Petite histoire de Donjons&Dragons
#1
Chronologie des éditions de D&D
  • En 1974, TSR publie Dungeons & Dragons, de Gary Gygax et Dave Arneson, premier jeu de rôle commercial au monde. Ce n'est pas un jeu stand-alone, cependant, mais un module pour le wargame Chainmail de Gary Gygax, utilisant certaines règles de Chainmail et du jeu de plateau Outdoor Survival (Avalon Hill). C'est la version avec seulement 3 classes (Guerrier, Prêtre et Magicien) et 4 races (humains, elfes, nains et hobbits). Les niveaux des aventuriers sont théoriquement illimités, mais des règles ne sont prévues que jusqu'au niveau 13. Pour désigner cette version, on parle souvent de "Original Dungeons & Dragons". Personnellement, j'aime à penser que c'est en quelque sorte "l'édition zéro".

  • En 1975 sortent les deux premiers suppléments de Dungeons & Dragons, Greyhawk Supplement I et Blackmoor Supplement II, qui apportent beaucoup de changements (notamment apparition du Voleur et du Paladin). Le jeu commence à prendre la forme familière qu'on lui connaitra dans AD&D. On peut considérer que c'est "l'édition zéro point cinq".

  • En 1977, juillet, D&D Basic Set (boîte bleue), première version écrite par J. Eric Holmes. L'intention est d'avoir des règles de base pour s'initier aux règles avancées AD&D qui allaient sortir peu après. Il y a 7 classes (Guerrier, Prêtre, Voleur, Magicien, Nain, Elfe et Hobbit) et pas de notion de race. La boîte permet de jouer des aventuriers de niveau 1 à 3, l'idée étant qu'une fois expérimentés, les joueurs continueraient avec les règles avancées. Mais au final, une partie des joueurs a préféré continuer à jouer avec ce système "simplifié" par rapport à AD&D, et les deux lignes éditoriales Basic et Advanced ont continué à se développer en parallèle. La version Holmes est donc la 1ère édition de la ligne Basic.

  • De 1977 et 1979 Advanced Dungeons & Dragons, de Gary Gygax, est publié par TSR, d'abord le manuel des monstres (1977, décembre), puis le manuel des joueurs (1978) et le guide du maître (1979). Nouvelles classes (Illusionniste, Assassin) et races (demi-orque, demi-elfe, gnome). Le nombre maximum de niveaux d'un aventurier varie grandement selon sa classe et sa race (de 4 pour un demi-orque Prêtre à 26 pour un humain Ranger). C'est la 1ère édition de la ligne Advanced.

  • En 1981-1982 sort B/X Dungeons & Dragons de Tom Moldvay et David Cook, composé de D&D Basic Set (boîte magenta) de Tom Moldvay, et de D&D Expert Set (boîte bleu ciel) de David Cook. En 1981, Moldvay réécrit une deuxième version du D&D Basic Set de Holmes sorti précédemment, sans plus aucune intention que ce soit une initiation à AD&D. La première boîte couvre les aventuriers de niveau 1-3, comme pour la version Holmes, mais est prévue pour être suivie de la seconde boîte, sortie en 1982, écrite par Cook, mais dans un soucis d'uniformité avec Moldvay, et couvrant les aventuriers de niveau 4-14. L'ensemble forme la 2ème édition de la ligne Basic.
    (Accessoirement, en 2009 est sorti le B/X Companion, de Jonathan Baker, pour ceux qui préfèrent les règles de B/X D&D de Moldvay et Cook aux règles de BECMI D&D de Mentzer, mais qui veulent quand même jouer jusqu'au niveau 36. Cependant, c'est une œuvre de fan et non une extension officielle.)
    Le ton est notablement différent. Holmes s'adresse à un jeune public alors que Moldvay s'adresse à des adultes. De plus, un vrai travail éditorial a été mené. Là où Holmes traite les différents concepts du jeu au fil de l'eau, au fur et à mesure qu'ils sont cités dans son explication, Moldvay organise en chapitres autour de concepts centraux (les personnages, la magie, le combat...), et divise ces chapitres en sous-parties, rendant le tout plus digeste et plus lisible. Mais ce n'est pas qu'un remaniement de l'écriture, il y a bien des changements techniques de points de règle.

  • De 1983 à 1986 est publié l'ensemble BECMI Dungeons & Dragons de Frank Mentzer, composé de D&D Set 1: Basic Rules (boîte rouge, 1983), D&D Set 2: Expert Rules (boîte bleue, 1983), D&D Set 3: Companion Rules (boîte verte, 1984), D&D Set 4: Master Rules (boîte noire, 1985) et D&D Set 5: Immortals Rules (boite dorée, 1986). Metzer réécrit donc une troisième fois les règles Basic après Holmes et Moldvay, une deuxième fois les règles Expert, et ajoute 4 sets pour le high-level, voire le très high-level !
    La boîte Basic permet de jouer les niveaux 1-3, et uniquement des aventures en donjons souterrains (type porte-monstre-trésor typiques).
    La boîte Expert les niveaux 4-14 et ajoutent l'exploration de la nature sauvage et les aventures en extérieur et en mer et voies navigables.
    La boîte Companion permet de jouer les niveaux 15-25, les aventuriers étant tous devenus de petits seigneurs locaux, ou de hauts personnages d'une puissance ou influence équivalente selon leur classe, et ajoute au jeu les combats de masse, les intrigues politiques dans le royaume et l'objectif de développer et/ou étendre son domaine.
    La boîte Master permet de jouer les niveaux 26-36, où les aventuriers fondent leurs propres royaumes, participent à des luttes entre des empires entiers, voyagent occasionnellement sur d'autres plans lors de leurs aventures, et peuvent entamer une longue quête pour atteindre "l'Immortalité" et rejoindre ainsi leurs dieux comme des égaux.
    La boîte Immortals, enfin, permet de jouer d'anciens aventuriers devenus des Immortels, alors qu'ils explorent d'autres mondes, d'autres dimensions et affrontent des menaces cosmiques contre le multivers. Il y a encore une progression en puissance possible (à base de points de Puissance), mais à ce stade, on ne progresse plus en niveaux d'expérience.
    Bref, tout cela forme la 3ème édition de la ligne Basic.
    J'aime bien le côté unifié de l'ensemble, et ses nouveaux concepts amenés petits à petits. Mais les détracteurs reprochent à Mentzer de prendre un ton un peu enfantin (là où Moldvay avait un style plus cynique, évocateur d'auteurs de fantasy pessimistes tels que Howard et Morcook), d'avoir réécrit Basic/Expert au lieu de juste rajouter le High Level, et de se contenter de ralentir la progression en puissance des personnages pour l'étaler sur 36 niveaux au lieu de 14, plutôt que de donner de nouveaux pouvoirs à haut niveau. Aussi, je trouve que les auteurs se sont tiré une balle dans le pied avec la limitation en niveau des demihumains. Décréter que les Nains, Elfes et Hobbits sont limités au niveau 9, 10 ou 12 n'est pas un énorme problème quand le niveau maximum que les humains peuvent atteindre est le niveau 14. Quand les humains montent jusqu'au niveau 36 alors que leurs compagnons sont restés derrière, et bricoler des règles comme quoi, alors, les demihumains montent quand même en niveau, mais en fait non, mais si, ben, ce n'est pas génial... Quitte à réécrire les règles Basic et Expert, Mentzer aurait pu tout simplement annuler cette règle.

  • En 1985 sort Unearthed Arcana, un supplément pour AD&D parmi plusieurs autres, mais qui apportaient tellement de changements aux règles de base que certains le considèrent comme une "édition 1.5" officieuse de la ligne Advanced.

  • En 1989 sort Advanced Dungeons & Dragons 2nd edition, de David Cook. On notera que le Barde est devenue une classe à part entière. C'est un peu l'édition de la censure, suite aux différentes attaques qu'avait subies D&D de la part des féministes et des conservateurs religieux. Plus de seins nus dans les illustrations de monstre ou d'aventurières, la classe Assassin disparaît (les personnages ne pouvant être qu'héroïques, sinon c'est que le jeu incite les adolescents au meurtre et à la violence), ainsi que la race des demi-orques (puisque issus d'un viol et souvent maléfiques), tandis que tous les diables et démons sont renommés de façon à n'apparaître que comme des monstres bizarres et non des créatures infernales. Mais il y a aussi de grandes améliorations gameplay. C'est donc la 2ème édition de la ligne Advanced.

  • En 1991 sort la Dungeons & Dragons Rules Cyclopedia, compilée par Aaron Allston, et qui permet d'avoir toutes les règles de BECMI en un seul volume. Cela semble plus pratique que d'avoir à reprendre le manuel des débutants chaque fois que vous voulez des précisions quand vous lancez un sort de niveau 2 alors que vous êtes déjà niveau 25, par exemple. Allston ne change quasiment rien aux règles de Mentzer, cependant, le Rules Cyclopedia ne couvre que les niveaux 1-36, soit les 4 premiers volumes de Basic à Master, mais sans aucun élément de Immortal, ni les règles d'ascension à l'immortalité présentes dans Master. Allston, cependant, écrira plus tard un supplément, Wrath of the Immortals (1992), où il refond complètement les règles régissant les PJ immortels (exit les points de Puissance, les Immortels ont des niveaux d'immortel de 1-36, semblables au niveaux d'expérience des mortels) et reprend les règles de quête de l'immortalité. En tout cas, Rules Cyclopedia est la 4ème édition de la ligne Basic.

  • En 1995 sort une version révisée d'AD&D2, soit Advanced Dungeons & Dragons 2nd edition Revised, mais ils mettent en gros en préface dès la première page "ne vous inquiétez pas, ceci n'est PAS la troisième édition d'AD&D", puisqu'il s'agit surtout de petites corrections et d'ajout de nouvelles illustrations. On ne peut sans doute pas vraiment la considérer comme une véritable "édition 2.5" d'Advanced.

  • En 2000, Wizards of the Coast, qui a récupéré les droits suite à la fermeture (ou le rachat) de TSR, publie Dungeons & Dragons 3rd edition, de Monte Cook, Jonathan Tweet et Skip Williams, sous la forme désormais classique des trois manuels : le manuel des joueurs (Player's Handbook), le guide du maître (Dungeon Master Guide) et le manuel des monstres (Monster Manual). À partir de cette version, la séparation entre les deux familles Advanced Dungeons & Dragons et Basic Dungeons & Dragons est mise à terme définitivement, et il n'y a plus qu'une unique gamme principale.
    C'est la fameuse édition du système d20, devenu source libre, et donc repris par d'autres jeux de rôle n'ayant aucun lien avec D&D ou WotC. D20 modernise et rationalise enfin D&D, avec un système unifié pour résoudre tout élément dans le jeu (résultat d'un jet de d20 + les différents bonus/malus dus aux caractéristiques du PJ, son équipement, ses pouvoirs, les circonstances, etc., et le résultat doit égaler ou dépasser un niveau de difficulté), plutôt que d'avoir des règles complètement différentes pour les jets de sauvegarde contre les sorts, les compétences de voleurs, etc. comme c'était le cas dans les précédentes éditions. D&D se met ainsi à la page des jeux de rôles non-D&D des années 80-90, dont les systèmes avaient tendance à être plutôt uniformes (que ce soit Star Wars D6 avec ses jets de D6 + bonus contre une difficulté, les jeux "sous un pourcentage" comme James Bond 007 RPG ou L'Appel de Cthulhu, des jeux à "nombre de succès", où les caractéristiques du PJ donnent un nombre de dés, chaque dé individuel est un succès si son résultat est supérieur ou égal à une difficulté, et on compte le nombre de succès, comme Shadowrun ou Vampire: la Mascarade, ou les jeux où on lance un nombre de dés pour en garder un certain nombre seulement, comme Deadlands ou Le Livre des 5 Anneaux. Sans compter les jeux à système complètement unique et inédit, tels que In Nomine Satanis/Magna Veritas et sa table basée sur le 666, ou Feng Shui et son duo de dés, l'un positif et l'autre négatif.)
    Bref, D&D3 est considéré comme la 3ème édition de D&D, ou "édition 3.0", même si ça n'a de sens que si on compte AD&D et AD&D2 comme précédentes éditions, oubliant totalement le module de Chainmail ou la gamme Basic. Accessoirement, c'est celle à laquelle j'ai le plus joué avec mes amis d'enfance. Les règles de base permettent de jouer des aventuriers de niveau 1 à 20, après quoi ils ne progressent normalement plus (mais un supplément, le Epic Player's Handbook, que je n'ai pas connu, permettait de progresser jusqu'au niveau 30, puis de chercher l'Immortalité). Il y a de nouvelles classes (Barbare, Ensorceleur), bien qu'Assassin est toujours aux abonnés absents ; la race des demi-orques est de retour, ainsi que les diables et démons (mais pas les nichons).

