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30/03/2025, 19:57
(Modification du message : 31/03/2025, 19:43 par Outremer.)
Parmi les nombreux (mais souvent non traduits) livres-jeux Donjons & Dragons, les plus originaux sont peut-être ceux de la série " Catacombs - Solo Quest". Ces livres étaient publiés dans un format A4, comportaient un grand nombre de sections et d'illustrations, et s'attachaient à offrir de vastes possibilités d'exploration non-linéaire.
La série a eu une existence fort brève et ne compte que quatre livres : outre celui que je vais décrire en détail, il y a eu Faerie Mound of Dragonkind, Gnomes 100 - Dragons 0 (dont j'ai déjà parlé il y a un bail) et The final bug (le seul auquel je n'ai pas pu jeter au moins un coup d'œil, il relève à priori de la science-fiction). Un cinquième livre était prévu mais n'a pas été publié (ce qui est dommage car il devait être écrit par Troy Denning, un auteur qui est dans le haut du panier pour ce qui est de la fiction D&Desque).
Lorsque j'ai découvert la série avec Gnomes 100 - Dragons 0, j'en ai apprécié les qualités, mais j'ai aussi cru en mesurer les limites. Les lieux que l'on visite et les objets/dangers/personnages auxquels on est confronté restent sympathiques un bon moment, mais on finit par s'en lasser un peu à la longue, car on passe constamment et abruptement d'une chose à une autre. La forte liberté de déplacement est appréciable, mais le caractère nombreux et hétéroclite des éléments rencontrés affaiblit l'atmosphère de l'histoire. L'accent mis sur l'exploration signifie de plus que le scénario est ultra-basique et le protagoniste peu développé.
J'ai donc été très agréablement surpris par Knight of the Living Dead, le dernier livre de la série, qui réussit un mariage assez remarquable entre exploration et histoire.
Le principe de départ
Le LDVH annonce la couleur dès son introduction, qui ne fait pas moins de 3500 mots (l'équivalent de la somme de l'intro et du paragraphe 1 de Fleurir en Hiver). L'auteur prend son temps pour nous montrer la menace qui s'approche, peu avant minuit, de la vaste cité de Waterdeep. On nous montre les gardes qui s'ennuient ferme sur les remparts, la cohorte de morts-vivants qui se rapproche impatiemment dans la nuit, on s'attarde sur deux jeunes tourtereaux qui se retrouvent à cette heure tardive dans les calmes allées du cimetière, on voit l'étrange brume qui se répand sur la ville et y plonge tous les êtres vivants dans un coma magique...
...et ensuite, on passe au point de vue du personnage que l'on va incarner :
Citation :La vie vous a abandonné, mais la mort n'est pas venue. Et vous attendez donc.
Vous ne percevez pas le goût de la terre qui obstrue votre gorge. Vous remarquez à peine le contact visqueux des vers s'enroulant autour de vos doigts. Enterré sans cercueil, vous ne pouvez pas esquisser un mouvement qui vous ferait entendre le froissement de votre peau racornie contre votre armure, et vos narines ne saisissent pas l'humidité de la terre encombrée de racines.
Et pourtant vous sentez la vie au-dessus de vous, la vie si précieuse et si enviable ! Vous percevez le pas léger des enfants en train de courir, les promenades tranquilles des amoureux, le pas chancelant des vieillards. Vous désirez ardemment partager la vie qui court dans leurs veines. Même l'herbe qui recouvre votre sépulture peu profonde semble palpiter d'énergie vitale. Et bien plus haut, vous percevez le vol des oiseaux, leur vie palpitant comme des lucioles dans votre conscience. Mais vous-même êtes écrasé sous une demi-tonne de terre suffocante. Et vous attendez.
Et ça, c'est juste le début. Le passage qui décrit notre atroce condition - conscient mais enseveli - est bien plus long. Aspirant désespérément au moindre contact vivant, le héros réussit à saisir dans sa main une belette qui avait creusé un tunnel à proximité. Mais l'animal ne tarde bien sûr pas à mourir et le héros se retrouve de nouveau seul. Puis le squelette de la belette se met à lui causer.
