21/12/2010, 22:27
Nous voilà seigneur de la cité hétéroclite d'Irsmun en tant que Ninja Ier (!), nous qui avons passé notre jeunesse à apprendre le combat à mains nues, l'endurance, la souplesse, le maniement du poison et des shurikens ; mais certainement pas l'art de la guerre, de la diplomatie ou encore comment gérer les finances d'une ville. La tâcher parait improbable mais quand au bout de quelques lignes, j'ai lu "Déjà de gracieuses servantes se précipitent pour vous baigner et vous habiller, en poussant des cris d'admiration devant votre corps bronzé et musclé.", ça m'a tout de suite donné envie de m'investir à fond dans ce rôle de suzerain! Il n'y a après tout pas que des mauvais côtés à troquer la combinaison noire de ninja contre le manteau de seigneur...
Le livre est divisé en deux parties majeures : la première à Irsmun où l'on doit s'entourer de conseillers, prendre des décisions importantes pour gérer la sécurité, l'économie et d'autres paramètres puis maintenir à flots sa cote de popularité. La seconde plus classique nous envoie sillonner la région à l'est du continent en quête d'artefacts légendaires.
La première partie est très originale, tout bonnement inédite. Elle propose une expérience unique dans l'univers des LDVELH : incarner un seigneur dans l'exercice de ses fonctions, c'est à dire un homme politique. Un peu comme dans un jeu de stratégie, il faut faire les bons choix dans divers domaines (économie, militaire...) pour assurer la sécurité de la population et empêcher les révoltes. Pour ça, on dispose d'une caractéristique de popularité qui doit le moins souvent possible tomber à 0. Mais en plus de cet aspect ludique intéressant, il faut faire preuve de finesse, de tact et de psychologie. Ce ne sont pas des mots creux, le lecteur doit sentir le pouls de la population, prévoir à l'avance les effets de ses décisions ou échouer dans son rôle de gouvernant car les possibilités d'échec sont nombreuses. Le talent des auteurs est de nous présenter une dizaine de personnages importants d'Irsmun qui ont chacun une personnalité très marquée, des motivations différentes et qui sont présentés avec le plus grand soin, à l'aide d'illustrations et de descriptions originales (le changement des tenues de Perdigan entre autres). Tous ces personnages deviennent attachants, mystérieux, inquiétants, répugnants, agaçants. Le seul LDVELH qui me vient à l'esprit où l'on peut retrouver une telle maturité dans les rapports avec des personnages est Le Labyrinthe du Roi Minos, à la cour de Cnossos. Mais Le Grand Maître d'Irsmun me parait encore supérieur dans ce domaine.
L'expérience est donc très prenante et selon les conseillers que l'on a choisi, on peut gérer d'une manière différente cette première partie, en se montrant parfois injuste et autoritaire. Comme il est facile de se planter, le stress de l'échec est permanent et la tension toujours présente. Mais il existe un défaut majeur : un certain manichéisme, une volonté de faire toujours triompher l'ordre et le bien qui implique que les conseils de deux conseillers (Parsifal et Dame Gwyneth) sur les huit potentiels sont toujours positifs, quel que soit le sujet abordé. C'est dommage car ça diminue sensiblement notre marge de manoeuvre, il est trop difficile de s'en sortir si l'on n'a pas choisi l'un de ces deux-là et ça rend les conseils des six autres beaucoup moins fiables.
Si l'on parvient à traverser cette phase de gestion, on doit ensuite partir à l'aventure pour enfin mettre en oeuvre nos talents martiaux, nos compétences de ninja et notre équipement. L'aventure redevient plus familière mais a le mérite de nous faire traverser des régions très différentes de celles parcourues dans les trois premiers épisodes. Ce qui change, c'est la difficulté vraiment très élevée qui nous attend.
Même si un choix judicieux des compétences et des tactiques face aux adversaires permet d'éviter bien des pertes d'endurance, on a une succession de combats, de pièges et d'épreuves qui ne laissent pas beaucoup le droit à l'erreur... ni à la malchance aux dés. Le parcours est curieusement linéaire jusqu'à un combat dantesque face à un boss particulièrement redoutable : le grand maître des ninjas du scorpion. Certains combats difficilement ou non évitables (le cyclope, le prêtre de Némésis) ont de grandes chances de nous affaiblir avant ce duel périlleux et comme il n'y a aucune possibilité de se guérir, les combats sont très tendus. Rarement les adversaires n'ont présenté des caractéristiques aussi élevées (nous n'avons en moyenne que 6 ou 7 en défense face à leurs attaques) et tous ces éléments font qu'il faut une grosse dose de chance pour vaincre le grand maître ninja. Et même dans ce cas, l'aventure se poursuit dans une troisième partie qui présente de nombreux dangers!
