L'interview de Voyageur Solitaire
#1
- Bonjour, entrez, entrez. Installez-vous...

Un vaste salon aux murs bruts, aux teintes ocres, fauves et terre de Sienne. Des masques africains alternent avec des toiles impressionnistes ou orientalistes. Sur les meubles, des poteries et statuettes précolombiennes, des minéraux, des herbes séchées. Des tapis, des couvertures indiennes aux couleurs vives, des coussins aux motifs géométriques. Des livres, partout, même par terre, en un désordre insouciant. Un chat ronronne près de la cheminée de briques, un piano noir, des cartons à dessins. Par les grandes baies vitrées, on voit le désert, minéral. En sourdine, des morceaux de Dead Can Dance, de Ryuichi Sakamoto ou Talk Talk.

Une table basse japonaise, des chips, une bouteille de champagne rosé. Deux canapés profonds, couleur tabac, qui se font face. Sur l'un d'eux, je suis assis en tailleur, pieds nus, et vous invite à prendre place en face de moi.
Je suis Voyageur Solitaire et vous reçois avec plaisir pour répondre à vos questions sur mes AVH, mon activité en tant qu'auteur amateur, mon rapport aux LDVH, ma façon d'écrire, mes sources d'inspiration, mes projets...

Je vous écoute...
Anywhere out of the world
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#2
Tholdur s'avance à petits pas courts, visiblement impressionné par la majesté des lieux.

Puis il s'adresse à VS en disant d'un air nonchalant: "Tes lacets sont défaits!"
VS, jetant un bref coup d'oeil et remarquant qu'il est pieds nus, a son visage qui s'assombrit brusquement avant de déclamer": "Je te maudis, toi et tes semblables jusqu'à la 7e génération!"
Puis sur un claquement de doigts ses gardes apparaissent et s'empressent d'empoigner l'importun et le jettent hors de la demeure de leur maître.

Satisfait, VS rajuste sa tenue avant d'accueillir avec un aimable sourire son premier visiteur....
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#3
Mine de rien, ce trait d'humour est l'occasion pour moi de te payer ma dette Tholdur...

En effet, à l'époque, nous étions tous deux sur le forum La taverne des aventuriers (qui ne s'appelait pas encore ainsi) et nous participions à une histoire, inventée de toutes pièces, où chaque participant écrivait un paragraphe et les autres suivaient, devant s'adapter à ce que le précédent avait écrit. C'était L'histoire dont on écrit la suite si je me rappelle bien. Et bien sûr, il arrivait souvent que l'un écrive un paragraphe avec une idée, une intention bien précise et que le suivant parte dans une direction complètement opposée... C'était même devenu un jeu quelque part et, au niveau de l'écriture et de l'inspiration, ce fût un excellent exercice.

Depuis quelques temps, l'idée d'écrire mes propres AVH me trottait dans la tête mais je n'osais pas me lancer. Nos échanges autour de cette histoire (à laquelle ton gag sur les lacets fait référence) m'ont finalement décidé à franchir le pas. Retour à Griseguilde, ma première AVH, est née de là, en partie.
Anywhere out of the world
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#4
Tout à fait! :-)
On a d'ailleurs déjà eu l'occasion d'évoquer cette séquence mémorable et ses conséquences sur ta carrière d'auteur.
En des temps où la covid n'empêchait pas les gens de se retrouver.