Citation :Vous essayez de parler, mais la terre empêche votre langue de bouger. Cela n'a pas d'importance, car vous pouvez communiquer par la pensée.
"Qui es-tu ?" demandez-vous.
"Rien qu'une belette."
"Comment peux-tu parler ?"
"Je n'en fais rien. C'est toi qui me fais parler dans ta tête. J'imagine que tu éprouvais le besoin d'un peu de compagnie."
La belette, dont on va emporter le crâne avec nous une fois qu'on sera redevenu plus mobile, va nous tenir lieu de compagnon tout au long de l'histoire et fera fréquemment des commentaires sur tout ce qui nous arrive. C'est essentiellement l'incarnation d'une partie de notre propre esprit : notre côté objectif, raisonnable, mais aussi cynique et sarcastique. Sa présence contribue à rendre le déroulement de l'histoire plus vivant (si j'ose dire), et souligne en même temps l'état de solitude du héros.
Après un temps indéfini, le héros est déterré par une liche - une sorcière morte-vivante - qui fait partie des chefs de l'offensive maléfique dirigée contre Waterdeep (brouillard magique + morts-vivants + certaines autres choses qu'on ne découvrira que plus tard). La liche nous confie une mission : trouver et lui rapporter douze objets complémentaires qui ont été enchantés pour défendre Waterdeep. Léger détail que la liche ne réalise pas : bien que mort-vivant, notre héros n'est pas du tout sous son contrôle. Il va décider de récupérer en effet ces objets, mais de s'en servir pour arrêter l'invasion.
La liche nous équipe d'une épée magique et d'un "cérébricule", une sorte de tête momifiée qui a été enchantée pour détecter la magie et identifier les objets. Le cérébricule va être notre second compagnon/interlocuteur permanent (bien que son intelligence étroite limite nettement sa conversation). Après ça, la liche retourne s'occuper de l'invasion en cours et on se retrouve livré à nous-même. On a 24 heures pour explorer Waterdeep et y découvrir autant des douze objets que possible.
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• Jehan, grattepapier
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Un style (ou la traduction ?  ) qui rend super bien l'atmosphère. Des trouvailles sympas (le crâne de la belette, le cérébricule).
Cela donne envie...
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La structure
Le livre comporte environ 570 sections, de taille très variable. Il consiste en deux grandes parties :
La première est celle où on explore Waterdeep à la recherche des douze objets. On se déplace comme on l’entend à travers les neuf quartiers de la cité, dont chacun comporte entre un et trois lieux à explorer. Il nous faut généralement une demi-heure pour explorer un lieu et une demi-heure pour changer de quartier.
La seconde partie débute lorsque les 24 heures sont écoulées (on peut l’entamer avant cela si on juge qu’on a rassemblé tout ce qui peut nous être utile). Elle se déroule dans le lieu souterrain où les méchants préparent la phase ultime de leur plan. Il y a plusieurs lieux à explorer, mais les possibilités de déplacement sont désormais plus encadrées et limitées.
Comme dans les autres livres de la série, chacun des lieux que l’on peut explorer est représenté par une illustration (exemple ci-dessous) :
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Dans chaque lieu, une bonne partie des choix sont présentés directement en une liste des personnages et objets avec lesquels il est possible d’interagir. Les éléments en question sont tous représentés sur les illustrations ; par exemple, dans l’illustration ci-dessus, on peut examiner la roulette, les pièces, les deux personnages affalés sur cette table et les autres clients de la salle de jeu (il y a de surcroît quelques options pour interagir avec le petit monstre).
