Le Bal au Pont [Les Pérégrinations d'un Voyageur onirique]
#1
A l'époque où je faisais du jeu de rôle, le monde se divisait en deux catégories : Donjons&Dragons et le reste. Le bourrinage assumé contre les jeux où l'on passait plus de temps à discuter qu'à lancer les dés. J'aimais les deux. On jouait aussi bien à AD&D qu'à Warhammer, Cthulhu, Starwars et autres James Bond.
Mais il est un jeu de rôle qui était bien connu mais que je n'ai pourtant jamais eu l'occasion d'essayer, c'était Rêve de Dragon. Son épithète d' "onirique" lui donnait une réputation de jdr intello.
Donc je n'ai pas résisté à la curiosité de me procurer le premier LDVELH dans ce monde à découvrir. Surtout qu'au vu des notes données par les forumeurs, il a l'air bien.

Ma première impression en recevant le bouquin fut la déception. Pour 13,50 € (hors frais de port), j'ai un livre de poche aux illustrations intérieures passables. Moins de 200 paragraphes et une police de caractère assez grosse. Me suis-je fait avoir? La suite verra que finalement la durée de vie globale est correcte. Mais l'objet est cheap par rapport au prix.
Fin du chapitre trivial.

Je ne connais pas l'auteur au pseudonyme mystérieux, Inbadreams. Quand je vois la liste des personnes impliquées, j'ai un instant pensé à un collectif. Mais non ce n'est pas possible vu le style de la narration.

Maintenant, pour parler du livre dans sa globalité et sur son fond, je suis bien embêté. Mon jugement est très contrasté (et quelle galère pour donner une note pour la Taverne) tant les qualités côtoient les faiblesses, l'original le bancal.

L'aspect littéraire est très intéressant. En tout premier lieu, le style littéraire utilisé.
Nous avons droit à un vocabulaire un peu suranné, désuet, riche en couleurs, pittoresque. Un vocabulaire très médiéval mais pas le médiéval de vieux roman, plutôt le médiéval comme on pouvait le parler dans les campagnes. Pas de l'argot mais des mots bien français de la vie de tous les jours d'il y a longtemps. C'est très raccord avec le scénario, l'univers de Rêve de Dragon. L'ambiance est au rendez-vous. Juste pour ça ce LDVELH est plutôt mémorable.
Quant à l'histoire, elle va de paire : on est confronté au quotidien très simple des gens de la campagne, mais dans un univers fantasy juste un peu différent du notre. Des espèce végétales et animales nouvelles par exemple. Mais pour le reste, tout est décrit comme dans une aventure historique, avec plein de petits détails intéressants sur l'artisanat, la façon de vivre en extérieur, la pitance... C'est très réaliste malgré le contexte hautement onirique (nos rêves ont des significations, le monde n'est qu'un songe de grand reptile ailé...).
Les heures du jour et de la nuit portent des noms pittoresques, les régions alentours à notre petit village sont juste évoquées et font la part belle à l'imagination des aventuriers en herbe. Bref, Rêve de Dragon est un univers à part entière que l'auteur nous permet de découvrir progressivement. C'est très agréable par rapport à un contexte embryonnaire comme pouvaient avoir les tout premiers Défis Fantastiques.
Enfin, le scénario en lui-même est plutôt plaisant, amusant et dépaysant. Il fait penser à un conte traditionnel avec cette histoire de villages jumeaux qui se font la guerre et sa galerie de personnages atypiques. Cela change des quêtes épiques pleines de méchants sorciers et de trésors faramineux.

Au niveau ludique par contre, ce n'est pas l'extase.

