Dead of Winter
#14
Comment nous avons sauvé l'humanité

Par Talia Jones

Préambule : J'écris ces événements tant qu'ils sont encore frais dans ma mémoire, au dos des papier que j'ai pu récupérer in extremis dans la bibliothèque, juste avant que Sophie ne m'en chasse l'arme au poing. Beggars can't be choosers, aussi mon butin a-t-il pris la forme d'une pile de plans de construction, sur le bleu duquel l'encre de mon stylo se démarque fort mal, surtout dans la pénombre permanente de cette venteuse fin d'hiver. Puisse mon lectorat me pardonner les fautes qui ne manqueront pas de parsemer ce texte, étant dans l'incapacité de me relire.

Du début de l'apocalypse zombie, je n'ai pas grand chose à raconter, car j'ai passé toute cette période complètement stone, persuadée que, quitte à crever, autant le faire dans la bonne humeur et le sourire aux lèvres.

Mes premiers souvenirs cohérents remontent au moment où Carla m'a braqué un flingue sur la tempe alors que je cuvais ma dope bien au chaud dans une cellule du commissariat, protégée des ravages du monde extérieur par de solides barreaux. Je crois qu'elle m'a confondu avec un zombie, ce qui, vu mon look de l'époque, se comprenait.

Après m'avoir décuvée à coup de neige glacée, elle m'a expliqué que sa bande s'était mise en tête de nettoyer tous les zombies de la zone. J'ai rigolé parce que, hé, le problème avec les zombies, c'est qu'ils respawnent à l'infini, mais elle m'a dit que j'étais vraiment à la ramasse, que ça faisait déjà quelques temps que le virus était devenu inactif, et que dorénavant les morts restaient morts.

J'avoue que j'ai eu du mal à la croire au début. Puis elle a flingué un zombie devant mes yeux, et le Saint Thomas en moi a bien dû admettre qu'il ne bougeait plus trop après.

Je me suis donc rendue à sa colonie, profitant de l'inhabituelle générosité née de ce fol espoir de peut-être pouvoir vaincre l'invasion pour amener avec moi un pote junkie parfaitement inutile.

J'y ai été accueillie par des barricades. Plein de barricades. Avant la crise, Ashley construisait des piscines pour des richards. Maintenant, elle fait des barricades. Partout, tout le temps, c'en est presque maladif.

Après avoir serpenté entre tous les obstacles, je me suis retrouvée, pour ne pas changer, face au canon d'un fusil. À l'autre bout, Barbe Grise, l'expert local en armes à feu, le redneck de la NRA dans toute sa splendeur. Un jour, Olivia, notre médecin, lui a demandé s'il avait vraiment besoin d'accaparer pour son usage personnel deux fusils à longue portée et un à canon scié. Il lui a répondu que oui, puis l'a braquée et a exigé qu'elle lui remette son surin personnel pour la peine.

Après cet accueil pour le moins circonspect, j'ai découvert une petite communauté étonnamment généreuse, accueillant à bras ouverts enfants et personnes âgées. Enfin, pas des masses des masses non plus, mais franchement, vu le climat, c'est admirable d'organiser une battue pour une seule gamine.

Le chef de fait de cette bande, c'était Brian. Je crois qu'il était maire de la ville avant. Je soupçonne qu'il avait un problème et qu'il est tombé à court de médocs lors de mon séjour, car il a peu à peu changé en profondeur. Au début, c'était un type très posé organisant bien au chaud la vie de tous les jours de la colonie, sa défense, son entretien. Et puis il a commencé à avoir des sautes d'humeur, alternant entre discours enflammés et apathie totale. Et pour finir, à un moment, lorsqu'on lui a annoncé qu'on ne savait pas comment gérer une poche coriace de résistance zombie à la station-service, il a ramassé une batte de baseball, et il y est allé. Seul.

Le pire, c'est qu'il a survécu. On l'a trouvé, deux jours plus tard, torse nu au milieu de la neige et d'une foule de zombies tabassés à seconde mort, se flagellant en hurlant que tout était sa faute, sa très grande faute.