  • En 2004, WotC sort Dungeons & Dragons v.3.5, une version révisée et augmentée de la 3ème édition. C'est celle qui servira de base à Pathfinder, un jeu complètement indépendant de WotC de la gamme D&D officielle - même si l'équipe de Pathfinder comprend quelques auteurs de D&D3 qui ont quitté WotC. Bref, comme son nom l'indique, "l'édition 3.5" de D&D.

  • En 2008, WotC publie Dungeons & Dragons 4th edition, de Rob Heinsoo, Andy Collins et James Wyatt. C'est une édition assez détestée par les joueurs classiques en général. Pour plusieurs raisons. D'abord, elle a manifestement subi une très forte influence des MMORPG, qui étaient très à la mode à cette période (Ever Quest était déjà vieux, mais World of Warcraft connaissait un immense succès). Ainsi, chaque personnage doit s'insérer dans un "rôle dans l'équipe", avec un nom particulier. On parle de "controller, defender, leader et striker", soit de façon à peine cachée des termes du jargon de joueurs de MMORPG qui correspondent à crowd control (paralyser/ralentir/distraire les ennemis pour pouvoir les affronter un par un ou à un rythme gérable), au tank (le personnage qui prend les dégâts des monstres), au heal (le personnage qui soigne les autres et donnent des buffs ou sorts de bonus) et au DPS (damage per second, les persos qui font le plus de dégâts, tels que les voleurs attaquant dans le dos, les snipers et les mages qui balancent des gros sorts de zone dévastateurs). Il y a une impression de jouer à un jeu vidéo insipide plutôt que de vivre une expérience narrative de roleplay qui n'est pas au goût des anciens joueurs. De plus, cette édition tue quelques vaches sacrées, comme la tradition d'avoir des guerriers plus forts à bas niveau, où les mages sont faibles et peu utiles, puis des mages beaucoup plus puissants que les guerriers à haut niveau. Les pouvoirs, qu'ils soient d'origine magique ou dus à un impressionnant entraînement martial, sont tous équivalents en ce qu'ils fonctionnent de la même façon. C'est globalement mieux pour l'équilibre du gameplay, mais du coup, ça n'est plus vraiment du D&D. Et ça donne l'impression que toutes les classes se ressemblent et se jouent de la même façon. Il n'y a pas que des mauvaises idées, toutefois, je retiens par exemple celle des Tiers, ou phases de jeu, c'est à dire de regrouper les niveaux par niveau de magnitude, de danger et d'enjeux. Ainsi, les niveaux d'expérience 1-10 sont la phase héroïque (on sauve des villages), 11-20 la phase parangon (on sauve des grandes cités voire des nations entières) et les niveaux 21-30 la phase épique (on sauve le monde voire le multivers). Je trouvais que D&D3 ne guidait pas assez le MJ sur ce que les aventuriers étaient censés faire selon leur niveau (mais j'ai lu des joueurs dire le contraire, donc c'est peut-être moi qui n'ai pas bien regardé), et je me suis retrouvé parfois à créer des campagnes/scénarios qui n'étaient pas du tout adaptés à leur niveau de puissance (une intrigue au palais devient ridicule quand un seul PJ est capable de massacrer toute la garde du roi les deux mains attachées dans le dos. Rien ne les empêche de simplement tuer le conseiller louche plutôt que de devoir mener une enquête pour prouver qu'il est le maléfique sorcier conspirateur).

  • En 2010 est publiée une version de D&D4 intitulée D&D4 Essentials. Au fur et à mesure des corrections et révisions de D&D4, la gamme principale D&D4 est arrivée aujourd'hui à ce qu'est D&D4 Essentials, donc en pratique, on peut considérer que D&D4 Essentials est "l'édition 4.5".

  • En 2015, WotC publie Dungeons & Dragons 5th edition, alias D&D Next, l'actuelle toute dernière mouture de Donjons & Dragons. On fait table rase des bouleversements de D&D4 et on revient avec nostalgie à un côté rétro, plus proche de l'esprit des vieilles éditions de D&D, mais en tirant parti des innovations du jeu de rôle moderne, plus narratif et dépendant des improvisations du MJ, et moins simulationniste et régliste. On revient à 20 niveaux comme à D&D3 plutôt que 30 dans D&D4. Fini les pléthores de compétences et les comptes d'apothicaire pour le nombre de points qu'on met dedans : il y a très peu de compétences, et elles ont quasiment toutes le même bonus. Grâce au principe de Bounded Accuracy, fini la course aux stats de PJ qui montent à l'infini que pouvait avoir D&D3. C'était un aspect de la 3ème édition qui me gonflait particulièrement (en gros, j'ai jamais compris l'intérêt d'avoir +1 pour toucher à chaque niveau si c'est pour que tous les monstres que tu rencontres sont toujours plus forts et ont +1 pour pas se faire toucher à chaque rencontre, assurant que le pouvoir relatif de ton perso est toujours strictement le même). Maintenant, monter en niveau te permettra d'avoir de meilleures chances de vaincre des monstres terrifiants qui, à bas niveau, t'auraient pulvérisé, mais le simple guerrier orc reste toujours une menace sérieuse pour un aventurier - bien que plus facile à vaincre -, même à haut niveau (là où, dans D&D3, les monstres de niveau 1 n'avaient plus aucune chance de toucher un aventurier après quelques niveaux. Ou alors, si vous vouliez vraiment faire un scénario à thème orcs, gobelins ou squelettes avec des aventuriers expérimentés, il fallait artificiellement augmenter les simples sbires avec plein de dés de vie, au point que ça devenait ridicule d'avoir ces créatures, qui étaient quasiment des "surhommes" par rapport au reste de leur race, être de simples hommes d'armes dans la masse). Bref, je souhaite longue vie à cette 5ème édition.

On a donc 5 éditions officiellement, mais au moins 12 versions différentes de Donjons & Dragons !!!
Et c'est sans compter, bien sûr, qu'aucune édition de D&D ne survit intacte à une tablée de joueurs. Chaque groupe de jeu ayant probablement ses règles maison et ses propres habitudes, chaque table joue à un jeu un peu différent. Mais c'est sans doute vrai de tous les jeux de rôle.
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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#2
Évolution de l'illustration des couvertures des livres de base de Donjons & Dragons


Original Dungeons & Dragons (1974) de Gary Gygax et Dave Arneson

Illustration de la boîte :
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Livre 1 : Men & Magic - Livre 2 : Monsters & Treasures - Livre 3 : The Underworld & Wilderness Adventures
[Image: nMuzv73.jpg][Image: L8xtoYK.jpg][Image: pgIO3K5.jpg]


Greyhawk Supplement I (1974) de Gary Gygax et Rob Kuntz - Blackmoor Supplement II (1974) de Dave Arneson

[Image: 0rh8zVc.jpg][Image: s068N2c.jpg]


Dungeons & Dragons Basic Set (1977) de J. Eric Holmes

[Image: fjVEycK.jpg]


B/X Dungeons & Dragons (1981-1982) de Tom Moldvay et David Cook

Basic Set (1981) de Tom Moldvay - Expert Set (1982) de David Cook
[Image: WNcesu2.jpg][Image: uw07qMA.jpg]


BECMI Dungeons & Dragons (1983-1986) de Frank Mentzer

Basic Rules Set 1 (1983) - Expert Rules Set 2 (1983)
[Image: 0Y5YXbt.jpg][Image: kLLTzdb.jpg]

Set 3: Companion Rules (1984) - Set 4: Master Rules (1985) - Set 5: Immortal Rules (1986)
[Image: yeffgak.jpg][Image: vGyoqEs.jpg][Image: KCbVD4t.jpg]


Advanced Dungeons & Dragons (1977-1979) de Gary Gygax

AD&D Players Handbook (déc. 1977) - AD&D Dungeon Masters Guide (1978) - AD&D Monster Manual (1979)
[Image: qnzOeP4.jpg][Image: X3Br3W2.jpg][Image: gClxuPN.jpg]

AD&D Players Handbook 9ème impression (1980) - AD&D Dungeon Masters Guide 8ème impression (1983) - AD&D Monster Manual 7ème impression (1983)
[Image: qr1G42L.jpg][Image: QcwwH2P.jpg][Image: NWoLdxG.jpg]


Advanced Dungeons & Dragons 2nd Edition (1989) de David Cook

AD&D2 Player's Handbook - AD&D2 Dungeon Master's Guide - AD&D2 Monstrous Manual 
[Image: sbF2dBP.jpg][Image: xb5EIKw.jpg][Image: mQbnfyr.jpg]


Dungeons & Dragons Rules Cyclopedia (1991) de Aaron Allston
(ou 4ème édition de Basic D&D)

Rules Cyclopedia (1991) +Wrath of the Immortals (1992)
[Image: DnmdoF8.jpg][Image: JIYqRie.jpg]

New, Easy to Master Dungeons & Dragons Game (1991)
(15ème impression du Basic Set, censée être une intro à Rules Cyclopedia)
[Image: iLfPvbx.jpg]

Classic Dungeons and Dragons Game (1994)
(17ème impression du Basic Set, toujours censée être une initiation à Rules Cyclopedia)
[Image: Fe4zakp.jpg]


Advanced Dungeons & Dragons 2nd Edition, Revised (1995)

AD&D2 Rev. Player's Handbook - AD&D2 Rev. Dungeon Master Guide
[Image: knpCNWR.jpg][Image: dYQgxiZ.jpg]


Dungeons & Dragons 3rd Edition (2000) de Monte Cook, Jonathan Tweet et Skip Williams

D&D3 Player's Handbook - D&D3 Dungeon Master's Guide - D&D3 Monster Manual
[Image: oQhRTRG.jpg][Image: X8oHVEI.jpg][Image: YvRal4A.jpg]


Dungeons & Dragons 4th Edition (2008) de Rob Heinsoo, Andy Collins et James Wyatt

D&D4 Player's Handbook de Rob Heinsoo, Andy Collins et James Wyatt - D&D4 Dungeon Master's Guide de James Wyatt - D&D4 Monstrous Manual  de Mike Mearls, Stephen Schubert et James Wyatt
[Image: vqzqK83.jpg][Image: 3uLM5hs.jpg][Image: V7uLf8b.jpg]

Dungeons & Dragons 5th Edition (2015) de Mike Mearls et Jeremy Crawford

D&D5 Player's Handbook - D&D5 Dungeon Master's Guide - D&D5 Monster Manual
[Image: R9XT0BJ.jpg][Image: KU4NAkZ.jpg][Image: TJYjuDU.jpg]
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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#3
Bon, j'avais pas eu le temps de rajouter mes commentaires le soir où j'ai posté les illustrations, donc allons-y :


OD&D
Illustration de Greg Bell.

On commence par des illustrations en noir et blanc. Pour l'anecdote, l'image du viking sur un cheval pour la boîte et le manuel du joueur (qui ne portait pas encore ce nom) a apparemment été volée à un comics de "Dr Strange" de Marvel (Strange Tales #167). Pour le manuel des monstres, qui est ici le manuel des monstres ET des trésors, et pour la seule fois de l'histoire de D&D le deuxième livre plutôt que le troisième, on a ce que je suppose être un des dragons éponymes ? Faut avouer qu'il ressemble pas à grand chose. Quant à l'hippogriffe, du moins j'imagine que c'est un hippogriffe, qui apparaît sur le livre d'aventures, soit l'équivalent du guide du maître, c'est encore pire.
On voit qu'on est encore au niveau d'une publication amateure, qui n'avait pas trouvé de financement - aucune maison d'édition à l'époque n'étant intéressée par un OVNI comme pouvait l'être le premier jeu de rôle au monde.