Choisir d’interagir avec un élément donné, dans certains cas, amènera simplement le héros à examiner ledit élément (et donnera lieu à quelques commentaires du cérébricule et/ou de la belette). C’est quelque chose qui contribue utilement à l’atmosphère, et qui m’a un peu rappelé ces jeux d’aventure sur ordinateur (Monkey Island, King’s Quest et tant d’autres) où bien des lignes de texte sont consacrées à la possibilité d’observer ceci ou cela.
Par exemple, si on examine la femme endormie sur la table de jeu, on découvre qu'elle porte une bague ornée d'un superbe rubis. Si on prend celle-ci, le cérébricule nous apprend qu'elle n'est pas magique, mais qu'elle a jadis appartenue à une princesse qui a été sauvée des pirates par un courageux marin. Notre héros se demande comment la bague est parvenue jusqu'à sa propriétaire actuelle ; jugeant que celle-ci a sans doute de l'attachement pour l'objet, il décide de le lui laisser. C'est une section de 250 mots qui n'a aucun effet concret, mais dont le contenu est agréable à lire.
Bien sûr, les interactions sont avant tout ce qui va vous permettre d’obtenir des choses utiles (y compris les douze objets spéciaux que l’on recherche). Elles pourront également entraîner des combats, même s’il est relativement rare qu’on se fasse attaquer de façon complètement imprévisible.
Le système
Il est temps de mentionner l’aspect le moins reluisant de ce LDVH.
L’unique mérite du système de jeu employé par la série est qu’il est simple. Encore va-t-il relativiser cette simplicité en demandant au joueur d’utiliser un D12. Oui, un D12, celui des six dés classiques qui ne sert presque jamais dans D&D, et dont seul le MJ possède généralement un exemplaire. La série aurait pu utiliser le traditionnel D20, mais ça aurait été trop simple.
Dans ce livre-ci, le héros dispose de 40 points de vie (enfin… de non-vie). En combat, on alterne entre l’attaque du héros et celle de son adversaire jusqu’à la victoire de l’un des deux (le héros a parfois la possibilité de fuir). Pour toucher, le héros comme ses adversaires doivent lancer le dé et obtenir un résultat égal ou inférieur à un certain chiffre. Les dommages infligés sont fixes. Selon un choix qu’on fait en début d’aventure, soit notre héros touche avec 8 ou moins et inflige 7 points de dommage, soit il touche avec 7 ou moins et inflige 8 points de dommage.
Le système de combat présente donc un caractère ultra-aléatoire. Il n’est presque jamais possible d’y faire des choix tactiques ou d’y utiliser des objets utiles. Conjugué avec les faits que l’adversaire aura toujours l’occasion de porter de multiples attaques avant qu’on n’en vienne à bout, que ces attaques ont presque toujours plus de 50% de chances de réussir et qu’elles font souvent bien mal, il en résulte que le moindre combat peut sérieusement entamer nos points de non-vie. Ça rend la difficulté nettement plus élevée qu’elle n’en a l’air au premier abord, car les occasions de récupérer des points de non-vie sont par ailleurs fort rares !
Les combats ne sont généralement guère palpitants, mais il y a une exception notable, qui est la confrontation finale contre les deux chefs des méchants (on peut les affronter en même temps ou séparément). C’est en effet là qu’on peut enfin se servir des objets spéciaux qu’on a passé toute la première partie du bouquin à récupérer. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on est bien dédommagé pour nos efforts passés, car lesdits objets possèdent chacun des effets méchamment vénères (du genre annuler les attaques des ennemis pendant leurs deux prochains tours, leur infliger à chacun 30 points de dommage, créer un bouclier qui divise par deux les dommages qu'on subit pendant le reste du combat, etc.). La manière dont est déterminée l’activation de tel ou tel de nos objets spéciaux pendant le combat est assez aléatoire, mais elle ne l’est pas complètement.
En-dehors des combats, il y a ici et là quelques jets de dés qui vont déterminer si on réussit ou non à faire quelque chose de difficile (trouver un objet utile parmi un vaste fatras, résister à un sortilège mental, etc.). Ils sont rares et c’est tant mieux, car leurs conséquences peuvent être très dommageables si on est malchanceux.
