Les dialogues
#1
Ils sont absents, ou très peu présents, dans les Gamebooks de l'époque mais beaucoup plus utilisés dans nos AVH me semble-t-il. Alors, qu'en est-il des dialogues directs dans une AVH ?

Dans la plupart des Gamebooks, les dialogues directs, avec le fameux tiret qui indique qu'un personnage parle directement, sont rares. Il arrive qu'un personnage nous parle directement mais le plus souvent, l'auteur nous fait répondre indirectement, du genre : "Vous répondez par l'affirmative et remerciez votre interlocuteur pour son offre". La majeure partie du temps, les discussions avec les PNJ sont indirectes : "Votre interlocuteur vous conseille d'éviter la route la plus directe mais vous lui répondez ne pouvoir vous permettre de perdre plus de temps".

En ce qui me concerne, je trouve ça très dommage et suis un grand défenseur des dialogues directs (sans en abuser).
Je trouve qu'ils introduisent un supplément de vie indispensable, ils renforcent considérablement une atmosphère. Par exemple, si on est face à un personnage qui s'emporte ou qui est en proie à une vive émotion, le faire parler directement ou s'exclamer avec justement un point d'exclamation rend le passage bien plus fort que de simplement écrire : "Votre allié s'exclame avec force que ce n'est pas possible". C'est encore mieux quand on est avec plusieurs PNJ, on peut créer une interaction intéressante en les faisant intervenir à tour de rôle ou parler brièvement entre eux.
Techniquement, le dialogue direct a pour moi l'avantage d'alléger un paragraphe trop long, d'en changer le rythme. Quelques phrases de dialogue, quelques échanges, souvent brefs, permettent d'éviter de longues phrases. Bien sûr, il ne faut pas en abuser. Il faut éviter également la succession de déclarations qui se suivent de façon mécanique, comme un catalogue. Pour cela, on peut varier les textes d'accompagnement, du style : "répondez-vous", "s'exclame votre compagnon", "ricane votre adversaire en vous toisant avec mépris" ou "soupire le guerrier en ôtant son casque". On est là dans une visualisation très grande, je dirais qu'on a le son et l'image, le PNJ nous interpelle, nous parle directement et en même temps, on voit comment il se comporte, ce qu'il fait en parlant.
Si l'échange reste long, on peut le couper avec une phrase, du genre : "Vous laissez passer un silence, allumant nerveusement une cigarette, avant de répondre" et là, l'échange repart.

Reste la grande question : faire parler le personnage incarné par le lecteur ou pas ?
Perso, étant favorable à un personnage le plus neutre possible, afin que le lecteur puisse s'identifier à lui, j'essaie de limiter au maximum ses propres interventions. Je pense toujours que le lecteur pourrait objecter : "Ha non, moi je n'aurais pas répondu ça". En général, je ne fais parler le héros que lorsque son intervention fait consensus (en rentrant chez lui, il tombe sur un inconnu qui, assis, semble l'attendre, on peut comprendre qu'il demande - Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ?). Ou alors, quand l'intervention du héros peut vraiment apporter quelque chose de plus à l'histoire.
Enfin, je pense que le thème de l'AVH peut jouer aussi. Terminant actuellement mon AVH de SF, les dialogues y sont très présents car on est avec un équipage, il y a donc forcément des interactions nombreuses et les personnages communiquent régulièrement par radio ou écran interposé.
Quelque soit le genre, à partir du moment où il y a du monde, au sein d'une ville où l'on cherche son chemin ou au sein d'une assemblée qui doit prendre une grave décision, en tant qu'auteur, je trouve les dialogues directs indispensables. Même si le héros est seul d'ailleurs et même, je dirais raison de plus dans ce cas : pour une fois qu'il rencontre quelqu'un au cours de son périple, c'est l'occasion de glisser un dialogue après des paragraphes entiers qui ne sont que descriptifs.

Bref, pour moi, les dialogues directs, entre PNJ ou entre PNJ et le héros, sont indispensables.
Anywhere out of the world
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#2
Les paroles directes du héros peuvent toutefois guider le lecteur pour l'aider à interpréter le rôle, dans le cas d'un héros possédant une histoire et une psyché. Le lecteur, cet acteur à qui l'auteur de l'AVH donne une partition. Et du coup ça aide à voir des choix en cohérence avec ce que ferait le héros. Evidemment ça dépend de la manière dont on conçoit l'écriture et ke jeu, car d'autres gameplays et manières de s'impliquer sont possibles.

Le dialogue rend en effet le récit plus vif, c'est un outil utile pour tenir son lecteur.
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#3
Effectivement, quand on a un héros pas mal défini, comme Loup Solitaire ou le Ninja de La Voie du Tigre, on prend moins de risques à le faire parler. Au vu de son caractère, de son éducation ou de sa personnalité, on s'attend plus à certaines phrases, à certaines réactions. Quoique...

