30/01/2019, 18:15
If every pork chop were perfect, we wouldn't have hotdogs.
Sur le papier, Cultist Simulator est le jeu parfait. Vous pouvez y apprendre en autodidacte le grec ancien pour ensuite lire dans le texte un ouvrage antique qui est lui-même une mauvaise traduction d'un des plus vieux documents écrits de l'humanité, et y découvrir un rituel qui, à l'aide d'une paire de gants bien trop écarlates que vous a procuré contre espèces sonnantes et trébuchantes un type louche rencontré au clair de lune, transformera votre terreur existentielle en une créature d'au-delà du miroir que vous enverrez assassiner votre patron tyrannique pour alléger vos journées de travail et ainsi vous débloquer plus de temps pour étudier cette magie obscure si utile.
Dans la pratique, vous allez plus probablement mourir de maladie après avoir dépensé tout votre argent alimentaire dans des livres de peu d'intérêt et erré pendant des heures dans des ruelles vides par un froid glacial à la recherche d'un truand aux abonnés absents.
Cultist Simulator est donc un jeu où vous allez peu à peu découvrir les sombres vérités de l'univers, fonder votre propre secte pour enseigner ces mystères à d'autres, et au final exploiter ces connaissances en abandonnant vos derniers relents d'humanité pour vous élever enfin vers un niveau d'existence supérieur.
Pour cela, vous disposez de cinq actions de base (travailler, étudier, rêver, explorer, parler), et de cartes à leur associer pour obtenir des actions complexes. Par exemple, parler à Violet de ce qu'elle peut faire pour aider le culte.
Au début, vous n'avez que peu de cartes, et puis leur combinaisons en débloquent d'autres, ce qui accroît d'autant plus les possibilités et ainsi de suite.
Mais évidemment, toutes les combinaisons ne sont pas valides. Parler à un ancien grimoire ne produit aucun effet par exemple.
Et c'est là que le bât blesse une première fois. Les combinaisons « gagnantes » se trouvent supposément à la logique, soit élémentaire (travailler + un métier), soit en consultant les indices données par le jeu, parfois explicitement, en demandant un symbole précis, souvent implicitement, via les sinueuses insinuations du texte des cartes. Par exemple, un livre vous dira peut-être que « le sang divin ouvre la porte d'ivoire », ce qui signifie qu'il faut rêver de la porte d'ivoire après avoir consommé de l'ichor pour débloquer quelque chose.
Dans les faits, on se retrouve vite à essayer mécaniquement toutes les combinaisons possibles, parce que les énigmes dans un langage suranné, poétique et à la limite du compréhensible, c'est vite fatiguant.
Et c'est là qu'entre en jeu une décision que je ne comprends pas. Certaines cartes sont périssables. Elles peuvent disparaître après une unique utilisation (les composants alchimiques), ou s'évanouir au bout d'une certain temps (les souvenirs). Ce qui encourage dans le premier cas à ne jamais les utiliser sauf à être vraiment sûr de son coup, et dans le second à les dépenser dès que possible, sans attendre d'avoir sous la main un autre complémentaire potentiel. Deux attitudes qui s'opposent à des expérimentations exhaustives.
Surtout qu'obtenir des ressources rares nécessitent d'organiser des expéditions. Jusque là, tout est cohérent, on envoie à la recherche de trésors oubliés (ou déjà connus mais avec des propriétaires peu coopératifs) des mercenaires, des sectateurs, et des élémentaires de feu géants nés du sacrifice d'entités plus mineures elles-mêmes incarnées dans les cadavres d'enquêteurs publics ou privés un peu trop curieux.
Sauf que les expéditions accessibles, et les ressources qu'elles rapportent, sont semi-aléatoires. Au début, c'est sympa, parce que ça permet de découvrir un peu de tout. Sur le long terme, on se retrouve souvent à faire en boucle des expéditions jusqu'à tomber sur l'artefact précis qui nous manque pour compléter notre quête. Et lorsqu'on tombe par hasard sur un autre objet rare dont on ne connaît rien, on n'a guère envie de le risquer dans une dangereuse expérimentation s'il faut refouiller la jungle pendant des heures derrière pour le remplacer.
Donc, et bien, on triche. En contournant la sauvegarde automatique en continu via des copiés-collés de dossiers, pour pouvoir recharger sa partie avant l'erreur fatale. Ou plus simplement, en allant voir une soluce.
C'est un peu dommage que la mécanique principale du jeu, l'exploration des interactions possibles, soit ainsi sabotée par une mauvaise gestion du ratio risque/récompense (littéralement risquer de perdre des heures de patiente progression pour découvrir un bonus anecdotique). D'autant plus que certaines combinaisons sont plutôt bien pensées (par exemple invoquer une chose très ancienne pour lui demander de nous décoder un texte aussi vieux qu'elle).
Dommage aussi car l'ambiance du jeu est très bonne, mise en place par petites touches via de nombreux textes bien écrits (même si quelques fois trop écrits) et des illustrations sobres et dérangeantes (les visages en nuance de blanc et bleu notamment), et que le scénario décrit avec un amoral humour notre transformation progressive et volontaire en une (immortelle) créature de cauchemar via des méthodes peu ragoûtantes (l'une des étapes d'une des voies possibles impliquent de capturer des gens, puis d'utiliser sur nos prisonniers une icône fourchette+couteau).
Bref, je ne saurais dire s'il s'agit d'un bon jeu avec de gros défauts, ou d'un mauvais jeu avec de véritables qualités. Les deux points de vue sont sans mal défendables.
En revanche, il s'agit clairement d'un objet vidéoludique intéressant, en ce sens qu'il tente de faire énormément avec une approche extrêmement minimaliste (nothing but a pack of cards), et en réussit même certaines.