Citation :127
La dernière fois où vous aviez été reçu chez le Baron Tholdur avec tous les honneurs dus à un compagnon d'armes, vous aviez admiré l'austère magnificence de la Grande Salle et de sa voûte soutenue par des piliers. Ce décor paraissait refléter la personnalité martiale du Margrave. Cette fois-ci (...) tout paraît changé. De somptueuses tapisseries recouvrent les murs et le sol est jonché de tapis et de coussins. Des rangées de soldat montent la garde, impassibles, tandis qu'une fête se déroule. Les officiers et les bourgeois de Neubourg sont servis par une pléiade de gracieuses jeunes filles en robe de soie diaphane. Certaines sont des beautés du Sud aux cheveux noirs. (...) Quant à Tholdur, il est affalé sur un magnifique trône doré, une coupe à la main et ses yeux ont une expression lointaine. Une mince silhouette revêtue d'une cape rouge sombre, dont le capuchon lui cache le visage, est assise sur l'estrade à ses côtés. A votre approche, elle se penche à l'oreille du Baron et lui murmure quelques mots.
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#5
On va commencer avec une question simple : as-tu, parmi les AVH que tu as écrites, une ou des préférées ? Si oui, lesquelles et pour quelle(s) raison(s) ?
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#6
A l'heure actuelle, ma préférée reste Alshaya.
J'ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce voyage "initiatique" du jeune Timkat, sa rencontre avec le scribe pygmée Taïta et le géant Enoshk, sans oublier bien sûr Suarra, sa panthère noire apprivoisée. Et le cadre, ces hauts plateaux perdus dans les Montagnes Rouges, majestueux et vibrants dans la lumière, c'est le genre d'endroit pour lequel j'ai un gros faible. J'aime énormément les histoires de communauté, de petits groupes qui se constituent au fil de l'aventure, avec des personnages différents et j'ai beaucoup aimé écrire l'histoire de Timkat, Taïta, Enoshk et Suarra. Même si, pour des raisons techniques, je n'ai pas pu m'attarder aussi longtemps que je le voulais sur leur rencontre, même s'ils deviennent amis un peu trop vite. Pareil pour Suarra, que Timkat apprivoise un peu facilement quand-même.
Mais j'ai écris cette AVH de manière fluide, continue, sans à coups, sans creux. Du début à la fin, elle s'est déroulée sans accrocs, sans problèmes. Comme si elle coulait de source.

Enfin, je ne peux pas nier que Retour à Griseguilde garde un petit coin de mon coeur.
Anywhere out of the world
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#7
Je vais me lancer à mon tour. Toi qui écris des aventures dans un cadre "africain" et que j'imagine "blanc" (avec tous les guillemets, si je me trompe la question n'a pas le même sens), je serais curieux d'avoir ton avis sur la polémique liée à la BD Niala:
https://www.francetvinfo.fr/culture/bd/polemique-autour-de-niala-une-bd-erotique-accusee-de-racisme-contre-les-africains_4324755.html
Pour revenir à tes AVH, est-ce que tu as essuyé des critiques par rapport à ta manière de décrire un cadre africain ? Est-ce que tu as envisagé de telles critiques en écrivant et est-ce que ça t'a influencé ?
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#8
Ayant séjourné en Afrique, je peux comprendre que certaines personnes de couleur en aient assez des clichés véhiculés sur les africains ou sur les noirs. Après, il y a inconsciemment, chez beaucoup de gens, des "images" qui viennent en tête quand on évoque l'Afrique et ce, sans penser forcément à mal. 
Pour cette BD, j'ai cru comprendre que les auteurs avaient voulu justement dénoncer cette vision de l'Afrique, très "sauvage", exotique, voire érotique. J'ai cru comprendre qu'ils avaient voulu se moquer de cet exotisme de bazar des années 1950/60, une Afrique mystérieuse et dangereuse, primitive, avec des aventuriers blancs évoluant au milieu de "sauvages". 
Si tel n'est pas le cas, je peux comprendre que certains soient gênés par une vision qu'ils jugent réductrice et stéréotypée. Chacun voit midi à sa porte.


Pour ma trilogie, j'ai prévenu d'emblée qu'il ne s'agissait pas d'un documentaire sur l'Afrique mais d'un monde Fantasy inspiré de l'Afrique, ce qui est très différent. Shamanka ne prétend pas à l'exactitude, ethnique, zoologique, botanique ou civilisationnelle. C'est un monde imaginaire qui doit fortement évoquer l'Afrique pour le lecteur mais qui n'est pas l'Afrique. Bien sûr, il y a un minimum à respecter : comme je l'ai dit à Grattepapier par ailleurs, je ne vais pas y balancer un ours polaire ou un tigre... Mais encore une fois, Shamanka n'est pas l'Afrique, c'est Shamanka. 

