[03] Le Seigneur de l'Ombre
#9
Je viens de relire ce bouquin dans l'espoir de résoudre le mystère de pourquoi il est aussi quelconque.

Petite remise en contexte : on est en 1985, la même année que Le Temple de la Terreur. Donc ça ne peut être l'aspect décousu, les sections lapidaires, l'équilibrage inexistant ou les retournements de situation si abrupts qu'ils en dégagent un charme naïf (« et là, le poivrot se change en loup-garou ! »).

Non, tout ça, c'était la norme à l'époque. En revanche, ces autres ouvrages compensaient sur d'autres points. En fait, comme dirait Sherlock, la réponse se trouve non dans ce que ce livre contient, mais dans ce qu'il ne contient pas.

Premier absent : 400 sections. On nous propose un ouvrage avec une proposition narrative très proche des premiers DFs, mais une proposition ludique schématiquement 25% moindre.

Et ça se sent. D'autant que l'aventure n'est pas un mini-Yaz' exploitant jusqu'à la moelle chaque section à sa disposition. C'est même plutôt le contraire.

En fait, l'aventure n'utilise ni les codes ni les « objets codes », c'est-à-dire des objets qui ne servent à rien directement, mais dont le texte nous demande si on les possède parce que ça implique qu'on a fait quelque chose de particulier avant.

Au lieu de cela, on a plusieurs situations où on nous propose un choix A ou B, A renvoie sur C, B renvoie sur D, et B et D sont strictement identiques aux renvois finaux près. Et parfois, comme dans le cas du lézard bretteur ou de l'armure animée, c'est ainsi filé sur plusieurs sections. Genre, B renvoie sur E et F, D sur E et G, et à nouveau F et G sont identiques à leurs renvois près.

Avec un gaspillage pareil, autant dire qu'on doit au final faire aussi bien qu'un primo-DF en étant écrit comme un primo-DF, mais avec 250 sections. Compliqué déjà.

Ensuite, bon, l'histoire est tout sauf inspirée, même pour l'époque. Y'a un sorcier à tuer, voilà, c'est fini. Dans l'introduction, le livre nous présente le protagoniste comme un chevalier rongé par le remord d'avoir été l'agent d'un tyran pendant des années, mais n'en fera jamais rien par la suite.

Des bonnes idées, il y en a d'autres, et elles sont tout autant survolées. Par exemple, on peut assister aux banquets de différents monstres, avec la logistique qui va bien derrière, les serviteurs, l’approvisionnement, tout ça... Sauf que Johnson est à court de sections à ce moment-là, et c'est donc bâclé en une poignée de scènettes facultatives.

Alors, balancer plein d'idées, certains intéressantes (et je trouve que les prémices de beaucoup de rencontres, comme le chevalier à l'armure rouillée ou le Faucon d'Or, sont réellement assez inspirées), d'autres moins réussies (bon, ok, le passage avec le minotaure, il sort de nulle part et il y retourne), et n'en creuser que quelques-unes, c'est classique pour cette génération de livres-jeux. Mais là, vraiment il y a aucun effort pour filer quoi que ce soit. Typiquement, on te donne un anneau au départ, et après on t'en parle mais alors plus du tout jusqu'à la toute fin.

Bon. Le brouet est chiche en quantité et en qualité. Pas le pire qui soit, on va le finir, mais on reviendra pas dans ce resto pour la bouffe. Ça pourrait cependant encore passer s'il était servi dans une jolie assiette, que la chaise était confortable et le cadre agréable.

Là, les illustrations sont médiocres et le texte d'une platitude absolue.

À une exception près.

Il y a beaucoup de blagues grivoises sur ce 87. Mais c'est objectivement la meilleure section de l'aventure. C'est une des plus longues, elle est illustrée, Leo Harthas fait l'effort de mettre un décor, et le style de Johnson, à moins qu'il ne s'agisse de celui de Jean Walters le traducteur (si quelqu'un a la VO et peut vérifier), s'emballe soudain, mettant enfin un peu d'emphase derrière tout ça.

À comparer avec le 267, c'est-à-dire le boss, le sorcier, le grand méchant, où rien qu'avec cette court énumération j'ai déjà été plus verbeux et évocateur dans ma description que le texte.

Oliver, fallait s'assumer un peu. Clairement, ton délire, c'est pas les nécromanciens, c'est les femmes-tigres. Fallait recentrer ton histoire là-dessus. À mon avis, non seulement tu l'aurais écrite avec beaucoup plus de facilité, mais ça aurait même probablement été un carton commercial.
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[03] Le Seigneur de l'Ombre - par Fitz - 10/09/2012, 20:29
RE: [03] Le Seigneur de l'Ombre - par Skarn - 25/06/2024, 16:36
RE: [03] Le Seigneur de l'Ombre - par Nico - 26/06/2024, 18:15
RE: [03] Le Seigneur de l'Ombre - par Vesper - 03/07/2024, 11:45
RE: [03] Le Seigneur de l'Ombre - par Skarn - 03/07/2024, 18:19



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