Greyhawk et Blackmoor
Illustrations de Greg Bell.

J'ai pas grand chose à dire sur Blackmoor, mais sur l'illustration de Greyhawk, on voit ce qui est très probablement la toute première illustration d'un beholder ! Et... Il ressemble à rien. Bon, à la base, le beholder est un monstre bizarre, une aberration, donc il ressemble déjà à pas grand chose, mais là c'est vraiment juste une boule avec un œil, une bouche et les cheveux de Méduse...
On va voir que le beholder, comme le dragon, deviendra un habitué des couvertures de D&D.


D&D Basic Set
Illustration de Sutherland.

Première illustration de couverture en couleur ! La qualité s'est largement amélioré, mais ça reste en dessous de ce qu'on attendrait d'une illustration professionnelle aujourd'hui. Plutôt ce qu'on trouverait sur la couverture d'un fanzine ou d'un jdr libre publié en PDF.
On a trois figures intéressantes qui annoncent très bien le contenu du jeu :
- en face, l'adversité, représentée par un dragon rouge, un de ces fameux dragons qui ont donné le titre, et qui plus est, assis sur son trésor tel Smaug dans Bilbo, le hobbit, image archétypique s'il en est.
- de dos, deux personnages pour représenter les joueurs : un mage et un guerrier, les deux classes d'aventurier qui sont à chaque extrémité du spectre disponible aux joueurs.
Le guerrier porte une amure complète type harnois blanc, aussi appelé armure de plates, mais visiblement ça ne l'empêche pas de porter un arc. Aujourd'hui, on s'attend plutôt à ce qu'un personnage en armure lourde porte des armes de corps-à-corps (personnage avec une Force élevée et une Dextérité basse) et qu'il laisse le tir à l'arc à un personnage plus léger, en armure de cuir par exemple (personnage avec une Dextérité élevée et Force basse). J'imagine que ce n'était pas encore spécialisé à ce point (il n'y a d'ailleurs pas de classe de Ranger dans le Basic Set de Holmes).
Le magicien est vraiment illustré à l'ancienne. Aujourd'hui, dans les illustrations pour jeu de plateau par exemple, on verrait plutôt une sorte de sosie de Gandalf : un vénérable sage, vêtu d'une robe de bure grise sobre, et appuyé sur un bâton noueux. Avec son chapeau pointu et ses vêtements bleus constellés de lunes et d'étoiles, je trouve celui-ci vraiment ridicule. On dirait plus un magicien de music-hall qui s'apprête à faire disparaître son assistante ou à la couper en deux. Ou un costume pour enfant.


B/X D&D
Illustration d'Erol Otus

Illustration visiblement refaite, avec l'apparition d'un deuxième volume, pour que la paire soit dans un style unifiée.
J'aime beaucoup la mise-en-abime, avec le personnage du deuxième volume qui utilise la divination pour observer l'action du premier volume.
Sur la couverture du volume Basic, on a encore tout ce qu'il faut pour résumer : un guerrier, un magicien, un dragon éponyme. Et l'action se passe dans un souterrain ! (Le dungeon éponyme, ce mot signifiant "cachot, oubliettes" en anglais, à la différence du mot "donjon" français qui désigne la plus haute tour d'un château.)
Le dragon n'est plus un dragon rouge, mais un dragon vert. Dans l'imaginaire, le dragon est plus souvent vert (parce que c'est la couleur des lézards), le dragon rouge étant plus propre à D&D.
Le magicien est devenue une femme, pour changer. De plus, ses vêtements font plus illustration de Pulp et moins costume pour enfant - ça pourrait être une sorcière sur un Weird Tales.
Sur la couverture du volume Expert, on a encore, en train de faire un peu de scrying au travers de la fumée d'un encensoir qui a l'air de sortir tout droit du Cabiria de 1914, un magicien dans un vêtement relativement Pulp.
Globalement, le style des deux illustrations a un côté beaucoup plus professionnel que l'édition précédente. Mais malgré leurs vêtements qui font plus "Pulp", les personnages sont encore dessinés dans un style un peu cartoon, avec leurs yeux allongés et leur profil grec un peu exagéré.


BECMI D&D
Illustration de Larry Elmore.

Alors, j'aime beaucoup ces couvertures, parce qu'elles représentent très bien l'évolution du personnage et les niveaux d'aventurier qu'on est supposé jouer aux différents stades de la campagne correspondant à chaque volume.
La continuité dans le style est évidente, et donne vraiment un caractère "unifié" à l'ensemble.

Basic (niveau 1 à 3) : à ce stade, le joueur et son personnage sont censés apprendre les principes de base de la vie d'aventurier, soit le porte-monstre-trésor. On est donc dans un souterrain, comme toutes les aventures qu'on est censé jouer à ce niveau. On a un dragon sur son trésor - c'est visiblement le boss fight final. Le personnage a un équipement correct (ce n'est donc pas un monstre), mais qui pourrait être mieux (il y a donc place à la progression, une motivation à trouver des trésors, s'enrichir et pouvoir acheter un meilleur équipement). Sans doute que son bouclier, son casque, et les parties métalliques de son armure lui donnent un réel avantage face aux créatures du donjon en peaux de bête. Mais si on observe son armure, on remarque qu'elle laisse encore ses bras et ses jambes nues. Ça lui donne peut-être plus d'agilité, mais c'est aussi plus exposé, plus dangereux, que s'il portait une armure complète - mais celle-ci est encore sans doute au-dessus de ses moyens. De plus, entre le casque à cornes, la fourrure sur le dos, et cette nudité partielle, ça donne au personnage un côté encore un peu "barbare". Encore qu'on pourrait arguer que son armure pourrait aussi être inspirée d'une tenue de gladiateur, ou de la lorica hamata (la cotte de maille des légionnaires romains).
Mais j'aime bien l'idée que le personnage n'est pas encore tout à fait "civilisé", et que ça va venir au fur et à mesure qu'il va prendre de l'expérience, un peu comme un Conan, qui commence mercenaire, voleur, pirate, pour devenir capitaine, puis général, puis roi.
Le seul truc qui me laisse un peu perplexe c'est le choix du dragon. Autant, un dragon c'est iconique de D&D, je veux dire c'est la moitié du titre, donc ça a du sens d'en mettre un pour le volume qui traite des principes de base du jeu... Mais, dans le lore de D&D, les dragons rouges, spécifiquement, sont les plus puissants des dragons maléfiques, donc c'est pas forcément un très bon choix d'adversaire pour un personnage débutant. On remarque cependant qu'il n'est pas très gros. Il est impressionnant parce que cadré très près, et c'est pas si facile à estimer parce qu'il est un peu recourbé, mais il n'est finalement pas beaucoup plus grand que l'aventurier. Le guerrier lui arrive à peu près au milieu de la poitrine. On est loin des grands dracosires rouges de la 3ème édition auxquels un humain arrive à la cheville. Il y a aussi le fait que le souterrain a l'air trop étroit pour permettre au dragon de voler, ce qui lui retire un avantage certain contre l'aventurier à pied.

Expert (niveau 4 à 14) : cette fois, on a quitté les souterrains pour se trouver en extérieur, comme l'indique la forêt à l'horizon. Ce qui illustre parfaitement qu'avec ce volume, on commence à avoir des Wilderness Adventures, c'est à dire des aventures d'exploration dans la nature sauvage. Petit détail sympa, d'ailleurs, le bout de rivière qu'on voit à gauche, sans doute un clin d'œil à l'introduction également des Sailing Adventures, les aventures en bateaux, que ce soit en mer ou sur les fleuves.
Le personnage n'est plus à pied, mais à cheval. C'est plus logique vu les distances parcourues en extérieur par rapport à des aventures se passant exclusivement en intérieur. Même si, certes, peut-être possédait-il déjà un cheval avant, et n'allait juste pas dans les donjons avec, et que donc ce n'est pas forcément signe d'un enrichissement, symboliquement, ça lui donne tout de même plus de prestige d'être ainsi représenté en selle. C'est littéralement une "ascension". Le bond du cheval, d'ailleurs, semble être nécessaire pour atteindre le dragon qui cette fois peut voler.
Outre le cheval, le reste de son équipement montre également une certaine ascension sociale. Son armement est fondamentalement le même : une épée, un bouclier rond, un casque à cornes, des bottes, une armure métallique sur le torse, et ses bras sont toujours nus. Mais il ressemble moins à un barbare/gladiateur, et plus à mercenaire/guerrier professionnel : plus de fourrure, les cuisses ne sont plus nues, les cornes réduites du casque font un peu moins ridicules et peu pratiques, et il a gagné des épaulettes. Pour le torse, on est également passé d'un gilet de mailles annelées à un plastron de macles en quinconce, ou "armure d'écailles", qui en combinaison avec le cheval évoque les cavaliers sarmates, eux aussi des "barbares semi-civilisés".
Pour revenir au dragon, on a cette fois un dragon vert, ce qui est logique dans le lore de D&D puisqu'ils vivent plutôt dans les forêts. Il est donc tout à fait à sa place. Par contre, c'est un dragon plus faible qu'un dragon rouge, normalement. Il a l'air aussi plus petit que celui du premier livre, à première vue, mais il faut dire que c'est cadré d'un peu plus loin et qu'il n'est pas en pleine gueule de l'aventurier comme le précédent. Et puis, il n'est pas si petit : si on regarde bien, il est plus grand que l'aventurier et son cheval réunis. N'empêche qu'il est moins impressionnant. Le visage du premier dragon faisait pratiquement le quart de l'image, alors que le visage de celui-ci, un peu plus distant, a une taille équivalente au museau du cheval. Mais c'est peut-être volontaire : l'aventurier ayant pris quelques niveaux, les dragons sont des adversaires moins impressionnants, maintenant.

Companion (niveau 15 à 25) : avec ce troisième volume arrivent les règles des Strongholds, la création de bases fortifiées pour les aventuriers, qui à ce stade, sont tous de petits seigneurs ou équivalents (mages royaux, chefs d'antenne de la guilde des voleurs, grands prêtres d'un nouveau temple...), ce qui est illustré par le petit château qu'on voit au loin. Visiblement, l'aventurier n'est plus ici en train d'explorer un souterrain ou une forêt : il protège son domaine. Son équipement s'est nettement amélioré : il porte maintenant un harnois complet, et de plus, son épée à une main toute simple a été remplacée par une épée à deux mains qui a l'air magique, vu la lumière bleue dont elle scintille. L'aventurier évoque tout à fait un chevalier parfait, n'ayant plus rien du "barbare" qu'il était auparavant.
Le dragon, encore un dragon vert, est à nouveau dangereux, si on en croit la posture beaucoup plus défensive qu'agressive de l'aventurier (c'est aussi un signe de maturité, d'une plus grande sagesse), et le fait que ce dragon est beaucoup plus gros que le précédent, l'aventurier lui arrivant cette fois à peine au genou.