J'ai toujours en tête le passage du Voyage de la Pierre de Lune où les marins qui nous accompagnent nous proposent de prendre des chevaux, dans une écurie, à la nuit tombée, pour fuir la ville. Et là, LS rétorque d'un ton sec : "Je ne suis pas un voleur de chevaux".
J'ai toujours eu du mal avec ce passage.
Alors c'est vrai, un type comme Loulou n'est pas un vulgaire voleur, c'est un mec qui a des principes. Mais perso, cette phrase, si elle colle avec le personnage, ne colle pas du tout avec moi ! Devant l'urgence, devant fuir la ville au plus vite et bien tant pis, j'aurais embarqué les chevaux. A la guerre comme à la guerre. C'est d'ailleurs ce qu'on finit par faire, après la solution alambiquée et pas très crédible proposée par un des marins de trouver et payer quelqu'un, une fois arrivés, pour ramener les chevaux. A mon avis, faut déjà trouver quelqu'un et il y a 90% de chance que le type, notre or empoché, se barre avec les chevaux et les garde ou les revende. Et sachant que, comme d'habitude, notre mission est primordiale et vitale, qu'il faut faire vite, je me vois pas me faire chier, une fois arrivé, à perdre du temps pour trouver un brave gars qui s'occupera de ça.
- Bonjour Monsieur, pardon de vous déranger. Accepteriez-vous 10 pièces d'or pour prendre ces chevaux et vous taper 150 bornes pour les ramener à leur propriétaire avec nos excuses ? Ce serait vraiment gentil de votre part et ça apaiserait mes scrupules. Pardon ? Comment vous faites pour rentrer chez vous après ? Ben, je sais pas moi, vous pouvez prendre une diligence par exemple. Le billet coûte 10 pièces d'or. Hein, c'est la somme que je vous propose ? Ha la, la, ils sont chiants dans ce patelin...

Donc oui, cette réplique de Loulou est compréhensible au vu de qui il est, ça renforce au passage son côté "mec nickel et réglo" mais pour moi, c'est franchement pas crédible du tout.
Anywhere out of the world
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#4
Surtout que dans cet épisode, on ne joue pas LS, mais un de ses disciples, non ? Dever aurait pu envisager qu'il se donne plus de libertés (et ainsi s'éviter cette phrase)...
Souris ! Tu ne peux pas tous les tuer...
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#5
Ah, je sais pas. C'est un noble et un noble a des principes chevaleresques. C'est inutile mais c'est ça qui est beau. LS se met en danger en agissant ainsi ? « On n'abdique pas l'honneur d'être une cible », dit Cyrano. Pensez aussi au poème de Hugo, Après la bataille, celui qui commence par « Mon père, ce héros... » :

« Donne-lui tout de même à boire, dit mon père. »

Le coup des chevaux à ramener, ma foi, ça marche à la confiance, pensez aux romans de chevalerie où le vaincu a la vie sauve s'il promet de se rendre à tel château se constituer prisonnier. Et il ne manque jamais de le faire, sauf dans Don Quichotte où Cervantès se moque de ce cliché.

Ensuite, dans LS, on a une ligne de dialogue qui pose le perso, et un raccourci narratif comme on en trouve tant dans bien des livres et films sans que ça nuise aux histoires.
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#6
Ha oui, merde, c'est vrai : c'est pas Loulou là mais un de ses Grands Maîtres. Autant pour moi, merci pour le rappel.
Ce qui prouve une fois encore que j'ai jamais accroché à cette histoire de changement de personnage, pour moi, on incarne toujours Loulou.

Bon, les principes, c'est bien beau, je veux bien mais là, on est censé sauver le monde ou un truc du genre. Faut pas exagérer non plus…
LS : - Hein ? Tu t'es fait voler la Pierre de Lune ?
Le Grand Maître : - Ben oui, un voleur me l'a piqué alors que j'étais à Varetta.
- Et tu l'as pas poursuivi pour lui reprendre ?!
- J'ai pas pu, au même moment, il y avait une vieille dame qui voulait traverser l'avenue, j'ai dû l'aider...
Anywhere out of the world
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#7
Justement, ce qui fait le héros, c'est qu'il fait traverser la rue à la vieille ET qu'il sauve le monde Wink
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#8
Je suis fan des dialogues en général, pour toutes les raisons que tu as mentionnées, Voyageur Solitaire.
Dans Nils Jacket, ils sont d'autant plus importants qu'il s'agit d'une enquête policière. Les suspects doivent livrer leur parole brute aux lecteurs et lectrices ; pas de place à l'interprétation par l'auteur (ou du moins le moins de place possible). Certains dialogues peuvent avoir des sens sous-jacents, c'est au lecteur de ne pas se fourvoyer.

