est arrivé : tout autour de vous, les profondeurs insondables de la forêt s’offrent à vos yeux. La route que vous aviez suivie la veille n’est visible nulle part. Vous pressentez qu’il ne sera pas facile de la retrouver. Alors que vous vous levez, vous réalisez brusquement qu’une difficulté supplémentaire s’ajoute à votre situation : vous ressentez encore les effets des festivités de la veille ! Vous avez du mal à tenir sur vos jambes et votre vision est légèrement floue, brouillant les contours et les distances. »
A partir de là, le héros va devoir non pas retrouver son chemin, mais juste progresser dans un univers totalement en dehors de la réalité, dans des profondeurs insondables (ce qui présageait déjà de Labyrinthe). Les êtres y agissent selon d'autres lois, par exemple la présence absurde du cordonnier, au milieu de la forêt, qui peut nous réparer nos bottes sans nous adresser le moindre mot.
Le boss de l'aventure, la fée ténébreuse, possède ce talent : « De plus, sa forme est si difficile à discerner que vous devez soustraire 2 points de votre total d’Habileté pour ce combat. Cet effet ne s’applique pas si vous possédez une pierre percée d’un trou ou si vous êtes coiffé d’une couronne de thym et de primevères, ces objets permettant de distinguer la réalité des illusions. »
Il s'agit donc d'un monde totalement illusoire, sentiment renforcé par la règle d'ivresse, qui pourra altérer encore plus la réalité à quelques moments de l'aventure.
On trouve donc le schéma qui par la suite se reproduira dans la majorité des aventures d'Outremer :
Le héros tombe dans un piège, qui à chaque fois est lié à une métamorphose, qui amène un changement de réalité et d'environnement. La tâche du héros sera donc de retrouver cette fameuse réalité pour rééquilibrer le rapport entre sa sensorialité et son environnement (là, le décalage se produit au niveau de l'environnement et de l'état de lucidité du héros par rapport à l'ébriété).
Chez Outremer, la métamorphose est systématiquement perçue comme négative (mais Outremer me glisse dans l'oreillette que si l'altération de la perception et du raisonnement est une métamorphose, elle lui accorde à la fin du livre une inspiration artistique musicale surnaturelle qui aide le héros, j'aborde plus loin ce point). Et surtout, sa résolution ne fait pas progresser le héros. Il ne s'agit pas du tout d'un parcours initiatique, mais juste de récupérer ce qui a été perdu, de se retrouver soi-même, ainsi que la réalité. (Ah, Outremer me signale que réussir à surmonter l’obstacle pour retrouver la réalité et sa propre identité apporte nécessairement au héros un peu d’expérience et de sagesse, ce qui n’est déjà pas si mal.)
D'ailleurs, le personnage le plus important à rencontrer dans cette aventure est la fille de la reine des fées : « Je m’appelle Niamh. Êtes-vous un voyageur ? » Vous vous présentez poliment, choisissant vos mots avec soin. Les fées sont imprévisibles, mais celle-ci, qui dispose visiblement de pouvoirs de métamorphose, semble véritablement bien disposée à votre égard. Vous pouvez peut-être en tirer parti. »
Puis ensuite, lorsque le héros lui dit qu'il cherche à sortir de la forêt « Niamh fronce les sourcils à vos paroles. « Vous aussi, vous voudriez quitter cette forêt ? Cela fait bien longtemps que je rêve de l’extérieur, mais ma mère ne m’accorde pas son autorisation. Elle dit qu’il n’y a rien d’intéressant pour nous là-bas. Mais je suis sûre du contraire ! J’ai envie de voir des plaines, des villes, des montagnes, des océans, n’importe quoi qui change de ces arbres ennuyeux ! »
Elle est donc dans la même situation que le héros. Lui a été métamorphosé de par la fête et l'ivresse (« Depuis que vous vous êtes réveillé, perdu au milieu de cette forêt mystérieuse, vous avez l’impression de ne plus réfléchir ni percevoir les choses comme à l’accoutumée. Vos pérégrinations à travers la forêt n’ont fait qu’accentuer la chose. Votre esprit et vos sens sont troublés, pas seulement par l’alcool féerique, mais surtout par la magie qui imprègne ce lieu »), elle de par sa nature de fée capable de métamorphose, et tout deux veulent sortir de ce doux rêve.