Master (niveau 26 à 36) : si le Companion commençait avec des PJ devenus de petits seigneurs et ajoutait en fil conducteur l'objectif d'agrandir leur domaine et son importance au sein du royaume, à partir du Master Set, on s'attend à ce que les PJ fondent carrément leur propre royaume. Ceci est représenté de plusieurs façons. Le plus évident : le personnage porte à présent une couronne, montrant qu'il est devenu roi. Il porte également une cape évoquant une hermine royale. Ce n'est plus un simple château qu'il protège, mais tout un pays - on voit que du château part une route qui passe par plusieurs agglomérations avant d'atteindre la mer. Et il ne se tient plus devant, il le survole dans les airs. Son équipement a légèrement changé : on a toujours un harnois complet, mais il n'est plus gris acier, mais or. D'une part, la couleur or est plus prestigieuse, et puis, comme une véritable armure en or ne serait en fait pas du tout pratique (l'or est très dense donc très lourd à porter, et se déforme trop facilement pour protéger efficacement), c'est très certainement une armure magique dans un métal merveilleux.
Changement total au niveau du dragon : ce n'est plus un adversaire mais une monture. Le personnage est ainsi tellement puissant qu'il a réussi à dompter un dragon, et pas n'importe lequel, un dragon d'or, le plus puissant des dragons métalliques et des dragons tout court. Cette monture ailée, bien sûr, évoque également l'introduction de règles pour les combats aériens.
Dernier détail : la barbe du personnage. Signe de maturité, mais aussi de vieillesse. Le personnage n'est plus un fringant aventurier, un jeune homme, mais un homme d'âge mur, accompli, qui doit protéger ce qu'il a acquis au prix de lourds efforts et de longues années. Je ne peux m'empêcher de penser au visage du milieu de l'Allégorie du temps gouverné par la prudence du Titien. Là où le jeune homme, ambitieux, n'a rien à perdre, si ce n'est sa vie, et tout à gagner, l'homme mûr, établi, a tout à perdre et peu d'espoir de gagner davantage. Plus vieux, le personnage est confronté à sa propre mortalité - et justement, ce volume introduit des règles pour tenter d'atteindre l'immortalité, seule possibilité qui reste au personnage pour progresser davantage.

Immortals (au-delà du niveau 36) : là, on change complètement de décor. Le paysage lunaire et son horizon spatial évoquent davantage une l'illustration SF que de Swords & Sorcery. Le personnage étant à présent immortel, il n'a plus besoin de porter la moindre armure, donc est aussi nu que la décence le lui permet. Sa relation avec les dragons a encore évolué : après être passé d'adversaire à monture, ce dragon-ci semble plus être une sorte d'allié, qui le suit ou reste à ses côtés. Tout puissant, le personnage n'a plus besoin d'équipement, pouvant jeter une attaque d'énergie avec un simple mouvement de bras. De plus, le personnage vole à présent par ses propres moyens, donc il n'a plus besoin de monture ailée.
En regardant cette illustration, on se demande dans quelle mesure on est encore dans du Donjons & Dragons, ce qui, au final, représente encore une fois très bien les règles du bouquin.
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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#4
AD&D (1ère à 8ème impression)
Illustration de D.A. Trampier (Players Handbook) et de David C. Sutherland III (Dungeon Masters Guide, Monster Manual).

Petit retour en arrière. J'ai mis à la suite les différentes versions du Basic Set pour en voir un peu l'évolution, et Basic avant AD&D puisque le Basic de Holmes est sorti avant la première édition d'AD&D. Mais la version BECMI de la gamme Basic est sortie dans les années 80, en fait. Or, AD&D est sorti sur la fin des années 70, donc on est avant.
Et ça se voit : ici, les trois livres de base, qui prennent pour la première fois les noms iconiques de "manuel du joueur" (Player's Handbook), "guide du maître" (Dungeon Master Guide) et "manuel des monstres" (Monster Manual), qui ne vont plus tellement changer. Bon, techniquement, là on a le livre des joueurs (Players Handbook), et le guide des maîtres du donjon (Dungeon Masters Guide), mais on y est presque. Et le manuel du monstre (Monster Manual) (à moins que ce soit "le manuel monstre", adjectif), mais ça c'est comme d'habitude.
En anglais, aussi, le jeu semble être de trouver un mot différent pour "livre" à chaque fois. Les joueurs ont un "Handbook", le maître du jeu un "Guide", et les monstres un "Manual". Malheureusement, comme "Handbook" et "Manual" se traduisent tous les deux par "manuel" en français, les éditions françaises ne conservent pas cette petite subtilité (la VF de D&D3, par exemple, avait un "manuel des joueurs", un "guide du maître" et un "manuel des monstres"). J'ai tendance moi-même à dire "livre du joueur, guide du maître et manuel des monstres", pour garder le jeu des synonymes, et d'ailleurs dans "handbook" il y a "book", "livre".

Trêve de hors-sujet, on est là pour parler des illustrations des couvertures, pas de leur titrage...
On est avant la publication du set de BECMI D&D, disais-je donc, et ça se voit, parce que les trois couvertures ne sont pas du tout uniformisées.
La première couverture, celle du manuel des joueurs, a pour centre une statue de démon aux yeux de joyaux, qui encore une fois a l'air de sortir tout droit de la scène du temple de Moloch dans le Cabiria de 1914. On a donc un ton plutôt lugubre et sérieux, encore que les aventuriers tout autour, bien que dessinés de façon plus ou moins réaliste, évoquent un peu pour moi de petits enfants qui jouent tout autour de leur père et lui grimpent dessus, ce qui donne un côté ridicule à la scène. Mais bon c'est peut-être juste moi.*
Sur la deuxième couverture, les aventuriers affrontent cette fois un véritable démon plutôt que seulement la statue d'un, mais ce démon est dans un style totalement différent. Son visage furieux me rappelle en fait les oni japonais. De plus, l'attitude et la gestuelle des personnages ont un côté un peu comics de super-héros (côté renforcé par l'héroïne qui est à poil), là où dans le précédent, si on ignorait l'effet un peu comique des deux aventuriers qui grimpent sur l'épaule de la statue, on avait des attitudes plus sérieuses et plus réalistes.
Mais au moins, la qualité du dessin est à peu près équivalente entre les deux premières, alors que pour la troisième couverture, celle du manuel des monstres, on revient à un dessin qui semble beaucoup plus amateur (et pourtant, c'est  le même artiste que la deuxième couverture). Et puis, surtout, le style n'est pas du tout le même. La première avait un style lugubre, la deuxième un style plus héroïque, mais les deux avaient un style relativement sombre, tandis qu'ici on dirait une illustration de livre pour enfants.
Bref, tout ça ne va pas ensemble.

* note après coup : je vois sur cette illustration un groupe de 6 aventuriers, dont 2 sont chargés de prendre les rubis des yeux de la statue pendant que les guerriers et le mage préparent la suite de l'exploration du donjon (d'où la carte), mais une autre interprétation possible, c'est que 2 voleurs sont en train de dérober les rubis au nez et à la barbe du groupe de 4 sentinelles ou aventuriers concurrents.


AD&D (9ème impression et suivantes)
Illustration de Jeff Easley

On a enfin une conformité entre les trois livrets. Les trois illustrations sont dans un même style (du même artiste, Jeff Easley), correspondant d'ailleurs à un supplément sorti un peu plus tôt, le Monster Manual II, que je n'ai pas mis parmi les autres couvertures puisque ce n'est pas un livre de base. Je le mettrai peut-être un peu plus tard pour comparaison.
Au niveau des titres en anglais, au passage, on passe du pluriel au singulier : de Players Handbook (livre des joueurs) à Player's Handbook (livre du joueur), et de Dungeon Masters Guide (guide des maîtres de donjon) à Dungeon Master Guide (guide du maître du donjon).

Je suis probablement pas du tout impartial, parce que j'ai grandi dans les années 80-90 (petite enfance dans les années 80 et enfance, préadolescence, adolescence dans les années 90), et qu'il y a donc pour moi un aspect nostalgique à ce type d'illustrations que je pouvais voir dans les magazines à l'époque, mais à mon avis c'est clairement sur cette période qu'on a les plus belles illustrations.

Passons à la composition.
C'est assez surprenant, mais on n'a pas du tout de guerrier sur cette couverture.
Le livre du joueur représente un magicien, aux prises avec des gargouilles, en train de jeter un sort ; le guide du maître présente une figure encapuchonnée, possiblement un sorcier ou un prêtre, ouvrant une grande porte à deux battants, et le manuel des monstres un dragon rouge en plein combat avec un groupe de pégases.
- Livre des joueurs : "vous pourrez être un magicien, devenir puissant, et vous allez rencontrer des monstres dangereux à combattre".
- Guide du maître : alors, clairement, moi ça me fait penser au jeu vidéo Dungeon Master (1987). Le jeu commençait avec un être incorporel (le joueur) qui ouvre une lourde double porte pour rentrer dans le donjon de Lord Chaos, et il y avait une fin alternative, si on retrouvait avec nos aventuriers le Firestaff au 14ème et dernier niveau, et qu'au lieu de l'utiliser pour affronter Lord Chaos, on retournait avec à la surface, où on se retrouvait face à un personnage avec une cape apparaissant derrière la double porte, Lord Order. Le jeu est sorti en 1987 et la couverture date de 1980, donc c'est plus le jeu vidéo qui s'est inspiré de la couverture que l'inverse.
Qui est ce mystérieux personnage ? Il représente sans doute "le maître du donjon" éponyme, et d'ailleurs, il semble détenir "les clés" de toutes les énigmes dudit donjon, comme le symbolise la grosse clé qu'il porte autour du cou. Pourtant, il n'a pas l'air particulièrement menaçant. (Mais après tout, le "maître du donjon", le vrai, c'est à dire le joueur qui endosse ce rôle, n'est pas forcément un adversaire des joueurs incarnant les aventuriers...). Bon, OK, son sourire figé et terne n'est pas vraiment chaleureux, mais ce n'est pas non plus un rictus sadique ou dément.
- Manuel des monstres : comme dans la version précédente, on a l'iconique dragon rouge cher au titre. Le mélange entre un dragon rouge médiéval d'un côté, et des pégases inspirés de la mythologie grecque de l'autre, représente bien l'espèce de mélange des folklores que peut être l'univers de base de D&D. Comme dans la précédente version, on n'a aucun aventurier en vue, uniquement des créatures, représentant bien qu'elles sont la thématique centrale de ce livret, mais c'est d'autant plus accentué ici, avec l'absence du centaure qui précédemment permettait encore de garder vaguement un souvenir d'humanité.
Le choix d'un combat entre un dragon et des pégases en plein vol promet également que les joueurs auront un jour la possibilité de vivre des combats aériens.


AD&D2
Illustration de Jeff Easley

Encore une fois, un triptyque d'illustrations dans un style unifié, bien que le fond blanc du manuel des monstres dénote un peu avec les couleurs plus sombres des deux autres volumes. Ça vient du fait que le manuel des montres est cette fois relégué à un simple accessoire de jeu, un supplément, et plus un livre de base. Seuls le livre du joueur et le guide du maître conservent cet honneur.
Au niveau des titres : on reste sur du singulier pour le livre du joueur et le guide du maître, mais le manuel des monstres devient le "Monstrous Manual", soit en français "le manuel monstrueux" (ici, c'est bien un adjectif).