D'après ce qu'on m'a dit, avec le recul, il aurait commencé à patiner à la mort de son « chien », Sparky. Je mets les guillemets, car les histoires qu'on m'a raconté sur cette bestiole n'ont aucun sens. On raconte que son body count de bipèdes était plus élevé que celui de Barbe Brise, qu'elle ramenait souvent son poids en nourriture fraîche à la colonie, que la dernière fois qu'on l'a vue, c'est quand son maître l'a aspergé d'essence et l'a immolée, et qu'il lui est resté assez de forces pour courir jusqu'à la mer en entraînant dans sa suite une marée de zombies attirés par ce bûcher canin comme des moucherons par la flamme d'une bougie.

Le feu, c'est une obsession ici. Gabriel, qui était pompier avant, a réussi à bricoler un lance-flammes du pauvre avec un briquet, des jerricans d'essence et beaucoup d'ingéniosité. Et sa copine, la fameuse Ashley, n'hésite pas à l'utiliser dès qu'elle en a l'occasion. On lui reprocherait bien de cramer tout le carburant en même temps que les zombies, mais son mec semble avoir un don pour trouver des camions-citernes plein à ras bord et les ramener à bon port, alors on laisse faire.

D'autant que c'est efficace. Feu et plomb ont réellement fini par nettoyer la zone des non-morts. Évidemment, la menace extérieure écartée, c'est là que les vrais ennuis ont commencé. La politique.

Carla et ses collègues flics se sont vite retirés de l'affaire, ayant mal géré leur coup en amont. Ils nous avaient envoyés en première ligne contre les zombies avec le contenu de leur armurerie, pensant qu'on ferait le sale boulot pour eux. Leur problème, c'est qu'on a survécu, et gardé les armes.

Enfin, « on », c'est surtout Sophie. Avec le recul, on a pas été très malins. Elle est apparue comme une fleur juste après la disparition de Daniel et Mike, deux types que j'ai pas assez connus pour en parler longuement, et on s'est posé aucune question, on l'a accueillie, on l'a nourrie, on l'a armée Et, à la première occasion, elle s'est emparée de notre base secondaire, derrière les murs épais de la bibliothèque historique, et la reconvertit en sa propre planque, pour elle et sa bande de pillards.

De nos jours, elle et ses joyeux drilles rodent régulièrement dans le coin fortement armés et le visage couvert de maquillage. Ils ne sont pas exactement hostiles, mais il est clair qu'à la moindre faiblesse de notre part, ils s'efforceront d'instaurer une clownocratie.

J'ai également été très vite écartée du grand jeu. Apparemment, enfiler une perruque rousse ne fait pas magiquement de moi la princesse héritière du trône. Cette rumeur comme quoi j'aurais lâché nos réserves de nourriture à Sophie lors de l'évacuation de la bibliothèque n'a pas non plus joué en ma faveur.

Finalement, plutôt que les armes ou l'héritage, les gens se sont tournés vers la religion. Notre ancien maire, le crâne rasé, ayant retrouvé un semblant d'équilibre mental après avoir restauré tout seul les vitraux de la cathédrale à la force des poignets, a bien failli récupérer son fauteuil, mais malgré toute son ingéniosité politique, c'est l'Église de la Sainte Flamme d'Ashley et Gabriel qui dirige maintenant nos vies.

Ouais. Voilà quoi. Faut clairement que je pense à me casser d'ici dès que la neige aura fondu moi.
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Dead of Winter - par Lyzi Shadow - 27/02/2015, 18:55
RE: Dead of Winter - par Skarn - 29/10/2018, 14:16
RE: Dead of Winter - par Skarn - 29/10/2018, 16:28
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RE: Dead of Winter - par Skarn - 12/11/2018, 11:55
RE: Dead of Winter - par Skarn - 14/11/2018, 14:52
RE: Dead of Winter - par Lyzi Shadow - 14/11/2018, 18:58
RE: Dead of Winter - par Jehan - 15/11/2018, 11:10
Dead of Winter - par VIK - 03/01/2016, 22:55
Dead of Winter - par Jehan - 04/01/2016, 10:41
Copie: Colt/DeadofWinter - par Skarn - 04/01/2016, 14:52
Dead of Winter - par Jehan - 27/11/2016, 21:42



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