Les règles sont inspirées du jeu de rôle, donc avec beaucoup de caractéristiques qui ne servent à rien. On aurait pu supprimer par exemple Chance, Rêve et quelques autres que je n'ai jamais vu sollicitées. Elles sont heureusement assez simples et fluides, sous le principe d'un jet de pourcentage à effectuer pour les épreuves / tests.
Du coup, c'est plus la chance aux dés (ou Table de Hasard) qui va déterminer la réussite d'une action et non pas les points forts du personnage en priorité. On a le choix entre trois zigs au départ, un équilibré, un costaud et un roublard. Pour grossièrement schématiser, l'équilibré aura environ 50% de chances de réussite, 60% pour le perso dont c'est le point fort et 40% dont c'est le point faible. C'est un peu plus nuancé que ça mais j'essaie de donner l'idée. On peut très bien choisir le balaise et avoir quand même de bonnes chances de se viander au moment de passer une épreuve physique ou d'échouer à emberlificoter le majordome alors qu'on a choisi exprès le tchatcheur de service.
Les combats sont encore plus aléatoires car on peut mourir en moyenne en trois coups reçus, vu l'importance des dégâts et leur variation possible (un dé à 10 faces!). Il existe bien une règle d'esquive pour nous sauver la mise mais au final, même le balaise du trio de départ peut mourir en duel si on est un poil malchanceux.
Malgré ça, le jeu pur en lui-même est plutôt équilibré au final. J'ai obtenu la meilleure fin à ma troisième tentative, une fois obligé de quitter les villages après m'être fait choper par des gardes, une autre fois en combat contre une écrevisse géante.

Seulement, d'autres points noirs existent. Le pire étant selon moi le nombre incroyable de choix sans conséquence aucune en terme de jeu. Surtout dans la première partie de l'aventure. Quand on commence à passer de l'autre côté du pont ça va déjà mieux. Mais avant, nos décisions comptent pour du beurre. On peut éventuellement passer à côté d'objets inutiles...
Dans le premier village, c'est le bouquet. On mène une enquête en visitant plusieurs lieux, en interrogeant nombre de gens. Mais tout cela dans l'ordre de notre choix et sans que ça ait le moindre impact sur notre feuille d'aventure, ni même en terme d'indices récoltés. Pour les relectures, ce n'est pas top... A la fin, on a droit à cinq ou six paragraphes de suite à choix unique.
On a aussi plusieurs bugs structurels, où l'on nous parle de la chanson comme si on l'avait déjà entendue ce qui n'est pas forcément le cas. Ou encore ces deux PFA dans la forêt de départ où l'on se rappelle les habitants des deux villages Saque et Resaque... alors que nous ne les avons jamais atteints!

Bref peut-être que je commence à développer une forme de paranoïa particulière car j'avais déjà eu le sentiment par le passé d'AVH qui étaient selon moi des romans à la base. Ici, j'ai la furieuse impression que l'auteur a pris un (bon) scénario de son cru pour Rêve de Dragon et qu'il l'a simplement transformé en livre-jeu pour aventure en solo. J'imagine très bien le plan détaillé du village de Saque avec en encart le descriptif détaillé de chacun des lieux importants, chaque PNJ que l'on peut y croiser...
En soi, le procédé n'a rien de révoltant ou de malhonnête. Mais si recyclage il y a, il faut qu'il soit fait en profondeur. Sinon, on a ce risque de tenir à la fin entre les mains un scénario de jdr en solo plutôt qu'un vrai livre-jeu. Et ce qui est bien dans le jeu de rôle, c'est justement l'aspect collectif, les discussions et interactions du groupe avec les PNJ entre autres. Mais quand on est tout seul, ça ne marche pas pareil, c'est pas fun du tout. Il faut alors apporter d'autres ressorts comme de la baston, des indices à trouver, des objets ou infos à utiliser, des prises de risque calculées, la possibilité de développer et d'approfondir son personnage...
Alors le constat ne vaut pas pour toute l'aventure. Certains moments sont un peu plus excitants comme réussir à pénétrer dans Resaque par exemple.

C'est dommage car l'aspect très pittoresque de l'histoire et la qualité d'écriture rendent par ailleurs la lecture de cette aventure bien plaisante.
Répondre




Utilisateur(s) parcourant ce sujet : 2 visiteur(s)