Cette fois, à nouveau, les deux extrêmes de l'éventail des classes d'aventurier, le guerrier et le mage, sont représentés sur les couvertures, le guerrier étant présent sur la couverture du livre du joueur et le mage sur la couverture du guide du maître.
- Livre du joueur : le guerrier (ou peut-être est-ce un paladin) a l'air d'être un aventurier assez expérimenté. Il porte une armure complète hybride de plates et de maille (épaulettes et jambières en plates et chemise de mailles). Son épée tenue à une main est assez longue (probablement un peu bâtarde vu la taille de la poignée). Les ailettes sur le casque sont sans doute très peu pratiques, même si c'est sans doute moins chiant que des cornes, mais bon... c'est de l'illustration de fantasy, quoi, c'est pas censé être réaliste. (Mais avec des yeux réalistes, ça lui donne un aspect un peu ridicule, quand même...). Autre signe qu'il s'agit sans doute d'un aventurier un peu expérimenté, c'est qu'il a semble-t-il deux suivants : à leur uniforme, ce ne sont pas deux compagnons aventuriers, mais de simples soldats.
Nous voyons apparemment la scène des yeux de la créature que le guerrier monté est en train d'attaquer, ce qui donne un côté très dynamique.
Le décor n'est pas très identifiable, il sert surtout à cadrer la scène. Sans doute une sorte de passe dans la montagne, ce qui expliquerait le côté tunnel rocailleux, mais éclairé par la lumière du jour.
- Guide du maître : encore un dragon ! Il a l'air assez vieux, en plus, avec ce petit œil enfoncé dans les cernes ou les rides (comparez avec l'œil du dragon rouge du volume Basic du BECMI, par exemple). Comme le guerrier précédent, ce mage a l'air d'être un aventurier de haut niveau. D'une part, par son aspect vénérable avec sa longue barbe blanche. Ensuite, c'est donné par tout le côté psychédélique de la scène. Le décor est encore moins discernable que sur la couverture précédente. Il y a des volutes de fumée colorées, des grosses bulles qui s'élèvent vers le ciel, le feu du souffle du dragon et des flammes générées par les mains du mage, de plus, la robe du mage est floue et se fond avec sa barbe et le décor. On a vraiment l'impression d'un clash entre la magie du dragon et la magie de l'aventurier. Remarquez, les sorts de Main Brûlante et de Flou ne sont que des sorts de niveau 1 et 2, respectivement... donc pas si haut niveau que ça... Mais je pense qu'il faut bien l'être, de haut niveau, pour affronter en duel un dragon-ensorceleur un peu ancien.
- Manuel des monstres : on retrouve 3 des créatures les plus iconiques du bestiaire de D&D, un dragon rouge, bien sûr, un beholder, apparaissant pour la deuxième fois en couverture (du moins dans celles que j'ai sélectionnées, il est vrai que je n'ai pas vérifié tous les suppléments, modules et aventures de Basic et AD&D), et une liche. On voit aussi un minotaure, qui à l'instar du centaure du Monster Manual de 1979 et des pégases du Monster Manual de 1983, signale la continuité de la présence des créatures de la mythologie grecque dans le bestiaire de D&D. On voit également un thri-kreen, une sorte d'hybride entre un humanoïde et une mante religieuse, qui comme le beholder, est une création originale de l'univers de D&D et non issue d'un quelconque folklore préexistant.
Leur disposition est intéressante, certains regardant vers la gauche, les autres vers la droite, et le beholder faisant face, un peu comme un groupe de combattants encerclés par l'ennemi. Ça donne aussi un effet "galerie de personnage". On retrouve souvent ce genre de disposition dans les affiches de cinéma (cf. Avengers, Harry Potter, Star Wars... même Blade Runner, un petit peu)


Rules Cyclopedia
Illustrations de Jeff Easley.

De toute beauté encore, même s'il n'y a pas grand chose à l'image.
Première apparition d'un Ver pourpre, autre monstre un peu iconique de D&D (beaucoup moins que d'autres, certes, mais quand même), sur la couverture d'un livret de base.
Le Ver pourpre a toujours un peu dénoté dans le bestiaire de D&D, au sens où le ver géant est plutôt une créature de SF que de Fantasy (créature primordiale de l'univers de Dune de Franck Herbert, bien sûr, bien que techniquement les Dholes gigantesques de Lovecraft les précèdent d'une bonne trentaine d'années). Mais ça reste un monstre terrifiant, et apparemment, un souvenir terrible pour certains anciens joueurs vétérans...
L'aventurier à cheval, qui évoque un peu celui de l'Expert Set du BECMI de Mentzer, a ici un côté plus centurion romain que cavalier sarmate, je trouve.

La couverture du supplément Wrath of the Immortals est un peu hors-sujet, puisqu'il s'agit d'un supplément et non d'un livret de base, mais comme déjà dit, le Rules Cyclopedia est une révision de BECMI D&D qui compile les règles du Basic Set au Master Set en ignorant le Immortals Set (et les règles du Master Set d'accession à l'immortalité), or Wrath of Immortals permettait de combler ce manque et d'avoir toute la continuité de l'édition précédente de la gamme.
On voit tout de suite les ressemblances de cette couverture avec celles du Master Set et de l'Immortals Set, d'ailleurs.
Comme dans le Master Set, le personnage porte une couronne (bon ok, c'est plus ou moins un casque-couronne) et chevauche un dragon volant en guise de monture. Comme dans le Immortals Set, il est en pagne parce que son immortalité a rendu caduque pour lui tout port d'armure.
Les tons rouges donnés par le cadre de flammes, omniprésentes, évoquent cependant plus le côté un peu lugubre des couvertures des premières impressions d'AD&D dans les années 70, que le paysage SF de l'Immortals Set.


New, Easy to Master D&D Game (15ème et 16ème impression du Basic Set, celles de BECMI servant de la 12ème à la 14ème. La 18ème impression réutilise également la même illustration, mais au format portrait plutôt que paysage.)
Illustration de Jeff Easley.

Première -et seule- illustration sous le format "paysage" (horizontal) plutôt qu'au format "portrait" (vertical). Cette illustration a servi aussi pour une version jeu de plateau.
Illustration simple, comme la volonté de simplicité de cette intro au Rules Cyclopedia.
Juste un dragon rouge éponyme - évidemment - faisant face à un guerrier à la hache.
Il existe des versions moins sombres de cette illustration où à la place du fond noir, on a encore une passe de montagne comme dans le livre du joueur d'AD&D2.

Le dragon combat le guerrier, évidemment, mais comme il est présenté de face, on peut vite oublier l'aventurier et avoir l'impression qu'il fait face au lecteur et tente de l'attraper entre ses griffes ! C'est donc à la fois une menace à vaincre, effrayante, et une façon de dire "vous allez être happé, capturé, par ce jeu !".


The Classic Game of D&D (17ème impression du Basic Set).
Illustration de Jeff Easley.

C'est visiblement un remake de l'illustration précédente. On retrouve la passe de montagne, et un dragon rouge (quoiqu'il paraît orangé à l'image) affrontant un guerrier à la hache. Cependant, le guerrier à la hache à deux mains se voit rejoint par deux compagnons - qui illustrent mieux que D&D est censé être joué à plusieurs joueurs. Il s'agit d'un vieil homme en robe, qui pourrait être un mage (mais malgré son doigt levé, il n'a aucune énergie magique visible autour de lui, donc ça pourrait être un PNJ à protéger), et le centurion romain à cheval semble être le même que celui du Rules Cyclopedia. De plus, les ailettes sur le casque du guerrier à la hache rappellent le personnage du livre du joueur d'AD&D2.
Autre différence, l'attitude du dragon n'est plus du tout la même. Il n'est plus tourné vers le lecteur, mais directement vers le guerrier et le mage, et ses bras ne tentent pas d'agripper un adversaire, mais de s'agripper à la roche pour tirer le dragon et ainsi lui permettre de s'infiltrer dans la crevasse, mettant ainsi l'accent sur sa taille qui le gêne lui-même.
Le dragon parait également moins menaçant. Outre le fait qu'il n'est pas en position d'attaque, ses pattes en arrière mettant sa gueule à la merci de la hache de l'aventurier sans possibilité de bloquer les coups, son expression est moins agressive : il n'a pas le sourire sadique du précédent. Il a un côté plus animal, et moins adversaire retors. Et même s'il a des difficultés à s'infiltrer dans la faille à cause de sa taille, il est en fait moins colossal que le précédent. Dans l'illustration précédente, le guerrier paraissait minuscule devant l'immense dragon qui le dominait totalement, voire le faisait disparaître dans son ombre. Ici, le guerrier semble faire part égale avec le dragon, étant de même taille et à la même hauteur que la gueule du dragon, sa seule partie émergée et apte au combat dans cette position.


AD&D 2 Revised
Illustration de Jeff Easley.

Bon, ces deux là, je ne les trouve pas très réussies. Et pourtant c'est du Jeff Easley ! Mais c'est trop sombre, trop de noir...

- Livre du joueur : dans un couloir de donjon en arches successives, un groupe de trois aventuriers derrière le seuil d'une porte défoncée. Devant, un barbare archétypique, habillé en pagne, coiffé d'un casque à cornes et portant une grande hache à deux mains. Sa position est un peu bizarre, avec le visage de face vers le lecteur, mais les jambes et le torse de profil orientés vers la gauche. Son poing levé et le fait qu'il soit le plus près de la porte suggèrent que ce soit lui qui ait enfoncé la porte -ce qui est assez logique, traditionnellement, c'est bien la responsabilité des guerriers ou barbares. Un peu derrière lui, un homme encapuchonné armé d'un arc et d'une flèche. Sa posture penché en avant, les yeux froncés, l'arc, non bandé, pointé dans une direction différente de son regard, semble indiquer qu'il n'essaie pas d'attaquer un ennemi (même s'il reste prêt à le faire, d'où le fait qu'une flèche soit déjà encochée), mais de discerner ce qu'il y a devant. Cela indique qu'il fait sombre derrière la porte. Cela pourrait être un voleur ou un Ranger, ce n'est pas évident à déterminer - peut-être même simplement un guerrier à l'arc, mais il n'a pas l'air très armuré. Enfin, le troisième personnage, encore plus en arrière, et à droite du barbare, semble être un mage : il s'agit d'une silhouette encapuchonnée, avec ce que je devine vaguement être des éclairs d'énergie de couleur verte sortant d'un petit sceptre qu'il brandit à la main. L'image est tellement sombre et mon scan de si mauvaise qualité que c'est difficile à déterminer.
Vu le peu d'équipement, et l'absence de soldats les suivant, il semblerait que ces aventuriers soient plutôt débutants.
Un peu comme la couverture d'AD&D2 de 1989, les aventuriers nous font face, en particulier le barbare, donnant l'impression qu'ils vont attaquer le lecteur, ou du moins, que le lecteur voit du point de vue des adversaires que les aventuriers découvrent derrière la porte.
Autre élément dynamique : les débris de bois de la porte enfoncée sont encore en plein vol, l'action étant figée en plein mouvement. On aurait pu représenter la porte déjà cassée, avec les débris déjà à terre, par exemple, mais là, ils forment un demi-cercle planant à quelques centimètres au-dessus du sol, donnant un côté "explosif" au mouvement, renforcé par les rais de lumière qui servent de "traits de vitesse", comme on en aurait dans une bande-dessinée. (Pour le coup, usage assez malin ! Notre cerveau, habitué aux traits de vitesse, "lit" le mouvement, mais sans avoir besoin d'en dessiner réellement, et ainsi éviter un effet "comics" qui romprait avec la volonté d'un dessin assez réaliste. Ici, les traits lumineux ont un sens intra-diégétique, vu que les différentes planches, en se séparant, créent des aplats d'ombres là où elles cachent la lumière, et des interstices lumineux entre elles. Astucieux !) De plus, entre l'arche du seuil de la porte, et le demi-cercle des morceaux de bois, les éléments de décor créent un surcadre mettant encore plus en valeur le groupe d'aventuriers (enfin, surtout le barbare).
- Guide du maître : encore plus sombre que la précédente, on n'arrive même plus à discerner le décor. On voit deux personnages armés. Le premier, musculeux, mais ramassé, porte un sourire sardonique. Sa hache à deux lames, son torse nu et le collier d'os ou de dents qu'il porte autour du cou semblent l'identifier comme un barbare. De part son rictus, il s'agit plus d'un barbare prompt au pillage et au massacre plutôt qu'un barbare héroïque. Le deuxième personnage, maniant une hache à une main et coiffé d'un casque un peu hybride entre la cervelière (dôme de métal sur le haut du crane) et le camail (pour la partie en mailles qui lui descend sur la nuque et les côtés du cou). Il a un air particulièrement "dégénéré", avec ses yeux cerclés de noir, son gros nez plat, sa bouche aux dents inégales grande ouverte - on dirait un des hillbillies du film Deliverance. Dans le noir, au fond, on devine un troisième personnage sous un reflet bleuté, qui semble lancer une clameur, la bouche grande ouverte, le poing gauche levé et un objet non identifié (sceptre magique ? hache à une main ? piolet ou pic de guerre ?) dans la main droite.
À part celui du fond qui regarde vers la gauche (voire le coin en haut à gauche), sans qu'on sache trop pour quelle raison, les personnages regardent encore une fois vers le lecteur, comme pour l'affronter.
À la différence de l'illustration précédente, cependant, ces trois personnages, par leur expression mauvaise, leur posture recourbée ("sournoise"), leur aspect "dégénéré" (à la limite du cliché raciste sur les campagnards consanguins), les identifient clairement comme des adversaires et non des aventuriers.
Là où, sur l'illustration du livre des joueurs, on a comme dit plus haut le point de vue des adversaires sur les aventuriers, sur celle du guide du maître, on a le point de vue des aventuriers sur les adversaires.
Ce n'est pas tout. Les morceaux de bois sur le sol, que le personnage de "barbare mauvais" commence à enjamber, sont un rappel des morceaux de bois en vol de l'illustration précédente. En fait, il semblerait que les deux illustrations représentent les deux points de vue en vis-à-vis de la même scène : d'un côté, les aventuriers qui défoncent la porte, de l'autre, les créatures du donjon qui les attendent en embuscade. Les deux images ne sont pas simultanées, cependant, les planches de bois issues de la porte enfoncée étant déjà à terre sur le guide du maître, alors qu'elles sont encore en vol sur le livre du joueur. La deuxième image est donc un peu décalée dans le temps, probablement quelques secondes plus tard.

