Une citadelle en enfer (10/18) de F.-H. Soulié et Gabriel Féraud
#1
UNE CITADELLE EN ENFER

[Image: une-ci10.jpg]

Auteurs : François-Henri SOULIÉ,
avec la collaboration de Gabriel FÉRAUD
Illustrateurs : Nicolas CAMINADE pour la couverture,
??? pour les cliparts intérieurs
Éditeur : 10/18
122 paragraphes
Septembre 2025

RÉSUMÉ
Montauban, 1621. Alors que la ville est assiégée par les troupes de Louis XIII, qui veut reprendre la cité protestante, une jeune lavandière est retrouvée morte dans la rivière. Le lecteur est invité à participer à la résolution de cette enquête mêlant histoire et fiction...

UN DÉBUT D'AVIS
J'ai commencé à lire hier à la piscine. Je n'en suis qu'au début de l'intrigue. Mes remarques initiales, quitte à me corriger une fois la lecture finie :

Flèche le style excellent, Soulié est un auteur de littérature blanche et ça se voit. Vraiment.  :thumleft:

Flèche on devine une documentation historique, il y a d'ailleurs une bibliographie à la fin.

Flèche une maturité de ton bienvenue, sorte de pendant masculin de Reine de l'ouest d'Hélène Lenoir.

Flèche en parlant de Lenoir, les suspects et le cadavre ne portent pas des noms de couleurs comme au Cluedo, mais semble-t-il des noms de... parfums. Pour le moment il y a Ugo de Bosc, Sauvage et Gautier Belfort (la ville de JP Chevènement, même initiales que JP Gaultier). Ou alors c'est moi qui surinterprète.

[Image: captu213.png]

Flèche autre jeu avec les connaissances du lecteur, la personne dont on doit élucider le meurtre a été tuée alors qu'elle fuyait Montauban. La fameuse réplique des Tontons Flingueurs...


Flèche côté game, ça commence à coincer. Très linéaire. La collaboration avec l'auteur du JdR Manga BoyZ et co-auteur des livres-jeu Naheulbeuk, Gabriel Féraud, ne se voit pas en terme de supplément ludique. Pour le moment. On pourrait parler de syndrome de Fantômette.

Flèche un souci d'ergonomie. Les paragraphes étant longs, mais peu nombreux (122 pour environ 400 pages), les sections sont donc longues. Comme le début des paragraphes ne sont pas mis en évidence, on se retrouve à beaucoup feuilleter pour trouver celui qu'on cherche. L'éditeur a mis une table de correspondance paragraphe/page à la fin, mais franchement personne ne la consultera. Il aurait plutôt fallu supprimer la numérotation des pages et la remplacer par l'indication du paragraphe en cours.

Voilà pour ces remarques initiales ! Je vais continuer ma lecture avec curiosité.
[+] 3 personnes remercient Dagonides pour ce message !
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#2
Il m'intéresse celui-ci. Hâte de voir ton retour complet ^^
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#3
Hello à toutes et à tous ! Je viens justement de partager une vidéo sur le sujet sur ma chaîne Youtube pour ceux que çà pourrait intéresser.

https://youtu.be/Ncpsae2X_zs?si=Vs_EfFwZ2CKPr3J_
[+] 4 personnes remercient Gil Jugnot pour ce message !
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#4
Merci, j'ai donné écho à ta vidéo sur mes RS.

Le GAME OVER que tu nous lis : c'est sûr que ce n'est pas exactement du Andrew Chapman 😅
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#5
(30/10/2025, 01:38)Gil Jugnot a écrit : Hello à toutes et à tous ! Je viens justement de partager une vidéo sur le sujet sur ma chaîne Youtube pour ceux que çà pourrait intéresser.

https://youtu.be/Ncpsae2X_zs?si=Vs_EfFwZ2CKPr3J_

Merci pour cette vidéo. J'adore ta bienveillance et ton amour de la littérature. Et tu as une capacité rare à donner une voix et à faire vivre les textes !
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#6
Comme promis, une critique plus détaillée.