Malgré cette difficulté trop élevée, cette partie de l'aventure est réussie. L'intrusion dans le domaine du scorpion est haletante, on est soumis à une pression énorme de par les pièges tendus par nos ennemis. Ces derniers sont tous différents car utilisant des armes très exotiques aux noms japonais. Je ne peux les citer de mémoire mais cela va de la chaîne reliant une courte lame à une boule en fer, à la canne-épée, du sai aux trois dents au nunchaku customisé et j'en passe beaucoup d'autres plus difficiles à décrire sans le bouquin sous les yeux. Quant au combat contre le boss, il est scénarisé d'une manière incroyable. Même le duel contre Yaëmon, celui contre le moine-guerrier dans le cercle de Vasch-Ro ou celui contre l'usurpateur ne sont pas aussi longs et bien décrits. J'ai trouvé ça excellent. L'élément qui m'a toutefois gêné est que le repaire du scorpion est bizarrement construit, de manière pas très cohérente ( trois-quatre salles à la suite sans couloir alternatif) et ces ninjas auraient pu nous tuer depuis longtemps s'ils l'avaient vraiment voulu puisque ils semblent au courant de notre intrusion dans leur repaire.
Enfin, la partie "aventure" se poursuit au-delà de ce duel épique d'une manière beaucoup moins linéaire, plus familière de la série avec deux routes possibles et des rencontres hautes en couleur. La possibilité de tomber sur une ville corrompue par le culte de la déesse-araignée ou sur une autre cité dédiée au bien mais assaillie par des dragons. La difficulté est moins grande mais toujours là quand même. C'est un véritable parcours du combattant que de finir à la loyale ce LDVELH!
Niveau jeu, on peut donc regretter cette difficulté trop élevée même si ça ne rend le challenge que plus intéressant. Au début du tome 3, on pouvait gagner des points supplémentaires dans les techniques de combat pour représenter l'expérience gagnée. Ce système n'existe pas ici et je n'ose imaginer le joueur qui essaierait cet épisode sans avoir gardé son personnage des tomes précédents. C'est à mon avis aussi difficile que de vouloir réussir la Tour de Cristal sans avoir lu un seul autre Loup Solitaire...
Les compétences sont moins utilisées mais c'est normal vu le nombre de paragraphes utilisée par la partie politique du livre. Elles ne sont toutefois pas oubliées. Il est d'ailleurs judicieux de prendre une qui a été trop négligée dans les bouquins précédents mais qui est ici presque vitale : le Crochetage, Détection, Neutralisation des Pièges. Dommage sinon que le Fléau de Kwon ait été oublié dans cet épisode.
J'ai beaucoup aimé ce LDVELH. Cette série parvient à chaque tome à se renouveler en proposant des personnages inédits, fouillés, des concepts innovants et des expériences de jeu intenses. L'héroïsme est toujours très présent avec des adversaires toujours aussi redoutables. Seul le scénario de la quête m'a paru plus faible avec certaines incohérences (le repaire donc mais aussi l'emplacement improbable des artefacts) et moins de rebondissements que ce à quoi on a été habitué avec la Voie du Tigre. J'adore cette série qui gagne vraiment à être relue en tant qu'adulte, en particulier pour le début de ce quatrième épisode.
Le livre est divisé en deux parties majeures : la première à Irsmun où l'on doit s'entourer de conseillers, prendre des décisions importantes pour gérer la sécurité, l'économie et d'autres paramètres puis maintenir à flots sa cote de popularité. La seconde plus classique nous envoie sillonner la région à l'est du continent en quête d'artefacts légendaires.
La première partie est très originale, tout bonnement inédite. Elle propose une expérience unique dans l'univers des LDVELH : incarner un seigneur dans l'exercice de ses fonctions, c'est à dire un homme politique. Un peu comme dans un jeu de stratégie, il faut faire les bons choix dans divers domaines (économie, militaire...) pour assurer la sécurité de la population et empêcher les révoltes. Pour ça, on dispose d'une caractéristique de popularité qui doit le moins souvent possible tomber à 0. Mais en plus de cet aspect ludique intéressant, il faut faire preuve de finesse, de tact et de psychologie. Ce ne sont pas des mots creux, le lecteur doit sentir le pouls de la population, prévoir à l'avance les effets de ses décisions ou échouer dans son rôle de gouvernant car les possibilités d'échec sont nombreuses. Le talent des auteurs est de nous présenter une dizaine de personnages importants d'Irsmun qui ont chacun une personnalité très marquée, des motivations différentes et qui sont présentés avec le plus grand soin, à l'aide d'illustrations et de descriptions originales (le changement des tenues de Perdigan entre autres). Tous ces personnages deviennent attachants, mystérieux, inquiétants, répugnants, agaçants. Le seul LDVELH qui me vient à l'esprit où l'on peut retrouver une telle maturité dans les rapports avec des personnages est Le Labyrinthe du Roi Minos, à la cour de Cnossos. Mais Le Grand Maître d'Irsmun me parait encore supérieur dans ce domaine.
