L'Épée de Légende S1E05 (Le Port des Assassins)
Les émeraudes projettent de vifs reflets verts sur le visage de Susurrien tandis qu'il les examine. "Excellent, excellent... Ils sont encore emplis de la magie de Sahaknathur après tout ce temps." Il tire le Hatuli d'un cabinet et place les joyaux dans ses orbites vides, puis l'installe au centre d'une petite table. Vous le regardez se servir ensuite d'un pinceau pour tracer une spirale dorée autour du mannequin. Enfin, il dispose tout autour douze pierre d'onyx gravées et prononce les paroles : "Didan, jostan, peidaan, aavardan !"

Vous jureriez presque voir l'objet sursauter.

Susurrien sourit, puis lève les yeux sur vous. "Il est activé. D'ici quelques minutes, il aura tiré assez d'énergie du flux cosmique pour se déplacer. Il pourra alors me trouver la Griffe du Démon."

Alors que Saenad s'approche pour examiner certaines des babioles de Susurrien, son pied se prend dans dans un tapis et il trébuche contre la table, faisant tomber au sol plusieurs des pierres gravées.

"Stupide maladroit !" crache Susurrien, le foudroyant du regard tandis qu'il ramasse les pierres. "Vous autres Coradiens vous déplacez avec autant de grâce qu'une chamelle enceinte !"

"Désolé," répond Saenad en faisant mine de remettre en place le Hatuli. Il lui a en réalité substitué le mannequin sculpté par le pêcheur. Susurrien est trop irrité pour le remarquer.


Susurrien se tourne soudain vers la fresque, qu'il vous désigne de la main. "Ce magnifique vestige a été découvert dans un temple enterré par une éruption volcanique. Il est plus ancien que la foi tahashim, comme vous pouvez le voir. Il y a cinq siècles, beaucoup des gens qui vivaient dans cette partie du monde vénéraient les dieux que vous voyez ici."

Vous essayez de réprimer un frémissement. Vue de près, la représentation des activités démoniaques est à peine supportable. "Comment pourrait-il être possible que des gens vénèrent réellement des monstres si vils ?"

Il rit. "Vous autres Coradiens êtes si prudes ! Ces divinités n'étaient pas vénérées dans le sens où vous employez ce mot. Les êtres représentés ici n'étaient pas des objets de suprême vénération, mais de suprême abomination ; ils étaient les démons des légendes anciennes. Quand je dis qu'ils étaient vénérés, c'est un peu comme vous vénérez le Diable de votre propre foi, n'est-ce pas ? Son pouvoir est réel parce que vous y croyez. C'est la force du mythe qui compte..."

"Absurde." Vous commencez à trouver la compagnie de Susurrien fort pesante. "Quand pourrons-nous partir ? Le Hatuli est-il prêt ?"

"Si impatients..." Il rit à nouveau. "Regardez là, cette créature serpentine aux trois têtes humaines. C'est Azidahaka, le démon de la destruction." Il désigne une autre image, représentant un vieillard dont le crâne laisse échapper des racines. "Voici le Yazir, démon de la tromperie et de l'illusion. Les légendes en font un maître de la magie. Et voilà Nasu (il désigne une forme féminine boursouflé, avec la tête d'une mouche géante), la démone de la putréfaction. Si un homme meurt parce qu'il a mangé de la nourriture avariée, c'est souvent Nasu qui en est responsable."

"Prince Susurrien," dites-vous, "votre fresque est répugnante et les dieux qu'elle représente sont de vulgaires démons. Vous-même êtes quelqu'un de sinistre, sinon d'ouvertement dépravé. Si le Hatuli est prêt, prenons-le et allons chercher les épées. Nous pourrons ensuite mettre un terme à cette odieuse alliance."

Il se tourne pour vous regarder. Un calme sourire est toujours sur ses lèvres, mais une lueur de menace brille dans ses yeux. "Je n'avais pas réalisé que je vous inspirais un tel dégoût."

"Le fait que vous ayiez été exilé de tous les pays où vous avez vécu parle de lui-même. Mais nos buts sont diamétralement opposés, comme vous l'avez dit. Nous n'avons pas de raison de nous quereller."

Il hoche la tête. "En réalité, vous avez raison. Je n'ai rien contre vous, en-dehors de mon antipathie pour toute votre race et de mon dédain méprisant pour les puritains étroits d'esprit. Mon motif est actuellement la curiosité et non la haine."

"De quoi parles-tu, Susurrien ? Ton motif pour quoi ?"

Il désigne à nouveau la fresque. "J'ai quelques théories concernant la nature du mythe et de la réalité. Je pense que, tout comme on peut former des images d'objets distants grâce à des lentilles, on devrait pouvoir former par magie des images d'entités mythiques. Une ombre projeté par le plan des mythes dans notre monde, en quelque sorte. Avez-vous du mal à saisir ces concepts ? Les Coradiens sont si incultes ! Permettez-moi une démonstration."

Il prononce des paroles sifflantes et l'air devient aussitôt lourd, chargé de menace comme l'atmosphère précédant une tempête. La flamme des bougies vacille fortement, menaçant de plonger la pièce dans les ténèbres. Quelque chose ne va pas, mais il vous faut un instant pour réaliser ce que c'est. Les figures démoniaques ont disparu de la fresque.

La clarté des bougies se rétablit, projetant trois énormes ombres contre le mur.


Vous faites face aux simulacres - ou mimomythes - de trois divinités de l'ancien temps.

(Comme vous le savez déjà, vos chances de réussir à les détruire sont pour ainsi dire nulles. Je vous fais donc fuir immédiatement.)

Vous vous précipitez hors de la pièce et dans les escaliers. Une cacophonie de cris et de hululements vous poursuit, réverbérée par les murs qui vous entourent. Les créatures divines ont senti l'odeur de leur proie désormais ; la poursuite ne s'arrêtera pas avant que vous ne soyiez rattrapés et tués.

Susurrien apparaît au-dessus de vous. "Vous ne pourrez pas vous échapper !" raille-t-il. "Mes ombres de dieux ne connaissent pas la fatigue. Où que vous fuyiez, ils vous poursuivront. Lorsque vos jambes seront devenues lourdes comme le plomb et votre souffle haletant, ils ne ralentiront pas. Et lorsqu'ils vous saisiront, ils déchireront votre faible chair !"

Vous émergez dans la cour. Les divagations meurtrières de Susurrien ne vous parviennent plus, ce qui est un soulagement. Jetant un coup d'oeil en arrière, vous voyez que les créatures divines ont à moitié descendu l'escalier. Leur carrure imposante et leur soif de sang immodérée les font se gêner les uns les autres, ce qui vous accorde quelques secondes de répit.

Vous balayez du regard la cour, que la faible clarté qui précède l'aube baigne de couleurs bleues et violettes.

- Vous pouvez fuir par l'entrée principale, par laquelle vous êtes arrivées ;

- ou passer sous une petite arche, à l'arrière de la cour.
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RE: Le Port des Assassins (partie collective - 3ème essai) - par Outremer - 09/11/2011, 13:34



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