Et si l'on pousse un peu plus loin les analogies, on se rend compte que Niamh est exactement dans même situation que celle du héros masculin de « Chrysalide », aventure cyberpunk écrite un peu plus tard par Outremer. (ce dernier me dit dans l'oreillette qu'il trouve cette affirmation un peu exagérée. Selon lui, Le fait que Niamh trouve son existence insatisfaisante n’a rien à voir avec ses capacités de métamorphose, qui sont visiblement un pouvoir dont elle aime à se servir. Nous verrons cela lorsque j'analyserais Chrysalide)
L'auteur fait ensuite la réflexion suivante : les fées aussi font leur crise d'adolescence ! Il s'agit donc effectivement d'une transition, d'une métamorphose du regard rêveur, tronqué et insaisissable de l'enfance sur le monde, pour celui d'un regard adulte et pragmatique.
Un autre personnage important à rencontrer est celui de la bergère : « elle était une simple bergère avant de s’aventurer dans ces bois. Elle n’est jamais parvenue à en ressortir, mais sa nouvelle situation ne lui déplaît pas. « Je serais probablement toujours en train de garder des moutons, si je ne m’étais pas perdue ici. Dans cette forêt, je peux passer mes journées à faire ce qui me plaît. Les fleurs sont magnifiques et elles ont même des effets magiques ! J’ai appris à utiliser certaines d’entre elles pour créer des baumes. » Donc elle par contre se satisfait très bien de vivre dans le rêve et l'illusion. Et paradoxalement, c'est grâce à elle que le héros trouvera deux objets qui lui permettront de beaucoup faciliter sa quête et de s'en sortir :
1/ Une couronne de fleurs qui protège de la magie des fées (c'est-à-dire la métamorphose). Car les fées lui lanceront à la fin de l'aventure un sortilège de vieillissement, sort terrible puisque du coup le héros passera directement du monde de l'enfance à la mort. C'est une sorte de vengeance des fées, qui disent ainsi en substance : Ah ! Tu voulais sortir du monde des fées ! Grandir ! Devenir adulte ! Et bien tu vas vieillir ! Ainsi, elles renferment la volonté du héros dans son propre piège.
2/ Et une couronne de fleurs qui permet de distinguer l'invisible, c'est-à-dire d'affaiblir les pouvoirs de l'illusion et d'augmenter ceux de la perception réelle.
Donc là, on a une autre particularité des aventures d'Outremer : le rêve, la métamorphose, (autrement dit le piège) doit être retourné contre lui-même pour être vaincu, il porte en lui les germes de sa propre défaite. Dans cette aventure, de deux manières. 1/ la bergère qui transforme les plantes de la forêt en remèdes pour échapper aux illusions de cette même forêt. 2/ l'aspect féerique du lieu et l'ivresse qui, censés tromper le joueur, lui inspireront au contraire à la fin des talents de musicien, qui ainsi pourra charmer les fées et les prendre dans le même piège que ces dernières lui avaient tendu au début de l'aventure.
Voici un extrait du § de fin, qui résume bien tout cela : « Tournant la tête, vous n’êtes pas très surpris de voir que Niamh est à vos côtés, un sac à dos sur les épaules. « Alors ? Où va-t-on ? » vous demande-t-elle avec un sourire. Vous lui souriez également avant de hausser les épaules. « Je suis bien placé pour dire que c’est le genre de choses qu’on ne sait jamais à l’avance. » Donc voilà le monde d'Outremer, de perpétuelles métamorphoses, des déséquilibres perception/environnement à surmonter dans l'espoir de trouver une stabilité et un rapport au monde équilibré et cohérent.
Après, je vais continuer avec trois autres œuvres qui a priori n'ont rien en commun mais dans lesquelles on voit bien ce phénomène : labyrinthe, Chrysalide et Vers le Crépuscule.
Avertissement : je spoile complètement l'aventure.
Je vais passer beaucoup de temps sur la première aventure : Interlude sylvain, non pas qu'elle soit plus intéressante que les suivantes, mais parce qu'il faut commencer par le début et que c'est une bonne porte d'entrée pour mettre à jour les éléments invariants de l’œuvre d'Outremer et mieux comprendre pourquoi ses aventures ont une profondeur.
Je pense que j'aurais pu approfondir l'analyse, notamment à travers les environnements, la dualité humanité/déshumanisation, la féminité, ou la notion de réalité, mais cela m'inspirait moins.