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31/03/2025, 20:47
(Modification du message : 31/03/2025, 23:56 par Outremer.)
Le protagoniste
Même s’il y a une quête à accomplir et des méchants à pourfendre, la situation dans laquelle se trouve le héros que l’on incarne reste tout du long au cœur de l’histoire. Le fait qu’il soit un mort-vivant est constamment mis en valeur et n’est certes pas romantisé. Bien qu’il ait perdu un peu de son équilibre (comme l’illustre le fait qu’il se parle à lui-même par l’intermédiaire d’un crâne de belette) et qu’il ne soit plus capable d’apprécier certaines choses (telles que la beauté), il conserve des valeurs morales et des sentiments humains. Il a très conscience de l’horreur de son état actuel et souhaite désespérément y échapper.
Au début de l’histoire, le héros se souvient seulement qu’il était de son vivant un paladin au service d’une divinité du bien, et qu’il combattait fréquemment des morts-vivants. Il ne se rappelle pas des détails de son existence et n’a aucune idée de la façon dont il est mort. Au fil de l’histoire et des évènements, on va avoir accès à de courts flashbacks qui viendront nous éclairer à ces sujets.
On a en fait deux passés possibles. Avant de se lancer dans l’aventure, on doit choisir entre une version A et une version B du protagoniste. Cela a un impact sur ses scores d’attaque et de dommages (comme mentionné précédemment), mais cela détermine aussi à quels flashbacks il aura droit. Bien des évènements du passé restent très similaires que l’on soit A ou B, mais ces deux versions possibles du paladin que l’on incarne avaient des personnalités pour le moins différentes.
Ces flashbacks (une douzaine pour chaque version du protagoniste) contribuent utilement à l’atmosphère de l’histoire. Ils approfondissent le héros, intriguent le lecteur et donnent à l’aventure un élément de continuité (par contraste avec l’exploration très non-linéaire, les flashbacks sont révélés dans un ordre précis).
Bien entendu, la personnalité du héros est également mis en valeur par ses interactions avec les divers personnages qu’il a l’occasion de croiser au fil de l’aventure. Comme presque tous les êtres vivants ont été plongé dans le coma par la brume magique, la plupart de nos rencontres se font avec d’autres morts-vivants ou des créatures magiques.
Et comment tout cela s’achève-t-il pour notre héros ? Vous vous dites peut-être (surtout si vous avez joué à la Nuit du Nécromancien de Green) que la récompense de ses exploits va naturellement être de revenir à la vie à la fin de l’aventure. En fait, c’est un peu plus compliqué que ça.
Une fois qu’on a triomphé des liches, l’énorme tunnel dans lequel on se trouvait s’effondre et notre héros se retrouve à nouveau enterré, cette fois sous plusieurs milliers de tonnes de terre. Et ensuite ? Ça dépend de qui on est.
Si on est le paladin B :
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Nos flashbacks nous ont révélé qu’on était de notre vivant bien loin d'un paladin exemplaire. On formait un groupe d’aventuriers avec une jeune femme dont on était amoureux et un guerrier qu’on avait tendance à dédaigner. Lorsqu’on a découvert qu’ils s’aimaient l’un l’autre, une crise de jalousie démente s’est emparée de nous et on les a assassinés tous les deux, même si le guerrier nous a infligé une blessure mortelle en retour.
Dans le dernier paragraphe :
Citation :Du sang... Des cris ? Karinna. Une chevelure... Ce bruit. Bon sang, qui vous empêche ainsi de dormir ? C'est un péché que de...
Vous êtes réveillé par une voix qui fracasserait des montagnes :
— Lève-toi, impie ! Tu n'as pas encore mérité le repos !
