Théories fumeuses
#11
Ouais non en fait c'était cette thèse que je voulais poster, désolé Smile Enfin les deux se complètent.

Combattre ou s’enfuir ?

Que nous apprend le comportement de rats parqués dans des enclos sur le comportement humain dans des villes surpeuplées ?


La méthode de domptage d’un lion de cirque est intéressante. Tout animal possède sa « distance de fuite », c’est-à-dire la distance qu’il maintient entre un adversaire possible et lui-même. Si on franchit cette distance, l’animal grogne, fait des mouvements menaçants, puis s’enfuie ou attaque. Quand le dompteur pénètre dans cet espace critique, le lion grogne et recule pour rétablir la distance, jusqu’à être acculé aux barreaux de la cage : alors il grogne et rugit de façon plus menaçante, se préparant à attaquer si le dompteur pénètre davantage dans sa distance de fuite. Si, au dernier moment, le dompteur interpose un obstacle entre le lion et lui, l’animal saute par-dessus pour l’attaquer, si le dompteur recule promptement hors de la distance critique de fuit, et le fauve s’apaise et ne lui prête plus attention. On verra du public un dompteur intrépide qui fait obéir l’animal. Le lion considérera qu’il a repoussé un ennemi en puissance, et l’honneur sera sauf des deux côtés.
Cela est intéressant car montre :
-le rapport qu’il existe entre l’espace et l’agression
-les grands tueurs du monde sauvage n’attaquent pas sans nécessité
-la facilité avec laquelle l’impulsion agressive naturelle peut être apaisée.
L’homme est au bord de l’autodestruction. Est-il par nature, destructeur, violent et mauvais ? Il a tué 60 millions de ses congénères en 150 ans. En fait, la solution pour la survie de l’espèce humaine réside dans la raison pour laquelle l’homme se comporte envers ses congénères avec cette constante sauvagerie qui n’a d’égale dans aucune autre espèce. La théorie de l’évolution apporte une réponse : l’homme descend de la lignée des prédateurs, mais n’était pas armé de manière évidente avec des crocs et des griffes comme les grands prédateurs. L’intelligence de l’homme, ses armes et la formation de groupes l’ont rendu efficace. Ces caractéristiques ne sont pas un héritage génétique, mais avec un certain niveau d’intelligence, elles peuvent être transmises par les habitudes, l’éducation, en bref l’héritage culturel. L’emploi des armes ne figure pas dans les gènes. Les grands prédateurs carnivores sont limités par d’importants mécanismes de blocage, en particulier lorsqu’il s’agit de combattre leur propre espèce : leur comportement menaçant peut être aisément tempéré. Mais les gènes des hommes ne sont pas porteurs de ces puissantes instructions d’interdiction qui évitent de tuer des membres de sa propre espèce, car l’humain n’est pas équipé naturellement pour être un tueur redoutable : la haine, le protège, le motive.
La partie la plus nouvelle de son cerveau, le cortex cérébral, retient un peu ces pulsions avec la raison et la pitié, mais cela est limité par les tendances meurtrières de l’homme. Notons cependant que ses instincts agressifs sont indispensables à sa santé et à la survie de l’espèce dans un environnement dangereux. Il permettent aussi, avec la guerre, d’éviter le surpeuplement et de bénéficier de davantage d’espaces libres pour les individus survivants, des réserves de nourriture supérieure, une meilleure vie par personne.
Il est triste de constater que pour l’homme, la guerre, la sous-nutrition et la malnutrition, ainsi que la consommation de produits nocifs pour sa santé sont les seuls moyens qu’il utilise avec succès pour réguler quelque peu sa population. Pourtant, de nombreuses espèce, pourtant moins intelligentes, maintiennent leur population à un niveau constant, ou le régulent, le réduisent par un comportement anormal s’il y a surpeuplement (expérience de Desmond Morris avec l’épinoche à 10 épines : le comportement psychologique et sexuel des mâles était anormal en cas de surpopulation).
L’homme porte en lui la tendance au meurtre, mais cela dépend aussi des circonstances (aggravantes ou pas).
La « distance de fuite » varie selon les espèces et les individus (les prisonniers violents en ont une parfois quatre plus étendue que la moyenne). On distingue plusieurs types d’espace vital : le personnel, celui du groupe familial (plus grand) et celui pour la nation (beaucoup plus grand). Si quelqu’un, un étranger, menace d’envahir un de ces espaces, nous nous dressons sur nos ergots, prêts à nous battre.
C’est pour le territoire que se battent en priorité les hommes et les bêtes. Il est lié à la confiance, à la fierté, au courage et à la sexualité du mâle (qui doit trouver un endroit sûr pour sa compagne). On remarqua d’ailleurs en 1920 que les femelles oiseaux étaient indifférentes aux mâles sans territoires. Le zoologue Konrad Lorenz, dans un livre publié en 1969, « L’Agression, une histoire naturelle du mal », dit que s’il y a un combat entre deux animaux, le gagnant est souvent celui qui est le plus près de son gîte, de son centre territorial.