D'éventuelles critiques ? J'y ai pensé pour le premier tome pour être franc.
On y incarne un héros blanc qui se retrouve malgré lui au sein d'une minorité blanche aux pleins pouvoirs, dominant une majorité noire, dans une atmosphère de révolte et de contestation. Oui, c'est vrai, j'ai pensé parfois que certains lecteurs pourraient s'en offusquer. C'est pourquoi j'ai veillé à ce que le héros ne prenne jamais parti. Il côtoie des noirs et des blancs, avec des bons et des méchants des deux côtés, et il est plus ou moins rejeté par les deux : les noirs de Méroé le rejettent parce qu'il est blanc, les seigneurs blancs le rejettent parce que c'est un étranger. Ronan est donc quasiment le cul entre deux chaises en permanence. Certains seigneurs blancs comme Néroli ou Jazer le traitent en ami, d'autres le rejettent. Certains noirs se dressent contre lui, d'autres lui viennent en aide ou c'est même lui qui leur vient en aide. Il peut être l'amant de Tananda qui est noire comme de Danaé qui est blanche. A aucun moment, je ne force le lecteur à choisir un camp. Ronan est un étranger sans à priori, qui s'est réfugié dans un monde inconnu où plusieurs communautés s'affrontent et qui tente simplement de s'en sortir du mieux qu'il peut. Maintenir cette ambiguïté a été mon souci constant. C'est vrai, je me suis quand-même dit : "Comment va réagir un lecteur noir qui se voit proposer d'incarner un blanc, qui se retrouve parmi une caste de seigneurs blancs dominant une population noire ?" C'est pourquoi j'ai rendu Ronan le plus neutre possible, c'est pourquoi à aucun moment il n'est forcé à choisir. C'est un personnage qui subit les évènements plus qu'autre chose. Et rappelons qu'à la fin, la population noire se soulève et met fin au règne des seigneurs blancs, retrouvant sa liberté et sa dignité. Rappelons également que dans chacun des trois tomes, je précise qu'il s'agit d'une oeuvre de fiction et que les propos ou opinions exprimés par les personnages ne reflètent pas ceux de l'auteur.

Pour les deux autres tomes, je n'ai pas eu ce problème : dans Alshaya, Timkat est un jeune nomade du désert qui évolue dans un monde noir et dans Le rire de Gorulga, Edenrun est une reine noire qui évolue dans un monde noir également. L'opposition blancs-noirs que l'on peut trouver dans le premier tome est ici absente puisque tout le monde est pareil.

Je déteste le manichéisme. Personne n'est jamais tout blanc, ni tout noir (sans jeu de mots). Dans les trois tomes, on rencontre des hommes et des femmes, des blancs et des noirs et parmi eux, des gens bien et des salauds, des amis comme des ennemis.
A ce jour, je n'ai reçu aucune critique à ce sujet. Après, s'il y en a un jour, je suis tout à fait prêt à en discuter.
Anywhere out of the world
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#9
Es-tu plutôt jardinier ou architecte ?
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#10
Jardinier, sans hésiter.

Niveau écriture, je procède de manière complètement illogique.
Je ne suis pas du tout un quelconque ordre chronologique.
J'ai en fait une "grosse" idée de mon histoire et de ses personnages, avec des moments marquants. Je développe d'abord ces fameux moments et je les relie entre eux par la suite. Pour faire une analogie avec un joaillier, je sertis et monte les pierres ou parties du collier avant de les relier entre elles (au lieu de faire la monture d'abord et de fixer les pierres dessus après). Le premier paragraphe que j'écris peut donc être le paragraphe de fin... 
Par exemple, pour Les Tambours de Shamanka, les premiers passages que j'ai écris ont été l'arrivée de Ronan à Méroé et ensuite sa rencontre avec Olmec.

Comme Skarn l'avait remarqué, si mes AVH offrent souvent de nombreux itinéraires et choix, ces derniers finissent toujours par se rejoindre sur un passage commun avant de repartir à nouveau dans diverses directions. Ce sont donc ces passages que j'écris en premier. Les relier ensuite n'est pas toujours évident et me force parfois à modifier mes premières idées, un lieu ou un personnage afin que cela s'insère correctement. 