Dernier point sur l'ensemble : il n'y a que des humains. Aucun monstre étrange, même aucun humanoïde fantastique (elfe, nain). Sur aucune des deux couvertures. On avait que des humains sur la couverture du livre du joueur de 1989, mais au moins un dragon apparaissait sur le guide du maître. Sur les trois livres de base d'AD&D de 1983, on pouvait voir des gargouilles, un dragon et des pégases !
Là, rien de fantastique (à part la magie du mage, et encore, on la voit à peine !).
Cela renforce le côté terre-à-terre, sombre/lugubre, low fantasy. On dirait du Sword & Sorcery à la Conan le barbare, plutôt que de la high fantasy à laquelle les couvertures des années 80 nous avaient habitués. En fait, ce serait un jeu de rôle Conan plutôt que des manuels de D&D, je ne serais même pas choqué.
Après, un retour au lugubre / quasi réalisme comme le livre des joueurs d'AD&D de 1977, plutôt qu'au côté grande gueule des années 80 n'est pas forcément un mauvais choix (et peut-être influencé par la mode des années 90 des comics américains super sombres et moralement ambigus), mais bon, là, il y a vraiment rien qui fait rêver. Je veux dire, il y a quand même un élément criant : pour la première fois dans l'histoire des couvertures des manuels de base de Donjons & Dragons on n'a pas un seul foutu dragon, c'est quand même un comble ! Bon, on a au moins un donjon, donc les éléments du titre ne sont pas tous absents.
Bref, comme déjà dit, dans l'ensemble, je trouve ces deux couverture assez mauvaises. Et pourtant, on peut voir que même sur une couverture mauvaise, on a des choses à dire et des éléments intéressants à trouver ! (La structure en vis-à-vis et l'astuce des rais de lumière.)
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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#5
D&D3
Illustration de Henry Higgenbotham

Fini l'ère de Jeff Easley, malheureusement. Et surtout, choix que je trouve regrettable, on passe à une illustration de couverture de type plus abstraite.

- Livre des joueurs : on imite une couverture de cuir, tels les vieux tomes, avec des gonds et loquets en dorure, et même quelques petites pierres précieuses ou semi-précieuses en décoration. Les gonds et loquets, bien sûr, évoquent aussi une porte. Le dessin central représente une épée sur un livre ouvert, le tout inscrit dans un cercle (ou, plus exactement, le livre est inscrit dans le cercle et l'épée le transperce).
Dans les anciennes couvertures, on aimait bien représenter les deux classes les plus archétypiques : le guerrier et le mage. Ici, on les représente de façon abstraite. L'épée est le symbole du guerrier et le livre le symbole du mage. Le cercle est un cercle tout simple, mais il pourrait également représenter un anneau magique. Bien sûr, la façon dont l'épée est disposée par-dessus évoque également une épée posée sur un bouclier, comme on pourrait voir sur un râtelier d'armes par exemple. Notons également la forme abstraite qui décore la charnière dorée en bas à gauche : elle ne représente rien de particulier, mais évoque tout de même la forme d'une clé (avec une partie vaguement circulaire en bas, un tronc droit et des aspérités au-dessus), permettant ainsi d'avoir la classe des voleurs (renommés "roublards" à partir de cette édition) représentée par un symbole sur la couverture. De même, la décoration de la charnière en haut à gauche, un grand L traversant un cercle ou un O dans lequel est inscrit un B, ressemble tout à fait à une grande hache de bataille type francisque (le L) posée sur un bouclier (le cercle, avec le B soit comme poignée, soit comme umbo), et représenterait ainsi la classe des barbares.
Les pierres colorées, bien sûr, sont là pour évoquer les gemmes et autres trésors que les aventuriers sont susceptibles de trouver.

- Guide du Maître : cette fois la couverture imite un livre sécurisé par une sangle fermée à clé, comme peut l'être un journal intime. Une façon de dire "ce livre contient les secrets du MJ, pas touche pour vous les joueurs". Autour de la sangle apparaissent également des rouages ou mécanismes complexes, qui seraient inutiles sur ce type de livre qui existe vraiment, mais renforce l'aspect "porte" du livre. Il s'agit en fait d'évoquer les pièges qu'on peut trouver dans les donjons. Une façon de rappeler le rôle du maître de donjon de préparer les pièges et les énigmes pour les joueurs.
En bas à droite, on retrouve la même décoration ressemblant à une clé qu'on avait sur le livre du joueur. C'est à nouveau la métaphore "la clé des énigmes" qu'on avait sur le guide du maître de 1983.
On a à nouveau quelques pierres colorées, évoquant les trésors cachés derrière les pièges et les énigmes. Ici, au lieu de couleurs variées, uniquement des pierres bleues, correspondant à la couleur dominante de la couverture.

- Manuel des monstres : encore quelques pierres colorées, rouges cette fois-ci. D'une part pour rester en accord avec la couleur dominante, encore une fois, mais aussi pour évoquer la couleur du sang, le sang des aventuriers que les monstres vont verser. On retrouve encore des charnières, et une pièce au milieu à droite ressemblant à une pièce de métal servant à sceller un livre, mais ici, le livre à moins l'aspect "livre sécurisé" que les précédents. En effet, on voit des fractures en dents de scie en haut et en bas, un peu comme si une porte de bois avait été enfoncée ou si on avait cassé un trou dans un mur - effet renforcé par l'aspect de peinture écaillée autour des fractures. À l'intérieur du "trou", la couleur rouge dominante est donnée par un fond d'écailles, probablement les écailles d'un dragon rouge vu leur taille. L'élément ou détail central est un œil dans un cercle (ou deux cercles concentriques, plutôt), le tout dans un pentagone pointé vers le bas. Il ne s'agit pas d'un œil humain : la pupille en forme de fente et l'iris zébré de couleur vive ressemblent à ceux qu'on pourrait trouver dans l'œil d'un serpent ou d'un lézard. En combinaison avec les écailles, il s'agit certainement d'un œil de dragon. Je ne suis pas sûr de la signification du pentagone. Peut-être pour évoquer un pentacle ou pentagramme, traditionnellement symbole de magie, surtout de sorcellerie maléfique quand il est pointé vers le bas (magie protectrice quand pointé vers le haut). Les 5 pierres rouge rubis disposées en étoile, autour du cercle intérieur, mais à l'intérieur du pentagone, renforcent cette idée.
Le pentagone conserve également l'aspect abstrait et décoratif de la couverture : on a ici un détail, ressemblant à un œil, posé sur une toile de fond représentant des écailles de dragon. Sans le pentagone, on aurait directement un œil de dragon, comme si la créature nous observait à travers le trou dans la porte ou le mur. L'image est bien sûr faite pour nous évoquer cette situation, mais sans la dépeindre réellement.


D&D4
Illustration de Wayne Reynolds

Bon, je vais sans doute absolument pas être impartial vu que je n'aime pas le concept de D&D4 qui est trop MMORPG (encore que j'ai adoré l'édition D&D3 et ça ne m'a pas empêché de ne pas en aimer l'illustration de couverture), même si en la lisant un peu, elle n'a pas que de mauvaises idées, mais en tout cas, je n'aime vraiment pas ces couvertures.

La bonne nouvelle, c'est qu'on laisse tomber le côté abstrait des couvertures de D&D3, pour revenir à du figuratif, ce que je préfère largement.
Mais franchement, je n'aime pas les couleurs. Elles ont un aspect terne, verdâtre... Je sais pas, c'est difficile à expliquer. Mon premier réflexe a été de dire "on dirait l'illustration de la vieille boîte d'Everquest". Sauf qu'en fait, non, je suis allé retrouver l'illustration de la boîte d'Everquest sur Google, et les couleurs sont mieux par comparaison. Donc, je ne sais pas ce que ça me rappelle, mais par rapport aux illustrations de Jeff Easley (sauf celles d'AD&D2 Revised), qui elles m'évoquaient les couvertures Pulp des Weird Tales ou les magnifiques illustrations de la collection Science Fiction - Fantasy de l'éditeur Pocket, je trouve que ça fait au rabais.
Bon, la composition.

- Livre du joueur : on a deux aventuriers au premier plan, puis deux autres un peu plus loin en arrière-plan, à gauche, dans un décor de grotte aux tons bleutés, ce qu'on peut identifier par le sol rocailleux inégal et les stalactites tombant du plafond. La couleur bleue dominante est un rappel des deux bandeaux de titre.
Les deux personnages du premier plan, fidèles à la tradition, sont un guerrier (à gauche, identifié par sa grosse épée à deux mains et son armure métallique), et un mage (à droite, identifié par la robe, le bâton de mage et la flamme sortant de sa main droite).
Derrière eux, nous avons apparemment un nain barbu en armure complète et bouclier, possiblement un prêtre étant donné qu'il est armé d'une masse d'armes plutôt que d'une hache, et derrière lui, un elfe magicien, si j'en juge par sa silhouette élancée, son oreille effilée et son bâton.
Alors. Je sais que j'aimais pas trop quand il n'y avait que des humains partout dans les illustrations sans aucune créature fantastique, hein, c'est Donjons & Dragons pas Game of Thrones ou Conan, donc on s'attend à un monde fantastique plutôt qu'à un réalisme terre-à-terre (encore que, la présence exclusive d'humains sur le livre du joueur d'AD&D2 de 1989 ne me gênait pas trop), et d'ailleurs même la couverture du livre de joueur d'AD&D de 1977, lugubre et low fantasy, avait une quelconque créature à dents de crocodile vaguement crevée en arrière-plan derrière les aventuriers/gardes exclusivement humains. Autant, là, on a l'excès inverse : pas un seul humain représenté parmi les aventuriers. On a un elfe et un nain en fond (bon, il était temps d'en représenter sur le manuel des joueurs, quand même, depuis le temps que ce sont des races de base), et devant, un Dragonborn et une... 
Ouais, ok, elle, c'est peut-être une humaine. C'est difficile à dire, on ne voit pas ses oreilles, mais mon premier réflexe, vu sa silhouette, c'était de penser que c'était une demi-elfe.
Je trouve qu'on est trop dans le high fantasy, pour le coup. Ça fait trop personnages de jeux vidéo. C'est peut-être la mode des RPG actuels, mais c'est un peu comme cette image promotionnelle pour Gloomhaven, moi j'accroche pas quand on te vend que tous les personnages, de base, sont des persos bizarres ou de races monstrueuses ou complètement déjantées. J'aime bien l'idée d'un personnage ancré dans la réalité, qui, ok, par la suite, avec l'expérience et la découverte d'objets magiques, va devenir une sorte de demi-dieu déchaînant les énergies magiques ou enchaînant les monstres gigantesques au corps-à-corps. Et l'intérêt d'avoir, de temps en temps, un personnage qui était d'une race monstrueuse, ou demi-dragon, demi-démon, que sais-je, ça donnait un côté exotique, voire complètement "alien" au personnage. Là, on me vend comme le nouveau "normal" que les personnages, de base, sont des créatures hyper fantastiques, overpowered, auxquelles je ne peux absolument pas m'identifier parce qu'elles sont trop loin de la réalité concrète, et qui, paradoxalement, ont même perdu leur mystique étrange, vu que maintenant, tout le monde est hyper fantastique de toute façon. Je sais que je suis chiant, mais voilà, j'aime pas la multiplication des races magiques bizarroïdes (jouables).
Enfin... Le Dragonborn étant une nouveauté de cette édition en tant que race jouable pour les aventuriers, je dois admettre que ça n'est pas illogique qu'il soit représenté sur le manuel de base des joueurs...
Autre détail qui me donne un sourire narquois : je remarque que la fille magicienne est quand même habillée en haut de bikini avec ses seins prêts à exploser hors de son décolleté. Alors que depuis AD&D2, "l'édition de la censure", on était censés être dans un nouveau D&D post-sexisme qui abandonnait la nudité excessive gratuite qu'on trouvait autrefois partout dans les illustrations intérieures d'aventurières et de créatures. Et là, paradoxalement, on a une héroïne à moitié à poil en pleine couverture, pour la première fois depuis l'aventurière nue sur le guide du maître de 1978.
Bon, qu'est-ce qu'il y a à dire de bien, sur cette couverture. J'essaie.
La robe rouge de la magicienne et l'orange de son sort de flamme donnent un contraste sympathique avec les tons bleus et verts dominants du décor. Ce qui la fait ressortir encore plus à l'image.
La structure en écailles en forme de chevrons de l'armure du guerrier Dragonborn fait un rappel des écailles de sa peau naturelle - une façon de signaler "je suis fier de mon héritage", petit détail sympathique. (Par contre, son épée est vraiment RIDICULE, avec sa largeur et son épaisseur hyper exagérées et sa forme à l'ouest.)
Comme plusieurs fois précédemment, les deux aventuriers font face, comme affrontant à des adversaires dont le lecteur aurait volé le point de vue.