ça rejoint des choses dont il avait été question sur l'un des topics Nils Jacket. Mon parti pris est de donner une personnalité à Nils Jacket : il a un nom, une apparence générale, des relations déjà établies, et donc il parle. S'il est indispensable aux suspects de parler, il est donc aussi indispensable que Nils Jacket leur réponde. Et forcément, même si je tâche de proposer des formulations un peu neutres pour que lecteurs et lectrices s'y retrouvent, une certaine personnalité ressort.
Je trouve qu'un détective doit avoir un peu de cran, d'où sans doute les piques gouailleuses qu'il lance parfois. J'assume à fond ce parti pris ; c'est ce que je souhaitais faire en écrivant.

Dans d'autres domaines que le policier, l'heroic fantasy par exemple, les dialogues sont peut-être moins indispensables, mais je trouve ça plus vivant, plus immersif, même si le personnage que j'incarne dit des choses que je n'aurais pas dites.

Après, bien sûr, les dialogues ça se travaille comme le reste. L'exercice n'est pas si facile.
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#9
Une des difficultés du dialogue dans une AVH, une fois qu'on s'y met, c'est aussi le registre, la langue parlée par les personnages.

Suivant son éducation, sa personnalité, sa culture ou ses origines, un personnage s'exprimera d'une manière précise, avec un vocabulaire spécifique. Un érudit cultivé ne parlera pas comme un guerrier barbare, un voleur des bas-quartiers habitué des bouges crasseux et des bordels du coin ne s'exprimera pas comme la courtisane allongée sur les coussins de soie de sa litière… Et les combinaisons sont infinies. Je dirais même que c'est un défi, un plaisir pour l'auteur d'imaginer la façon dont son personnage s'exprimera, en fonction de qui il est, de là où il vient, de sa personnalité et de son vécu...
Tutoiement ou vouvoiement, vocabulaire châtié ou argot, jurons, expressions, la gamme est vaste et c'est valable pour tous les genres.

Autant c'est facile d'écrire par exemple : "Votre interlocuteur vous demande qui vous êtes et ce que vous voulez", autant quand on passe au dialogue, on peut varier et adapter le langage à celui/celle qui parle :
- Qui êtes-vous et que voulez-vous ?
- T'es qui mon gars ? Et qu'est-ce que tu veux ?
- Qui êtes-vous donc mon cher et que cherchez-vous ?
- Diable, qui voilà ? Que veux-tu l'ami ?
- Bonsoir bel étranger… Tu cherches quelque chose ? Quelqu'un peut-être ?
- Salut à toi mon fils et bienvenue. En quoi puis-je t'aider ?
Liste non exhaustive...
Anywhere out of the world
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#10
Au regard de ma récente expérience d’écriture, je souscris à 200% à ton point de vue et aux conseils que tu donnes pour bien utiliser les dialogues. Ceux-ci constituent un formidable outil pour caractériser un personnage et impliquer davantage le lecteur. Pour un auteur, c’est un défi d’écrire des dialogues qui sonnent naturels, qui ne paraissent pas explicatifs... Et en même temps c’est un vrai plaisir. A titre personnel, dans mon AVH j’ai scénarisé un combat de gladiateurs d’une quinzaine de paragraphes et ce que j’ai préféré en fait c’est d’écrire les punchlines de l’adversaire qui vous est opposé et des spectateurs qui se moquent de vous.
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#11
Les dialogues participent à la « tonalité » de l’aventure. Quels exemples qui m’ont particulièrement frappé :

Dans « cœur de glace » (bientôt « l’hiver des hommes »), les dialogues participent pleinement au cynisme des personnages, y compris du PJ !

Idem dans « 1001 nuits », où la malice du PJ et des PNJ est très bien retranscrite par ce biais.

Un dernier exemple qui m’a bien marqué : dans « acqua alta » de Outremer, il y a au tout début de l’AVH, un dialogue apparemment anodin où l’un des PNJ comparent Venise à une momie... ce qui introduit magnifiquement la tonalité horrifique de l’histoire !
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#12
Oui, un bon dialogue peut rehausser sacrément une AVH. Un "mauvais" dialogue peut la pourrir. Par exemple un gars qui te parle pendant 40 lignes et qui te raconte toute son histoire sans que ce monologue soit entrecoupé par des réactions ou au moins par des réflexions intérieures, des gestes. Pour moi ça casse l'immersion. Mais c'est souvent tentant d'avoir ce genre de tirade dont le but est purement fonctionnel dans l'intrigue, sans aucun naturel.
Sinon, dans l'AVH que je suis en train d'écrire, j'essaie de recourir au style indirect libre. C'est un peu casse-gueule, curieux de voir l'effet que ça aura.
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#13
(20/02/2021, 18:26)gynogege a écrit : Sinon, dans l'AVH que je suis en train d'écrire, j'essaie de recourir au style indirect libre. C'est un peu casse-gueule, curieux de voir l'effet que ça aura.

Curieux de lire cela. D’autant plus que j’ai adoré « Disruption ».
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