
Un Tour au Bestiaire
Il n'y a dans cette bafouille,
Ni rimes, ni métrique.
Juste quelques mots
Assemblés ou désassemblés…
Devant le miroir aux alouettes,
Je regardais mon corps beau.
Dans les temps, mes cuisses de grenouille
S'élançaient jusqu'à mes talons anguilles ;
Tandis que mes épaulards trapus étaient pris
Dans les filets de mes cheveux en cascades,
Ceux-là même qui noient mes oreilles percées
De l'onde de mes pensées.
On me dit :
Tête de linotte,
Grande perche,
Plate comme une limande,
Curieuse comme une belette,
Mais dinde, oh non !
Silure venait d'être courtisée,
Craignez ce que je pourrais être !
Dragon ? La mante religieuse ?
Mes ongles ont la dureté du diamant,
Mes doigts, la souplesse du guépard,
Mes mains sont les serres du rapace,
Mes bras, l'étreinte qui vous mènera au trépas.
Martin, le moine aux pêcheurs,
Prie pour les brebis égarées,
Chèvres dures de la feuille
Et autres sauterelles volages
Aux mœurs passagères.
Au loin…
Le cri des mouettes emporte avec lui :
Le roulement des ressacs de l'eau céans,
Les senteurs de l'iode primordial,
Le bleu immaculé du ciel azuré,
La chaleur torride des longues journées d'été,
La froidure des embruns salés
Qui assèchent la peau plus qu'ils ne la rafraîchissent,
Et leur putain de fientes en noir et blanc
Qui constellent
Le bitume, les balcons, les pare-brises,
Et les crânes dégarnis...
Au lieu de fertiliser les champs calcinés
Recouverts de pelures recroquevillées.
Là où certains se mettent en quatre pour leur descendance,
Je me coupe en huître pour le bulot,
Me décarcasse,
M'accoquille avec les gros poissons
Tassés comme des sardines à l'huile
Dans leur boite en fer blanc… T'y es ?
Pathétique… C'est assez !
Je préfère lâcher une perle,
Être une moule
Qui baille aux corneilles…
Faute de mouettes,
Je pille les pélicans surchargés
Afin de sustenter mon corps mourant.
Je braque les cigognes
De leur fardeau braillard :
M'acheminer vers la maternité,
L'écoulement du thé russe,
Et les sens de la vie…
Gardons au fond de nos feus os turbides
Le frais et la fraie entre les strates liquides,
À l'abri du mâle venu…
Jean pêche la moindre amibe
Lavée de tout soupçons
Qui se mare comme une baleine :
Il était tard au crépuscule.
Je me fonds dans la boue,
Mes restes bien au sec
Des intempéries.
Mon âme s'évapore
Pour rejoindre les nuages.
Quand le froid reviendra,
Je me précipiterai
En une constellation
D'étoiles liquides,
Qui embellira le paysage
De ses voûtes diffractées,
Promesses de trésors éphémères…
Avant de m'écraser lamentablement
Sur le bitume huilé surchauffé,
Un parapluie anonyme,
Un crâne dégarni,
Ou une fiente de mouette…