Pour compléter sur ma façon d'écrire, mon défaut majeur est que je suis toujours prêt à retoucher, même quand c'est fini. La relecture finale est pour moi une épreuve terrible : alors que l'histoire est terminée, écrite, en relisant il me vient de nouvelles idées, et je commence à retoucher, modifier et me voilà parfois à réécrire des passages entiers... Je dois vraiment me forcer, me dire :"Stop ! Tu ne touches plus à rien, tu relis simplement" (rires).
Anywhere out of the world
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#11
As-tu considéré publier cette série (la trilogie des fils du soleil) en format papier ?
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#12
Oui, c'est prévu.
Ma trilogie sera publiée par Posidonia, illustrée par l'illustrateur Vianney Carvalho. Le premier tome est en train d'être finalisé.
Elle va être également publiée en Russie.

Les deux premiers tomes sont disponibles en ligne sur Litteraction.
Je suis sur la relecture finale du troisième et dernier tome avec l'espoir de vous le proposer lundi...
Anywhere out of the world
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#13
Les fils du soleil c’est un clin d’œil aux cités d’or ? :-)

As-tu décidé dès le départ que tu écrirais une trilogie ?

Et pourquoi une trilogie ?

As-tu parfois été découragé par l’ampleur de ce projet ?
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#14
- Non, le titre de la saga fait (grosso modo) référence au climat de ces contrées où évoluent les trois héros, Ronan, Timkat et Edenrun. Et aussi à la chanson The children of the sun de Dead Can Dance, un de mes groupes fétiches.

- Il n'y avait pas de trilogie au départ. La première version des Tambours de Shamanka était un pavé imposant de plus de 650 paragraphes. Entretemps, j'avais à côté développé tout cet univers, avec histoire, géographie, chronologie, climat et religions, ethnies, races et bestiaire, habitat et mode vestimentaire, j'avais imaginé une petite biographie pour chaque personnage... Un matériau très riche et cela me peinait de ne pas pouvoir l'utiliser. Et comme, en toute modestie, Les Tambours de Shamanka avait été bien reçu, je me suis décidé à en écrire une version réduite et à rajouter deux tomes, afin de pouvoir utiliser d'autres éléments de tout ce que j'avais imaginé. Ainsi, le premier tome permet de découvrir les plaines, le désert de soufre et de sel d'Enkil et la cité de Méroé, le second le désert de Talishan et les Montagnes Rouges, le troisième la région du lac Muru et des Grandes Collines. Avec trois héros différents à trois époques différentes et avec des liens, des "passerelles" entre les trois histoires. Par exemple, dans Alshaya, on peut rencontrer Olmec alors qu'il a 16 ans et Keshan, alors qu'il n'est pas encore chef des hommes-lions ou encore Mélycinte le baladin noir alors qu'il n'est qu'enfant. Et dans le dernier tome, on pourra rencontrer les héros que l'on a incarné dans les deux premiers opus.

- Une trilogie parce que c'est bien suffisant ! Et ma réponse englobe également ta dernière question. J'ai eu peur de tomber en panne, de ne plus avoir d'idées, de lasser le lecteur... Trois AVH de 450 paragraphes, c'est déjà pas mal. Certes, avec tout ce que j'ai imaginé en créant cet univers, il y a matière à toute une saga. Je pourrais proposer d'incarner un homme-lion, un homme-buffle, un chef noir en révolte contre les seigneurs blancs de Méroé, un sorcier d'Eshatta la cité des magiciens... De jouer avec les époques aussi puisque ma chronologie de Shamanka s'étend sur des décennies, de la fondation de Méroé par une race inconnue jusqu'à sa fin au fil des 56 rois qui s'y sont succédés, Olmec étant le dernier... Mais il faut tenir, maintenir l'intérêt du lecteur sur des tomes entiers et c'est (très) difficile. Trois, c'est bien, c'est suffisant, je veux éviter la lassitude du lecteur comme la mienne.
Et puis, j'ai d'autres idées, d'autres envies avec d'autres univers. Shamanka est mon monde mais je refuse d'en être prisonnier.
Anywhere out of the world
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#15
Une question Bateau :
As-tu été influencé par d'autres œuvres de littérature à embranchements (LDVELH ou autres) ?
Souris ! Tu ne peux pas tous les tuer...
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