L'expérience est donc très prenante et selon les conseillers que l'on a choisi, on peut gérer d'une manière différente cette première partie, en se montrant parfois injuste et autoritaire. Comme il est facile de se planter, le stress de l'échec est permanent et la tension toujours présente. Mais il existe un défaut majeur : un certain manichéisme, une volonté de faire toujours triompher l'ordre et le bien qui implique que les conseils de deux conseillers (Parsifal et Dame Gwyneth) sur les huit potentiels sont toujours positifs, quel que soit le sujet abordé. C'est dommage car ça diminue sensiblement notre marge de manoeuvre, il est trop difficile de s'en sortir si l'on n'a pas choisi l'un de ces deux-là et ça rend les conseils des six autres beaucoup moins fiables.
Si l'on parvient à traverser cette phase de gestion, on doit ensuite partir à l'aventure pour enfin mettre en oeuvre nos talents martiaux, nos compétences de ninja et notre équipement. L'aventure redevient plus familière mais a le mérite de nous faire traverser des régions très différentes de celles parcourues dans les trois premiers épisodes. Ce qui change, c'est la difficulté vraiment très élevée qui nous attend.
Même si un choix judicieux des compétences et des tactiques face aux adversaires permet d'éviter bien des pertes d'endurance, on a une succession de combats, de pièges et d'épreuves qui ne laissent pas beaucoup le droit à l'erreur... ni à la malchance aux dés. Le parcours est curieusement linéaire jusqu'à un combat dantesque face à un boss particulièrement redoutable : le grand maître des ninjas du scorpion. Certains combats difficilement ou non évitables (le cyclope, le prêtre de Némésis) ont de grandes chances de nous affaiblir avant ce duel périlleux et comme il n'y a aucune possibilité de se guérir, les combats sont très tendus. Rarement les adversaires n'ont présenté des caractéristiques aussi élevées (nous n'avons en moyenne que 6 ou 7 en défense face à leurs attaques) et tous ces éléments font qu'il faut une grosse dose de chance pour vaincre le grand maître ninja. Et même dans ce cas, l'aventure se poursuit dans une troisième partie qui présente de nombreux dangers!
Malgré cette difficulté trop élevée, cette partie de l'aventure est réussie. L'intrusion dans le domaine du scorpion est haletante, on est soumis à une pression énorme de par les pièges tendus par nos ennemis. Ces derniers sont tous différents car utilisant des armes très exotiques aux noms japonais. Je ne peux les citer de mémoire mais cela va de la chaîne reliant une courte lame à une boule en fer, à la canne-épée, du sai aux trois dents au nunchaku customisé et j'en passe beaucoup d'autres plus difficiles à décrire sans le bouquin sous les yeux. Quant au combat contre le boss, il est scénarisé d'une manière incroyable. Même le duel contre Yaëmon, celui contre le moine-guerrier dans le cercle de Vasch-Ro ou celui contre l'usurpateur ne sont pas aussi longs et bien décrits. J'ai trouvé ça excellent. L'élément qui m'a toutefois gêné est que le repaire du scorpion est bizarrement construit, de manière pas très cohérente ( trois-quatre salles à la suite sans couloir alternatif) et ces ninjas auraient pu nous tuer depuis longtemps s'ils l'avaient vraiment voulu puisque ils semblent au courant de notre intrusion dans leur repaire.
Enfin, la partie "aventure" se poursuit au-delà de ce duel épique d'une manière beaucoup moins linéaire, plus familière de la série avec deux routes possibles et des rencontres hautes en couleur. La possibilité de tomber sur une ville corrompue par le culte de la déesse-araignée ou sur une autre cité dédiée au bien mais assaillie par des dragons. La difficulté est moins grande mais toujours là quand même. C'est un véritable parcours du combattant que de finir à la loyale ce LDVELH!
Niveau jeu, on peut donc regretter cette difficulté trop élevée même si ça ne rend le challenge que plus intéressant. Au début du tome 3, on pouvait gagner des points supplémentaires dans les techniques de combat pour représenter l'expérience gagnée. Ce système n'existe pas ici et je n'ose imaginer le joueur qui essaierait cet épisode sans avoir gardé son personnage des tomes précédents. C'est à mon avis aussi difficile que de vouloir réussir la Tour de Cristal sans avoir lu un seul autre Loup Solitaire...
Les compétences sont moins utilisées mais c'est normal vu le nombre de paragraphes utilisée par la partie politique du livre. Elles ne sont toutefois pas oubliées. Il est d'ailleurs judicieux de prendre une qui a été trop négligée dans les bouquins précédents mais qui est ici presque vitale : le Crochetage, Détection, Neutralisation des Pièges. Dommage sinon que le Fléau de Kwon ait été oublié dans cet épisode.
J'ai beaucoup aimé ce LDVELH. Cette série parvient à chaque tome à se renouveler en proposant des personnages inédits, fouillés, des concepts innovants et des expériences de jeu intenses. L'héroïsme est toujours très présent avec des adversaires toujours aussi redoutables. Seul le scénario de la quête m'a paru plus faible avec certaines incohérences (le repaire donc mais aussi l'emplacement improbable des artefacts) et moins de rebondissements que ce à quoi on a été habitué avec la Voie du Tigre. J'adore cette série qui gagne vraiment à être relue en tant qu'adulte, en particulier pour le début de ce quatrième épisode.