Quand ? Début 17ème. Qui ? On incarne un libraire (non nommé), appartenant au conseil municipal de Montauban durant une guerre religieuse. Où ? Montauban, eh, faut suivre ! Enfin : quoi ? On est chargé d'enquêter sur la mort d'une personne qui semblait fuir la ville durant le siège (« On devrait jamais quitter Montauban », avertissaient pourtant Les Tontons flingueurs). Il y aura la fouille du corps, son autopsie, la recherche des proches, des derniers témoins... Et fouiller dans l'intimité des citoyens amènera notre héros à croiser biens des bassesses, délits et crimes. Trouvera-t-il le, la ou les coupable(s) ?

Les règles sont minimales : ni hasard, ni codes à noter, ni équipement, ni liste d'indices ou de suspects. La mécanique se limite à choisir l'ordre de lecture. Le choix nous est même proposé de ne pas jouer mais de feuilleter, de lire un bout ici, un bout par là, façon picorage. Selon une esthétique du fragment et de la recomposition très typique du 17ème, époque des portraits, des Fables et des Essais, qu'on ne lisait pas linéairement mais en piochant...

[Image: une-ci10.jpg]
Le surtitre insiste lourdement sur le fait que le lecteur jouera un rôle,
au point d'être l'égal de l'auteur. Spoiler : non.

POLAR OUI, HISTORIQUE OUI...
La couverture annonce un « polar historique dont vous êtes le héros », et le début de cette étiquette est vrai. C'est une de ces enquêtes historiques dont on a pléthore en librairie depuis Le Nom de la rose, et qu'on a toujours autant de plaisir à lire. FH Soulié est un auteur de littérature blanche, et les fictions historiques ne sont pas une nouveauté pour lui : il a déjà signé Ils ont tué Ravaillac (qui se déroule quelques années avant la Citadelle) à thématique espionnage, La Conspiration du Globe dont le titre annonce qu'il relie Shakespeare à une affaire d'Etat, etc.

Des figures historiques se retrouvent dans ce livre-jeu, mélangées avec des figures de fiction comme Porthos et Aramis (mais ni d'Artagnan ni Athos). D'autres sont là en filigrane : on repère des citations déguisées de Molière, du Cid ou encore de Cyrano. Notre héros, un libraire qui réfléchit sur la nature humaine et se réfugie dans sa bibliothèque, est une sorte de Montaigne montalbanais (il apprécie ses Essais, dont il trouve un exemplaire au cour d'une fouille, et que l'auteur recommande dans sa bibliographie).

[Image: captu219.png]
Mauvais choix, game over ? "Essaie" encore.

...DONT VOUS ÊTES LE HEROS, NON.
Comme d'autres l'ont remarqué avant moi, les amateurs du genre à jouer ne retrouvent pas ici leurs repères, ou ce qu'ils aiment. Le parcours est linéaire, pas en tunnel, mais construit sur de faux choix. On hésite entre A et B, on prend A, après quoi on pourra tout de même prendre B. Et quand on aura lu A et B, on sera dirigé vers un noeud nommé C où le même jeu recommence. Au final, à part quelques paragraphes de game over ou des branches annexes, le lecteur est amené à lire la majeure partie des 400 pages du livre, qui pourtant ne fait que 122 sections + un épilogue.

La longueur de ces paragraphes gêne d'ailleurs la bonne lecture, car on a du mal à repérer le n° auquel on doit se rendre, perdu entre des pages et des pages de prose ordinaire. L'éditeur a laissé une numérotation de pages assez inutile, au lieu d'y substituer le n° du paragraphe en cours. Une table de correspondance paragraphe / page est proposée en fin de volume, mais ça ne fait pas partie des réflexes du lecteur-joueur.

La dimension ludique est donc assez faible, faute de vrais choix et d'ergonomie. Sauf à ne pas être habitué du genre, auquel cas le fait d'incarner un personnage dans un cadre historique aura à soi seul un effet wahou. Par ailleurs, la langue est si impeccable qu'on y prend forcément plaisir : l'auteur n'est pas primé et romancier chez 10/18 pour rien ! Il y a une vraie beauté du texte.

[Image: captu220.png]
Cyrano a inspiré d'autres auteurs de livres-jeu.