Vous vous redressez tant bien que mal, courbaturé et contusionné. La froideur de l'air vous blesse les poumons. Votre cou est raide et vous grimacez en levant les yeux vers la clarté. Mais la lumière qui vous entoure ne provient pas du ciel. Quels que soient vos efforts, son origine reste en-dehors de votre champ de vision.
— Tu es à mon service, guerrier ! Torm ne délie pas à la légère ses vassaux de leurs engagements. Tu as lutté avec valeur lors de cette récente épreuve, mais le chêne renversé ne recommence pas à s'élever simplement parce que le vent a cessé de souffler, et tu as beaucoup à expier. Au service de Torm, nul ne trahit sa parole, ne porte des coups en traître ou ne persécute les innocents. Nul ne succombe à la jalousie ou ne permet à la haine de triompher de l'amitié. Agir ainsi est la négation des grands exploits.
Il y a un silence profond, puis la voix reprend :
— Je pèse tes actes et j'y trouve un équilibre. Par justice, je t'accorde une nouvelle vie afin que tu puisses faire pencher la balance du bon côté. Pour ce que tu as accompli, héros, sois honoré. Et pour ce que tu as commis, assassin, repens-toi !
La lumière se dissipe. Vous inspirez profondément. L'air - que vous imaginiez si doux lorsque vous ne pouviez le goûter - est glacial. Vous êtes vêtu d'une mince tunique et ne transportez aucune arme. Le cérébricule a disparu et la voix de la belette est naturellement retournée au silence.
Vous avez affronté des sorciers assez puissants pour obscurcir le soleil et des légions de morts-vivants qui auraient mis des armées en déroute. Armé seulement de votre épée et d'un courage indompté, vous avez sauvé une cité entière de la destruction. Honneur à vous, champion ! Mais vos mains sont tâchées de sang. Pensant à Karinna et même à Korlo, vous sentez des larmes chaudes ruisseler sur vos joues. Le vent hivernal ne tarde pas à les sécher.
Vous vous tenez sur la Grande Route au nord d'Eau-Profonde, dont les murailles se dressent à l'horizon. Les nuages de l'Effluvium dérivent en direction de la mer, où ils se dissipent comme une brume matinale. Vous frottant les bras pour vous réchauffer, vous vous mettez en marche vers la cité, résolu à mener une existence meilleure à l'avenir.
Et si on est le paladin A ? Voici le dernier paragraphe :
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Citation :Vous êtes si fatigué... Un voyage ? Maintenant ? Je ne pourrais pas.
Une voix parle :
— Marche !
Qui s'adresse à vous ? Votre épuisement est tel que vous ne pouvez pas le chercher des yeux. Il n'y a rien à voir, sinon de la lumière.
— Marche !
Un premier pas. Là. Des lumières sous mon pied. Des souvenirs ?
La voix s'exprime à nouveau :
— Tu as bien œuvré.
Qui s'en souvient ? Tant de choses accomplies, et qui peut juger si elles l'ont bien été ? Célia a failli mourir... peut-être même est-elle réellement morte, pour ce que j'en sais.
— Célia vit. Elle chérit ses souvenirs de toi comme de l'eau dans un désert. Marche !
Là. Un autre pas. Davantages de lumières. Des souvenirs... de l'eau dans un désert. Mes forces me reviennent-elles ? Cette voix, je la reconnais à présent. C'est celle de Torm, mon suzerain !
— Noble guerrier, tu as accompli le travail de cent héros. Continue d'avancer !
Je marche donc, puisque Torm le commande. Père révéré, comme je t'ai déshonoré en tombant dans l'abomination de la non-vie. Un autre pas, davantage de force, davantage de souvenirs. Je bois de profondes gorgées. Amat le semi-homme, mort, et le magicien aussi ! Oh, j'ai échoué, échoué...
— Paladin, peu des champions qui se sont succédé à mon service ont réussi comme toi. Aucun n'a autant mérité de connaître le repos. Ne déshonore pas tes camarades en t'apitoyant sur toi-même. Continue d'avancer !
