01/07/2024, 17:34
C'est à lire.
Pour tout ce qu'il nous apprend sur l'art d'écrire un livre-jeu. À ses dépends, en se prenant le mur à pleine vitesse. Mais ça n'en reste pas moins instructif.
En fait, c'est un livre qui met en lumière à quel point certaines choses que l'on tient pour acquises ne sont pas innées, sont issues d'un long processus d'essais et d'erreurs, et qu'avant que la bonne formule ne soit trouvée et raffinée, beaucoup de savants ont vu leur mixture leur exploser à la gueule.
En l'occurrence, Johnson part d'une bonne idée. Au début du livre, on est en ville, et il faut trouver quelqu'un pour nous guider jusqu'à la tombe qu'on souhaite piller. Et le livre propose généreusement trois alternatives : persuader un marchand local, suivre un mystérieux prêtre, ou se faire emmener de force là-bas par des bandits qui comptent sur nous pour désarmer les pièges entre eux et le butin.
Concept cool, qui ne déparerait dans un livre-jeu moderne.
Johnson décide aussi que, si le troisième cas est un peu à part, les deux premiers vont être assez similaires. Après tout, il s'agit de deux duos, il n'y a pas trente-six chemins, ils vont donc logiquement rencontrer les mêmes embûches.
Maintenant, je vous pose la question. Dans un livre-jeu moderne, comment vous géreriez ça ?
Instinctivement, on s'oriente vers une colonne vertébrale de sections communes, restant floues sur l'identité de notre compagnon, et des renvois explicites (« si Gabaad vous accompagne... ») ou à peine moins (« si vous avez le Code Camelot... ») quand de qui il s'agit est important. Il y a moyen de faire plus complexe, avec par exemple un système à la mi-orque de La Créature venue du Chaos, mais ce n'est pas forcément nécessaire dans le cas présent.
Paul Mason expliquait d'ailleurs en interview qu'il était fasciné par ce qu'il nommait les sections convergentes, à savoir ces sections qui ont un sens différent pour le lecteur selon de là d'où il vient alors que le texte lui-même ne change pas. Il me semble qu'ils les considérait comme l'essence du livre-jeu, l'astuce primordiale permettant de replier un très nombre de possibilités en quelques pages seulement.
Construire les aventures ainsi, en jouant avec les non-dits pour tirer le maximum de chaque section, c'est quasiment un réflexe de nos jours. Encore plus après dix ans de mini-Yaz'.
En 1985, quand ces bouquins s'écrivaient sur 400 (ou 301 ici) feuilles volantes, c'était encore un concept avancé, déjà bien débroussaillé par certains auteurs, mais pas encore maîtrisé par tous.
La preuve en est que, dans le cas présent, Johnson ne l'emploie pas. Il n'y a pas de tronc commun. Les sections du marchand et du prêtre sont dupliquées. Toutes. Un exemple particulièrement frappant, c'est la rencontre avec le sphinx au 130/280. Mais c'est tout le trajet qui est comme ça, comme par exemple le combat contre les deux mêmes panthères au 125/284.
Alors, j'ai pas fait les comptes exacts. Mais, au doigt mouillé, j'estime qu'il y a, tout compris, quelque chose comme cinquante sections qui n'auraient pas lieu d'être avec une meilleure structure. Peut-être même 100 avec une compression un peu vénère façon mini-Yaz'. Oui, un tiers de l'ouvrage, ça fait beaucoup.
Tu m'étonnes que le donjon final paraisse court : il l'est.
Bref, c'est un mauvais livre. Mais c'est un magnifique hommage accidentel aux pionniers du genre anciens et modernes, mettant en valeur tout le travail accompli, échecs inclus, pour tirer le maximum d'un format pas évident.
Pour tout ce qu'il nous apprend sur l'art d'écrire un livre-jeu. À ses dépends, en se prenant le mur à pleine vitesse. Mais ça n'en reste pas moins instructif.
En fait, c'est un livre qui met en lumière à quel point certaines choses que l'on tient pour acquises ne sont pas innées, sont issues d'un long processus d'essais et d'erreurs, et qu'avant que la bonne formule ne soit trouvée et raffinée, beaucoup de savants ont vu leur mixture leur exploser à la gueule.
En l'occurrence, Johnson part d'une bonne idée. Au début du livre, on est en ville, et il faut trouver quelqu'un pour nous guider jusqu'à la tombe qu'on souhaite piller. Et le livre propose généreusement trois alternatives : persuader un marchand local, suivre un mystérieux prêtre, ou se faire emmener de force là-bas par des bandits qui comptent sur nous pour désarmer les pièges entre eux et le butin.
Concept cool, qui ne déparerait dans un livre-jeu moderne.
Johnson décide aussi que, si le troisième cas est un peu à part, les deux premiers vont être assez similaires. Après tout, il s'agit de deux duos, il n'y a pas trente-six chemins, ils vont donc logiquement rencontrer les mêmes embûches.
Maintenant, je vous pose la question. Dans un livre-jeu moderne, comment vous géreriez ça ?
Instinctivement, on s'oriente vers une colonne vertébrale de sections communes, restant floues sur l'identité de notre compagnon, et des renvois explicites (« si Gabaad vous accompagne... ») ou à peine moins (« si vous avez le Code Camelot... ») quand de qui il s'agit est important. Il y a moyen de faire plus complexe, avec par exemple un système à la mi-orque de La Créature venue du Chaos, mais ce n'est pas forcément nécessaire dans le cas présent.
Paul Mason expliquait d'ailleurs en interview qu'il était fasciné par ce qu'il nommait les sections convergentes, à savoir ces sections qui ont un sens différent pour le lecteur selon de là d'où il vient alors que le texte lui-même ne change pas. Il me semble qu'ils les considérait comme l'essence du livre-jeu, l'astuce primordiale permettant de replier un très nombre de possibilités en quelques pages seulement.
Construire les aventures ainsi, en jouant avec les non-dits pour tirer le maximum de chaque section, c'est quasiment un réflexe de nos jours. Encore plus après dix ans de mini-Yaz'.
En 1985, quand ces bouquins s'écrivaient sur 400 (ou 301 ici) feuilles volantes, c'était encore un concept avancé, déjà bien débroussaillé par certains auteurs, mais pas encore maîtrisé par tous.
La preuve en est que, dans le cas présent, Johnson ne l'emploie pas. Il n'y a pas de tronc commun. Les sections du marchand et du prêtre sont dupliquées. Toutes. Un exemple particulièrement frappant, c'est la rencontre avec le sphinx au 130/280. Mais c'est tout le trajet qui est comme ça, comme par exemple le combat contre les deux mêmes panthères au 125/284.
Alors, j'ai pas fait les comptes exacts. Mais, au doigt mouillé, j'estime qu'il y a, tout compris, quelque chose comme cinquante sections qui n'auraient pas lieu d'être avec une meilleure structure. Peut-être même 100 avec une compression un peu vénère façon mini-Yaz'. Oui, un tiers de l'ouvrage, ça fait beaucoup.
Tu m'étonnes que le donjon final paraisse court : il l'est.
Bref, c'est un mauvais livre. Mais c'est un magnifique hommage accidentel aux pionniers du genre anciens et modernes, mettant en valeur tout le travail accompli, échecs inclus, pour tirer le maximum d'un format pas évident.