- Guide du Maître : là encore, on retrouve des éléments traditionnels de couverture, avec le retour d'un dragon rouge (absent de l'AD&D2 revised, et à peine suggéré de façon abstraite sur le manuel des monstres de D&D3), dans une caverne, veillant sur son trésor : on les voit à peine, mais il y a des poteries pleines de pièces d'or sous le bandeau rouge. À propos du bandeau rouge, comme pour le livre précédent, sa couleur est rappelée par la couleur dominante de l'illustration, mais cette fois, celle-ci n'est pas donnée par le décor (plutôt verdâtre), mais par les écailles du dragon, qui par sa taille prend quasiment toute l'image. Accessoirement, ce rouge est renforcé par le contraste avec sa couleur complémentaire, le vert, dont sont teintées les parois rocheuses de la grotte.
Détail très sympathique, le petit clin d'œil aux deux couvertures mises en abime l'une de l'autre du B/X D&D de Moldvay et Cook, où un magicien sur le volume Expert espionnait, via un sort de divination, la scène de combat contre un dragon sur le volume Basic. Ici, la situation est pratiquement inversée, puisque c'est le dragon qui espionne les aventuriers au travers d'un orbe magique, l'observé étant devenu l'observateur. (Pas tout à fait inversée, cela dit, puisque comme dans B/X, c'est un guerrier et une magicienne qui sont espionnés.) En conséquence du fait que l'illustration du livre des joueurs soit reprise dans la vision de l'orbe magique, la couleur bleue qui y était dominante crée un deuxième contraste au centre de l'arc de cercle rouge formé par le dragon.
Le dragon n'est pas face au lecteur, il ne le regarde pas, totalement concentré sur la vision de l'orbe. Ceci donne un côté moins animal / bestial au dragon, comme il pouvait en avoir un sur la couverture B/X par exemple, et plus adversaire intelligent, stratégique, sournois. C'est un véritable "vilain", et non pas un simple monstre.

-Manuel des monstres : pas grand chose à dire. Le décor est de piliers de pierre séparés par des arches, un peu comme une cathédrale de style roman. Le personnage central et de premier plan est un démon, avec des ailes de chauve souris, une tête de bélier ou de bouc, des défenses de sanglier et une queue de lézard bardée de piquants. Sa peau rouge ressort sur un fond plutôt verdâtre voire jaune. Dans le fond, derrière lui à droite, on voit trois morts-vivants non-identifiés, possiblement une momie ou liche et deux âmes-en-peine (reconnaissables à leur silhouette de robe spectrale). Le mort-vivant central génère de l'énergie magique dans ses deux mains, signe qu'il s'agirait plutôt d'une liche, ou au moins d'un squelette ou zombi capable de jeter des sorts.
Le démon semble attaquer au corps-à-corps avec un sceptre bizarre, composé d'un manche de vertèbres coiffé d'un crane humain qui a l'air à moitié spectral.
Bref, personnage encore une fois un peu too much et grande gueule.


D&D5
Illustrations de Tyler Jacobson (livre du joueur et guide du maître) et de Raymond Swanland (manuel des monstres).

J'aime pas les deux premières. Ça fait moins illustration SF/Fantasy à la Easley et plus graphismes dessinés par ordinateur. C'est trop clean. Bof.

Livre du joueur : "dans un décor enflammé, le géant de feu, le Roi Snurre, appelle ses molosses infernaux pour l'aider à affronter des invités indésirables". Snurre est en effet colossal et prend la majeure partie de l'image. Sa taille est aussi mise en valeur par la différence avec les deux aventuriers, petits comme des enfants par rapport à lui. Le feu de ses yeux, qui se détache sur sa peau grisâtre, est un rappel des tons orangés provenant des flammes du décor. Ces yeux de feu l'identifient comme un géant de feu (à la différence d'un géant des collines ou d'un géant du gel, par exemple), tout en lui donnant un aspect particulièrement sauvage et furieux. Niveau équipement, il tient une énorme lame d'épée à la main droite, mais qui proportionnellement semble être une épée courte pour lui, indiquant bien qu'il est une menace. Il porte également une armure d'os, renforçant son côté sinistre (l'os symbole de cadavre donc de mort). D'autant que cela sous-entend qu'il lui a fallu tuer une créature aussi énorme, possiblement un dragon vu la forme du crâne qui lui sert de casque, pour se confectionner cette armure, et donc qu'il est plus fort qu'un tel monstre.
Je ne vois qu'un molosse infernal sur l'image, pas plusieurs, mais l'image est incomplète : elle se poursuit sur la quatrième de couverture, sur laquelle on voit apparaître le deuxième molosse. Les yeux de feu du molosse infernal sont identiques à ceux de son maître, renforçant l'idée qu'ils font partie de la même équipe, voire que le maître contrôle mentalement son animal ou que le chien fait partie intégrante du maître.
Les deux aventuriers sont un elfe avec une épée longue et fine et un arc dans le dos, et une humaine ou demi-elfe avec un bâton de mage et exsudant de l'énergie magique bleu électrique de sa main droite. Le fait que la magicienne soit le plus agressif et le plus proche au corps-à-corps des deux aventuriers, attitude un peu surprenante pour une classe d'habitude si fragile, peut être un indice que cette édition permet aux classes traditionnelles d'être plus souples, avec plus de sorts permettant d'être au contact pour les mages ou la possibilité d'accéder à la magie même pour les guerriers purs, sans multiclassage.
Le décor en feu ne l'est pas seulement pour indiquer qu'on est bien dans le domaine du géant du feu (d'où le rappel de couleur entre les yeux et les flammes), c'est aussi pour renforcer l'idée de danger pour les personnages : l'environnement lui-même est un ennemi. Peut-être sont-ils dans une caverne ouvrant sur un volcan éveillé. Le combat en est d'autant plus épique.

- Guide du Maître : "l'archi-liche Acererak levant une armée de morts-vivants qu'il se prépare à déchainer sur un monde n'en soupçonnant rien". La liche prend la majeure partie de l'image et est complètement centrale. Comme précédemment, la présence d'une figure humaine à ses côtés permet d'en mesurer la taille : sans être gigantesque, elle est très grande et imposante.
Le décor du fond est indiscernable, sans couleur et dissimulé par des volutes de fumée. On ne peut porter son attention que sur la liche. Il est possible que les deux personnages se tiennent sur un charnier. On voit une tête en armure, possiblement un nain, en bas à droite derrière le guerrier humain.
L'humain en armure complète au premier plan doit être le premier mort-vivant relevé par la liche, si l'on en juge par ses yeux blancs complètement vides, et l'énergie magique violette semblable à une volute de fumée qui s'échappe de son corps ou au contraire le pénètre (le sens n'est pas évident à déterminer). Cette énergie magique, par sa couleur comme sa forme de fumée, est un rappel de la fumée colorée qui s'échappe de la torche / du bâton de magicien que la liche brandit. Autre détail intéressant, les lignes de fumée entre la main de la liche aux doigts écartés, et le dos et la nuque du guerrier en armure, ressemblent à des ficelles partant du bout des doigts de la liche. Cela évoque l'image d'un marionnettiste tirant les ficelles de sa marionnette, et c'est probablement volontaire, le mort-vivant sous son contrôle devenant véritablement sa marionnette au sens figuré du terme, un simple pantin obéissant aux ordres.


- Manuel des monstres : "le Xanathar prenant en embuscade des explorateurs dans les plus sombres profondeurs de Montprofond, prouvant que les intérêts de ce maître du crime beholder s'étendaient profondément sous la cité d'Eauprofonde". Cette image fait moins jeu vidéo et un peu plus illustration classique. Le personnage central est à nouveau un beholder ! C'est la troisième fois qu'il en apparait un sur une couverture dans les exemples que j'ai donnés.
Le beholder lui-même est magnifique, prenant la majeure partie de l'image, avec des yeux malsains à regarder et une bouche remplie de crocs qui a l'air particulièrement meurtrière ! Le décor semble, une fois n'est pas coutume, être extérieur plutôt qu'un souterrain (on aperçoit ce qui paraît être le ciel nocturne). Il n'en est rien, puisque la légende nous dit qu'on est dans le méga-donjon de Montprofond. Pourtant, avec la foudre qui tombe, on jurerait être dehors en pleine tempête, ce qui aurait rajouté une touche apocalyptique (en vérité, c'est sans doute le monstre qui jette des sorts d'éclairs). Le beholder survole un escalier dans le sens de la descente, ce qui lui donne doublement l'avantage de la hauteur (d'autant qu'il n'a pas de jambes à défendre, ce qui est la principale faiblesse d'une position surélevée) par rapport aux deux aventuriers. 
Ceux-ci sont un guerrier nain en armure maniant un marteau de guerre à deux mains, style masse de chantier, et un combattant à l'épée avec un style un peu moyen-oriental, autant par ses traits que par son port du turban. Leurs expressions et leurs armes brandies indiquent assez clairement qu'ils combattent le beholder, au contraire d'être ses compagnons, mais s'ils lui "font face" au sens figuré, ce n'est certainement pas le cas au sens propre, puisqu'ils lui tournent le dos, encore que le nain commence vaguement à se retourner. Cette position, en plus de nous permettre à nous, observateurs, de mieux les voir puisqu'ils nous font face, contribue à dépeindre leur surprise et l'idée d'embuscade.
En cherchant bien, on peut voir d'autres détails. En bas à droite, la couleur orangée, je pense, est une lanterne que le personnage oriental laisse tomber dans sa surprise. En haut à gauche, nous avons une gargouille volante ou chauve-souris géante. En dessous d'elle, illuminé par l'éclair bleuté, on dirait bien que c'est un bras nu, tendu ? Un mort-vivant ? Une victime ? Vue sa taille et sa position dans le décor, c'est sans doute une statue. Ce que je prenais pour un pilier en ruines doit donc être son torse nu. (Après avoir regardé une version plus grande de l'image sur internet, c'est bien une statue, et les éclairs semblent jaillir de ses yeux.) Sur la droite du beholder, on peut voir aussi un pilier ondulé et hérissé de piquants en forme de lames de hache, ce qui évoque d'autres monstres.
Touche intéressante aussi, l'opposition entre les deux sources d'éclairage : la lumière bleu électrique en haut à gauche et la lumière rouge-orange feu en bas à droite.

Dernière observation sur ce triptyque : il n'y a aucun dragon, sur aucune des couvertures. C'est un mauvais point.
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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#6
En bonus, l'illustration du Monster Manual II, comme promis.