Cette aventure est, selon les dires d'Outremer, sa moins planifiée, écrite assez vite, par pure plaisir de contribuer aux avh francophones qui étaient il y a dix ans, hors Xhoromag, en nombres restreint. Il voulait juste "écrire un mini-DF distrayant". Pourtant, la plupart des thèmes étaient déjà là.
Concernant l'intrigue voici un extrait du 1er § : « vous avez été victime de fées ! Vous aviez entendu dire qu’elles habitaient certaines forêts reculées et qu’elles aimaient à se divertir aux dépens des voyageurs en les égarant. C’est visiblement ce qui vous est arrivé : tout autour de vous, les profondeurs insondables de la forêt s’offrent à vos yeux. La route que vous aviez suivie la veille n’est visible nulle part. Vous pressentez qu’il ne sera pas facile de la retrouver. Alors que vous vous levez, vous réalisez brusquement qu’une difficulté supplémentaire s’ajoute à votre situation : vous ressentez encore les effets des festivités de la veille ! Vous avez du mal à tenir sur vos jambes et votre vision est légèrement floue, brouillant les contours et les distances. »
A partir de là, le héros va devoir non pas retrouver son chemin, mais juste progresser dans un univers totalement en dehors de la réalité, dans des profondeurs insondables (ce qui présageait déjà de Labyrinthe). Les êtres y agissent selon d'autres lois, par exemple la présence absurde du cordonnier, au milieu de la forêt, qui peut nous réparer nos bottes sans nous adresser le moindre mot.
Le boss de l'aventure, la fée ténébreuse, possède ce talent : « De plus, sa forme est si difficile à discerner que vous devez soustraire 2 points de votre total d’Habileté pour ce combat. Cet effet ne s’applique pas si vous possédez une pierre percée d’un trou ou si vous êtes coiffé d’une couronne de thym et de primevères, ces objets permettant de distinguer la réalité des illusions. »
Il s'agit donc d'un monde totalement illusoire, sentiment renforcé par la règle d'ivresse, qui pourra altérer encore plus la réalité à quelques moments de l'aventure.
On trouve donc le schéma qui par la suite se reproduira dans la majorité des aventures d'Outremer :
Le héros tombe dans un piège, qui à chaque fois est lié à une métamorphose, qui amène un changement de réalité et d'environnement. La tâche du héros sera donc de retrouver cette fameuse réalité pour rééquilibrer le rapport entre sa sensorialité et son environnement (là, le décalage se produit au niveau de l'environnement et de l'état de lucidité du héros par rapport à l'ébriété).
Chez Outremer, la métamorphose est systématiquement perçue comme négative (mais Outremer me glisse dans l'oreillette que si l'altération de la perception et du raisonnement est une métamorphose, elle lui accorde à la fin du livre une inspiration artistique musicale surnaturelle qui aide le héros, j'aborde plus loin ce point). Et surtout, sa résolution ne fait pas progresser le héros. Il ne s'agit pas du tout d'un parcours initiatique, mais juste de récupérer ce qui a été perdu, de se retrouver soi-même, ainsi que la réalité. (Ah, Outremer me signale que réussir à surmonter l’obstacle pour retrouver la réalité et sa propre identité apporte nécessairement au héros un peu d’expérience et de sagesse, ce qui n’est déjà pas si mal.)
D'ailleurs, le personnage le plus important à rencontrer dans cette aventure est la fille de la reine des fées : « Je m’appelle Niamh. Êtes-vous un voyageur ? » Vous vous présentez poliment, choisissant vos mots avec soin. Les fées sont imprévisibles, mais celle-ci, qui dispose visiblement de pouvoirs de métamorphose, semble véritablement bien disposée à votre égard. Vous pouvez peut-être en tirer parti. »
Puis ensuite, lorsque le héros lui dit qu'il cherche à sortir de la forêt « Niamh fronce les sourcils à vos paroles. « Vous aussi, vous voudriez quitter cette forêt ? Cela fait bien longtemps que je rêve de l’extérieur, mais ma mère ne m’accorde pas son autorisation. Elle dit qu’il n’y a rien d’intéressant pour nous là-bas. Mais je suis sûre du contraire ! J’ai envie de voir des plaines, des villes, des montagnes, des océans, n’importe quoi qui change de ces arbres ennuyeux ! »
Elle est donc dans la même situation que le héros. Lui a été métamorphosé de par la fête et l'ivresse (« Depuis que vous vous êtes réveillé, perdu au milieu de cette forêt mystérieuse, vous avez l’impression de ne plus réfléchir ni percevoir les choses comme à l’accoutumée. Vos pérégrinations à travers la forêt n’ont fait qu’accentuer la chose. Votre esprit et vos sens sont troublés, pas seulement par l’alcool féerique, mais surtout par la magie qui imprègne ce lieu »), elle de par sa nature de fée capable de métamorphose, et tout deux veulent sortir de ce doux rêve.