Je marche avec plus de vigueur maintenant. Des lumières, des étincelles s'élevant à chacun de mes pas. Des souvenirs, la vie, un émerveillement d'enfant en regardant le ciel, la paisible existence au temple, la camaraderie sur le champ de bataille. Des fontaines d'étincelles jaillissent à présent autour de mes pieds.
— Héros sans pair, ta cité est sauve. Cent mille vie se poursuivent ; cent mille morts ont regagné leurs tombes ; tout cela grâce à toi seul. Torm est un dieu juste, paladin. Je n'ai pas de plus grande récompense à t'accorder pour ta longue et noble carrière que celle que tu désires le plus : le repos bien mérité de l'oubli. Continue de marcher, et adieu !
Torm, grand dieu, tout mon cœur te remercie ! Les étincelles retombent en pluie sur moi, je brûle. Je m'élève vers le néant. Et à la fin, je trouve la force de courir...
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Ah oui, pour un livre de 1989, ça paraît effectivement très en avance sur son époque. Pour référence, ça correspond aux premiers Défis Fantastiques de Stephen Hand et Keith Martin, qui certes cassaient déjà pas mal le moule de ce qui se faisait auparavant, mais pas de façon aussi flagrante.
Là, on est plus sur un changement d'approche que j'associe spontanément aux années 2000, voire début 2010 : plus littéraire, avec un personnage principal plus marqué, plus de dialogues, exploitant au maximum les illustrations... La chronologie est tellement par terre que la référence Monkey Island se révèle anachronique : le premier titre de cette série est postérieur à ce livre.
Est-ce que tu en sais plus sur le contexte de création d'une telle anomalie ? Le site officiel de l'auteur n'est guère bavard à son sujet.
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(31/03/2025, 21:52)Skarn a écrit : Là, on est plus sur un changement d'approche que j'associe spontanément aux années 2000, voire début 2010 : plus littéraire, avec un personnage principal plus marqué, plus de dialogues, exploitant au maximum les illustrations...
Plusieurs LDVH D&D antérieurs (comme les HeartQuest) développaient déjà de façon significative leur histoire, leur protagoniste et leurs dialogues. Knight of the Living Dead leur est supérieur, mais son côté significativement littéraire s'inscrit donc dans une certaine continuité (en revanche, sa façon de marier l'aspect littéraire à l'aspect ludique est assez unique).
Citation :la référence Monkey Island se révèle anachronique : le premier titre de cette série est postérieur à ce livre.
Effectivement. Il existait des jeux d'aventure sur ordinateur auparavant (comme les premiers King's Quest, Maniac Mansion, etc.), mais ils avaient des limites graphiques assez significatives, ce qui posait certaines bornes à l'examen de l'environnement.
Citation :Est-ce que tu en sais plus sur le contexte de création d'une telle anomalie ? Le site officiel de l'auteur n'est guère bavard à son sujet.
Non, je ne sais vraiment pas grand-chose. J'ai découvert cette série de LDVH par hasard, il y a plus de dix ans, lorsque Wizards of the Coast a mis Gnomes 100 - Dragons 0 gratuitement à disposition sur leur site. Bien plus récemment, une critique élogieuse sur le site de Demian m'a donné envie de découvrir ce livre-ci.
Ce qui semble certain, c'est que Allen Varney ne faisait pas partie des créateurs de la série. Les deux premiers livres ont été réalisés par Jean Blashfield (autrice de plusieurs LDVH D&D, dont l'un des HeartQuest) et James Ward (créateur de divers modules et suppléments D&D) ; le troisième a été écrit par Blashfield seule ; on peut en déduire que ce sont eux qui eu l'idée des "Catacombs Solo Quest" et en ont établi les principes (avec notamment le grand rôle accordé aux illustrations). Varney a dû être recruté plus tard et - comme cela arrive parfois - il aura trouvé comment adapter le concept mieux que ses propres inventeurs.
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