Advanced Dungeons & Dragons (1977-1979) de Gary Gygax

AD&D Monster Manual II (1982)
[Image: s6vlq3q.jpg]
Illustration de Jeff Easley

Comme dit lors de mes commentaires de couverture, c'est la première illustration de couverture par Jeff Easley, et celle qui allait donner le ton pour un visuel unifié dans la version d'AD&D 1ère édition de 1980-1983.


Je vous mets aussi l'illustration de couverture de la 18ème impression du Basic Set de D&D. Comme je le disais, c'est la même image que pour les 15ème et 16ème impressions.

Dungeons & Dragons Rules Cyclopedia (1991) de Aaron Allston

The Classic Dungeons & Dragons Game (1996)
(18ème impression du Basic Set, censée être une intro à Rules Cyclopedia)
[Image: VVTTcXl.jpg]
Illustration de Jeff Easley

Comme dit précédemment, on passe d'un format paysage à un format portrait et on voit mieux le guerrier à la hache cette fois-ci.
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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#7
Couvertures du dernier supplément officiel. À gauche, celle par défaut, à droite l'édition limitée.



[Image: dungeons-and-dragons_tashas-cauldron-of-everything.jpg]

Un joli exemple de couverture qui illustre littéralement le titre et guère plus. Vu que le titre et la description suggèrent un pot-pourri de choses qui n'ont pas trouvé leur place ailleurs, la logique aurait été de montrer le contenu du chaudron, où mijotent plein de choses différentes et variées, ou de les faire jaillir en un maelström, qu'importe, tant qu'on les voit.

Ça sent un peu le symptôme de la très grosse boîte où le rédacteur en chef et le responsable des illustrations sont deux personnes différentes qui ne communiquent pas assez.

À titre de comparaison, la couverture d'un récent supplément non officiel qui a eu son petit succès, dont les différents éléments textuels et visuels sont nettement plus cohérents entre eux :



[Image: 314622.jpg]
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#8
Le dimanche 26 septembre, lors de la D&D Celebration 2021, l'équipe Dungeons & Dragons de Wizards of the Coast a annoncé une nouvelle version de D&D !
Il s'agirait sans doute plutôt d'une édition 5.5 que d'une édition 6. En tout cas, elle est annoncée comme rétrocompatible avec tous les suppléments D&D5 sortis jusqu'ici.

La sortie est prévue pour 2024, à l'occasion du 50ème anniversaire de Donjons & Dragons.

Les choses qui ne devraient pas changer :
- un système centré sur le d20
- le concept de "bonded accuracy" (en gros, pas de gonflement à outrance des stats des persos)
- les 6 caractéristiques de base et les jets de sauvegarde

Les choses qui vont sans doute changer :
- alignement des sous-classes du manuel de base sur les sous-classes des suppléments et leurs nouvelles idées
- plus d'explications au MJ sur comment tel monstre est censé se comporter au combat, idées de tactiques/stratégie pour chaque monstre
- abandon des bonus raciaux aux caractéristiques pour un système plus souple où on peut avoir les caractéristiques qu'on veut quel que soit son type de personnage

Mais pour l'instant, tout ça n'est que spéculation !
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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#9
Mais pourquoi ça s'apelle, Dungeons and Dragons, au fait ?
Et en français "Donjons et Dragons"

La première campagne de D&D a été inventée par Dan Arneson,  avec sa campagne Blackmoor. Au début, il a utilisé les règles de Gary Gygax pour son wargame Chainmail, notamment le module de supplément à Chainmail permettant de jouer des créatures magiques, des sorciers, des monstres mythologiques et des héros assez extraordinaires pour les affronter (sans lequel Chainmail était simplement un wargame médiéval historique, dénué de fantastique), et a improvisé le reste au fur et à mesure. Mais assez vite, il a créé ses propres règles, celles de Chainmail ne lui convenant plus.

Gary Gygax (une sommité dans le monde du wargame à l'époque, en tant qu'arbitre, même si Chainmail était le premier wargame qu'il a conçu lui-même) finit par être invité à une partie de Blackmoor maîtrisée par Arneson, et découvre ainsi ce "nouveau jeu", ce nouveau concept où on incarne un personnage dans un monde fantastique pour lui faire vivre des aventures.
Il est très impressionné, et d'après Rob Kuntz (un des premiers joueurs et contributeurs de D&D), "froidement jaloux".

Arneson est peut-être, finalement, celui qui a inventé le concept de jeu de rôle. Dans sa campagne Blackmoor, on a déjà des éléments fondamentaux, comme le fait, comme dit plus haut, d'incarner un personnage et un seul qu'on "joue", comme on joue un rôle, et non pas une armée de soldats de plomb anonymes, ou encore, le fait de déterminer le résultat de certaines actions par un jet de dés, ou bien le fait que les personnages deviennent plus forts avec l'expérience. De plus, dans sa campagne Blackmoor, on explorait déjà des souterrains, et il y avait des monstres, des pièges et des trésors ! On est déjà très proche du concept final de D&D.

Mais si Arneson est peut-être le plus créatif/novateur des deux, Gygax sera peut-être le plus visionnaire/pragmatique/commercial. C'est lui qui voit qu'on peut faire quelque chose de plus de ce jeu, quelque chose qui peut être distribué à un grand public et faire du profit. En l'état, le travail d'Arneson n'est pas commercialisable. Ses notes sont griffonnées sur un papier, il a peu de règles précises, et il improvise au fur et à mesure des besoins des joueurs. On ne peut pas faire un produit avec ça.
Gygax va donc "codifier" un certain nombre d'autres éléments qui vont achever de donner à D&D la forme qui nous est familière. C'est lui qui invente les classes d'aventurier, le fait que les "donjons" à explorer se divisent en "niveaux", et chaque niveau plus profond est plus difficile, avec des monstres eux-mêmes d'un niveau différent, et les aventuriers eux-mêmes augmentent en "niveaux", etc.

Les premiers à tester la version du jeu de Gygax (qui jusque là porte seulement le titre de travail "the fantasy game") sont ses enfants, son fils et sa fille. Ils joueront, respectivement, un Magic User elfe appelé "Melf" (venant de l'annotation "M-Elf" pour "Male Elf"), qui donnera son nom à des sorts célèbres de D&D (notamment la "flèche d'acide de Melf") et une Cleric.
Après quelques tests, des ajustements (le tout en collaboration à distance avec Arneson), Gygax est convaincu qu'il a quelque chose qui est utilisable par un public non initié, un produit qui peut être vendu. Mais il sait qu'il faut trouver un nom "vendeur".
Il part déjà de l'idée qu'il faudrait deux termes en symétries "X et X", parce que ça crée un rythme, ça rentre dans la mémoire, c'est bien…
Mais quels termes ?
Il prend donc une feuille de papier, et il écrit dessus toute une liste de mots qui ont un rapport avec le jeu. Ça peut être des noms d'objets ("swords", "axes", "traps", "armor", "shield", treasure"...), des mots liés à la magie ("wizards", "spells", "scrolls", "wands"...) ou des noms de monstres et créatures fantastiques ("gryphons", "dragons", "elves", "goblins", "trolls"...).
Ensuite, il prend la feuille de papier, va voir ses enfants, et lit chaque mot de sa liste un par un.

Il remarque que deux mots, en particulier, font apparaître des étoiles dans les yeux de sa fille.
Les mots "dungeons" (soit littéralement "cachots", ou "geôles") et "dragons".
Le jeu s'appellera donc "Dungeons & Dragons".
En plus ça fait une allitération en D et une assonance en /ən/ (au moins en américain, peut-être pas en anglais britannique…)

Mais qu'en est-il de la version française ?
Car l'anglais dungeon et le français "donjon", s'ils ont évidemment la même origine, sont en fait des faux amis…
Alors, pourquoi ?

Bon. À l'origine, au milieu du moyen-âge (vers 1160), le mot "donjon" désigne la tour la plus haute d'un château-fort. (Ça vient du mot latin dominus, "maître" ou "seigneur", donc en gros la "tour maîtresse" du château.)
C'est donc ce sens qu'il a aussi quand le mot est adopté en Angleterre. (Comme on le sait, depuis la conquête normande de 1066, l'Angleterre a une population essentiellement anglo-saxonne -à part les Gallois qui sont celtiques- qui parle un langage germanique, et une aristocratie normande qui parle français, et c'est à cette période que beaucoup de mots d'origine française et/ou latine sont importés dans la langue anglaise.)
Mais à partir de là, le sens du mot va évoluer différemment des deux côtés de la Manche.

En effet, en France, comme la plus haute tour était aussi la plus fortifiée, la plus sûre, eh bien, c'est souvent là où le seigneur et sa famille résidaient.
Ainsi, petit à petit, le mot "donjon" a pris le sens de "partie du château-fort où réside le seigneur du château et sa famille". Et c'est le sens qu'il a toujours aujourd'hui, et normalement, celui que vous avez appris à l'école quand vous avez fait le moyen-âge.

Mais le "donjon", la tour la plus fortifiée du château, c'était aussi souvent là que le seigneur enfermait ses ennemis. Il avait souvent des geôles, des oubliettes, des cachots ou des cellules de prison, dans les sous-sols de son donjon. Car, quel meilleur endroit pour une prison que la partie la plus gardée et la plus solide du château ?
Alors, pour des raisons similaires qu'en français (par métonymie, en fait), le mot dungeons (souvent au pluriel) a pris le sens de "cachots" ou "oubliettes", et n'a plus du tout désigné la tour la plus forte d'un château.
(Note : le mot "donjon" a aussi été utilisé en français dans ce sens de "cachots du donjon" dans certaines oeuvres au 19e et début du 20e siècle.)

Du coup, dans la locution Dungeons & Dragons, le mot Dungeon a une connotation beaucoup plus sinistre, beaucoup plus "dark fantasy" qu'il ne l'a en français.
Ça évoque des phrases du genre the young princess and love of our valiant hero is kept in the dark dungeons of the evil sorcerer -quelque chose comme "la jeune princesse et grand amour de notre vaillant héros est retenue dans les sombres cachots du maléfique sorcier"... ou dans les contes français on dirait aussi "les geôles froides"... enfin bref…

"Donjon" n'a pas du tout la même couleur en français, c'est un mot beaucoup plus neutre. Et surtout, bah, il n'a pas le même sens, tout simplement.

On aurait donc pu choisir de faire une traduction purement littérale du titre Dungeons & Dragons, par exemple "Cachots et Dragons" ou "Oubliettes et Dragons", pourquoi pas ?
Mais de toute évidence, il a été décidé que, même si le sens n'est pas tout à fait le même, c'était quand même mieux de préserver l'alitération (et les initiales D&D) et l'assonance. Car là, je pense qu'il s'agit d'un choix (marketing), et non pas d'une erreur de traduction.
Clairement, "Donjons et Dragons", ça claque mieux que "Geôles et Dragons".

Et puis, on pourrait presque dire qu'aujourd'hui, le sens du mot "donjon", en français, a presque évolué à cause de Donjons et Dragons.
Certes, dans un contexte historique/médiéviste, "donjon" signifie toujours "la tour où habite le seigneur et sa famille".
Mais dans un contexte ludique, plus nécessairement uniquement que dans le cadre de Donjons & Dragons, mais plus largement, également dans les jeux vidéo, les jeux de plateau et les autres jeux de rôle, un "donjon", ça devient, au sens le plus strict, un souterrain à explorer pour des aventuriers, et plus largement, d'un point de vue game design, pratiquement tout cadre d'une aventure d'un jeu de type "dungeon crawl". Un donjon peut être une prison ou un souterrain sous une haute tour, certes, mais ça peut aussi être un temple (abandonné ou habité par une secte maléfique), des catacombes, un quartier général, un camp militaire, la tanière d'un monstre, le repaire d'un groupe de brigands ou de pillards, une nécropole, une ancienne forteresse ensevelie, etc. etc. Même une forêt magique où les clairières et les sentiers ont remplacé les salles et les couloirs, ça peut être un "donjon", finalement.
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions -mantra psi
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