QUI JOUE AVEC QUI ?
A lire les résumés sur Babelio, j'ai la vague impression que FH Soulié s'amuse bien à semer des liens cachés et des structures à secrets. Certains de ses livres semblent liés par des thématiques communes, des personnages dont le nom fait retour dans les résumés... Pas étonnant, donc, de le voir terminer Une citadelle en enfer par une clé du mystère qui se trouve être, littéralement, une... clé de porte. Ça nous rappelle les petits jeux d'écriture du traducteur/auteur Jean-François Ménard, que j'ai déjà tenté d'analyser ici.

A noter que ces amuseries peuvent constituer des fausses pistes pour égarer un lecteur qui se croit malin. Par exemple, plusieurs personnages portent des noms de parfums : Ugo de Bosc, Sauvage, Gautier Belfort (le texte précise que Belfort aime bien engager des marins au beau physique). Quant Ugo de Bosc s'avère coupable de fuite, et
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Un pied de nez au joueur... doublé d'un croc-en-jambe, car même si on désigne le/la/les bon(s) coupable(s),
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Manière de se moquer des fins à la Hercule Poirot ?

Hé, au fait, encore un parallèle avec Ménard :
Montrer le contenu
A noter, un "moment Dave Morris". Le choix d'être clément ou non avec un faible, aura une conséquence heureuse ou fatale bien plus loin dans le bouquin. Les lecteurs du DO5 Le Château des Âmes Damnées penseront à un certain préposé au péage d'un pont...

[Image: captu218.png]
Choix : allez-vous traverser ce pont, ou ce pont traverser ?
A vous de décider, belle marquise !


VOTRE AVIS, MONSIEUR POIROT DAGO ?
Contrairement à ce que le titre laisse croire, en paraissant mélanger La Citadelle du chaos avec Le Manoir de l'enfer, deux titres connus de Steve Jackson... Une citadelle en enfer ne se situe pas dans la droite ligne des livres-jeu historiques des années 80. Ces deniers plaçaient le curseur côté jeu, en s'éloignant du côté littérature. Ici c'est pile l'inverse. La rejouabilité et les possibilités multiples sont sacrifiées, pour privilégier l'écriture de ce qui aurait pu être un roman d'excellente facture.

[Image: captu221.png]
Le voca des titres de livre-jeu n'est pas extensible à l'infini, des fois ça se recroise.
On se rappelle
Le / Les Démon(s) des Profondeurs dans deux séries différentes.

C'était une lecture dépaysante, un peu longue : il m'a fallu plusieurs jours de lecture, là où un livre de la série "Sherlock" de Gerald Lientz se bouclait en 2 ou 3 heures. Or il est dur de s'attacher à cette lecture longue car l'intrigue est un peu lâche. Pourquoi lâche ? Car le récit fait se succéder des épisodes aux liens un peu superficiels (ex : le gamin qui nous donne une épuisette pour zéro raison, ce qui nous amène à aller draguer le fleuve, ce qu'on aurait dû logiquement faire plus tôt...) Dans une fiction, on passerait sur ces coutures absolument sans les remarquer, mais dans la mesure où en tant que lecteur-joueur-enquêteur on est supposé réfléchir à la suite à chaque étape, eh bien du coup... ça se voit, quoi.

Autre bémol, le manque d'illustrations. Les jeux vidéo de papier que sont les livres-jeu sont liés à l'aspect visuel depuis les années 80. La pauvreté en illustrations était déjà un défaut de la collection de livres-jeu pédagogiques Labyrinthe chez Retz, et ce n'est pas celle qui est le plus resté dans les mémoires. Tandis que des séries plus généreuses en encre de Chine, on en parle encore 40 ans après !

Pour autant mon avis final n'est pas négatif, juste mitigé. J'apprécie cette vague qui amène les éditeurs à chercher à publier du livre-jeu plus adulte et plus mâture, comme Reine de l'ouest d'Hélène Lenoir, ou la série entamée avec La Pierre du Dragon de Manu Quaireau chez Makaka (déclaration de conflit d'intérêt : j'ai écrit un tome pour cette série). Le fait qu'un éditeur comme 10/18 prenne le risque d'accompagner cet élan est bon signe et doit être encouragé !
[+] 2 personnes remercient Dagonides pour ce message !
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#7
Merci pour ces critiques fort intéressantes et plaisantes à lire !
[+] 1 personne remercie MerlinPinPin pour ce message !
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#8
J'ai corrigé, ci-mer !
[+] 1 personne remercie Dagonides pour ce message !
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