Pour Morris, dans son livre « Le zoo humain », la ville n’est pas une jungle de béton mais un zoo humain. Les déviations des hommes (attaques envers la progéniture, ulcères à l’estomac, mutilations, masturbation, obésité, homosexualité) ne se retrouvent pas chez les animaux sauvages dans leur habitat naturel, sauf quand ils sont enfermés dans un zoo !
En ville, la confrontation des mâles dominants (qui se termine par un combat ou une fuite) se fait surtout sous la forme de lutte pour la position sociale, plutôt qu’une lutte territoriale. Ceux qui perdent leur position luttent, et s’ils sont forcés de l’abandonnés ou souvent remis en question, ils sont sujets aux maladies du stress, comme le cancer, les coronarites et les ulcères. La position sociale est un bien moins sûr que le territoire, et même ceux qui la possèdent sont souvent sujets au stress. Mais contrairement à ce que l’on croit, les moins sujets au stress sont les « vainqueurs de la vie ». Une étude médicale faite sur 270 000 employés masculiins de la Bell Telephone Company aux Etats-Unis montre une baisse de la probabilité d’avoir une coronarite chez les cadres supérieurs : au bas de l’échelle, il y a une probabilité de 4,33pour 1000 d’en avoir pour un ouvrier (mais la qualité de vie joue peut-être aussi ?), or en haut, les cadres ont une probabilité de 1,85 pour mille et sont plus âgés !
Donc les dominants ont des ennuis de santé moins nombreux que ceux de leurs subordonnés (à vérifier vu Werber).
Dans le monde animal, une créature vaincue (perte de territoire par exemple) peut se laisser mourir. Chez nous, les hommes de position élevée meurent peu après la retraite, ayant consacré toutes leurs forces à garder le pouvoir. Le stress entraîne le grossissement des glandes surrénales et faits e répandre (cela est accentué avec les glandes) de l’adrénaline dans le sang, qui se concentre alors dans le cerveau et les muscles. On a plus de globules rouges, le sang s’épaissit, la respiration devient profonde pour avoir plus d’oxygène et produire plus d’énergie, les fonctions internes de l’organisme sont perturbées (estomac, intestins) et on transpire pour préparer à la chaleur du combat. Mais s’il n’y a pas de combat, un temps est nécessaire pour que l’organisme retrouve un fonctionnement normal.
Pendant une confrontation, les animaux se déplacent, se grattent, se lèchent pour absorber une partie de l’énergie supplémentaire accumulée. Il en est de même pour les humains (ils craquent leurs articulations, fument…).
Chez les animaux comme chez l’home, on peut « se payer » un adversaire inférieur pour dégager son trop-plein d’agressivité. Mais si on essaie de la supprimer, cela entraîne des dégradations physiologiques et des maladies dues au stress (coronarites, ulcères…).
D’après Morris, le cercle moyen des connaissances du citadin est proche du nombre d’individus dans un petit groupe tribal (de 50 à 100). On aurait une hiérarchie de domination qui s’établit et se stabilise rapidement. Il y a de l’hostilité envers les étrangers, des modes vestimentaires, des manières de parler peuvent exclure du cercle un individu qui a changé.
Dans « Le Contrat social », Robert Ardrey montre que la xénphobie (défiance, crainte, haine des étrangers, est partout dans les sociétés organisées (comme chez les primates). Avec le surpeuplement et la promiscuité « nous devons inventer des étrangers ». Il y a donc des groupes admis et d’autres exclus. En haut de l’échelle sociale, on juge sur la culture, la richesse et l’apparence pour admettre quelqu’un, et on utilise des lieux coûteux pour se rassembler. En bas, on peut avoir des bandes antagonistes régnant sur leur territoire. Mais le désir d’un « retour à la nature » est naïf, sans doute irréalisable, et certains sont stimulés par les épreuves de notre vie actuelle. L’Homo sapiens a une grande faculté d’adaptation aux changements de situation, le défi de la ville pourrait le faire monter d’un degré sur l’échelle de l’évolution, car la ville fait appel à la raison de l’homme. Lorenz a dit : « le maillon manquant que l’on a si longtemps cherché entre les animaux et les êtres humains véritables, c’est nous ».
La formation de groupes et la violence destructrice serait propre à l’homme ?
Il y a l’expérience de John Calhoun, savant américain du National Psychiatric Institue de Washington, dans les années 50, qui le conteste. Calhoun imagina une série de 4 enclos à rats reliés les uns aux autres sauf ceux aux extrémités qui n’auraient qu’une seule ouverture et pouvant être défendus par un seul rat.