Sur le papier, Cultist Simulator est le jeu parfait. Vous pouvez y apprendre en autodidacte le grec ancien pour ensuite lire dans le texte un ouvrage antique qui est lui-même une mauvaise traduction d'un des plus vieux documents écrits de l'humanité, et y découvrir un rituel qui, à l'aide d'une paire de gants bien trop écarlates que vous a procuré contre espèces sonnantes et trébuchantes un type louche rencontré au clair de lune, transformera votre terreur existentielle en une créature d'au-delà du miroir que vous enverrez assassiner votre patron tyrannique pour alléger vos journées de travail et ainsi vous débloquer plus de temps pour étudier cette magie obscure si utile.
Dans la pratique, vous allez plus probablement mourir de maladie après avoir dépensé tout votre argent alimentaire dans des livres de peu d'intérêt et erré pendant des heures dans des ruelles vides par un froid glacial à la recherche d'un truand aux abonnés absents.
Cultist Simulator est donc un jeu où vous allez peu à peu découvrir les sombres vérités de l'univers, fonder votre propre secte pour enseigner ces mystères à d'autres, et au final exploiter ces connaissances en abandonnant vos derniers relents d'humanité pour vous élever enfin vers un niveau d'existence supérieur.
Pour cela, vous disposez de cinq actions de base (travailler, étudier, rêver, explorer, parler), et de cartes à leur associer pour obtenir des actions complexes. Par exemple, parler à Violet de ce qu'elle peut faire pour aider le culte.
Au début, vous n'avez que peu de cartes, et puis leur combinaisons en débloquent d'autres, ce qui accroît d'autant plus les possibilités et ainsi de suite.
Mais évidemment, toutes les combinaisons ne sont pas valides. Parler à un ancien grimoire ne produit aucun effet par exemple.
Et c'est là que le bât blesse une première fois. Les combinaisons « gagnantes » se trouvent supposément à la logique, soit élémentaire (travailler + un métier), soit en consultant les indices données par le jeu, parfois explicitement, en demandant un symbole précis, souvent implicitement, via les sinueuses insinuations du texte des cartes. Par exemple, un livre vous dira peut-être que « le sang divin ouvre la porte d'ivoire », ce qui signifie qu'il faut rêver de la porte d'ivoire après avoir consommé de l'ichor pour débloquer quelque chose.
Dans les faits, on se retrouve vite à essayer mécaniquement toutes les combinaisons possibles, parce que les énigmes dans un langage suranné, poétique et à la limite du compréhensible, c'est vite fatiguant.
Et c'est là qu'entre en jeu une décision que je ne comprends pas. Certaines cartes sont périssables. Elles peuvent disparaître après une unique utilisation (les composants alchimiques), ou s'évanouir au bout d'une certain temps (les souvenirs). Ce qui encourage dans le premier cas à ne jamais les utiliser sauf à être vraiment sûr de son coup, et dans le second à les dépenser dès que possible, sans attendre d'avoir sous la main un autre complémentaire potentiel. Deux attitudes qui s'opposent à des expérimentations exhaustives.
Surtout qu'obtenir des ressources rares nécessitent d'organiser des expéditions. Jusque là, tout est cohérent, on envoie à la recherche de trésors oubliés (ou déjà connus mais avec des propriétaires peu coopératifs) des mercenaires, des sectateurs, et des élémentaires de feu géants nés du sacrifice d'entités plus mineures elles-mêmes incarnées dans les cadavres d'enquêteurs publics ou privés un peu trop curieux.
Sauf que les expéditions accessibles, et les ressources qu'elles rapportent, sont semi-aléatoires. Au début, c'est sympa, parce que ça permet de découvrir un peu de tout. Sur le long terme, on se retrouve souvent à faire en boucle des expéditions jusqu'à tomber sur l'artefact précis qui nous manque pour compléter notre quête. Et lorsqu'on tombe par hasard sur un autre objet rare dont on ne connaît rien, on n'a guère envie de le risquer dans une dangereuse expérimentation s'il faut refouiller la jungle pendant des heures derrière pour le remplacer.
Donc, et bien, on triche. En contournant la sauvegarde automatique en continu via des copiés-collés de dossiers, pour pouvoir recharger sa partie avant l'erreur fatale. Ou plus simplement, en allant voir une soluce.
C'est un peu dommage que la mécanique principale du jeu, l'exploration des interactions possibles, soit ainsi sabotée par une mauvaise gestion du ratio risque/récompense (littéralement risquer de perdre des heures de patiente progression pour découvrir un bonus anecdotique). D'autant plus que certaines combinaisons sont plutôt bien pensées (par exemple invoquer une chose très ancienne pour lui demander de nous décoder un texte aussi vieux qu'elle).
Dommage aussi car l'ambiance du jeu est très bonne, mise en place par petites touches via de nombreux textes bien écrits (même si quelques fois trop écrits) et des illustrations sobres et dérangeantes (les visages en nuance de blanc et bleu notamment), et que le scénario décrit avec un amoral humour notre transformation progressive et volontaire en une (immortelle) créature de cauchemar via des méthodes peu ragoûtantes (l'une des étapes d'une des voies possibles impliquent de capturer des gens, puis d'utiliser sur nos prisonniers une icône fourchette+couteau).
Bref, je ne saurais dire s'il s'agit d'un bon jeu avec de gros défauts, ou d'un mauvais jeu avec de véritables qualités. Les deux points de vue sont sans mal défendables.
En revanche, il s'agit clairement d'un objet vidéoludique intéressant, en ce sens qu'il tente de faire énormément avec une approche extrêmement minimaliste (nothing but a pack of cards), et en réussit même certaines.