Au nord du désert, il n'y a rien (Outremer)
#21
Comme en musique où certains sont très doués pour exprimer (dans le cadre d'une improvisation ou d'une mélodie) des sentiments, une création artistique par des gammes dites ethniques (orientales, arabisantes), Outremer a ce même réel talent en écriture. Que se soit "Fleurir en hiver" (la chine impériale), "Au cœur d'un cercle de sable et d'eau" (culture polynésienne) ou ici pour cette AVH, l'Afrique , à chaque fois l'immersion est immédiate dès les premières lignes. Cela vient bien entendu d'une technique irréprochable et riche mais aussi dans l'emploi subtil des mots, des sonorités, de la rythmique induite, spécifique à chaque culture, sans jamais tomber dans les clichés. Bien au contraire, aux travers des descriptions, on perçoit un observateur curieux, ouvert , enchanté par la beauté du monde et la différence, adepte aussi de la contemplation émerveillée.

C'est très fort et très prenant. Face à l'introduction longue de plusieurs pages, on imagine qu'à l'instar d'un coureur de fond s'entrainant pour le marathon, Outremer propose là presque une ébauche de ce qui pourrait débuter un roman. Une fois happée par l'ambiance distillée dans ce texte initial, on se dit que finalement on pourrait bien terminer l'histoire sans obligatoirement rester dans un canevas interactif. Certes, l'aspect ludique apporte un plus, bien amené d'ailleurs, mais on est là à une certaine frontière des genres.

On ne peut que noter la parenté avec "Y" puisqu'on envoie en quête différents "héros/voyageurs" venus chercher des conseils auprès du sage que nous sommes. Ces derniers ont la conviction d'accomplir leur destinée en réalisant les tâches qui leur sont confiées même si le but caché est de servir, dans un premier temps, nos intérêts (avec ici des conséquences pas toujours souhaitées malgré la sagacité de notre personnage). Mais pour moi c'est beaucoup plus proche d'un conte, avec cette répétition d'un schéma narratif où les héros successifs (princes ou fils du forgeron ^^) accomplissent la même quête, le même rituel avec des dialogues et péripéties identiques. Le dernier (souvent d'ailleurs le plus jeune, le plus fragile d'apparence, le moins ambitieux) réussit là où les autres, trop sûr de leur force, trop arrogant ou narcissiques échouent à chaque fois et payent lourdement leurs erreurs.

Entre les lignes, une  morale transparait, fustigeant autant la convoitise (et l'attrait) du pouvoir que l'individualisme tout en se moquant du manichéisme habituel du bien et du mal trop souvent imprégné de considérations sociales (c'est ici par une voleuse, espiègle qui vient la solution et non pas d'un chevalier à l'honneur irréprochable).

J'ai beaucoup aimé cette symbolique tellurique qui sied au continent africain. Vraiment un excellent moment.

PS : j'aimerais bien parfois dire un peu de mal pour la forme, mais je n'ai pas trouvé ^^ Ah si ! paragraphe 10, je cite : "...pour se faire construire une vaste et somptueuse demeure, presque comparable aux palais de l'ancient temps" Faute ! Nul ! Zéro ! Redoublement demandé ^^
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RE: Au nord du désert, il n'y a rien - par Gwalchmei - 02/08/2016, 16:00



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