Calhoun mit dans cette cage dont le nombre était en théorie adapté à la taille de la cage. Les mâles combattirent, et apparurent deux dominants qui prirent les enclos des extrémités où ils attirèrent les femelles qui firent des petits en toute sécurité. Ce fut pareil quand on augmenta la population : les dominants conservèrent leur territoire. Mais dans les enclos surpeuplés, on avait un « cloaque de comportement » : il y avait bien une classe de mâles dominants, mais sans territoire, qui s’en prenaient à une seconde classe parvenant parfois à obtenir les faveurs des femelles. La troisième classe était totalement subordonnés, ignorant les autres et ignorés par eux, et agissaient comme des somnambules et perdaient leurs désirs sexuels. Avec l’augmentation de la population, une quatrième classe de rats apparaissait, une classe de « rats délinquants », qui étaient des obsédés sexuels, homosexuels, violeurs. Des dégénérés qui mangeaient les petits et attaquaient les femelles. Cela comme certains humains dans les villes. Pire, il y avait l’attirance malsaine des femelles protégées aux extrémités qui s’approchaient dans les enclos du milieu malgré les dangers et les horreurs, qui prenaient part à la mêlée puis retournaient sagement au nid. L’homme irait dans la ville et ses pires endroits par libre choix, pas à cause de forces sociales et historiques ?
Le « cloaque de comportement » serait un dispositif de sélection évolutionniste ? Il y aurait une limite de population ? Les femelles dans les zones surpeuplées ont un comportement anormal, construisent mal leur nid, et la mortalité infantile des petits atteint des 96%.
Il y a des similitudes troublantes entre ces comportements (même si les humains semblent avoir un moins bon dispositif de régulation de la population) : la violence est omniprésente chez les rongeurs aussi.
Si on met un rat agressif devant un pacifiste et qu’on fasse gagner ce dernier en enlevant l’agressif dès le début du combat, le pacifiste gagne de la confiance en lui et de la combativité, et se met à attaquer les faibles de la communauté (pour se faire les nerfs, montrer à lui-même et aux autres qu’il est le plus fort ?). La tactique de faire croire à l’autre qu’il est fort est risquée, et est visible surtout dans les fictions. A éviter quand on est face à quelqu’un de faible, qu’il vaut mieux démolir tout de suite, mais il peut être intéressant de l’utiliser contre quelqu’un à l’égo insupportable qui est susceptible de commettre des erreurs.
Lorenz rapporte le comportement d’un poisson, le cichlide d’eau douce : les mâles dominants prennent leur territoire dans l’aquarium et les vaincus en longent les bords. Si on les retire, les dominants n’ont plus de souffre-douleur, et s’en prennent à leurs femelles et aux jeunes. Ils ont donc besoin d’un bouc émissaire, ou d’une vitre séparant leur territoire : ils font alors des mouvements et ont des attitudes menaçants à travers la vitre et cela leur permet de déverser leur agressivité. Les animaux limitent leurs actes agressifs contre les leurs, avec des déplacements rituels (d’intimidation). Mais l’homme est destructeur envers ses congénères, l’évolution biologique est peut-être en retard sur l’évolution culturelle. Il n’y a apparemment pas de mécanismes biologiques puissants pour tempérer son comportement. Avec le grand pouvoir de destruction que lui confère, et ses armes, l’homme est un tueur le plus efficace et le plus impitoyable, et n’a même plus besoin de regarder la mort de trop près.
L’agressivité de l’homme doit être prise au sérieux. Il est impossible (sauf opération du cerveau ?) et non souhaitable d’éliminer totalement l’agressivité : elle est nécessaire pour avoir un ordre social, une identité individuelle, des progrès.
Mais l’homme a trop de colère en lui, plus que de besoin. L’agressivité était vitale autrefois, c’est une faiblesse aujourd’hui, punies par la justice, les lois, la pression sociale. Les pulsions doivent être canalisées par des activités culturelles pour Lorenz.
Aristote disait que l’art était en outre la catharsis, la soupape de l’émotion. On a aussi le concept de la sublimation de Freud : satisfaire les pulsions instinctives par un comportement détourné socialement acceptable.
Exemple de la musique rock, qui sert de catharsis ou permet la sublimation des pulsions agressives des amateurs, même si Lorenz ne pensait pas vraiment à ça en parlant d’ « activité culturelle ». Il en est de même pour le soutien du public à ses équipes favorites d’épreuves sportives, voilà pourquoi les supporters font preuve d’un certain fanatisme.
Dans « L’Agression humaine », paru en 1968, le psychothérapeute britannique Anthony Storr conseille l’accroissement du nombre de compétitions sportives internationales pour réduire les dangers de guerres. La conquête de l’espace était aussi un bon moyen pour exprimer les rivalités entre les grandes puissances. Il faudrait aussi davantage de trophées sur une gamme plus large de réalisations comme les prix Nobel.
Mais il reste le problème de la densité de la population, de l’anonymat des populations dans les villes, de la hiérarchie sociale. « Ce qui est petit est magnifique », pour l’économiste E. F. Schumacher, mais aussi nécessaire pour la confiance des hommes en leur identité personnelle et leur position sociale.
Sans des moyens inoffensifs pour décharger ces pulsions agressives, elles peuvent se fixer sur des objectifs racistes, idéologiques ou nationalistes. Et entraîner une envie destructrice irrationnelle. Nous devons donc vivre avec nos impératifs biologiques.
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Théories fumeuses - par Alendir - 08/08/2007, 13:22
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