Et si l'on pousse un peu plus loin les analogies, on se rend compte que Niamh est exactement dans même situation que celle du héros masculin de « Chrysalide », aventure cyberpunk écrite un peu plus tard par Outremer. (ce dernier me dit dans l'oreillette qu'il trouve cette affirmation un peu exagérée. Selon lui, Le fait que Niamh trouve son existence insatisfaisante n’a rien à voir avec ses capacités de métamorphose, qui sont visiblement un pouvoir dont elle aime à se servir. Nous verrons cela lorsque j'analyserais Chrysalide)
L'auteur fait ensuite la réflexion suivante : les fées aussi font leur crise d'adolescence ! Il s'agit donc effectivement d'une transition, d'une métamorphose du regard rêveur, tronqué et insaisissable de l'enfance sur le monde, pour celui d'un regard adulte et pragmatique.
Un autre personnage important à rencontrer est celui de la bergère : « elle était une simple bergère avant de s’aventurer dans ces bois. Elle n’est jamais parvenue à en ressortir, mais sa nouvelle situation ne lui déplaît pas. « Je serais probablement toujours en train de garder des moutons, si je ne m’étais pas perdue ici. Dans cette forêt, je peux passer mes journées à faire ce qui me plaît. Les fleurs sont magnifiques et elles ont même des effets magiques ! J’ai appris à utiliser certaines d’entre elles pour créer des baumes. » Donc elle par contre se satisfait très bien de vivre dans le rêve et l'illusion. Et paradoxalement, c'est grâce à elle que le héros trouvera deux objets qui lui permettront de beaucoup faciliter sa quête et de s'en sortir :
1/ Une couronne de fleurs qui protège de la magie des fées (c'est-à-dire la métamorphose). Car les fées lui lanceront à la fin de l'aventure un sortilège de vieillissement, sort terrible puisque du coup le héros passera directement du monde de l'enfance à la mort. C'est une sorte de vengeance des fées, qui disent ainsi en substance : Ah ! Tu voulais sortir du monde des fées ! Grandir ! Devenir adulte ! Et bien tu vas vieillir ! Ainsi, elles renferment la volonté du héros dans son propre piège.
2/ Et une couronne de fleurs qui permet de distinguer l'invisible, c'est-à-dire d'affaiblir les pouvoirs de l'illusion et d'augmenter ceux de la perception réelle.
Donc là, on a une autre particularité des aventures d'Outremer : le rêve, la métamorphose, (autrement dit le piège) doit être retourné contre lui-même pour être vaincu, il porte en lui les germes de sa propre défaite. Dans cette aventure, de deux manières. 1/ la bergère qui transforme les plantes de la forêt en remèdes pour échapper aux illusions de cette même forêt. 2/ l'aspect féerique du lieu et l'ivresse qui, censés tromper le joueur, lui inspireront au contraire à la fin des talents de musicien, qui ainsi pourra charmer les fées et les prendre dans le même piège que ces dernières lui avaient tendu au début de l'aventure.
Voici un extrait du § de fin, qui résume bien tout cela : « Tournant la tête, vous n’êtes pas très surpris de voir que Niamh est à vos côtés, un sac à dos sur les épaules. « Alors ? Où va-t-on ? » vous demande-t-elle avec un sourire. Vous lui souriez également avant de hausser les épaules. « Je suis bien placé pour dire que c’est le genre de choses qu’on ne sait jamais à l’avance. » Donc voilà le monde d'Outremer, de perpétuelles métamorphoses, des déséquilibres perception/environnement à surmonter dans l'espoir de trouver une stabilité et un rapport au monde équilibré et cohérent.
Après, je vais continuer avec trois autres œuvres qui a priori n'ont rien en commun mais dans lesquelles on voit bien ce phénomène : labyrinthe, Chrysalide et Vers le Crépuscule.